Ça n'était pas par plaisir, ou pour un certain amusement que je faisais des overdoses, non. C'était pas quelque chose que je déclenchais volontairement, parce que passer plusieurs jours dans le coma était fun, parce que les médecins étaient mes meilleurs amis ou que le fait de mettre ma vie en péril avait un côté grisant. J'allais mal, d'un mal psychologique que je ne savais pas contrôler et cet état provoquait une dépendance extrêmement amplifiée aux substances qui entraînait cette perte de contrôle qui m'amenait au blackout. Donc je ne pouvais pas me permettre de promettre à qui que ce soit que ça ne se reproduirait pas. D'autant qu'en ce moment, je n'avais pas une vision très optimiste du futur. Il lâcha ma main au bout d'un moment pour se lever et j'enfouis mon visage entre mes bras jusqu'à ce que j'entende sa voix. « Tu.. tu brûles le lit de Robyn ? » Mon cœur fit une vrille tandis que ce que j'avais cherché à éviter se réalisait. J'avais bien fait exprès d'attendre qu'on ne voie quasiment plus le lit dans les flammes pour lui demander de me rejoindre. Je me sentis défaillir en entendant l'éclat brisé dans sa voix. « Pourquoi..? » Je fermai les yeux, pinçant mes lèvres. Bon sang, j'étais tellement lasse d'avoir mal constamment qu'à force, j'avais l'impression de ne plus rien ressentir. « Je supportais pas de voir ça à chaque fois que j'ouvrais mon armoire. » expliquai-je simplement, mes yeux rivés sur le sol.

En reconnaissant les barreaux du lit qui se trouvait dans l'armoire de Billie, j'en ai conclu que c'était ce dernier qu'elle était en train de brûler. Pourquoi ? Je n'en avais aucune idée. J'avais l'impression, par ce geste, elle montrait plus aucun espoir pour retrouver ma fille. Bah oui, sinon elle l'aurait gardé et on l'aurait monté dès qu'elle serait de retour. Mais non, elle avait préféré le brûler plutôt que de le jeter ou le donner à quelqu'un qui en avait besoin. Et ça me déstabilisait parce que je ne savais pas trop comment interpréter ça. Proche de nouveau d'elle, je m'installais à la place où j'étais, le regard rivé sur elle. "Je supportais pas de voir ça à chaque fois que j'ouvrais mon armoire." Et je sentais mon coeur se resserrer encore, plus fort que tout à l'heure. Je venais alors me coller à elle, enroulant mon bras autour d'elle dans son dos et collant mon front à son crâne, fermant les yeux. Comment faire quand on était tous les deux aussi mal et qu'on pouvait rien faire pour se tirer vers le haut ? Je voulais une réponse à cette question parce que j'en avais marre d'être tiré vers le bas à cause de conneries futiles.

J'avais fait ça sur un coup de tête. Ce matin, j'avais ouvert mon armoire et j'étais tombée une fois de plus sur ce foutu lit à barreaux qui me narguait, me rappelait ce qu'on avait perdu et j'avais cédé à ce que j'avais envie de faire depuis un bail. Sans réfléchir, j'avais foutu le tout dans ma voiture en faisant plusieurs aller-retours et j'avais embarqué le baril qui traînait dans le jardin de la Mather. Je n'avais pas fait ça pour faire du mal à Alex, donc je n'avais absolument pas voulu qu'il voie ce que je venais de faire, pas que je regrettais ce geste, mais je savais qu'il ne le prendrait pas bien. Alors quand il le vit, je fus prise de remords et je lui expliquai doucement ma raison. Il s'était réinstallé à mes côtés et enroula son bras autour de moi, sa tête sur la mienne. Je me rapprochai de lui, fourrant mon visage dans son cou. « Si .. » J'inspirai longuement parce que ça me coûtait d'émettre cette hypothèse. « Si un jour elle revient, on en achètera un tous les deux .. celui-là m'aurait rappelé trop de mauvaises choses .. » Même si j'étais dépourvue d'espoir, c'était tout ce que je pouvais dire pour éviter de lui faire trop de mal.

J'avoue ne pas savoir trop comment réagir face à la vue que j'avais. Elle était en train de brûler le lit qu'elle avait acheté quelques temps auparavant, au retour du Spring Break, avant de savoir que Robyn avait été enlevée. Alors ouais, je savais pas trop comment le prendre parce qu'à la base, je prenais ça comme un manque d'espoir de sa part. Genre, elle se résignait au fait que Robyn ne ferait plus partie de notre vie. Mais non, je refusais que ça arrive. On devait la retrouver et la récupérer dans nos vies, coûte que coûte. Puis elle m'expliquait ses raisons et je n'eus que pour simple réaction de venir la prendre dans mes bras. Elle avait besoin de moi, de mon soutien, pas de m'entendre l'engueuler parce que ça me blessait. Elle avait fait ça pour elle, parce qu'elle souffrait.. c'était nécessaire d'en arriver là. "Si .." glissait-elle, son visage dans mon cou. "Si un jour elle revient, on en achètera un tous les deux .. celui-là m'aurait rappelé trop de mauvaises choses .." Je hochais la tête, resserrant mes bras autour d'elle. "D'acc.. On fera ça." Je déposais mes lèvres sur le haut de son crâne avant de me remettre comme j'étais.

J'étais persuadée que l'intégralité du lit avait brûlé avant qu'il arrive, mais il fallait croire que je m'étais trompée. En même temps, j'avais eu la tête tellement ailleurs que ça ne m'étonnait même pas que je n'aie pas remarqué que certains barreaux n'étaient pas encore partis en fumée. Les flammes dansaient, mais ça n'avait rien de joyeux ; c'étaient mes dernières miettes d'espoir qui se dispersaient dans la vapeur avant de s'effacer dans l'air et je ne me sentais pas plus légère. Bien au contraire, j'avais le cœur encore plus lourd, c'était décevant de voir que même quand je tentais d'agir, je ressortais toujours avec encore un peu plus de peine. Je tentai de rassurer Alex, lui faire croire que j'espérais toujours, que je continuais de croire qu'on allait la retrouver. Sauf que c'était faux, il ne s'agissait que d'un vulgaire faux-semblant pour éviter de blesser mon petit ami. « D'acc.. On fera ça. » Son étreinte se resserrait et je sentis ses lèvres se poser sur ma chevelure. Et pour ne pas craquer et fondre en larmes, je me blottis un peu plus contre son torse, inspirant lentement la seule odeur capable de m'apaiser. La sienne.