Les flammes vivaces dansaient devant mes yeux, exécutant une danse parfaite dont je ne savais me détacher. Je ne regrettais pas d'avoir fait ça, je ne m'en sentais pas mieux pour autant, ça n'avait pas soulagé ma peine. Il y avait une chose que je regrettais aujourd'hui : le coup de poignard que j'avais foutu à mon petit ami la veille, me laissant aveuglément emporter par ma colère. J'avais aussi un peu trop forcé sur les substances illicites avant de lui envoyer un message, grossière erreur. Parce que quand il m'avait annoncé qu'il avait ramené mon chien à Cambridge sans me prévenir, j'avais senti ma colère bouillir dans ma poitrine et dès qu'elle avait commencé à se faire remarquer, ça n'était qu'une question de minutes avant que ma fierté l'emporte sur l'efficacité de mes neurones. Je baissai les yeux au sol et passai deux mains sur mon visage, comme si j'essayais de me débarrasser physiquement de ce sentiment de stupidité. J'avais tout de suite regretté mes propos, mais le fait qu'il ramène mon overdose sur le tapis m'avait confortée dans ma colère, m'empêchant de revenir sur mes paroles. L'herbe était fraîche contre mes jambes, mais je me sentais bien trop lasse et fatiguée pour essayer de me tenir debout. Et puis c'était un bon contraste avec la chaleur qui se dégageait du baril.

Les mots échangés la veille étaient violents et, même si j'étais pas sobre, clean ou ce que vous voulez, je m'en souviens parfaitement. J'avais ramené Simon à la Mather House parce que, mine de rien, il me manquait et que ce manque, contrairement à celui de ma fille, je pouvais le combler. Sauf que Billie, la maitresse de ce chien tout blanc, était loin d'être d'accord avec l'initiative que j'avais pris. Elle m'avait limite obligé à aller le ramener dans le Vermont, chose que je refusais. Evidemment, j'allais m'en occuper de ce chien, ça me permettrait de remonter sûrement la pente plus rapidement. Je sais pas encore. Mais du coup, j'avais passé la nuit avec lui dans ma chambre. J'avais rangé toutes les affaires de Robyn, qui me faisaient mal au coeur quand je les voyais trainer. Du coup, le chien avait la place qu'il voulait. Bien dressé, il ne foutait pas trop le bordel et dès que je pouvais, je passais du temps avec lui pour qu'il évite la déprime. Seulement, ce soir j'allais être obligé de le laisser puisque Billie me demandait de la rejoindre, à l'extérieur de la ville. Je savais qu'elle était désolée des mots portés hier soir et j'avoue ne pas être fier moi non plus. Pour cette raison, je ne rechignais pas et j'allais me préparer pour la rejoindre. La voiture était calme, sans musique et je me contentais de tapoter sur le volant, stressé malgré tout. Finalement, j'arrivais à destination et je remarquais qu'elle avait fait une feu. Fronçant les sourcils, je venais à sortir de la voiture, claquant la portière et je me dirigeais vers elle. "Salut.." avouais-je en m'installant assis à côté d'elle bien que mon regard restait rivé sur le baril qui arrivait à contenir le feu qui se consumait à l'intérieur.

Je m'étais promis de ne jamais reprocher quoi que ce soit à Alex quant à la disparition de sa fille. Parce que dans les rares moments où je n'étais pas défoncée, je me rendais compte qu'il n'avait pas la moindre part de responsabilité là-dedans. J'avais échoué en lui reprochant de m'avoir fait mal indirectement, parce qu'il avait forcé sa fille dans ma vie, m'avait en quelques sortes obligée à m'attacher à elle et maintenant qu'elle n'était plus là, j'avais le cœur en mille morceaux. J'étais vraiment une abrutie finie quand j'avais mal et ça n'avait pas été arrangé par l'annonce qu'il comptait garder mon chien avec lui alors que je lui avais expressément demandé de le ramener dans le Vermont. J'étais toujours en colère contre lui de n'en faire qu'à sa tête, mais on pouvait dire que la culpabilité quant à mon comportement débile surpassait ça pour aujourd'hui. « Salut.. » Je tirai mon regard du feu en entendant sa voix, venant le poser sur lui tandis qu'il fixait le baril. « Hey .. » répondis-je d'une petite voix, posant ma joue sur mes genoux en le regardant toujours. Faire le premier pas, je ne connaissais pas vraiment, ma fierté l'emportait quasiment à chaque fois. Mais là, j'avais besoin que ça s'arrange entre nous. Alors doucement, je vins poser ma main sur l'une des siennes, nouant nos doigts et redressant ma tête. « J'suis désolée .. » Je ne le quittai pas des yeux, je voulais qu'il soit capable d'y lire ma sincérité.

Si j'avais une idée de la présence de Billie à cet endroit ? Pas du tout, au contraire. Seulement, je ne pense pas être dans la position où je pouvais lui demander quoique ce soit. Donc je me contentais de m'y ramener. Je fus surpris de voir de la fumée s'échapper et quand j'aperçus le baril en feu, je comprenais qu'elle brûlait quelque chose. La question qui persiste, c'est qu'est-ce qu'elle brûle ? Mais ça encore, je ne pense pas le lui demander immédiatement, on avait certainement d'autres chats à fouetter, comme les paroles échangées hier soir. C'était assez violent nos SMS et je suppose que si on est là, c'est qu'on les regrette tous les deux. Elle m'avait reproché d'avoir inclus ma fille dans sa vie et je lui avais reproché son overdose. Autant dire, deux sujets bien sensibles à souhait. "Hey .." Me répondait-elle alors que je m'installais à ses côtés, les yeux rivés sur le baril en feu. Je préférais regarder les flammes danser plutôt que croiser son regard et me sentir encore mal. Cependant, je sentais le sien sur moi, ce qui me confortait dans l'idée de rester comme ça. Avant-bras posés sur mes genoux pliés, je restais comme ça à regarder le spectacle devant moi, la laissant glisser ses doigts entre les miens. "J'suis désolée .." Je baissais la tête, inspirant assez fort pour faire rentrer assez d'air avant de tout expirer. Déglutissant, je tournais finalement la tête vers elle, le visage fermé. "Tu pensais réellement c'que tu m'as dit hier..?" demandais-je par curiosité, et également pour savoir si ses excuses étaient réelles ou pas.

Présenter des excuses, c'était vraiment un exercice dont je n'avais pas l'habitude. Avant, je ne m'excusais jamais des choix que j'avais faits, j'assumais toujours mon comportement et mes réactions jusqu'au bout, même si ça devait me brouiller avec quelqu'un. Sauf que cette fois, le quelqu'un était mon petit ami. J'apprenais jour après jour en quoi consistait cette idée, rien n'était acquis, je n'étais qu'au début de mon apprentissage. Détruire vingt et un ans de barricades, ça prenait un bon moment et je n'en voyais pas le bout. Parfois, j'agissais encore comme si je n'avais personne d'autre à prendre en compte, j'oubliais quel était le concept d'une relation de couple. Je suppose que ça devait arriver à tout le monde. Je glissai ma main dans la sienne mais en le voyant rester de glace, je la retirai rapidement et posai mon menton sur mes genoux, fixant encore le feu dansant. « Tu pensais réellement c'que tu m'as dit hier..? » Les yeux dans la vague, je restai silencieuse un moment, réfléchissant à comment expliquer correctement les choses. « Oui et non. » commençai-je en me redressant un peu. « Je pensais tout ce que je t'ai dit pour Simon, mais je suis allée trop loin dans mes propos sur Robyn .. » Même si j'avais le cœur brisé parce que je m'étais attachée à elle, ça n'avait jamais été mon intention de porter la faute sur Alex.

Je savais pas trop ce que je faisais là. Enfin si, je voulais me réconcilier avec Billie dans la mesure où j'étais encore plus mal quand on était en froid. Mais ça changeait pas le fait que j'étais en colère contre elle. Après tout, elle me reprochait d'avoir fait rentrer Robyn dans sa vie et qu'elle s'y soit attachée. Nan mais... sérieusement ? Comment elle me reprochait ça alors que je lui disais simplement que j'avais besoin de Simon pour aller ne serait-ce qu'un peu mieux. Bon, j'avais aussi été récupérer le chien pour pas qu'elle m'en empêche et sans lui dire quoique ce soit alors ça expliquait un peu sa colère... mais pas ses propos. Sa main se défaisait finalement de ma main et elle fixait le feu tout comme moi. "Oui et non." Je sentais mon coeur se resserrer, ne sachant pas de quoi elle parlait alors j'appréhendais. "Je pensais tout ce que je t'ai dit pour Simon, mais je suis allée trop loin dans mes propos sur Robyn .." J'étais tout de même soulagé de savoir qu'elle ne me tenait pas responsable de son mal être suite à la disparition de ma fille. Je tournais alors la tête vers elle et après un élan de courage, j'attrapais sa main pour glisser mes doigts autour des siens. "J'suis désolé... pour c'que j't'ai dit à propos de ton overdose." Déjà pour ça, Simon, on verra pour la suite.

J'avais réellement bouilli de colère quand il avait tout bonnement ignoré mes demandes pour qu'il ramène Simon dans le Vermont. Déjà, je n'avais pas apprécié qu'il aille le chercher sans me demander la permission, ça montrait bien qu'il devait savoir que je ne serais pas d'accord. J'avais laissé mon chien chez un ami à moi qui s'était occupé de lui pendant que j'étais en République Dominicaine, il était bien là-bas ; il avait de la place pour courir, quelqu'un qui s'occupait bien de lui et surtout, il n'aurait pas à ressentir la peine qui me détruisait. À chaque fois que j'allais mal, je voyais bien que ça se répercutait sur lui et je n'avais certainement pas envie d'infliger ça à un animal qui n'avait rien demandé. Alex allait encore plus mal et selon moi, c'était égoïste de sa part de ramener Simon à Cambridge. Pour Robyn, je reconnaissais être allée trop loin. Mais est-ce que la drogue n'avait pas tout simplement démontré le fond de ma pensée ? J'en avais plus aucune idée. Il glissa sa main dans la mienne et je continuai de regarder la vapeur qui se dégageait au-dessus des flammes. « J'suis désolé... pour c'que j't'ai dit à propos de ton overdose. » Je passai ma main libre sur mon visage plusieurs fois, déglutissant difficilement en repensant au moment où il m'avait attaquée là-dessus. « C'est rien .. c'était qu'une question de temps avant que ça resurgisse. J'suis pas assez naïve pour croire que tu m'en veux pas d'en avoir fait une. » ... Encore. Encore une, aurais-je dû dire. Mais même si je reconnaissais les faits, je n'allais pas m'enfoncer non plus.

J'étais loin d'être au top de ma forme et je m'étais dit fuck, Simon me manque et contrairement à ma fille, je pouvais le récupérer. Certes, c'était le chien de Billie mais je l'avais depuis peu adopté comme le mien et je ne voulais pas vivre sans lui un jour de plus. J'avais fait le voyage jusqu'à la maison de l'ami de Billie et j'avais tout bonnement récupéré le chien. Comme ça. Et ça avait forcément entrainé une dispute entre elle et moi où les mots étaient allés loin... très loin. Pour preuve, on en serait pas là si les mots n'étaient pas sortis tels qu'ils étaient sortis. Et encore, ce n'était que des sms. Je me demande ce que ça aurait donné en face à face. Violent, très violent à mon avis. J'avais pas réagi quand elle avait glissé sa main dans la mienne, ce qui avait eu pour répercussion qu'elle la retire. Mais moi, je la voulais sa main donc c'était à mon tour de la glisser dans la sienne. Bon, elle ne réagissait pas trop mais je m'en fichais. J'avais un contact et je m'en contentais. "C'est rien .. c'était qu'une question de temps avant que ça resurgisse. J'suis pas assez naïve pour croire que tu m'en veux pas d'en avoir fait une." D'en avoir fait une nouvelle. La vision d'horreur, c'était la deuxième fois que je l'avais et, certes, la première fois nous étions pas très proches mais suffisamment pour que je m'inquiète pour elle, et là, j'étais amoureux d'elle et c'était du coup dix fois pire. Je baissais la tête, collant mon front à ma main libre tandis que je gardais la sienne dans l'autre. "N'en refais juste plus.. s'il te plait." C'était tout ce que j'avais à dire sur le sujet à présent. Et je n'allais pas aborder le dernier sujet, la base de la dispute, parce que je resterai campé sur mes positions.

En faisant cette overdose en Février, j'avais posé le pied sur une bombe qui n'attendait que je détourne mon attention pour exploser. Et au moment où je l'avais fait, ça n'avait pas manqué : Alex avait ramené ça sur le tapis au moment où je m'y attendais le moins et même si j'avais songé de nombreuses fois à cette éventualité, ça m'avait quand même fait la même impression qu'un bâton de dynamite. Je m'étais déjà excusée plusieurs fois d'avoir été jusque là donc cette fois, je ne m'excusai pas. De toutes façons ça n'était pas le point principal de notre dispute, même si ça m'avait quand même percé le cœur. Non, d'une petite voix, je lui expliquai que je savais que ça n'était qu'une question de temps, que je savais pertinemment qu'il m'en voulait toujours. Sauf que je ne pouvais rien y faire. « N'en refais juste plus.. s'il te plait. » Je resserrai ma main sur la sienne en me mordant les lèvres, collant mon front contre mon bras. Est-ce que je pouvais prédire l'avenir ? Non. Je ne pouvais pas non plus me permettre de lui promettre une telle chose, parce que je ne voulais pas y faillir et comme visiblement j'avais du mal à me contrôler quand j'étais au plus bas, j'ignorais si celle-ci serait la dernière. J'espérais, mais je ne pouvais pas en être certaine. Redressant la tête, je me contentai d'acquiescer plusieurs fois, comme pour dire 'ok'. C'était aussi loin que je pouvais aller sur ce sujet et ça devrait être suffisant, malheureusement.

J'essayais de changer, d'être meilleur.. mais faut croire que je suis pas encore au point quant au fait de lancer des vérités blessantes dans la face des gens que j'aime. C'était pas la première fois que ça m'arrivait et je suis sûr que ça ne sera pas la dernière fois. Cependant, je venais quand même m'excuser puisque c'était inapproprié et parce que, mine de rien, je n'aimais pas qu'on soit en froid elle et moi. Donc dès que les excuses étaient faites, je lui rappelais de ne plus me faire subir ça, puisque c'était déjà la deuxième fois quand même, et elle ne répondit rien. Juste... elle hochait la tête, regardant le feu s'élancer vers le ciel. D'ailleurs, je me demandais ce qui était en train de brûler et j'allais le lui demander, curieux de savoir pourquoi elle se trouvait en cet endroit quand je vis en fait, à travers les flammes, des barreaux. Je ne tiltais pas sur le coup, je restais juste à regarder les barreaux. Et en fait, je finissais par lâcher sa main pour me redresser et faire le tour afin de confirmer mes soupçons... "Tu.. tu brûles le lit de Robyn ?" Je levais alors le regard vers ma petite amie, étonné d'assister à ce spectacle. En fait, ça me blessait parce que j'arrivais pas à comprendre. Elle n'avait pas la foi de retrouver ma fille ? Elle abandonnait tout espoir ? Ca me tordait le coeur de penser ça. "Pourquoi..?" Je me rapprochais alors d'elle, ne cessant de la fixer pour avoir une réponse assez rapidement.