Il fallait bien que tu retournes en cours un jour, Landon. Cette idée ne t'enchantait guère mais tu y voyais une porte de sortie, une distraction pour éviter de rester en boucle sur les mauvaises pensées qui tournaient dans ton esprit. Il faut dire que tu n'étais pas loin du point de rupture, en quelques semaines tu avais perdu ton logement, ton boulot et maintenant ton couple prenait l'eau, et tu ne savais pas comment sortir de cette situation. Tu tournais comme un lion en cage, tu avais vaguement songé à prendre exemple sur Mina et de tout plaquer pour recommencer ta vie ailleurs. Tu étais trop en colère pour l'instant, au train ou vont les choses, si tu partais, tu n'envisageais pas de prendre Jinx avec toi parce qu'elle faisait partie du problème. Tu avais beau essayer de l'aimer de tout ton cœur, tu avais l'impression que ce ne sera jamais assez, à plus forte raison que ces derniers temps tu prenais plusieurs claques dans la gueule, tu sentais que tu n'étais pas important, que tu passais après les autres. Tu étais d'autant plus en colère qu'après votre saint Valentin avortée, elle avait tout simplement disparu sans laisser de traces. En fait, tu étais surtout en colère contre toi-même parce que tu regrettais cette dispute, tu étais persuadé que si tu avais pris de la hauteur par rapport à toute cette histoire, les choses auraient été très différentes. Finalement, aller en cours n'avait pas eu l'effet escompté, tu ne parvenais pas à mettre ton esprit sur pause. Tu étais pâle comme un mort, en sueur, alors que tu gérais les conséquences d'une gueule de bois monstrueuse. Tu n'en étais pas fier mais hier soir, tu avais picolé pour oublier ta peine, pour chasser ces pensées délétères. Voilà bien longtemps que tu n'étais pas allé en cours à moitié défoncé, parce qu'en plus de ça tu avais ressenti le besoin de fumer un peu de weed pour essayer de te détendre un peu. Au vu de ton humeur générale, c'était même une chance que tu n'aies pas fait un bad trip. Sous le regard interloqué de tes camarades de cours, tu te levas brusquement de ton siège, sur lequel tu étais mal assis, pour sortir prendre l'air, laissant tes affaires là, pensant les récupérer plus tard. Tu sentais la crise d'angoisse arriver, tu avais besoin de prendre l'air, respirer. À cette heure-ci, le couloir était désert, aussi tu t'adossas au mur pour ne pas tanguer et t'effondrer. Tu respirais fort, tu passais tes mains sur ton visage couvert de sueur, et, un instant, tu fermas les yeux, juste pour respirer.  

C'était le chaos dans ta tête. Ton esprit ne supportait plus cette surcharge émotionnelle, toi qui avais toujours des émotions très stables, tu te sentais noyé dans cette tempête. Tu pensais pourtant que recevoir des nouvelles de Jinx quand tu n'en attendais plus allait au moins t'apaiser, mais tu t'étais senti vriller quand tu as appris que l'autre était impliqué, que c'était lui qu'elle voulait auprès d'elle et pas toi. L'amour blessé tu encaissais les infos qui te parvenaient au compte gouttes. Tu ne déconnais pas tant quand tu disais à Ollie que ce n'était pas grave si tu te plantais en moto, parce que tu sois toujours là, en vie, en soi, était une anomalie, un bug dans l'équilibre de l'univers, une imposture. Tu te sentais incapable de profiter des deuxièmes chances que l'on t'offrait, tu ignorais si tu pourras te sentir heureux un jour, parce que c'était une émotion qui était inconnue au bataillon. Tes démons grignotaient le peu de lucidité que tu avais parfois, comme c'était le cas en cet instant précis. Tes mains plaquées sur le visage, tu t'efforçais de te reprendre, de compartimenter mais tu étais trop usé, l'âme à vif, le cœur écartelé. Le monde te paraissait gris et froid, comme un ciel d'hiver, quand le temps tournait à la neige. Tu claquais même des dents, engourdi par le froid alors même que tu étais trempé de sueur. Tu n'avais pas entendu l'intrus arriver, seule sa voix te parvenait, lointaine, se frayait un chemin péniblement jusqu'à ton cerveau qui déraillait. Reprends-toi! La douleur était trop forte, trop vive, tu te sentais littéralement en souffrance, incapable de réagir aux stimulus extérieurs, prisonnier de ton esprit. Tu sursautas violemment quand tu sentis un contact sur ton bras, comme si tu venais de te brûler. C'était la pire idée du monde de te toucher alors que tu faisais ce genre de crise - inconsciemment, tu savais ce qui était en train de se passer mais tu ne savais pas comment le verbaliser. Ton regard rempli de larmes se posa sur la fille brune qui te faisait face. Pourvu qu'elle ne t'en veuille pas de ne pas avoir réussi à l'identifier mais tu n'étais pas en capacité de le faire. Tu la voyais sans vraiment la voir, à dire vrai, tu avais conscience qu'elle était là mais tu n'avais que peu de prise dans le monde réel. "Je crois que je n'ai plus envie de vivre." Tu articulas, l'air dépité, comme si tu venais d'avouer une faute. Bien sûr, tu ne t'adressais pas spécifiquement à elle, en réalité tu aurais très bien pu le dire à n'importe qui d'autre mais telle était la cruelle vérité, elle t'était apparue de façon limpide au beau milieu de ce chaos. Tu clignas des yeux, désorienté. "Mon cours." Tu balbutias , en jetant un regard dans la direction d'où tu provenais. "J'étais en cours." L'image de l'amphithéâtre t'apparaissait plus nettement, alors que tu regardais autour de toi. Tu semblais reconnaître le bâtiment où tu suivais tes cours et tu te sentais encore plus dépité. "J'ai tout laissé. Je devais sortir." Ta voix, comme tout le reste, te parvenait, lointaine. Tu te sentais oppressé, angoissé, comme si tu venais d'émerger d'un horrible cauchemar.