La nuit a été trop longue et elle a beaucoup trop pleuré. Les choses se sont pourtant rapidement enchaînées, les urgences, le diagnostic, la vérité, l’hospitalisation et comment la fin de cette grossesse allait se passer. Des informations qu’elle ne désirait pas entendre, qui se sont bousculées dans son esprit, presque entrechoquées, peut-être parce qu’elle les refusait. Et les justifications qui ne lui convenaient pas, « Ca arrive, parfois. », « Ce n’est pas votre faute, c’est comme ça. », « C’est que quelque chose n’allait pas, il ne devait pas naitre… Les choses sont bien faites, vous savez. » Mais non, elles ne le sont pas, et c’est tout ce qu’elle était capable de penser. Rien, n’est bien fait. L’injustice finit toujours par l’emporter. Et son ventre bientôt vide, injuste, voilà tout ce que c’est. La vie comme bourreau et le chagrin en destinée.

Elle ne sait plus à quelle heure elle est montée en chambre, ni même quand elle a sombré, ou encore à quel instant Dan a décidé de rentrer. Evidemment, elle a tenu Sheng au courant, nourrissant l’espoir de le voir accourir à ses côtés rapidement, incapable de vivre seule, un tel moment.
Durant son sommeil, les rêves et les cauchemars se sont mélangés, une spirale infernale de laquelle elle n’a pas réussi à se tirer. Sa colère et sa tristesse nourrissant son repos agité. Des émotions bercées par la douleur, par le manque déjà présent en son cœur.

Elle n’a pas toutes les images en mémoire, lorsqu’elle ouvre difficilement ses yeux, mais vu la teneur de sa nuit, c’est peut-être mieux. Deux ou trois battements de cils plus tard, elle remarque sa silhouette courbée, assis à son chevet. La vague de regret qui l’assaille, elle lui donne des envies de disparaître, comme s’il y avait trop de douleur à supporter en son être. Un soupir s’échappant de ses lèvres, songeant que c’est difficile de les desceller, « Je suis désolée… » c’est la seule chose que pour le moment, elle arrive à articuler. Désolée de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas avoir su le garder.

Elle ne saurait dire où se trouve l’origine de ses maux, quel organe est le plus douloureux, elle a envie de croire que c’est son cœur qui saigne, mais elle est persuadée que ça brûle dans toutes ses veines. Un poison qui s’est distillé au fil de la nuit qu’elle a passé. Une septicémie que personne n’aurait pu guérir. Le bonheur peut si vite mourir.

Mais dans sa souffrance, elle se rassure comme elle peut grâce à sa présence. Elle n’aurait pas supporté d’avoir à se heurter à la solitude au réveil, car même s’il avait eu du mal à l’accepter, cette grossesse c’était à deux qu’ils la vivaient. Elle tremble lorsque sa paume rejoint la sienne, sous ses paupières fermées elle essaie de contenir sa peine. Ça la brûle tellement qu’elle n’ose plus le regarder, elle n’est pas certaine de pouvoir assumer. Dans un murmure, il se veut consolant, « c'est pas ta faute. » Peut-être que ça ne l’est pas, cependant elle se sent porteuse de ce poids. Elle qui était si convaincue de pouvoir y arriver, de savoir où elle mettait les pieds. Qui n’avait pas envisagé, ne serait-ce qu’une seule seconde, cette possibilité. « J’n’ai pas … » mal agis, fais ce qu’elle ne devait pas, elle faisait attention, calculait la moindre de ses actions, « Ce n’est pas ce que je ressens. » elle s’entend prononcer le timbre de sa voix bercée par la fébrilité, elle même troublée par son honnêteté. Si se morfondre ne sert à rien, elle ne peut pas s’en empêcher pour autant, elle déteste comment la vie peut basculer, tout simplement.

Elle se veut rationnelle, elle n’espère pas sombrer, mais quand sa main libre s’égare sur son ventre, elle rencontre des difficultés à se dire qu’il n’y a plus de vie en son antre… Alors elle remonte finalement sa paume sur son front, elle palie une migraine factice, elle essaie de se dérider, malaxe ses yeux dans l’espoir de garder ses larmes, de les cacher. Et tente de s’ancrer seule dans la réalité à s’aventurer à articuler, « Ils ont prévu une intervention dans la matinée. » ses paroles, elles ne lui paraissent pas plus réelles que ça, comme si on lui avait mis de force dans la bouche. L’hérésie qui la touche. Une fausse couche. Mais pour elle, rien n’était faux, c’était même un peu trop beau.
C’est sa tristesse qui la pousse lui souffler, « Tu restes ? Tu m'attends ? » Qu'il soit toujours là lorsqu'en chambre, elle remontera. Elle ressent le besoin de lui demander, si elle craignait qu’il parte au moment où elle avait découvert son existence, le sentiment est décuplé à présent car il s’était fait à l’idée de cette future naissance.