8 janvier 2024

De retour sur Boston depuis samedi, le décalage horaire m'avait tué. Une journée complète pour s'en remettre sans compter les courbatures provoqués par l'exercice excessif de ces derniers jours. Il était temps que je me remette sérieusement au sport.

Une bonne douche pour commencer la journée et me réveiller, j'attache mes cheveux en arrière avant d'aller m'habiller. Je bénissais Nox d'avoir trouvé un appart aussi bien connecté et insonorisé, ça me permettait d'avoir la musique à un volume déraisonnable dans tout l'appartement. Ouvrant la porte du frigo, la réalité se rappela à moi. J'avais tout fini avant de partir pour la Suède. Pestant entre mes dents, j'enfile ma veste et prend mes clés pour aller faire quelques courses.

La capuche sur la tête afin de me protéger du froid mordant de janvier, je m'arrête au Starbuck pour prendre un café à emporter avant de continuer ma route vers le supermarché. Les écouteurs dans les oreilles, buvant parfois quelques gorgées de liquide chaud, je sens un frisson parcourir mon échine. Un mauvais pressentiment qui me secoue les entrailles. Cherchant à comprendre l'origine de ce sentiment, je n'ai pas le temps réaliser la situation que je me retrouve face à l'une des personnes que j'ai le moins envie de voir. Mercutio. Me figeant sur place lorsque mon regard croise le sien, les paroles d'Ava me reviennent en mémoire. Je m'apprête à tourner les talons pour partir dans l'autre sens lorsque je sens un main se refermer sur mon poignet libre.

@Mercutio Pazelius

Mon cœur se met à battre à tout rompre dans ma poitrine, a en être douloureux. L'air me manque, j'ai l'impression d'étouffer. Les spectres du passé refont surface, prêts à m'engloutir de nouveau. Cet homme que j'avais aimé à la folie... Ce même homme qui m'avait entrainé aux portes de la mort. Mon amour de l'époque était équivalent à la haine que je lui avais porté. Maintenant je voulais juste l'oublier. Comme un cauchemar dont on se réveille aux premières lueurs de l'aurore. Mais ses doigts s'enroulent autour de mon poignet et son contact réveille le monstre endormi à l'intérieur. J'essaye de me concentrer sur les paroles d'Ava pour ne pas perdre pieds. Mais peu à peu la colère prend le pas sur le reste et je me surprend à lui répondre. T'as perdu le droit de m'appeler comme ça... Je sens la chaleur de ses doigts traverser ma veste, cela me provoque un nouveau frisson. Une partie de moi voulait fuir, l'autre voulait aller à la confrontation. Je n'avais jamais eu l'occasion de lui rendre le mal qu'il m'avait fait.

Tirant d'un coup sec pour lui faire lâcher prise, je me retourne vers lui. Mes yeux noirs se plantant dans son regard, affrontant mes craintes et mes douleurs passés. Ma mâchoire est crispée et tombe presque des nues lorsque je l'entend s'excuser. Je secoue la tête et arrive finalement à articuler. T'aurais du le faire lorsque ça avait encore du sens ou de l'importance. Mon regard est accusateur et rancunier. Je me mord l'intérieur de la joue, cherchant à contenir la colère que je sens monter. Me détournant, je souffle du nez dans une brume blanche à cause de la température, en secouant la tête. Mon esprit me dit de partir mais mes jambes restent plantés sur place. Si j'étais six pied sous terre, tu te serais excusé aussi ? Parce que c'est là que tu m'as presque envoyé... Retournant à la confrontation de nos regards.

Oeil pour oeil. Dent pour dent. C'était une doctrine que j'appliquais depuis ma plus tendre enfance. Contre ceux qui me voulaient du mal. Mes sentiments de l'époque l'avaient protégé du retour de flamme qui le menaçait. Il m'avait détruit et au lieu de lui rendre la monnaie de sa pièce, j'avais continué ce qu'il avait commencé. Portant mon propre être dans les méandres des abysses. Les choses étaient différentes aujourd'hui, mon amour pour lui avait disparu et malgré mes souvenirs, plus ou moins doux, je ne craignais plus de répliquer. Essayant de calmer les craintes restante, je lui faisais face avec toute l'assurance que je pouvais avoir.

Mais sa réaction me perturbe... Pourquoi réagit-il comme si ça le touchait de plein fouet ? Marquant une pause, je détaille son expression et un sourire narquois vient se dessiner sur mon faciès. Quoi ? Ca t'étonne ? Qu'est-ce que j'ai ressenti d'après toi quand j'ai réalisé que tu te foutais de ma gueule ?! Ma voix commence à porter dans la rue. La douceur habituelle de mon timbre laissant place à la rancœur de mes sentiments. Enfouie au plus profond de mon âme depuis des années. Aurait-il été préférable qu'elle reste là bas jusqu'à la fin des temps.  Je t'aimais à en crever, Mercutio... Mais t'étais bien trop occupé à te taper tout ce qui bougeait autour pour le réaliser... L'amour est la mort de la tranquillité d'esprit. Rien ne faisait plus mal que ça, surtout lorsque comme moi, le palpitant se donnait bien trop facilement. La trahison n'en était que plus brutale.

Soufflant à nouveau entre mes lèvres, je détourne le regard de sa personne. Les réminiscences du passé commençaient à refaire surface alors que la bise glacée commençaient à geler mes poumons à chaque inspirations. La gorge se fait plus sèche, j'ai des difficultés à respirer correctement. Rigolant nerveusement à sa question, je secouais la tête avant de répondre. Rien du tout... Justement. Plus rien n'avait d'importance. Plus d’appétit. Plus de raison de continuer. Attendre que la faucheuse vienne me rendre visite. Je ne devais mon salut qu'à la seule maîtresse qui ne m'avait jamais trahit. Le meilleur des traitements. La musique.

Non. Je ne suis pas intelligent. Je ne suis qu'un gamin qui voit la vie par le prisme de ses écrans. Qui essaye de se faire une place dans le monde réel sans en comprendre tous les codes. Je ne veux pas être le meilleur. Je veux seulement être moi. Mais y a-t-il seulement une place dans ce monde pour cette version ? Le temps passe et j'en doute de plus en plus. Je continue de l'observer alors que je lui balance ce que j'ai sur le cœur depuis tant d'années. Pourquoi est-ce que c'est si dur...? Je pensais que ça me soulagerait mais rien ne se passe.

Si... T'as préféré faire ça dans mon dos plutôt que d'en discuter avec moi... Je pense que j'aurai pu accepter beaucoup de chose de ta part... Si tu avais pris le temps de te confier à moi. De me confier tes peurs et tes angoisses. On aurait peut être pu surmonter tout ça. Je secoue la tête. T'as jamais regardé la clé USB que j'avais laissé donc... Je lui avais fait ma déclaration par vidéo à l'époque. En chanson. Je n'avais pas eu le courage de le faire en face alors le faire à travers un écran m'avait semblé plus facile. J'avais voulu récupérer la clé lorsque j'avais appris ce qu'il avait fait mais je n'avais jamais pu remettre la main dessus.

L'appeler ? Ca aurait changé quelque chose ? On ne change pas le passé. On ne peut qu'accepter ce qu'il engendre dans le futur.

Une boule se forme au niveau de mon estomac, je me sens mal. Le cœur au bord des lèvres. Le contact d'une nouvelle main qui glisse sur mon bras et mon corps se crispe de nouveau. Pourtant la voix est rassurante cette fois. Quittant des yeux, Mercutio, je baisse le regard vers Ach. Je m'autorise à respirer de nouveau. Ouais... Ouais, ça va Ach. Je pose ma main libre sur celle de la jeune femme. Mon café est froid maintenant. Mes perles noires remontent vers Mercutio et je souffle du nez. T'es encore paumé aujourd'hui, pas vrai ?