Bien avant de vivre à Boston, c’était déjà cette période qui l’attirait le plus dans cette société. Et ce n’étaient pas les cadeaux qui lui donnaient envie, mais bel et bien la magie associée à Noël. Chez elle, évidemment, c’est une fête qui n’existe pas vraiment. La célébration est celle du solstice d’hiver, les amérindiens remerciant les biens-faits et les dons naturels de la terre. Alors depuis qu’elle vit ici, elle aime se laisser porter par cette ambiance unique à souhait. De plus, la brune ne saurait mentir, être avec Sheng rend ces instants encore plus enchantés. Si leur premier Noël ensemble avait été un véritable fiasco, depuis deux ans maintenant, l’étudiant accepte de se prêter au jeu du retour à l’enfance et elle de se délecter de sa présence. Et l’idée que c’est le dernier qu’ils vont passer à deux rend l’amérindienne simplement heureuse, certaine que c’est de la bonne personne qu’elle est tombée amoureuse.

Et flânant dans les allées du marché de Noël, appréciant les effluves hivernaux, cannelle et chocolat chaud se mélangeant dans une harmonie plaisante, elle craque un sourire lorsque Sheng s’égare à fredonner, « Last Christm…. I….my… ♫ » transportés dans une comédie romantique, bien loin du scénario du Grinch bien qu’elle ait l’impression que tout comme celui du Chou vert, le cœur de son partenaire a, lui aussi, bel bien grandit de trois tailles et demi.
De sa vision qui glisse sur les différents stands, il efface son moment d’égarement chantant. Alors dans un mimétisme incontrôlé, elle suit le chemin de ses prunelles pour arrêter les siennes sur la panoplie de bonnets de Noël, regrettant quasiment de ne pas porter le sien. « Tu crois qu'il neige à la Wind River ? » D’abord, elle a le réflexe de regarder le ciel, mimant une moue légèrement boudeuse face au fait qu’ici, les flocons se font rares, bien loin d’avoir de quoi construire un bonhomme de neige, un soupir s’échappe des lèvres de l’amérindienne provoquant un léger nuage de fumée… Bien sur qu’il neige chez elle, et il lui suffit d’un simple battement de cils pour visualiser les sommets blancs qui constituent les souvenirs de son enfance. « Je n’en doute même pas, et je suis sûre que le lac a gelé. » Une patinoire naturelle, un spectacle irréel. Et à la lisière de souffrir de nostalgie, c’est un autre sujet de discussion qu’elle choisit, « Alors, il te manque qui ? » Comme cadeau de dernière minute, elle, elle a déjà tout terminé, sachant que dans le renforcement de la portière de la voiture de Sheng, Haiwee a laissé l’un des petits paquets que par message, elle lui a envoyé. Faute de lui en retirer un… Elle compte lui offrir un préambule aux cadeaux de demain.

La nostalgie de ses hivers originels passés, elle se concentre donc naturellement sur les cadeaux qu’ils sont venus rechercher. Après tout, il est vrai que la brune a perdu espoir de pouvoir souhaiter comme il se doit un joyeux Noël à ses parents, de toutes les manières, elle n’est pas certaine qu’ils apprécieraient. Si avant les cultures modernes pouvaient ne serait-ce qu’un peu les amuser, maintenant qu’elle a décidé de ne plus rentrer, elle ne doute pas que c’est une véritable aversion envers ces dernières qu’ils ont développée. « Manfred et Manny. » Elle hoche le visage, comprenant rapidement que ce sont donc deux cadeaux assez importants… Deux personnes qui ont dans sa vie, des places de choix, « Manny, un vin, une bouteille, lui suffira. » Ca la surprend un peu, car elle se dit qu’elle aurait fait un effort un peu plus pousser pour Lilia, mais ça doit être un truc d’homme ou quelque chose comme ça, « Mais pour … » celui qui veille sur lui, il semble plus compliqué, le choix.

L’amérindienne en a un sourire ému, observant l’homme qui se tient à côté d’elle, se délectant de l’affection qu’il porte au vieil homme, car elle aussi, l’apprécie. Lorsqu’elle vivait avec eux, Manfred était toujours attentionné, à l’image d’un père envers sa fille, quand elle sombrait sur le canapé, le plaid qui la couvrait au petit matin, elle savait que c’était lui qui l’avait déposé. Alors ses prunelles sondant les différents stands et chalets, elle tente de trouver quelque chose d’unique qui pourrait convenir à celui qui pour Sheng a tant fait. Se laissant surprendre par la voix de l’Adams à ses côtés, auscultant l’endroit où bientôt le père Noël se tiendra, « Il se fait prier » un peu peut-être, néanmoins il en a le droit puisque c’est lui la vedette.
Les couronnes de Noël, les lutins, le gui et le reste ne sont que superflus face à l’arrivée du barbu. « Tu veux l’attendre ? » La vraie signification de cette question, elle se trouve dans le sourire de l’étudiant mais aussi dans ces gestes, « qu’il te souhaite un joyeux Noel aussi. » les paupières plissées, elle observe celui qui lui impose une proximité… Dont elle se délecte à dire vrai. Ca fait partie de ces plaisirs dont elle peut jouir, maintenant, bien que son visage n’en devienne pas moins rougissant lorsqu’ils sont entourés d’autres gens, « Tu prendrais le risque que je parte avec lui ? » qu’elle interroge armée de son petit air de défi, « Il a un traîneau volant, voyage avec facilité, habite dans une région reculée et enneigée… » Tout pour lui convenir, si on en oublie l’âge et le fait qu’il n’y a que Sheng qui lui plaît.

Elle aime le goût du sourire qu’il craque après ses mots, restant amusée par sa supposition de s’enfuir avec l’homme du Pole nord qui fait tant rêver. Et lorsqu’il reprend en une tentative d’argumenter, ce sont ses lèvres qui s’arquent une nouvelle fois, « J’ai un jet… » elle en opine de la tête, « Je peux partir quand bon me chante et... » Les sourcils relevés, la chute de sa phrase, en un suspense factice, elle l’attend… Entendant dans sa tête des tambours, un roulement. Rien ne vient cependant, et le rire qui se pose sur le bord de sa bouche, elle a du mal à le contenir. Cela dit elle le fait, jusqu’à ce qu’elle l’entende dire ; « Oui sauf que la barbe doit irriter… » riant et appréciant le fait qu’il agrippe un peu plus son corps, cette marque de possessivité. Observant l’arc imberbe de son visage lorsque celui-ci s’approche afin de malmener son bonnet, « Puis il a déjà une femme, » effectivement, et passer outre ce détail, Haiwee ne pourrait pas, même si par amour pour Sheng, au début, elle acceptait de le partager… Un souvenir qui paraît si loin à présent qu’ils ont officialisé.

Les paupières battantes en contemplant celui qui se met en place, l’homme au manteau rouge qui distribue les jouets par milliers une fois les douze coups de minuit passés. Enfantine, elle garde sur ses commissures un croquis de sourire, lorsque l’attention de son partenaire est retenue par une autre proposition d’activité. D’une pression il l’invite à se décaler, ce qu’elle fait volontiers, toujours conquise par la moindre de ses idées… Pourtant elle peine à comprendre ce qu’il veut signifier à l’interroger. « T’es de Boston ou pas ? » Férocement attachée à ses origines, elle fronce un tantinet les sourcils. Mais elle ne peut le contredire, Boston est bel et bien sa terre d’exil, son droit d’asile. Là où tout a commencé, l’endroit où elle espère rester à ses côtés, « Il paraît. » puis elle considère ce que le stand à offrir, avant de lui dire, « Beaucoup mieux qu’un traîneau, le jet. » amusée tandis que ses doigts s’attèlent à choisir leur ornement, parce qu’elle veut en faire un commun ou deux complémentaires, forcément. « Une envie particulière ? »

« Nettement plus confortable, » impossible à contredire, alors elle se contente d’hocher le visage, le connaissant assez pour comprendre ce qui résonne sur le coup dans le cœur de ses pensées. Si bien qu’elle lui concède un sourire enclin à la volupté. Silencieusement, cependant, elle poursuit sa recherche du parfait rondin, indécise quant au contraire, en temps normal, Haiwee est du genre à savoir ce qu’elle désire, à le revendiquer. Quelques secondes s’écoulent encore jusqu’à ce qu’elle lui demande son avis, à l’évidence, elle n’était pas hésitante, elle avait simplement besoin de lui ; « Celle-ci. » elle contemple le choix, satisfaite du symbole qui se cache derrière cet ornement, les deux morceaux rassemblés, ils ne forment plus qu’un.

De fait, sa moitié entre les doigts, elle attrape de sa main libre de quoi calligraphier le bois, l’écoutant avec tendresse se vanter, « J’ai déjà une idée » de ce qu’il va dessiner, le regard de la brune jonglant sur les traits de l’étudiant et sur sa partie de l’ornement, essayant de voir ce qu’il entreprend… Et perdant, pour sa part, du temps, du coup elle secoue le visage avant de se concentrer sur son propre croquis. Elle fait tournoyer son feutre durant une courte réflexion avant de débuter son chef d’œuvre, naturellement elle esquisse les courbes d’une rune venant de chez elle, le symbole de l’amour éternel. Certes, c’est à l’eau de rose, elle le conçoit, mais c’est tout ce qu’elle a en tête lorsqu’elle pense à l’avenir et à ce petit être qu’elle va mettre au monde dans plusieurs mois. D’ailleurs, elle rajoute le signe de l’enfant puis inscrit son prénom, forcément.  

A la suite de leurs réalisations, elle lui présente la sienne, mystérieuse qui ne lui avouera que s’il le demande ce qu’elle peut signifier, et l’invite d’un « Terminé ? » pour qu’ils aillent les accrocher, s’ancrer dans cette ville qui les a vu se rencontrer, s’apprivoiser et s’aimer… Un aparté au goût de magie avant de reprendre la recherche des cadeaux et cette impression de s’être retrouvés dans le film La course au jouet…

Alors lorsqu’il lui dit penser avoir terminé, le regard de l’amérindienne se pose instinctivement sur ce qu’il vient de dessiner, beaucoup plus lisible que ce qu’elle vient d’immortaliser. A la détailler, elle arque un sourire, la date calligraphiée, elle lui parle, forcément, c’est presque inutile de le préciser. Haiwee étant de ces filles qui prennent note de tous les évènements. Alors finalement tous deux armés de leur morceau d’ornement, ils s’approchent du sapin, prêts à les accrocher, enfin. Une fois qu’ils sont suspendus, elle a cette sensation que le temps l’est, lui aussi. Haiwee, elle ne peut pas s’empêcher de songer à leurs débuts, même si elle en nourrissait l’espoir, jamais elle n’aurait pu croire qu’ils en seraient à ce point, trois ans plus tard.

Et la course de ses pensées s’arrête, quand il lui tend un filament, destiné à relier ce qu’ils viennent de créer, du moins c’est ce qu’elle comprend. « C’est toi qui le portes en ce moment. » Leur lien. L’être qu’ensemble ils ont créé. Touchée en plein cœur, elle mord sa lèvre inférieure. La ficelle, elle la récupère volontiers, mais elle se fait accoster avant d’avoir pu relier les décorations qu’ils viennent de déposer. « C’est quoi ? » La précision n’est pas nécessaire, elle sait à quel sujet elle est interrogée.

D’abord, elle observe Sheng car il étouffe un rire, et elle en craque un rictus faussement contrarié, d’autant plus à l’entendre se justifier, « J’ai pas osé poser la question. » pour lui, elle roule des yeux, un tantinet amusée avant de se concentrer sur la petite curieuse qui l’a apostrophé, « C’est un symbole amérindien, » bienveillante en lui répondant, « qui signifie amour éternel, » ses joues se teintant de rouge légèrement quand elle croise de Sheng, les prunelles, consciente que c’est possiblement un peu trop, même pour elle. Elle ne désire pas qu’un déballage d’affection trop important gâche ce moment. « Le second représente l’enfant. » Celui qui est à venir, celui qu’elle représente encore une fois en reliant ensemble les rondins de bois. Revenant à Sheng après ça, liant sa paume à ses doigts, lui murmurant d’une petite voix, « C’est moche de se moquer. » cependant, la magie de Noël, rien ne saurait la gâcher cette année.