L’hiver et la fin de l’année approchent, parant la ville de cette ambiance si particulière que Lyssandre apprécie. Il est un peu comme un enfant depuis son retour de New-York, ayant retrouvé sa joie et sa bonne humeur, mais le fait que Noël se prépare lui arrachait encore plus de sourire. Il ne peut s’empêcher de s’émerveiller de cette ambiance, ces guirlandes qui commencent à décorer les rues, les boutiques, ces lumières qui donnent une autre dimension au bloc de béton qui sont parfois si ternes, même pour l’architecte qu’il est. Surtout pour l’architecte qu’il est. Mais à cette période de l’année, c’est une nouvelle ville qui se dessine dans le paysage. Et ce n’est que le début de la saison. Se dit-il en passant devant une vitrine soigneusement décorée. Lui, il a hâte d’être en plein cœur des festivités, de pouvoir passer quelques jours au chaud, chez lui, devant un film au scénario vu et revu, avec son copain ou sa famille. Parce que les décorations ne constituent pas non plus toute la magie de cette période. L’idée de pouvoir passer du temps avec celles et ceux qu’il aime représente la majeure partie de cet engouement. Alors quand son frère lui a proposé de l’accompagner à la patinoire avec l'aîné de ses fils, il n’a pas hésité une seule seconde Lyssandre. Même s’il est loin d’être le plus adroit sur des patins, pour eux il ferait l’effort, même s’il devait rentrer avec quelques bleus à la fin de la journée. Idéalement installée dans le parc, la patinoire permettait de profiter en plus d’un cadre exceptionnel. Chaussé de ses patins, il est le premier à descendre sur la glace, attendant son frère, et surtout, tendant une main à son neveu, pas tout à fait à l’aise pour une première fois. Mais il ne le lâche pas, garde sa petite main de la sienne, tandis qu’Ingvar saisit la seconde pour être certain de pouvoir retenir le petit garçon s’il venait à perdre l’équilibre. Et ils en frôlent des chutes, des accidents, mais ça ne les empêche pas de rire et de s’amuser. Il ne sait pas à combien de tours de patinoire ils en sont quand le petit commence à montrer les premiers signes de fatigue. Et face à la fatigue et le froid, quoi de mieux qu’un bon chocolat chaud ? Rien, puisque c’est ce qu’ils décident de faire. Mais au moment de quitter la piste, il ne peut s’empêcher de remarquer une silhouette Lyssandre. ” Partez devant, je vous rejoindrai plus tard. “ Il embrasse le front de son neveu avant de repartir sur la piste, la traverse pour venir presque s’écraser contre les remparts, juste devant une jeune femme brune. Ca c’était pas vraiment prévu, mais au moins, il ne n’avait pas percutée. ” Avant que tu m’engueules, non, j’essayais pas de te faire peur ou de te faire tomber. Même si ça m’aurait fait plaisir de voir ça. “ Pour les salutations en bonne et due forme, il repasserait.

Il ne l’a pas revu - ou très peu- depuis leur escapade en cheval Wendy. Une escapade qui lui a laissé quelques bleus, mais aussi, malgré tout, de bons souvenirs. Surprenamment. Car on aurait pu penser, qu’après une journée passé en compagnie de la rousse, à se faire malmener par cette dernière, les souvenirs préservés de ce moment pourraient sembler ternes et désagréable, mais malgré tout, il en retirait un enseignement cher Lyssandre, celui d’avoir appris à monter à cheval. Certes, ça ne faisait toujours pas de lui un cavalier exceptionnel, mais au moins, il pourrait se vanter d’en avoir fait une fois dans sa vie, d’avoir essayé, tenté l’expérience. Et il ne demande pas grand chose de plus, le brun, que d’allonger la liste de ses expériences, quelles qu’elles soient, et même si cela ne s’était pas passé à la perfection. Il avait appris l’étudiant, et cet enseignement, il savait l’apprécier. Même si sa professeure tenait plus d’une sorcière insatisfaite qu’autre chose.

Sans gêne, il l’accoste donc, maladroitement, ses patins s’accrochant légèrement sur la glace, manquant de le faire tomber. Il se rattrape - ou s’écrase, allez savoir - au rebord avant de se tourner vers la jeune femme, faisant le malin devant elle, comme il sait si souvent le faire, qu’importe la gêne qu’il serait supposé éprouver dans un tel moment. Avec elle, il n’en avait aucune. Tout comme elle ne se laissait jamais perturber par le comportement burlesque du Wayne. « C’est un défi ? » Les yeux du Wayne se mettent à briller d’une lueur de provocation. Si elle voulait le défier, il allait relever le challenge, en espérant lui faire fermer son clapet pour une fois, contrairement à leur balade équestre. « Non, ça j’ai connu, et je m’en sortais pas trop mal. Je vais pas avoir besoin que tu me tiennes la main pour avancer, rassure toi. » Surtout qu’avec elle, ça aurait certainement paru très ridicule, à un niveau différent de celui de sa leçon d’éducation. « Mais je suppose que la princesse que tu es a reçu là encore une éducation très différente de la mienne. »  Pas de sous-entendu désagréable cette fois. Il commençait à avoir l’habitude Lyssandre, des activités auxquelles la Witter s’était essayée dès son plus jeune âge, parce que l’argent de ses parents le lui permettait. « Y a un truc que t’as jamais fait, ou que tu sais pas faire ? » Il se demande Lyssandre, quel plaisir pouvait-elle vraiment prendre dans la vie, s’il y avait encore la moindre sensation de nouveauté ou de surprise dans sa vie. Parce que même s’il avait manqué bien des choses comparé à elle pendant son enfance, il pouvait au moins se satisfaire d’avoir tout à découvrir maintenant qu’il était un adulte.

C'est peu conventionnel, mais d'une certaine façon, il l'apprécie Wendy. Comme un animal sauvage qu'il s'efforcerait d'amadouer, il tente par tous les moyens - ou presque - de laisser la marque de son existence dans son être, comme un jeu, un défi dont il lui-même fixé les règles du jeu. Un jeu qui prendra certainement fin le jour où l’un d’entre eux quittera Harvard. Après tout, il ne voit pas Lyssandre, ce qui pourra encore le lier à la jeune femme une fois leur diplome en poche, une fois que leur ambition les porteront ailleurs. Il ne s’attend pas à ce que la jeune femme se souvienne réellement de lui dans le futur, mais simplement que l’évocation de son nom provoque quelque chose, un désagrément qu’elle aurait souhaité effacer il y a bien longtemps. Et il est convaincu qu’il y arrivera le new-yorkais, que Wendy Witter ne pourra jamais totalement oublié son nom, et ce qu’importe pour quelle raison. Alors il provoque, défi. Il n’a pas peur de passer pour un imbécile ou de se ridiculiser. Il l’a déjà fait, et il y a survécu, alors un moment gênant de plus ou de moins. Il se redresse sur ses patins, fait face à la rousse, le même sourire qu’elle sur les lèvres.

Une parenthèse s’ouvre suite à une attaque verbale de la jeune femme, que Lyssandre ne prend désormais la peine de relever qu’avec humour. Il s’y est fait, à cette idée que lui et la jeune femme ne font pas parti du même monde et que c’était déjà le cas pendant leur enfance. Ils n’ont pas grandi dans la même ville, mais même si ça avait été le cas, jamais ils n’auraient fréquenté la même école, jamais ils n’auraient participé aux mêmes activités extrascolaires. Tout les séparait et pourtant, désormais, ils fréquentaient la même prestigieuse université. Comme quoi, les plans de l’univers étaient parfois incompréhensibles.

Sagement, il attend une réponse, se demandant si la jeune femme aurait l’honnêteté d’avouer une de ses failles, qu’il soupçonne ne pas être si importante que cela. Une banalité pour le commun des mortels, il en est certain. Et rapidement, cela se confirme. Il hausse légèrement les épaules à la question. Il s’en doutait déjà, que si la jeune femme ne pouvait le faire d’elle même, elle pouvait aisément payer quelqu’un pour le faire à sa place. Une réponse sur laquelle il a à peine l’envie de la charrier. « Je m’attendais à quelque chose de moins commun quand même de ta part. » Des fois, il est déçu, comme si Wendy perdait de son intérêt par ce manque de fantaisie. Il faut dire que d’elle, il s’attendait à plus sensationnelle. Alors au regard qu’elle lui lance pas la suite, il décide de foncer tête baissée, comme il sait si bien le faire, commençant doucement à faire quelques pas en arrière. « Donc je suis prêt à te parier ce que tu veux que mes fesses ne toucheront pas une seule fois glace aujourd’hui. » Inconscient et prétentieux, comme il sait si bien le faire.

A sa réponse, il roule des yeux. Autant il trouve ça commun de sa part de ne pas savoir cuisiner, autant, il trouve ça particulièrement arrogant de sa part d’affirmer que rien d’autre ne l’est chez elle. Même si c’est vrai. Il le sait maintenant, à force de fréquenter la rousse, qu’elle n’est pas familière avec le commun. De cet empire qu’elle dirige, à sa présence au festival de Cannes, sans parler de son poney offert à ses cinq ans, il n’y a décidément pas grand chose de commun chez Wendy Witter. Pas même sa modestie. Et comme une réponse à tout, comme une façon de lever le bouclier face à la sorcière qu’elle peut être, et en même temps souligner à quel point tout cela est ridicule, il ajoute : « C’est vrai, mes excuses, ton altesse ! » Il lui sourit avec un soupçon de mesquinerie, comme toujours, histoire de la faire réagir.

Et dans cette quête puérile qu’elle alimente pourtant, il lui lance un défi Lyssandre, un pari, dangereux dans sa position, plus que dans celle de la rousse. Pour preuve, il grimace à l’évocation de leur dernière activité en tête à tête. Oui, lui aussi se souvient du cheval, lui aussi se souvient de sa chute, mais il se souvient aussi que c’était sa première fois, que la bostonienne était une piètre enseignante et surtout, qu’il n’avait pas eu peur de remonter juste après. « Rien à voir. La dernière fois, j’ai fait l’erreur de t’écouter. Aujourd’hui ça n’arrivera pas. » Comme si tout le problème était là, dans les conseils que la jeune femme a pû ou non donner, comme si ça aurait suffit à Lyssandre, qu’elle se taise, pour devenir un maître incontesté de l’équitation. Toujours est-il qu’il n’a toujours pas peur Lyssandre, que ce soit de Wendy, ou de ce qu’elle pourrait lui faire subir une nouvelle fois si elle venait à gagner le pari. A l’évocation de Florian, il se pose néanmoins des questions, ne s’attendant pas à ce que ce dernier soit mentionné. « Sorti avec des potes. » Ou peut-être chez lui, selon comment s’est déroulée sa journée. « Pourquoi ? » La question l’a intrigué, et il se demande bien ce que la rousse peut faire de cette information. « Pourquoi, t’avais l’intention de nous proposer un truc à tous les deux ? » Il attend une réaction de sa part Lyssandre, qu’il imagine déjà hilarante vu ce que ce genre de sous-entendu avait déjà pu provoquer chez elle.

A l’évocation de leur dernière activité en tête à tête, il grimace légèrement Lyssandre. Il se souvient encore de la douleur qu’il a éprouvée au moment où son corps à rencontrer le sol, mais également des hématomes qu’il a traîné pendant plusieurs semaines après ça. Sans parler des courbatures ! Autrement, il en avait souffert de cette balade à cheval, mais en bon masochiste qu’il était, cela restait étrangement un bon souvenir. Il s’était adonné à une activité à laquelle il n’aurait jamais pensé par lui-même et cela lui permettait de cocher une activité de plus à toutes celles qu’il devait réaliser un jour. Et puis, il en avait appris un peu plus sur Wendy. « T’as très bien compris ce que j’ai dit. » Elle ne lui avait donné que pour seul conseil que celui de s’accrocher aux rênes de son cheval, ce qu’il avait fait Lyssandre, et qui pourtant, ne lui avait pas évité la chute. Mais cette fois, il ne s’accrocherait à rien, si ce n’est à Wendy elle-même, pour l'entraîner avec lui s’il devait chuter. Elle l'assassinerait sûrement pour cela, mais au moins, ils perdraient le pari à deux. « On a vu plus pédagogue que toi sur terre quand même. » Et heureusement, parce que chaque apprentissage serait sinon un défi digne des douzes travaux d’Hercule avec elle. Même si elle avait tenu parole. Elle l’avait invité en tant que souffre-douleur, et il avait en effet souffert.

De ce fait, il sait très bien où il met les pieds en défiant une nouvelle fois la bostonnienne. Il joue avec le feu, il en est conscient, mais c’est aussi ce qui était grisant dans leur relation. Elle n’est pas qu’une femme qu’il a échoué à mettre dans son lit, elle était un défi à part entière, de tout temps et dans bien des domaines qui ne mettraient pas en péril son couple. Un couple, à sa grande surprise, évoqué par la brune. Ca le destabilise un peu Lyssandre, qu’elle s’intéresse à lui de cette façon, mais comme chaque fois qu’il en a l’occasion, il ne perd pas l’opportunité de la provoquer, de prétendre qu’il pourrait combler la jeune femme, la rendre moins, aigri, surtout à deux. Une invitation qu’elle décline sans même ciller, visiblement autant amusée que dégoûtée par cette invitation saugrenue. « Tu ne sais pourtant pas ce que tu manques. » Qu’il affirme en haussant les épaules. « Et que faudrait-il pour satisfaire son altesse Witter ? » Il demande, curieux de savoir ce qui - et surtout qui - pourrait trouver grâce à ses yeux. « Sinon, tu sais faire autre chose que cette vitesse de croisière ? » Parce qu’actuellement, elle ne se démarquait de personne à patiner ainsi.