Je ne sais absolument pas pourquoi. Voilà la réponse que je me donne depuis une bonne demi-heure maintenant. Je suis épuisée. Epuisée de ma journée, des cours et plus le temps passe, plus je réalise que 11 ans d'études c'est peut-être un peu trop. Cette fichue dernière année va être longue, même si je suis heureuse malgré tout, de l'effectuer à Harvard. Assise à table tandis que les autres jeunes de la maison Adams hurlent, chantent, jouent, je reste figée, la tête posée sur mes deux mains, les yeux somnolent. En effet, comme les autres disent, je n'ai pas forcément prit le temps de sociabiliser depuis la rentrée. Je ne me suis pas faite d'attache à Boston, ni même dans cette université. J'ai choisis d'entrer dans une maison, bien que dans le fond, je me fiche un peu de ce qu'elle peut ou non m'apporter. J'ai 29 ans, c'est ma dernière année d'étude... Concrètement, toutes ces bêtises de djeuns ne sont pas pour moi. Alors pourquoi est-ce que j'ai accepté de venir à cette fête ? Ca part dans tous les sens, il y a de l'alcool, les gens ne font pas n'importe quoi -merci la réputation de l'université la plus prestigieuse du monde-, mais il y a beaucoup trop d'agitation pour moi. Moi qui aime me contenter du calme, d'un gros livre et d'une grosse tasse de chocolat chaud.

Je me rappelle d'un petit détail : je suis censée travailler ce soir. Ce Docteur étrange qui me sert de patron, n'appréciera peut-être pas un no show de ma part. Mais là... Je n'ai plus de force. Je fouille dans mon sac, en sort mon téléphone et lui envoie un petit texto. Avec un peu de chance, mon absence ne le dérangera pas. Puis... Il peut bien m'accorder ça avec les services qu'il me demande ! Ces derniers jours, j'ai vraiment l'impression d'être son assistante... Même dans sa vie personnelle ! Je soupire doucement en piquant du nez, puis repose mon téléphone à table. J'ai bu deux petits verres ce soir. Je ne suis pas ivre, mais ça ne m'aide pas à rester éveillée.

Je sursaute quand des jeunes filles de troisième années se jettent sur moi avant de me tirer dans tous les sens. Que veulent-elles exactement ? Y a tellement de bruits autour, je n'entends que dalle. Danser ? Boire ? Je ne sais pas si c'est ça avoir des petites soeurs, mais si ça l'est, je suis bien heureuse d'être fille unique. Enfin, j'ai fait l'effort de venir, autant leur faire plaisir jusqu'au bout, on verra le reste plus tard.

Il est environ 00h45 et une douleur lancinante me fait souffrir aux pieds. Pourtant, je porte des bottes, tout ce qu'il y a de plus simples, même pas de talons. Je m'écroule sur un canapé et décide de fermer les yeux quelques secondes, question de les reposer de la lumière. Le bruit disparait autour de moi de minutes en minutes, avant que la pièce se plonge dans un silence complet. Je m'endors.

Encore endormie, je ressens comme une chaleur à côté de moi. Pourtant la fatigue est tellement forte que je ne parviens pas à me réveiller. Je bouge légèrement, tentant de trouver une position plus agréable avant de replonger dans un sommeil bien profond. Il y a comme un fond sonore dans la pièce. Etrange. Je pensais pourtant être seule, que tout le monde était parti... La fête était-elle encore en train de continuer ? Par pitié. J'ai une flemme immense de me réveiller complètement, me lever, et rentrer chez moi. Il y a de grandes chances que je passe la nuit ici sur ce canapé si confortable. Soudainement, je sens comme un poids léger au-dessus de moi. J'ouvre doucement les yeux, essayant de réaliser ce qui est en train de se passer. La lumière de la pièce m'aveugle, et j'ai de la difficulté à bouger, comme si mon corps s'était réveillé beaucoup trop brutalement. Pourtant, je finis par me rendre compte que je ne suis plus toute seule sur ce canapé et qu'un homme est juste là, à côté de moi. Beaucoup trop près. Qu'est-il donc en train de faire...?

Je me frotte les yeux pour mieux voir et soupir doucement, agacée d'être sortie de mon sommeil. Oui, il y a bien un type juste là à côté de moi, avec une bière dans la main, et je vois d'autres étudiants s'éloigner de nous d'un air frustré. Au départ, mon cœur rate un battement. J'ai l'impression qu'il vient de se passer quelque chose que j'ignore. Le type à côté de moi pose les yeux sur un mois. Il est grand, brun, asiatique. Je ne l'ai jamais vu de ma vie. Qu'était-il en train de faire au juste ? "C'était la tienne ?" me demande-t-il en parlant de la bouteille. Je pose les yeux sur cette dernière avant de les ramener sur lui. Je sens l'agacement monter légèrement, mais parvient à garder mon calme, répondant poliment :

- Non... Et, qui tu es ? Je rêve ou tu étais presque allongé sur moi ?

Et quand je suis en colère, ce fichu accent italien se fait encore plus entendre. Pourtant je ne veux pas m'emporter bêtement, je suis peut-être en train de me faire des idées. Il n'a pas l'air bien méchant, mais ces américains sont si irrespectueux, sales et sans éducation, que je préfère m'attendre à tout. Enfin, celui là est asiatique, mais qui dit qu'il n'a pas été élevé ici...?

Je me redresse rapidement, me mettant en position assise et vérifiant que j'ai bien toutes mes affaires. Mon sac est bien par terre, je suis toujours habillée, tout va bien, rien à craindre. Ah, ces soirées étudiantes, je vous jure. Pourquoi est-ce que je suis là ? La pièce est d'ailleurs plutôt vide, comme si tout le monde avait enfin décidé d'aller se coucher. Alors qu'est-ce que ce type fichait encore ici ? Je pose rapidement une main sur ma tête, une douleur lancinante me transperse le crâne. Je n'ai pourtant pas trop bu... Pourtant, pas dans mes souvenirs. Je ne me sens même pas ivre.

- Si tu essayais de me toucher, je te jure que tu vas avoir ma chaussure en pleine face.

Je lui lance un regard menaçant, prête à mordre.

"Un dernière année" me bougonne-t-il sans plus d'informations. Je lève un sourcil. Le ton qu'il venait d'employer avec moi n'était pas des plus agréables. Et le fait qu'il ne me donne pas son identité a le don de toucher mes nerfs. "Toucher quoi ? Et si c'était le cas, tu t'en souviendrais." Impossible. Impossible que j'ai réellement entendu ça. Il ne pourrait pas oser dire une chose pareille, n'est-ce pas ? Premièrement, je me sens tout de suite terriblement mal. Je sais, je n'ai pas le corps le plus développé qui soit. Cela fait bien longtemps que je ne complexe plus à ce sujet, mais le fait qu'il ose pointer ce fait du doigt me démontre une méchanceté de sa part que je n'imaginais pas. Je ne sais pas qui est ce gars, mais juste pour avoir dit ça, ce doit probablement être un connard fini... Qui a d'ailleurs peut-être, bien trop confiance en ses compétences au lit aussi également, apparemment. Je m'apprêtais à aboyer de toutes mes forces, quand il reprit : "Non non, j'attends... J'attends". Il attendait quoi exactement...? "Et par la même, je t'ai évité d'être cataloguée d'ivrogne. Mais à part ça..." Mais... De quoi parle-t-il ? "T'es nouvelle non ? Tu t'appelles ?"

- Ok, les mecs comme toi sont certainement les plus stupides de l'établissement, tu sais, ceux qui débarquent avec leurs muscles, pensant pouvoir faire tomber toutes les filles et estimant peut-être trop leurs capacités sexuelles ? Tu as beau être asiatique je vois que tu t'es bien convertis au système américain ?

C'était sorti d'un coup d'un seul.

- Il n y a plus personne dans la pièce, aucune nana n'a voulu de toi et du coup tu t'es ruée sur l'endormie sur le canapé ? C'est triste quand même d'en arriver là.

Bon, en vrai je n'en sais rien et quelque part je m'en fiche un peu. Je ne sais pas ce que ce type voulait, et je ne sais même pas ce que je fiche encore ici. La soirée est terminée, je ferais mieux de rentrer. Mais rentrer comment... Je n'ai pas ma voiture et il n y a plus personne dans les alentours. Je prends une grande inspiration et souffle, exténuée. Est-ce que j'ai été trop méchante ? Je ne sais pas, mais lui l'a été, alors on s'en fiche un peu non ?

- Et je ne suis pas une ivrogne !! Je ne suis même pas ivre !!

Je me sens légèrement pompette mais je suis encore au contrôle de toutes mes facultés.

- Je suis une "dernière année" tout comme toi apparemment. Mais puisque tu ne me dis pas ton nom je suppose que tu n'as pas besoin de connaitre le mien ?

Ou alors... Je pourrais peut-être me servir de lui pour rentrer chez moi ?

- Mais... Je veux bien te le dire si tu me ramènes chez moi. Deal ?