Même si tu n'en montrais rien, revenir ici après un peu plus d'un mois d'arrêt de travail provoquait une certaine forme d'angoisse. Depuis ton agression qui avait eu lieu début octobre, tu n'étais plus revenu ici, tu n'en avais pas eu la force. Il y avait bien eu la soirée d'halloween organisée au Hocus Pocus et tu avais envisagé de passer dire bonjour à tes collègues, mais même ça, tu en avais été incapable. Tu n'étais pas serein à l'idée de refaire le trajet de ton lieu de travail jusqu'à la Kirkland parce que tu craignais de tomber à nouveau sur ce dingue qui avait failli t'envoyer tout droit dans la tombe. Tu ne pouvais t'empêcher de regarder tout autour de toi, guettant la moindre personne qui pouvait te paraître suspecte, prêt à détaler à la moindre menace. Tandis que tu avançais dans la si bien nommée Rue de la Soif, tu finissais par t'apercevoir qu'en réalité les passants se fichaient bien de toi, ils se contentaient de tracer sans se préoccuper du reste. Tu te faisais donc violence, en te répétant que tout allait bien, que de toute façon la foudre ne frappait jamais deux fois au même endroit et que ce serait vraiment la guigne si ça recommençait. Comme à ton habitude, tu compartimentais, tu essayais de trouver une explication logique et rationnelle pour te rassurer, pour retrouver tes repères. Il n'y avait aucune raison pour que ça se passe mal, pas vrai? Tu aurais pu crier victoire parce que tu étais presque arrivé au bout de cette rue de malheur sans encombre. C'était sans compter ton karma de merde qui faisait que, même si tu voulais rester en dehors des problèmes, les problèmes, eux, savaient bien te trouver. C'était tellement récurrent que ça pourrait devenir un running gag, parce qu'à ton propre sentiment d'urgence venait se superposer une drôle d'impression de déjà-vu. Tu avais la sensation d'avoir déjà vécu cette scène, que, quelque part dans une autre dimension cosmique, les événements étaient en train de se rejouer inlassablement. Cette sensation de déjà-vu t'alerta assez pour que tu redoubles de vigilance, et, dès que tu posas les rétines sur ces deux-là, tu compris d'où ce sentiment te venait. Tu ne reconnus pas tout de suite @Sage Brennan-Jobs et @Lyssandre Wayne, tu voyais encore Adams Bryant et sa démarche titubante, et toi qui changeais de trottoir pour ne pas avoir à le croiser. Ni vu, ni connu, pas vrai? Il n'empêche que c'est ta lâcheté qui avait pris le pas sur tout le reste ce soir là, et en apprenant le décès de ce mec, tu l'avais amèrement regretté. Tu pensais que ton agression était ta punition mais tu étais probablement à côté de la plaque dans tes déductions. Tu secouas la tête pour chasser tes pensées et aussitôt, tu revins dans le présent, plus de sensation de déjà-vu, plus de flashback qui surgissait de façon inopinée, inconsciemment, tu t'approchais des deux individus comme pour venir leur prêter main forte même s'ils ne t'avaient rien demandé. Ainsi, tu pourras peut-être faire pour eux ce que tu n'as pas fait pour l'autre? "Sage?" Tu appelas, une fois arrivé à leur hauteur. Elle n'avait pas l'air de réagir, aussi tu te tournas vers Lyssandre, que tu savais être le meilleur ami de Jinx pour commencer à l'interroger. "Tu as pu voir ce qui s'est passé ou tu l'as trouvée comme ça?" Ta voix était pressante, trahissant l'angoisse que tu essayais de dissimuler tant bien que mal - peut-être que la situation te touchait parce que c'était une personne que tu appréciais qui se trouvait en grande difficulté. "Il faut prévenir Jackson". Tu dis alors d'une voix ferme, parce qu'il fallait procéder par étapes. "Le temps qu'il arrive on peut la ramener à la Kirkland, ce n'est pas loin d'ici." Tu le savais parce que tu y restais dormir quand tu travaillais tard, comme ce soir, par exemple. Tu enlevas ta veste pour la mettre autour des épaules de Sage, pour qu'elle n'attrape pas froid. "Sage? Regarde-moi. C'est Landon, tu me reconnais? Et il y a Lyssandre aussi, on va te ramener à la maison, d'accord?" Tu secouais la main devant ses yeux pour attirer son attention et tu commençais à craindre qu'elle soit trop stone pour réagir. Tu regardas Lyssandre, ton plan se dessinant très nettement dans ta tête. "On va l'aider à se lever. Prends-la par un bras et moi je prends l'autre, et à trois on la soulève, OK?" Tu attendais  l'assentiment de l'autre garçon pour passer à l'action.  

Tu ne pouvais pas t'empêcher de te demander comment Sage s'était retrouvée dans cette situation. Pour autant que tu saches elle n'avait pas l'air d'être du genre à consommer ce genre de merde mais Adams Bryant non plus. Tu commençais alors à te dire qu'elle avait ingéré cette drogue à son insu, et c'était d'autant plus inquiétant. Déjà, à l'époque où l'étudiant Pforzheimer était décédé, tu avais essayé de sensibiliser tes collègues à ce sujet, et l'on t'avait répondu qu'il ne servait à rien d'être alarmiste. Or, la situation se répétait, proche de ton lieu de travail qui plus est, et qui concernait quelqu'un que tu appréciais. Et à part ça, c'est toi qui es alarmiste, hein? Intérieurement, tu étais en train de câbler parce que tu savais très bien que tu ne pouvais rien faire pour éviter cela. En l'occurrence le mieux que tu puisses faire était de ramener Sage à la maison pour qu'elle puisse redescendre, parce que tu ne savais pas ce qu'elle avait pris et tu étais loin d'être un spécialiste, même s'il t'arrivait de consommer de l'ecstasy ou du LSD occasionnellement. Pour en avoir fait toi-même l'expérience, tu savais donc reconnaître quand quelqu'un était défoncé et l'absence de réaction de Sage à tes paroles que tu voulais rassurantes ne laissait aucun doute. Tu jetas un regard entendu à Lyssandre quand il te confirma qu'elle avait pris un sale truc, pour le citer. "En effet." Tu acquiesças en te redressant pour commencer à regarder tout autour de toi comme pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. "Je ne sais pas avec qui elle était mais ce sont des cons, ça n'a pas l'air de les inquieter plus que ça qu'elle soit mal en point." Tu commentas, froidement. Franchement, d'où on abandonne un de ses potes qui se trouvait dans cet état? "Ils n'ont absolument aucune excuse, tu as vu, elle n'a pas sa veste avec elle, ils doivent bien se douter qu'elle n'était pas partie définitivement, non? Elle n'est quand même pas sortie sans rien sur le dos alors que ça caille, dehors." Si effectivement elle avait manifesté son envie de partir, elle aurait sûrement pris ses affaires avec elle. Tu en conclus donc qu'elle s'était momentanément absentée, ce qui te ramenait au premier point : les gens qui l'accompagnaient étaient des cons et ça t'exaspérait. Tu posas à nouveau les yeux sur Lyssandre qui suggérait déjà de la porter. Ce n'était pas une mauvaise idée. "Vas-y, on fait comme ça. " Tu dis en prenant le téléphone de Sage que Lyssandre te tendait. "Croisons les doigts pour qu'il soit toujours debout!" Tu naviguas entre les différents menus du smartphone jusqu'à trouver son répertoire. Sans surprise, Jackson était dans ses contacts favoris. Tenant ta propre veste le temps que Lyssandre la prenne dans ses bras pour la caler contre lui, tu la remis sur la jeune femme une fois qu'elle fut relativement bien installée ; tout du moins, autant que son état le permettait. "C'est bon, tu l'as?" Tu t'enquis, en regardant le triplé Wayne. Il évoqua finalement la possibilité qu'elle ait laissé quelque chose là où elle se trouvait quelques instants auparavant. Tu hochas la tête. "On lui demandera quand elle reviendra à elle." Tu pinças les lèvres en jetant un coup d'œil à Sage. "Je travaille demain soir, j'y ferai un saut pour récupérer ce qu'elle a laissé." Il devait bien y avoir quelqu'un dans un de ces bars qui conservait les objets trouvés, non? Quand tu faisais le ménage au Hocus Pocus tu retrouvais tout un tas de trucs que les clients avaient laissé là et ce n'était pas rare qu'ils reviennent pour récupérer leurs biens. Tu appuyas finalement sur le nom de Jackson pour lancer l'appel. "Allez, décroche!" Tu sifflas entre tes dents, alors que tu priais intérieurement pour qu'il ne soit pas encore couché.  

Tandis que tu essayais de joindre Jackson, tu surveillais l'état de Sage, histoire qu'il ne se détériore pas. Heureusement, Lyssandre te secondait et veillait au grain. En parlant de ton camarade Kirkland, celui-ci semblait être d'accord avec toi : les soi-disant potes de Sage étaient des cons. Sans trop exagérer, on pouvait dire que c'était la providence qui vous avait amenés jusqu'à ici, Sage aurait tout aussi bien pu rencontrer des personnes aux intentions beaucoup moins nobles que les vôtres. Tu te dis sombrement que ce n'était pas l'état de la jeune femme qui allait dissuader ce genre d'individu, bien au contraire. Tu n'étais pas non plus né de la dernière pluie, tu savais très bien que c'était un modus operandi très prisé par ce genre de prédateurs sans foi ni loi. Le téléphone à l'oreille, tu regardais autour de toi. Peut-être que ce type était encore dans le coin à rôder, pour s'assurer que sa manœuvre avait bien fonctionné. En tout cas, c'était ce que tu ferais à sa place. "Il répondra." Tu dis avec assurance à la question de Lyssandre, parce qu'il ne pouvait pas en être autrement, tu n'envisageais pas cette option. Le soulagement te gagna toutefois lorsque le mari de Sage décrocha. Tachant d'être le plus précis possible tout en ne l'inondant pas de détails sordides - certaines choses ne se disaient pas au téléphone - tu résumais la situation, ce qui n'était pas une mince affaire parce que tu partais toujours dans tous les sens, te perdant dans moult explications parfois sans queue ni tête parce que les idées se bousculaient sous ton crâne. Tu raccrochas lorsque Jackson confirma qu'il se mettait en route vers la Kirkland, conformément au plan.   "Il arrive." Tu dis simplement à l'attention de Lyssandre.Tu regardas Sage, toujours aussi inerte. Par acquis de conscience tu regardas une dernière fois autour de vous, comme si tu cherchais quelqu'un. Il n'est plus là, tu finis par comprendre. Qui qu'il puisse être, il avait dégagé en vous voyant avec Sage, conscient que sa proie lui échappait. Tant pis pour toi, sac à merde. Tu t'arrachas à ta contemplation pour suivre Lyssandre, le rattrapant en quelques enjambées. Tu surveillais ton téléphone de temps en temps, pour vérifier que Jackson n'avait pas laissé de message. Tu regardais l'horloge digitale, non sans anxiété. Tu étais conscient que ce n'était que le début, que d'ici quelques instants il y aura la panique de Jackson à gérer. Tu n'étais clairement pas l'homme fort de la situation, vu ta carrure tu n'aurais jamais pu porter Sage sur une aussi longue distance mais tu avais un sang froid presque à toute épreuve alors tu pouvais prendre le relais, gérer le mari affolé. Ton côté sans cœur pouvait être utile, finalement. Par chance, personne ne croisa votre chemin cette nuit là. Les autres Kirkland dormaient sans doute à cette heure-ci de la nuit. C'était une bonne chose, vous n'aviez pas besoin de rameuter toute la maison, cela ne ferait que vous rendre la tâche plus difficile encore. "Sa chambre est par là, je crois." Tu indiquas à Lyssandre en faisant un signe de tête vers un couloir qui se trouvait à votre gauche. "On va la mettre au lit, et quand Jackson arrivera, nous aviserons." Tu avais dit tout cela sans manifester la moindre émotion, gardant ton masque de froideur et d'assurance, donnant l'impression que tu savais exactement quoi faire.