la mélodie de ta voix rauque avait été la dernière a résonner dans la pièce. seul son pied qui tapait au sol se faisait entendre vu qu'il semblait choisir de se terrer dans un mutisme qui s'installait. tu tirais le pied roulant qui tenait tes perfusions, des broutilles que tu préférerais retirer de ta peau mais dont tu avais trop peur pour le faire toi même, pour le ramener plus près du lit. difficilement, tu te redressais dans le lit pour finir par t'assoir face à lui, les jambes dans le vide. tu lui donnais un léger coup de pieds pour qu'il daigne te regarder. — s'il te plait.. l'air dépité sur ton visage. tu ne savais plus quoi faire, t'étais juste perdue. — prends moi dans tes bras tu en avais besoin, c'était presque vital. en faisant ça, tu savais que tu prenais le risque de te confronter à un refus. tu l'encaisserais, car après tout, tu n'aurais pas le choix.

Ne plus parler, attendre que tu rompes le silence. Finalement c'était un bon plan n'est-ce pas ? En tout cas, dans ma tête, ça l'était. J'avais rien à dire, tout ce que je voulais, c'était la vérité. Le pourquoi tu m'as fait subir tout ça, pourquoi ton ex t'a mise dans cet état... Pourquoi, c'était vraiment LA question clé finalement, et j'avais juste peur de n'avoir jamais la réponse à cette question si je ne joue pas la carte de l'égoïsme. Jamais je ne saurai la portée de son impact sur toi et possible que j'en flipperai durant toute notre relation, si on vient à se remettre ensemble. Mais en même temps, j'me vois pas te tourner le dos... bien trop amoureux, bien trop épris pour te laisser t'envoler. Quand mon regard se pose de nouveau sur toi, t'es assise sur le bord du lit, main tenant le pied qui supportait ta perfusion. Lèvres pincées, je me levais sans un mot pour venir te prendre dans mes bras. Te serrer suffisamment pour que tu ressentes mon amour, mais pas trop pour pas te blesser davantage. C'était pas le but ici, de décaler ta date de sortie. Nez dans tes cheveux, l'odeur qui me transporte chez toi, dans ton lit, dans ces souvenirs partagés. « j'te déteste pas » que je finis par dire, regrettant sûrement amèrement les mots couchés sur le téléphone hier soir.

tu soufflais, plus que de raison, lorsque ses bras entouraient ton étreinte et que l'intense sentiment de sécurité qui te gagnait. tu ne retenais plus tes larmes à nouveau, qui terminaient leurs courses sur ses vêtements. le soulagement de l'entendre te dire qu'il ne te détestait pas. cette petite plaie qu'il venait si facilement panser, du moins pour le moment. il ne savait pas l'impact que ces mots avaient eu, et tu ne sais pas si un jour tu réussiras à lui avouer. tu t'étais abandonné à travis après ce message, perdue pour perdue. tu ne bougeais plus d'un millimètre, effrayé qu'un mouvement le fasse fuir. — j'te raconterai chuchotais-tu. — promis. une promesse que tu comptais bien tenir. tu ne savais simplement pas par où commencer, quoi dire. quels mots posés et quelles explications donner alors que toi même tu ne savais pas ce qui engendrait chez toi de telles réactions. — je veux sortir d'ici finissais-tu par dire. tu ne voulais pas rester enfermée entre ces murs blancs, branchées de partout.

Les yeux fermés avec le nez dans tes cheveux, je me laissais embarquer dans ces souvenirs de “nous”, qui ont pourtant été brisés ces dernières semaines. La peur de te perdre avait été surpassée par le sentiment d'abandon qui avait découlé de cette rupture inattendue. J'étais pourtant à ma place, dans tes bras. J'me suis jamais senti aussi bien que là, à tes côtés. J'avais envie que ce sentiment perdure encore et encore, mais fallait que la réalité nous rattrape. Tu vas me raconter, que tu me disais. Une promesse en découlait même. « t'as vu les médecins, t'as quoi comme blessures ? » J'voulais bien te ramener chez toi mais pas contre l'avis médical.

nul autre endroit était meilleur que ses bras. blottie contre lui, tu laisses tes émotions se déchainer. le surplus de ces dernières heures, la peur, la tristesse, peut être la colère aussi. ce qui ressortait de tes dires, c'était ta volonté d'être chez toi, de te ressourcer dans un lieu connu. pourtant souiller par son passage, mais dont tu ne te souciais pas à l'instant. tu te détachais de lui de quelques centimètres pour lui montrer l'ampleur des dégâts. tu déboutonnais la blouse pour découvrir ta poitrine. les ecchymoses largement visible étaient apparues sur ta peau, de ton cou aux épaules, des cervicales aux omoplates. tu refermais rapidement la blouse, et relevait les manches où les mêmes marques étaient visibles ainsi que sur tes jambes. enfin, ton corps étaient parsemé d'entailles peu profonde mais significatives. — rien de grave.. comparé à il y a quelques mois. ton visage laissait transparaitre ta lèvre inférieure fendue, l'oeil droit injecté de sang et une belle balafre sur ta joue droite. — ils veulent pas que je sorte.. l'unité où tu étais en disait long. cette fois ci, ton séjour ne se déroulait pas en traumatologie mais en psychiatrie, le temps d'évaluer les dégâts psychiques qu'avait causé cette agression et bien plus.

J'avais pas envie de savoir ce qu'il t'avait fait endurer mais dans le fond, si t'avais pas grand chose, ça pourrait appuyer le fait que je te ramène chez toi ce soir. Peut-être ouais... Alors tu te détaches doucement de moi, pas trop loin, et commence à me montrer toutes les marques sur ton corps. Des bleus principalement, mais aussi des entailles. Le plus flagrant restait ton visage, marqué pour plusieurs jours. « pas de côte cassée ? de problème pour respirer ? » Je me souviens de la dernière fois, t'avais eu pas mal de souffrance à cause de ça, et j'avais pas envie que ça soit de nouveau un problème. Fronçant les sourcils à tes mots, je comprenais pas tellement. « comment ça ils veulent pas que tu sortes ? » Je capte pas, sur le moment, l'endroit où on se trouvait. Pour moi, t'avais aucune raison d'occuper un lit ici. C'était sans compter sur le fait que c'était l'aspect psychologique qui bloquait.

le corps marqué de traces donnant l'aperçu des événements passés. peu fière de lui dévoiler ces ecchymoses qui te tachent le corps. tu te renfermes vite sous le tissu, évitant de te confronter trop longtemps à son regard. — non, ça va mieux répondais-tu. tu n'avais pas de côte cassé mais ta respiration avait été compliqué et tu reprenais doucement le chemin de la normalité. tes mains glissaient le long de ses bras, terminant leur course autour de ses poignets. — t'as vu où je suis? tu soupirais. visiblement ça ne l'avait pas interpellé. — je vais voir un psy pendant quelques jours dis-tu faiblement. encore une chose dont tu n'étais pas fière, tu te sentais honteuse de t'être mise en difficulté toute seule. mais tu le savais, il fallait qu'on te vienne en aide car à la moindre incartade, tu replongerais et il fallait que tu comprennes pourquoi.

C'était dur, de te voir ici. Mais je préférais cent fois être là que de ne pas être là. J'ai toujours voulu être ton roc, ton soutien inconditionnel. Seulement parfois, c'était loin d'être ce que tu me laissais être. Préférant te réfugier dans tes habitudes toxiques, retournant vers cet ex qui est loin d'être ce qu'il y a de meilleur pour toi. J'avais mal, de te voir dans cet état, mais je n'avais pas le choix que de ravaler cette douleur, pour ne pas raviver la tienne. « non ? » J'avais pas fait gaffe, je l'admets. Je m'étais précipité ici pour te rejoindre, sans faire gaffe vraiment à l'aile dans laquelle je me trouvais, encore moins si elle avait quelque chose de spécifique. Je m'étais juste contenté de suivre les indications des gens, sans réfléchir. Mon regard parcourait la pièce et je ne captais pas tout de suite ce que tu me disais, avant d'entendre le mot “psy”. Et d'un coup, tout prenait sens. « c'est une bonne chose... ça fait des mois que t'aurais du en voir un » Non pas que je te blâmais de pas l'avoir fait, mais sûrement qu'on aurait pu éviter cette situation si ça avait été le cas.

cercle vicieux dans lequel tu as plongé à nouveau et dont tu n'as su te sortir. la ruée vers l'échec. tombée de haut, tu t'es retrouvée dans ce lit d'hôpital. la chute aurait pu être bien pire et tu es contente d'être toujours là, visiblement plus solide avec plus de ressources que tu ne le penses. les larmes coulent sans que tu ne puisses les contrôler. tête baissée, peu fière des dernières heures passées. hoche la tête pour lui dire que tu es d'accord. c'est une bonne chose que tu vois un psy et que tu y sois un peu contrainte. — oui voix faible. relève le regard vers lui alors que tes yeux sont encore humides et tapotes tes joues pour essuyer les larmes. — t'étais pas obligé de venir.. souffles-tu alors que tu te laisses tomber dans le coussin énorme qui redresses ton buste.

Tout ce que je voulais, c'était que tu ailles mieux, que tu te défasses de cette emprise toxique qui te tire vers le bas. Forcément, la suite ne sera pas si simple mais.. aller mieux de ton côté, c'était déjà le premier pas pour qu'on puisse vraiment se retrouver. L'amour et les sentiments ne s'en étaient pas allés, malgré la séparation. « j'étais pas obligé.. mais j'en avais... besoin » C'était pas envie, c'était vraiment un besoin, qui me tordait les tripes. Dès que j'ai su que tu étais ici, je n'avais même pas réfléchi. Je t'avais dans la peau, que tu le veuilles ou non, mon humeur dépend de la tienne et rien ni personne ne pourra changer ça. Tu vas mal, je vais mal. Tu vas bien, je vais bien. C'est comme ça que ça fonctionne dans un couple et on n'y échappait pas.