un plus un égal cinq ?
with @Dimitri Marriott
2 septembre 2033
Harvard, réunion d'ancien élève
grossesse, notion d'avortement


« P’tin pas encore… » Les deux bras posés sur l’rebord du lavabo, les yeux qui fixent l’reflet dans le miroir de la salle de bain. Et c’petit bâton, avec ce petit symbole positif qui s’affiche. Déjà la première grossesse était un exploit, plus pour t’faire plaisir que pour moi. Mais un deuxième ? « Putain » Une petite bouille blonde, le sourire aux coin des lèvres en répétant l’mot interdit. « Maman elle peut l’dire, mais il n’y a qu’elle qui peut l’dire. » Alors que j’me baisse pour le prendre dans mes bras, l’embrasser sur la joue, et finir c’moment avec un petit selfie. « Tu vas voir si papa est prêt, et tu lui dis qu’maman sera un peu en retard, il a l’habitude. » Reposant l’petit bonhomme sur ces deux jambes et l’voir courir en direction de notre chambre où tu t’prépares de ton côté. Fermant la porte à clé, le test planqué au fin fond d’ma trousse à maquillage. J’me prépare pour c’soir. Réunion d’ancien élève, il fallait que j’me mette sur mon trente et un. Montrer aux gens que j’ai réussi, bon, j’dirige surtout ton circuit automobile, mais ça m’plait. Les mains qui lissent la robe noir et rose très proche du corps, les cheveux lissés à la perfection. Presque l’air d’une femme posée. On a notre petite maison, Thaïs qui est une belle adolescente avec qui ça se passe bien, Max notre petit garçon de quatre ans. Et on a nos vies professionnelles qui se passent très bien. Loin de l’image que j’avais il y a dix ans, si je n’avais pas mon caractère pour rappeler celle que j’suis. J’descends, retrouvant ton frère qui est venu passer la soirée avec son neveu et sa nièce. Comme avant. « Pas de bêtise avec tonton. Papa et maman vont rentrer tard, donc on se voit demain matin. » Embrassant Thaïs sur la joue et Max que j’sers dans mes bras. Tu descends m’rejoindre, j’prends ma pochette. « Sexy monsieur. » Les cravates qu’tu portes m’feront toujours autant d’effets. Ou alors c’est les hormones qui m’jouent déjà des tours.
Puis dans la voiture c’est silence radio, ça cogite dans ma tête. Pas certaine d’avoir envie d’un second enfant. Mais comment abordé c’genre de sujet. Faut que j’en parle avec Ana. Impossible d’la trouver sur place. Champagne ? qu’un serveur m’propose. « Un jus d’orange. » Les yeux qui roulent, et j’me retrouve avec une coupe de jus d’fruit, et toi à l’autre bras. « Pourquoi j’ai insisté pour qu’on vienne déjà ? » Même si j’repère certaines personnes, finalement, je n’suis pas d’humeur.

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2 septembre 2033
Harvard, réunion d'ancien élève
grossesse, notion d'avortement


Dix ans qui ont passé. Assagit la jeune femme que j’étais. Ou presque. Il y a des choses qui changement pas, comme mon caractère, ou l’état d’notre relation. Toujours aussi passionnelle et explosive à la fois. Et il semblerait que mes problèmes de communication m’font encore défauts. Savoir que j’suis de nouveau enceinte, m’enferme dans un mutisme dès qu’on s’retrouve juste tous les deux. J’me souviens encore comme si c’était hier, cette grossesse, cette annonce. J’étais assise sur les toilettes, terrifié. Et toi derrière la porte, à attendre avec moi le résultat du test. T’as sauté d’joie, et moi j’ai pleuré. Incapable d’savoir si j’ferais une bonne mère. Quatre ans plus tard, on a un merveilleux p’tit homme qui m’ressemble beaucoup sur l’indépendance et sa débrouillardise malgré son jeune âge. Il t’ressemble aussi beaucoup, il est très intelligent, de grandes facultés, il est toujours souriant. Max est l’enfant parfait, faisant d’moi la mère qui j’avais peur de n’pas être. « Nan… J’veux montrer à tout l’monde la chance que t’as d’avoir une femme aussi belle qu’moi, sexy, et qui n’a pas pris une ride. » Dernière recommandation à mon beau-frère et on s’en va. J’sais d’avance qu’il n’va pas tenir compte de c’que j’peux lui dire. Tonton bêtise comme Max l’appelle d’temps en temps. Un long trajet d’silence, la voiture garée, et le regard vers le bâtiment. On a beau vivre encore ici, je n’reviens jamais sur le campus, passant que rarement devant. Et là, j’vais carrément y remettre les pieds. Qui plus est… avec un polichinelle dans l’tiroir. « Y a que t’aimerait revoir ? » Scott, Ana, Sergio, Jinx, Seven… pour certains ça va m’faire bizarre d’savoir ce qu’ils sont devenus. «  Quoi ? Je n’peux même pas prendre un verre de jus d’fruit ? » Bon d’accord, c’est suspect. « j’en voulais pas, c’est tout. » Faux, faux et encore faux. Ça n’tiendrait qu’à moi, j’prend une bouteille pour la boire cul sec.

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2 septembre 2033
Harvard, réunion d'ancien élève
grossesse, notion d'avortement


« Et en dix ans, t’es toujours aussi niais. » Moi, j’ai toujours autant d’mal à montrer mes émotions. Sauf pendant ma grossesse. Entre les hormones et mes propres émotions, c’était une catastrophe. Entre cris et pleures, éclats de rire, puis re-pleure. Et ça, ça pouvait être sur la même heure. L’enfer. Alors m’dire que ça pourrait recommencer. J’en soupire d’avance. Puis être devant l’entrée du bâtiment. Sûrement mes meilleures années, on n’va pas s’mentir. La vie d’adulte parfois, ça craint ! Silencieuse à ton bras, tentant d’faire un effort en t’posant une simple question. Me demandant aussi si Carter ou Thélio seront là. Après tout, ce sont des anciens étudiants aussi. Puis Thaïs serait sûrement contente d’voir sa mère. « Même si ça c’est pas super bien fini avec Ana, Donovan, Jinx, Scott et Lena. » Pour les deux derniers, j’savais qu’il était présent au vu des messages d’Lena. Puis une réflexion sur mon verre d’jus au lieu d’une coupe de champagne. Ton bras que j’lâche. « Faut vraiment que j’me justifie sur un verre ? » râlant sans m’cacher, même s’il y avait du monde autour de nous. J’fini par poser ce verre de jus d’fruit pour finir par prendre une coupe d’champagne. « Rassuré ? » L’ironie dans la voix. Pourtant, je n’porte pas une seule fois la coupe à mes lèvres. Réflexe. Même si la décision n’est pas prise quant à l’avenir, j’peux pas maltraiter pour autant ce fœtus. « J’étouffe. » Alors qu’les larmes montent aux yeux. P’tin. J’les retiens depuis que j’ai vu le résultat du test. Mais là trop, c’est trop. T’plantant là, j’me dirige vers l’une des premières portes que j’arrive à ouvrir. Une salle de classe. Je m’assoie, ventilant mon visage des mains. Priant pour que ces crises de larmes passent avant qu’tu n’arrives.

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2 septembre 2033
Harvard, réunion d'ancien élève
grossesse, notion d'avortement, dépression post-partum


La coupe qui claque sur un plateau, frôlant, bousculant presque les étudiants déjà présents sur place. Ana sait, j’ai fini par lui dire, mais j’la trouve pas sur l’instant. Les couloirs du passé qui rappellent tellement d’souvenirs, je m’y attarderai plus tard. Tu vas où ? Ta voix que j’entends dans tout c’bruit mais à laquelle j’suis incapable d’répondre. Je m’énerve face aux nombres d’portes qui refusent de s’ouvrir quand ma main s’pose sur la poignée. Puis l’soulagement quand une cède enfin. Posée derrière cette table dans cette salle d’classe. Des classes que j’ai parfois fuit et qu’aujourd’hui s’trouvent être un refuge. Assez ironique. Ton corps qui pénètre dans la pièce, et les questions qui s’enchaînent. « Doucement Dim’ s’il t’plait ! » Juste un moment d’calme et d’silence, laisse-moi reprendre mes esprits. Mes mains serrent les tiennes, avant de les lâcher un instant. Puis les phalanges qui fouillent mon sac à main à la recherche d’mon téléphone. La galerie trouvant la photo que j’cherche enfin. A défaut d’être capable d’parler, autant de montrer. Je tourne le téléphone vers toi, la même photo que j’ai envoyé à celle qui est toujours ma meilleure amie dix ans plus tard. Celui d’un test d’grossesse. « Il est positif. » Même si ça semble évident vu la scène actuelle. On a déjà Max, Thaïs qui devient une belle jeune femme. Il n’y a pas d’place pour un autre bébé. Retourner dans les couches, les biberons, les nuits d’trois heures, les pleurs. Puis ce corps que j’ai eu tant d’mal à retrouver. Je n’garde pas d’bons souvenirs de ces neufs mois, et pas non plus énormément d’la première année de Max. Certains médecins ont même pensé que j’étais en dépression post-partum.

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2 septembre 2033
Harvard, réunion d'ancien élève
grossesse, notion d'avortement, dépression post-partum


« Répète pas c’mot comme si ça changerai le résultat. » J’sais que ce p’tin de résultat est positif. J’aurai dû m’faire ligaturer les trompes quand le gynécologue me l’a proposé. On n’en serait pas là aujourd’hui. « Faut vraiment que je t’explique le fonctionnement d’un test d’grossesse ? » Le ton d’voix un peu plus fort que prévu, mais que j’adoucie tout aussi vite. On peut mettre ça sur l’compte des hormones, même si en théorie, c’est un peu trop tôt pour qu’ça joue déjà maintenant. Mes mains dans les tiennes, elles s’mettent à trembler. Ce n’était pas dans nos projets. On a Max, et ça devait s’arrêter là. Je dois continuer à gérer le circuit automobile, et toi la gestion de la chaîne d’hôtel. C’était ça, l’projet. Fini les couches et les biberons, les lever toutes les deux heures par les cris. « Je n’suis pas certaine de l’vouloir Dimitri. » Les mots sont lâchés. Je n’suis pas certaine d’être une bonne mère pour deux enfants. Max a une vie d’rêve, mais si tu joues le rôle de papa à merveille, j’ai plus le rôle de la copine, pas vraiment d’une mère autoritaire qui donne des limites à son enfant. « S’il te plait, dit moi qu’ça va bien s’passer, parce que j’en suis pas convaincue là. » J’sers tellement fort tes mains, que j’pourrais les briser. Ce n’était tellement pas comme ça que j’avais prévu cette soirée de retrouvailles à Harvard. Je devais boire avec des anciens amis, danser, rire. Peut-être retrouver mon ancienne chambre à la dudley et redevenir des futures adultes à s’envoyer en l’air dedans. Ça, s’était la soirée que j’voulais.