Difficile de voir clair, dans l'obscurité de la nuit. Mais là, c'était un peu plus difficile. La nouvelle était tombée et pas sûr qu'il s'en sorte, mon père. Il se bat depuis des mois et pourtant, ça continue de progresser. La chimio ne semble pas faire son effet et ouais, ça m'fout un coup au moral. J'ai même des regrets, comme celui d'être parti cet été vivre ma meilleure vie pendant qu'il se battait comme il pouvait contre cette maladie de merde. Après rien n'est perdu mais ça fout un coup au moral. Alors j'me retrouvais dans le skatepark, vide à cette heure tardive. J'regarde mon téléphone, trois heures du mat'... ouais, ça s'comprend. Je m'en fiche finalement, ça fait plus de place pour moi et ma bouteille de tequila. La posant sur le bord du bowl, avant de glisser dedans et faire quelques allers-retours. L'envie de crier était là, mais va savoir, il restait dans la gorge ce cri, incapable de sortir.

J'ai marché jusque ici, et si je devais dire la vérité, je sais pas trop comment, je sais pas trop pourquoi. Parfois, l'insomnie se fait sinueuse dans la nuit et s'immisce dans ma chambre. Elle vient, prends de la place, prends de l'espace, et se pose comme si c'était chez elle. Peut-être couverte d'un peu d'angoisse, que je recouvre moi-même d'un joint. Je l'empêche, je la fais reculer. Ce soir, un peu de ça, un peu de tout, et puis une marche qui m'emporte jusqu'à là. Jusque toi. Un appel dans la nuit, comme un cri que tu n'aurais pas su faire. J'approche, m'avance, me met au milieu. "Hey, salut. Est-ce que tu peux t'arrêter ? J'vais m'allonger au milieu, c'est là où on voit le mieux." me demande pas, j'en sais rien. "Tu peux venir s'tu veux." et la main se tends vers l'homme. Je vois, toi. Je vois ta tristesse, ta solitude, ton angoisse et ton insomnie. Elle fait écho à la mienne, aussi.

C'était compliqué de composer avec tous les aléas de la vie. J'étais même pas sûr de pouvoir rester ici si mon père... bref. S'il n'était plus de ce monde. C'était pour lui que j'étais là, que j'avais stoppé mon tour du monde. Mais merde, il fallait qu'il se batte, qu'il donne tout ce qu'il a pour ne pas quitter ce monde. J'avais peur d'un monde où mon père n'était plus. Mais fallait sûrement que je commence à m'y faire... peut-être ouais. Seulement, je n'étais plus seul, dans ce skatepark. Une présence venait déranger mes sombres humeurs et était loin d'être très conciliante. « c'est un skatepark ici... c'est fait pour faire du skate, pas s'allonger en plein milieu » Si j'étais plutôt cool en temps normal, mon humeur au plus bas me faisait perdre patience. D'où on demandait ça ?? « tu peux t'allonger plus loin dans l'herbe là-bas, ça sera très bien et on voit tout pareil » Et puis l'alcool n'aidait sûrement pas non plus.