avoir pris la fuite la veille au soir. prendre le temps de réfléchir loin de tout ça. voir la vérité en face sur tes actions, sur les conséquences que ça a sur elle, sur vous deux. et tu dois faire face pour de bon. parce que fuir n'est qu'une solution de facilité qui ne peut pas durer éternellement. t'es partie de l'endroit où tu t'es planquée pour la nuit pour rentrer à l'appartement, prenant ton courage à deux mains. tu lui dois bien ça. même si tu sais que la douleur sera présente. il fait chaud et pourtant tu as pris le parti de porter un sweat à capuche pour te camoufler. te pointer devant elle, le visage inexpressif et le timbre monocorde. « hey.. on peut parler, s'il te plait ? »

t'aimes pas avoir ce rôle, d'être celle qui sabote tout par peur, celle qui s'est perdue, celle qui brise. mais tu l'as vu dans son regard, la brèche que t'as créée au fond de son coeur. et tu ne peux pas la laisser comme ça. c'est dur pour toi, pourtant. parce que tu l'aimes. mais tu le sais, l'amour ne dure qu'un temps après un tel séisme. et les dégâts deviennent irréversibles. ce n'est pas ce que tu souhaites pour elle, pour vous. tu ne veux pas qu'une guerre se déclare. tu ne veux pas provoquer pire. tu poses tes fesses sur la table basse, face à elle qui n'ose pas te regarder, tu prends une longue inspiration en regardant tes mains, cherchant tes mots. « j'me suis déjà excusée et j'le referai encore et encore. j'ai essayé de garder la face mais j'sais que.. que tu mérites pas tout ça. que tu mérites mieux... mieux qu'moi, qu'la fuite que j'prends. » ta voix se brise, une larme s'échappe de tes yeux pour s'écraser sur ton pouce dans une chute aussi terrible que la tienne à ce moment précis.

peu importe la douceur que tu peux mettre dans les mots que tu prononces, tu sais la douleur qu'ils provoquent. dans ta gorge, ils écorchent, s'accrochent, difficiles à annoncer, ils veulent se poser avec le moins de violence possible. rien ne restera intact après ça. son coeur, déjà meurtri par tes actes, se retrouvera affublé de nouvelles entailles. le tien, tu l'enfermeras dans une boîte de pandore pour ne rien ressentir en quittant les lieux. mais il est temps de l'ouvrir une dernière fois, pour les mauvaises raisons, mais de l'ouvrir quand même, pour que la vérité soit annoncée. « je sais.. si j'avais pas joué avec le feu, on aurait pas cette discussion.. mais j'fais partie de ces gens qui s'échappent dès que ça prend trop d'ampleur, trop de sérieux trop rapidement. j'sais que c'est moi le problème. j'ai voulu.. trop vite, peut-être, j'en sais rien. et j'veux pas te faire encore plus de mal.. » tes iris qui osent enfin se poser sur elle. la voir pleurer ça te fait mal, mais tu sais que c'est mieux comme ça. pour elle, au moins. « tu peux rester vivre ici, à moins que ça t'fasse trop de mal de me croiser tous les jours quand j'serai rentrée de mon séjour. »

serrer les dents en voyant à quel point tu la blesses, à quel point tu lui fais mal en prenant cette décision. certains pensent que c'est plus facile pour l'être qui part que pour l'être qui reste. ceux-là se trompent. parce que ce n'était pas une décision facile à prendre et encore plus compliquée à appliquer. parce que les souvenirs, ils sont encore frais. les sentiments, toujours présents. la culpabilité, torturante. tu détournes le regard, qui trouve refuge une nouvelle fois sur tes doigts qui s'accrochent entre eux pour avoir quelque chose de tangible encore sous tes yeux. jambe qui tremble nerveusement en hochant la tête. « j'comprends.. c'est normal.. mais j'voulais que tu l'saches.. » que tu ne la foutais pas dehors, qu'elle avait sa place dans cette colocation si elle le voulait. déchirure dans le myocarde en entendant son sanglot, les derniers mots qu'elle t'accorde sont aussi douloureux que la balle qui t'a transpercée il y a quelques mois. « tu vas me manquer aussi, Cleo.. et si un jour t'as besoin d'moi.. j'serai là. » mordre tes joues pour ne pas pleurer plus fort encore, te lever, embrasser son front en douceur.

un au revoir déchirant, c'est comme ça que tu le perçois. loin d'être un adieu, tu l'espères, mais tu n'as aucune certitude sur le sujet et tu préfères rester dans l'inconnu tant qu'elle n'est pas prête. ne rien espérer de plus que ces derniers moments que tu as tenté d'adoucir du mieux que tu pouvais aux vues de la situation chaotique dans laquelle tu vous as précipitées. « pas d'quoi.. » murmuré, voix fendue par les émotions décuplées et renfermées. tes bras qui l'entourent lorsqu'elle t'étreint, rester un instant comme ça, laissant quelques larmes silencieuses imbiber les coussins du canapé. « fais attention à toi, d'accord ? » relâcher ton étreinte, te redresser pour filer un instant dans ta chambre récupérer ta valise, revenir dans le salon, où tu restes devant la porte. « avant que j'parte.. j'voulais que tu saches que tout ce que j'ai dit sur la plage l'autre soir.. j'ai pas menti.. » sur ton amour, sur ta culpabilité, dans tes excuses, tu n'as pas menti une seule fois.