L’attaque de l’homme du milieu. Une faille émerge à la surface, lacune vulnérable par laquelle tu t’introduis discrètement. Une connexion instable, une source risquée. Qu’il est amusant de parvenir si aisément à intercepter et à altérer ses communications, soigneusement dissimulé par son utilisation idiote. Il consulte aveuglément ses comptes, oscillant d’une application à l’autre, d’un navigateur à l’autre sans le moindre soupçon. Tes pupilles discernent tout. Merci Monsieur Davenport pour la généreuse offrande. Un large sourire déforme tes lippes. Ainsi, tu pénètres dans l’intimité de son portefeuille, rôdant doucement sous les faisceaux de sécurité. Tu as appris rapidement que les points faibles du système sont généralement humains ; il suffit d’exploiter les émotions primaires. L’excès d’orgueil, la confiance en l’outillage informatique. Aux publicités sécuritaires « vous ne risquez rien ». Tes doigts parcourent le clavier, symphonie impossible à oublier. L’adrénaline palpite dans tes capillaires, l’addiction révélant ses affres et déchirant ton épiderme de ses dents. Quelques jours pour l’atteindre, puis patienter. Patienter encore. Encore. Et l’attaque. Les transmissions, les combines et astuces pour nettoyer le passage et perdre les éventuels poursuivants dans un labyrinthe cryptique. 1.0.0.1.1.1.0. 2. Étrange époque où les preuves matérielles se substituent aux preuves immatérielles. Les avatars trahissent les propriétaires et sèment derrière eux des métadonnées particulièrement bavardes. Multiplicités des doubles, des triples, des quadruples puis plus rien. Le néant. Les doubles numériques sont des ennemis pervers, compilant la trahison dans un joli dossier. Les précieuses informations guidant jusqu’à ta position. Tu effaces tous, vérifiant encore et encore que ta trace soit illisible et les billets disponibles.

Le moteur ronronne encore, brûlant l’atmosphère de son souffle carbonique. L’équilibre au bout de ton pied, le silence imposé par un tour de clef. Tu ôtes ton casque, les cheveux emmêlés retrouvant la brise. Tu as été bien plus rapide que tu ne l’espérais, apparemment les vieilles habitudes ne se sont pas encore défaites de toi. Les démons ancrés profondément dans tes muscles, suffisamment pour demeurer des réflexes. Ton sac à dos est particulièrement lourd aujourd’hui et l’obscurité s’annonce. Les derniers rayons du soleil luttent à l’horizon, écrasés par la suprématie nocturne. J’avais envie de te faire un tas de trucs pour que tu acceptes de hacker le compte en banque de mon père. Des trucs avec mes doigts, avec ma langue aussi. Les mots défilent derrière tes pupilles alors que tu entres dans son immeuble. Andréa est surprenante, animant ta curiosité de quelques velléités vicieuses. La progression est rapide jusqu’à sa porte. Trois coups.


@Andréa Davenport

Il est certain que tu ne pourras jamais blesser ton père autant qu’il n’a pu te décevoir. Alors que tu pensais qu’il avait touché le fond en trompant ta mère avec une gamine de vingt ans sa cadette, il a osé employer des mots dont tu ignorais jusqu’à ce jour le sens exact. Lors de votre dernier échange, alors que tu avais besoin d’un soutien, d’une main tendue pour pouvoir continuer à t’élever, il n’a pas hésité une seule seconde avant de te rabaisser plus bas que terre. Si tu pensais qu’il pouvait à minima te dépanner, si ce n’est assuré son rôle paternel, tu t’es plantée sur toute la ligne. Tu fais rarement des erreurs de jugement or pour le coup, tu ne l’avais pas vu arriver. Aussi rapidement qu’une météorite venant s’écraser sur le sol américain, il a piétiné le peu de morceaux myocardiques qu’il restait en ta possession. Figure paternelle autrefois rassurante, aimante peut-être même, devenue désormais ton plus grand cauchemar. Le seul sujet encore sensible, il a su mettre le doigt dessus et reprendre l’avantage. Alors certes, tu n’es pas la fille dont un parent pourrait rêver. Enchainant connerie sur connerie et préférant la provocation au bon sens. Invitation au mariage qui s’est perdue dans un feu de camp quelques jours auparavant. Paroles cinglantes adressées à cette nouvelle madame au ventre rond. Parfait idylle, tableau rêvée. Un américan dream des temps modernes si je puis dire. Toi, ça te fait bien rire parce que tu sais que ça ne va pas duré. Jamais elle ne se contentera d’un vieux daron dont les enfants premiers sont ingérables… Dont la dernière est ingérable plutôt. Jusqu’à peu, tu l’avais laissé vivre son bout de chemin, préférant l’ignorance au mépris. Mais, lorsque tu eues besoin d’un coup de pouce, monsieur préférera l’indignation. Des études de droit ? Oui mais encore ? Est-ce que l’année prochaine, il serait possible d’obtenir une mention ? Ton frère aurait fait mieux… Ethan n’aurait pas apprécié que tu te détruises de la sorte… Regarde ta vie ? A quoi ressemble-t-elle ? En tendant l’oreille, t’aurais peut-être pu distinguer un faible : pathétique. Il est vrai que toi aussi, tu aurais préféré que ce soit Ethan qui reste plutôt que ta petite personne. Tu trouvais la vie beaucoup trop dure pour l’adopter d’une autre manière. Oui, depuis que ton frère jumeau n’est plus de ce monde, tu erres tel un fantôme a qui on a retiré le droit de hanter les plus faibles. Tu te bats pour survivre et sors les crocs à la moindre complication. Parfois épuisée, tu craques. Tu te laisses aller à toutes sortes de poudre et comprimés colorés tandis que la fumée verte s’échappent de tes lèvres craquelées. T’es pas un exemple Andrea. Tu n’as jamais prétendu l’être. Souvent, tu ne te sens pas légitime dans ce monde mais, tu n’as pourtant pas le droit de mettre fin à tes jours. Parce que cette vie, c’est Ethan qui aurait du la vivre et pour lui, t’es prête à faire cet effort. T’es prête à te battre contre ton père, pour tes droits et tes idéaux.

Perdue dans tes sombres pensées, tu ne percutes pas toujours. Pourtant le bruit sourd qui résonne à travers les murs, te pousse finalement à te redresser. Joint négligemment écrasé dans le cendrier de cet appartement miteux dans lequel tu lui as donné rendez-vous pour ne pas avoir à mêler Kassim à tout cela, tu passes la tête dans l’encadrement de la porte. Toujours surveiller ses arrières. Esquisse de sourire qui se dessine sur tes lippes alors que tu fais sauter le verrou pour le laisser pénétrer dans les lieux. Je pensais que t’allais me poser un lapin. T’en as mis du temps… Pupilles qui le détaillent de haut en bas avant de s’attarder sur le sac. A-t-il réussi la mission que tu lui avais confié quelques jours auparavant ? Le suspens est à son comble ! @Seven Goldberg

Trois coups et l’attente. Étrange comme le son semble se répéter à travers les murs, résonnance se répercutant dans l’insalubrité misérable. Quelques éclats de voix d’un autre appartement te parviennent, une dispute. La vibration d’une lointaine musique, perchée plusieurs étages au-dessus de ta tête. Les sonorités s’amusent de l’immeuble, pénétrant dans les failles putrides comme un asticot fendant le bois. Une odeur d’eau usée et de pâtes trop cuites imprègnent le couloir où tu patientes. L’image est nauséabonde sous tous ses prismes, sensoriellement agressé par des stimulations de moisissures. Néanmoins nulle inquiétude ne trouble la surface, il serait très surprenant que blondie habite réellement les lieux. Elle est rusée et couvre bien ses arrières. Tu en es certain Seven, autrement, tu n’aurais pas accepté cette mission… Elle est une complice acceptable, tes velléités obscènes le murmurent sans cesse.  Et ne serait-ce pas ta vengeance pour la prison et la justice ? Et puis la cellule était une scène plus terrible encore, la décomposition rongeait les chaînes autant que les épidermes.  Un crime et des billets en réparation. Ta patience se heurte au seuil lorsque des bruits de pas s’activent de l’autre côté de la cloison. La porte s’entrouvre, dévoilant sa silhouette rapidement avant qu’elle ne déverrouille. Tu entres rapidement, découvrant l’appartement aussi miteux que l’étage. « Je pensais que t’allais me poser un lapin. T’en as mis du temps… » Un rire t’échappe au spectacle de son empressement, son regard te scrutant avant de se détourner vers ton sac. Il pèse bien plus lourd à présent. « C’est pas tellement mon genre les faux-plans. » Tu avances à travers les pièces, retrouvant un salon où une fumée grisâtre s’élève encore du cendrier. Volutes fantomatiques se moquant bien de votre arrangement. Casque déposé sur une table chancelante, tu attrapes une cigarette dans ta veste. D’un geste rapide, tu fais claquer ton briquet, la flamme mordant le papier avant que tu ne tires une profonde inspiration de nicotine. « Sympa la décoration, j’dois admettre que tu as des goûts de chiotte. » Tes yeux naviguent dans la pièce pour apprécier l’œuvre de l’artiste. Il ne détonne pas de l’ambiance générale. C’est sale, cependant, tu retrouves dans la crasse un sentiment rassurant… La quiétude de l’habitude. Ton observation s’arrête pour retrouver son visage, ton sac déposer à tes pieds. « Ce n’était pas si difficile. La cible n’était pas particulièrement… informée sur les risques et bordel. Quelle utilisation risible, les pares-feux ne sont pas automatiques. » Un nouveau rire s’extirpe de ta gorge, la cigarette coincée entre tes lippes alors que tu ouvres la fermeture éclair. Les billets verts. « Le plus difficile a été de récupérer la somme en cash, mais j’me suis dit que tu ferais la gueule si c’était bloqué sur un compte quelque part. »


@Andréa Davenport

Un poing qui fait trembler les murs. Tête qui se lève instinctivement pour t’assurer que le plafond est bien encré. Poussière dans l’oeil. Tu divagues, heurtes le canapé sur lequel tu ne t’attardes. Dieu seul sait ce qu’on a pu faire dans ce vieux futon. Ton sourire s’étire discrètement en une grimace disgracieuse alors que tu imagines cendres et substance visqueuse s’entremêlant par ici et par là. Un frisson parcourt l’échine qui s’active à rejoindre ton invité. Le verrou saute, non sans s’être assuré que c’est bel et bien l’étalon tant attendu. Mieux vaut se méfier lorsqu’un plan comme celui-ci entre en action. Cruella aurait pu mettre des hommes à tes trousses après s’être aperçue de ton petit manège de x ou y façon. Peut-être le voisin de palier, venu frappé car tu l’empestes avec tes toxines. Douce fumée qui danse dans le salon défraîchi tandis que Seven vient apporté un peu de vie dans cet insalubre domaine. Musique qui tente de couvrir le concert aigu de hurlements quelques mètres au dessus. Tu t’éclaircis la voix, parles de lapin mais il dément. Impossible. Homme de confiance. Peut-être que finalement, c’est un type bien. Peut-être devrais-tu lui faire confiance. Difficile de penser quelque chose de la sorte. Faire tomber les barrières ? Tu te résignes. T’es venu en moto ? Tu m’emmèneras faire un tour un de ces quatre ? Adrénaline qui demande à s’assouvir, tu hausses les sourcils d’un air provocateur avant de lui offrir ce sourire si malicieux qu’il fait plisser l’arrête de ton nez. Nicotine qui éveille tes papilles tandis que tu effectues un tour sur toi-même. T’as vu ? Je te ferais visiter un peu plus tard si tu le désires. Tu fais croire que c’est ta demeure mais la décoration impersonnelle prouve le contraire. Quoiqu’en y réfléchissant, tu n’as jamais été trop artistique. Une seule photo de ton frère disparu il y a des années maintenant dans la coque de ton téléphone. Toujours à proximité, comme pour sentir sa présente. Un baume rassurant lorsque les doutes s’installent, lorsque le coeur cogne. Tu te concentres à nouveau lorsque sa voix résonne dans la pièce. Incitations suspendues de l’autre côté de la rue, ton attention se porte sur sa personne puis, ses mains qui s’actionnent. Liasses de billets verts qui te surprennent amplement. Tu te doutais de la somme importante présente sur le compte en banque mais, les zéros sont tout de même nombreux et ton coeur s’emballe. Bonne initiative… Nerveuse, tu te masses la nuque, fait jouer ta langue sur tes lèvres sucrées. OK mh… T’as pris ta part déjà ? Peut-être un merci Andy ? Une marque de politesse qui soulève son effort et le risque pris malgré ses antécédents avec la justice. Merci… D’avoir fait ça… Murmure qui se coince tout de même dans l’oesophage et cordes vocales qui déconnent mais, c’est surtout que tu es impressionnée par la scène. Tu n’as jamais vu autant de billets. Ils sont à ton père. Tu risques de te faire tuer. Conscience en éveille mais aucun regret à des kilomètres à la ronde. Tu reportes enfin ton attention sur sa personne. Tes iris en ébullition, plongent dans son sombre regard. T’as envie de le percer à jour à l’instant T. J’ai terriblement envie de t’embrasser là... Autre pulsion qui te fait pourtant entendre. Ocytocine sécrétait en excès et Seven en fait les frais. @Seven Goldberg