Une soirée tous les deux, ça faisait tout juste une semaine que c'était pas arrivé. Enfin on s'était malgré tout vus à plusieurs reprises, les jours passés, sauf hier. Ça m'allait très bien en vrai, ce petit rythme entre nous. Les sentiments envers toi se renforçaient toujours plus, éloignant tout troubles qui pourrait venir foutre la merde dans mon esprit. Seulement, une chose a changé entre temps : l'état de mon bras. Nu de tout plâtre, je me retrouvais avec une attèle à mettre si besoin est. Elle était d'ailleurs dans mon sac, que j'avais déposé dans l'entrée quand tu m'as fait entrer. Veste tirée jusqu'à mes doigts avant que je ne vienne t'embrasser. Geste simple, non réfléchi, que j'avais déjà fait l'avant-veille en débarquant. Mais en même temps, tu ne m'en empêchais pas alors je ne me privais pas. Tes lèvres m'avaient toujours appelé et je suis juste celui qui ne résiste plus. C'était calés sur le canapé, la télévision allumée face à nous qu'on avait fini par trouver place. Impossible pour moi de retirer cette veste. Il était pas question dénuder cette partie de mon corps. J'comprenais enfin ce que tu pouvais ressentir, vis à vis de la cicatrice au niveau de ton bas ventre. Je comprenais entièrement, puisqu'il était hors de question que je laisse quiconque voir celle qui arpentait à présent mon bras. Près de vingt centimètres sinueux, allant du poignet jusqu'au coude. Pas une ligne droite, non. Une ligne qui pouvait être confondue avec un serpent. Ligne pas très belle, encore un peu rougie. J'voulais juste pas que tu puisses voir ça, que tu puisses voir cette horreur. J'imaginais beaucoup de choses, quand y'avait mon plâtre. Mais la réalité était bien pire.

depuis toujours le vendredi est la journée que tu détestes particulièrement. matinée de cours, lambda, que tu passes a écouter le professeur parler de quelque chose sur lequel tu t'es déjà renseignée. après-midi assise dans un fauteuil d'hôpital, à recevoir un paquet de traitements, encore plus que la normale depuis l'effondrement de la salle de concert il y a un peu plus d'un mois. perfusée tout le long des bras, un masque à oxygène parce que t'as fais ton malaise habituel, tu pianotes sur ton téléphone espérant que le temps passe plus vite. des années a passer dans les hôpitaux et le temps n'est jamais passé plus vite. un peu excitée à l'idée de retrouver donovan ce soir, toi qui freinait tout rapprochement trop important, t'es en train de foncer dedans la tête la première. t'as pas eu la force d'aller faire des courses, tu t'es dis que vous pourriez très bien commander à manger. t'as quand même ranger ton bazar habituel; toiles, tubes de peinture, fils et perles de broderie. lorsqu'il arrive, il t'embrasse et t'es pas plus surprise que l'avant veille, lorsqu'il l'avait fait. des habitudes qui se créent, une complicité qui se renforce, et t'as cette émotion agréable que t'essayes tant bien que mal d'étouffer au fond de toi. installés confortablement dans le canapé, t'as le plaid que te recouvre le corps allongé et la tête posée sur ses cuisses. les paupières qui se faisaient lourdes, tu te laissais facilement tomber dans les bras de morphée, l'espace de quelques minutes qui on sûrement durées plus que tu ne le pense. réveillée en sursaut par un bruit sourd: le film qui bat son plein. tu te redresses, l'air de rien. — dis rien, j'sais que j'ai dormi chuchotes-tu en t'étirant. prise d'un frisson, tu remontes le plaid sur tes épaules. — t'sais que tu peux retirer ça? t'attrapes sa veste entre tes doigts et tu la tires doucement. toi qui est déjà dans une tenue confortable, tu comprends pas comment il peut garder sa veste sur lui.

J'aimais pas me sentir comme ça, pas moi-même, pessimiste. Mais ce bras... il devenait tout ce que je détestais. Il me tirait vers le bas, il me retenait d'avancer. C'était le souvenir marqué comme au fer rouge de cet événement tragique du 8 avril. Ca faisait bientôt deux mois et pourtant, c'était toujours aussi frais dans ma tête. Le pire, c'était que c'était pas la seule cicatrice que j'avais. Mon flanc en arborait une belle. Seulement.. c'était pas pareil. Mon bras, c'était mon outil de travail, c'était le membre que je voyais tous les jours, que je devais utiliser pour jouer, travailler, me divertir. Et là, ça devenait le poids que je me traînais derrière mois. Et par dessus tout, la cicatrice était loin d'être jolie. Installés dans le canapé, ta tête sur mes cuisses, j'avais les doigts qui caressaient tes cheveux délicatement. Le côté tactile qui revient en force. Pris dans le film, je faisais pas gaffe que tu t'endormais, jusqu'à ce que tu viennes sursauter d'un coup. Un sourire qui étire mon visage alors que je porte mon regard sur toi. T'en faisais de même, ce qui me faisait légèrement rire, surtout avec tes mots. « je dis rien alors » Sourire de plus belle avant de reprendre le film en cours de route. Mais tu semblais distraite, notamment par mon style vestimentaire. « t'inquiète, j'suis bien là.. je l'enlèverai après » Ou peut-être pas, j'en sais rien. J'ai un t-shirt en dessous et j'ai pas pensé à mettre mon attelle avant de venir. Cicatrice visible, peau sensible... J'étais pas forcément très chaud pour la laisser à l'air libre... à la vue de tous. Je tirais de nouveau sur la manche, pour m'assurer que le bras était recouvert, avant de te regarder de nouveau. « tu peux te rendormir si tu veux... je continue de te faire des papouilles dans les cheveux » Et je me mettais d'ailleurs assez vite en action.

t'as pas du tout conscience de ce qui peut le tracasser. à des kilomètres de savoir que son bras le complexe, qu'il ressent ce que toi même tu as toujours eu du mal à vivre. les cicatrices sont pourtant ce qui fait de vous des personnes uniques, marquées par les événements de la vie. les sourcils que tu fronces légèrement.  — allez, arrête, c'est pas confortable d'être coincé dans sa veste ! définitivement redressée, assise en tailleur à côté de lui avec le plaid qui entoure tes épaules.  — j'dormirais pas quand ce sera le moment si j'continue de dormir maintenant tes jambes s'étendent au dessus des siennes, un sourire malicieux étire tes lippes alors que ta main vient se loger derrière sa nuque. — sauf si tu m'fatigues dis-tu plus doucement en caressant sa peau et ses cheveux du bout de tes doigts, oubliant complètement le film qui continuait de tourner. de toute façon, t'en avait raté une partie.

Je comprenais pas pourquoi ma veste te dérangeait autant pour le coup et j'étais sûrement moins enjoué que toi à l'idée de l'enlever. Mais c'était difficile de mettre des mots sur ça, sur ce mal être qui m'habitait depuis hier, depuis que le plâtre n'était plus. Finalement, j'étais prêt à en remettre un si ça m'évitait de faire face à cette horreur. Tes jambes sur les miennes, ta main qui glisse dans ma nuque alors que je penche la tête sur le côté tout en te regardant, j'esquissais un sourire. « ça peut être dans mes cordes ça » admettais-je alors, main sur ta cuisse alors que je me penchais pour venir capturer tes lèvres. Assez naturellement, je me mettais au dessus de toi, tout en continuant de t'embrasser, oubliant tous mes tracas quand j'étais dans tes bras.

ta demande qu'il enlève sa veste est pressante, mais en rien inhabituelle. t'aurais fais pareil deux jours avant, sauf qu'il n'e l'avait pas gardé. tu comprenais juste pas et tu ne faisais pas le lien non plus, bien trop occupée de toute façon, a penser à des choses plus légères. ses lèvres viennent se rapprocher des tiennes et tu les attrapent un peu sauvagement. vite réveillée de ton micro sommeil et l'attention déviée sur lui plutôt que sur le film. tu l'attrapes pas le col de sa veste pour l'entrainer avec toi, t'allongeant sur le dos. échange de baisers langoureux et rapidement t'en viens à vouloir défaire sa veste. tu sens une résistance accrue de sa part. — hey mais tu joues à quoi ? j'vais pas te la voler ! dis-tu en posant tes mains sur son torse pour le repousser un peu.

Je préférais de loin penser à toi et moi de cette façon, plutôt que ressasser la douleur de cette cicatrice qui hantait mes pensées depuis la veille maintenant. Alors forcément, je répondais positivement à ton appel, cherchant tes lèvres presque immédiatement. Et ton corps réagissait très vite, se collant au mien. On finissait par être allongés l'un sur l'autre et les baisers devenant de plus en plus langoureux. Ca aurait pu bien continuer mais quand tes mains cherchaient à se défaire de ma veste, je me raidissais, refroidi de façon inexpliquée et tu sentais bien qu'un truc n'allait pas. « désolé... désolé » Je finissais par me redresser pour m'asseoir à ma place initiale, soupirant, épuisé d'être moi pour le coup. Main gauche qui vient tirer la manche droite, encore une fois. « j'veux pas qu'tu la voies. » finissais-je par dire, honteux. Le visage se tournant vers toi, redoutant de voir l'incompréhension sur ton visage. « mon bras.. ma cicatrice. elle est... affreuse »

le cœur qui s'emballe à l'idée de la suite des évènements. tu te sens bien quand tu ne penses à rien et dans ces moments là, c'est exactement la sensation que tu retrouves. même si vous deux ce n'est pas que physique, c'est aussi ce qui fait que vous matchez bien. seulement, le moment est interrompu par tes soins, ou peut-être son refus de se déshabiller d'ailleurs. son étreinte se soulève se dégageant de la tienne pour reprendre sa place initiale sur le canapé. tu restes allongée l'instant de ses aveux. tu grimaces. t'as presque envie de rigoler tellement tu trouves sa gêne idiote. après tout, il a vu toutes les cicatrices que tu portes, pourquoi toi, tu serais dégoûtée de la sienne? tu viens enfin à te rassoir, tournée vers lui. — sérieux.. tu souffles longuement, les yeux rivés vers ce bras qu'il cache. ta main se pose sur la sienne, celle de son bras anciennement plâtrée. délicatement, tu caresses le dos de sa main, ses doigts, à plusieurs reprises. — tu sais qu'il va bien falloir que tu retires ta veste à un moment où à un autre? tes yeux se braquent dans le sien, le regard rempli de tendresse. à cet instant tu comprends que t'as eu absolument le même rejet pour toutes les traces de ton corps. tu te lèves du canapé, abandonnant le contact entre vos mains, et retire le vêtement couvrant tes jambes. ta jambe droite pivote et tu pointes du doigt ton mollet. — tu l'as déjà vu celle là ? j'peux te raconter son histoire si tu veux

Je voulais pas mettre un terme à ce moment mais mon corps avait réagi tout seul, s'étant braqué à ces mouvements de ta part, ton envie de me déshabiller. C'était compliqué de gérer ça mais j'avais pas le choix, vu que tu t'étais braquée à ton tour. Installé sur le canapé, tu te redressais à ton tour, assise à côté de moi. J'me sentais totalement con pour le coup, surtout quand je sentais tes doigts caresser ma main, de façon réconfortante. C'était pas rationnel tout ça, j'le sais très bien, mais j'étais incapable de lutter contre ça. « j'sais ouais » soufflais-je, le regard toujours posé sur toi, les lèvres pincées. C'était étrange, ce revirement de situation où c'était toi qui cherchait à me réconforter. Devenu presque muet, c'était toi qui prenait le monopole de la parole. D'ailleurs, tu t'étais redressée, poussant alors à rompre tout contact physique entre nous, pour retirer ce que tu portais au niveau de tes jambes pour me montrer ton mollet. « je l'avais sentie.. quand je glisse mes mains le long de tes jambes » Souvent quand je viens glisser mon visage entre tes cuisses. « je veux bien ouais » J'avais l'impression d'être fébrile, fragile. Je détestais ça, surtout face à toi, mais j'avais pas le choix que d'assumer cette faiblesse.

debout devant lui, les jambes nues, tu t'apprêtes à raconter l'histoire de ta blessure au mollet. il te signifie qu'il l'a déjà senti en la touchant, et t'en es pas vraiment surprise. il doit toute les connaitre maintenant, ne même plus y prêter attention. et c'est ça que tu veux lui faire comprendre: que même sous ses yeux, elles deviennent toutes invisibles. et ça, toi tu l'as bien compris. — elle date du spring break. j'ai quitté une soirée parce que le mec que j'appréciais draguait une meuf devant mes yeux, et même si j'savais que c'était fini entre nous, ça m'a soulé. bref, en voulant rentrer, j'ai croisé travis. c'était la première fois qu'on se revoyait depuis.. quelques semaines à vrai dire. il était de super bonne humeur, il allait en soirée et il voulait à tout prix que je vienne. il m'a supplié, c'était drôle et j'étais un peu pompette. tu t'arrêtes quelques instant, tu te rends compte que tu racontes des choses que tu n'as jamais vraiment dites. léger soupire avant de reprendre la parole. — j'l'ai suivi. oui, il s'en doute. mais c'est la que tout a recommencé. la porte ouverte à sa violence habituelle. — au début c'était cool. on a bu, on s'est raconté nos vies, on a rigolé. j'ai recroisé ses potes et c'était vraiment bien! et puis je sais plus trop comment, on en est venu à se disputer. enfin non, il s'est énervé parce que j'ai voulu rentrer et il voulait pas, voilà, c'est ça. il m'a suivi sur quelques mètres et il a jeté son verre au sol.. voilà l'histoire de cette cicatrice. un bout de verre qui entaille ta peau, assez profondément pour en saigner longtemps. ce soir là, c'est iwan qui t'as soigné et t'as rien dis, t'as gardé le secret parce que tu pouvais pas lui dire qu'un de ses meilleurs potes était aussi violent avec toi. ton regard qui fixait ta cicatrice se relève vers celui de donovan. tu affiches un petit sourire, essayant de lui montrer que ce n'est que du passé. tu soulèves un peu ton t-shirt, laissant apparaitre le milieu de ta cuisse. — celle là, c'est quand il s'était "endormi" avec sa clope dans la main une brûlure diffuse, qui heureusement n'apparait pas vraiment comme un rond de cigarette qu'on t'aurais écrasé dessus.