@Haiwee Wind River || Je ne tente pas de cacher la gravité de mon état, ce qui ne servirait à rien. La douleur et la fatigue se lisent encore sur mon visage à chaque instant, renforcées encore plus ces dernières heures par la garde d’Anaé. J’avais absolument voulu reprendre ma part de responsabilité au plus vite, soulagée un peu Céleste, et, il est vrai, trouver quelque chose pour détourner mon esprit du fait que j’allais fortement tourner en rond dans les prochaines semaines. Mais j’en avais sous estimé les efforts que cela me demanderait de prendre soin d’Anaé en plus de moi-même. Si c’était devenu assez simple au quotidien, ça l’était devenu beaucoup moins avec une telle cicatrice dans l’abdomen. Et il semblerait que dans mon malheur, j’ai été chanceux qu’aucun organe vital n’ait été touché. De quoi réfléchir sérieusement à la notion de chance. Mais je suppose que le fait que je sois encore un vie après une telle attaque - et bien d’autres par le passé - pouvait être perçu comme tel. Après tout, combien de fois avais-je échappé à la mort ? Je ne m’attarde pas longtemps sur la réponse, n’ayant pas envie de me perdre dans des pensées glauques et déprimantes, bien qu’elles éclaireraient combien j’ai pu manquer de prudence à plus d’une occasion. Bien que ce ne soit pas vraiment le cas cette fois.Après tout, rien n’avait laissé présager que la soirée prendrait une telle tournure, et si j’avais agi ce soir-là, ce n’était pas tant par professionnalisme que par coeur. Rainier devenait peu à peu un véritable ami, et j’avais cherché à le protéger comme j’aurais protégé Novel, Anaé, Céleste, ou même Haiwee. Oui, quand j’y pense, je sais qu’avec elle, j’aurais agi de la même façon.

A la formulation de ses espoirs à mon égard, je hausse légèrement les épaules. Pour ma part, je n’y croyais pas, mais ce n’était pas désagréable que quelqu’un tente de me rassurer sur mon état. Et Haiwee était la meilleure pour cela. Tout l’inverse de moi, à voir le bon côté des choses, le meilleur en chacun, à porter l’espoir. Ce que j’avais si longtemps trouvé niais chez elle apparaissait finalement comme une force de caractère. Quelque chose qui lui était propre et la définissait. Comme une innocence enfantine, toujours présente chez la brune, et que je m’efforce de préserver chez ma petite tête blonde, même si je ne pense pas qu’elle comprenne la teneur de la discussion. Mes mains sur ses oreilles, je continue de parler de ce que j’ai subi quelques jours auparavant, ne surveillant plus mes mots et parlant franchement. Je me penche néanmoins vers Anaé, enchaînant les grimaces sur mon visage pour lui faire vivre ça comme un jeu et l’amuser, bien que patauger dans la farine semblait faire son effet. Silencieusement, j’approuve les propos de la Adams face à cette mission compliquée qui s’annonce pour la police. Ils avaient dû être dépassés par les plaintes, et en dehors de moi, je ne pense pas que quiconque avait été blessé aussi gravement. « Pas très bien… Disons qu’il est très tentant dans ces moments-là, de saper l’autorité de la police pour obtenir ce que l’on souhaite, et je saurais exactement comment faire. Mais… » Je marque une pause, soupire avant de faire un bisous sur le bout du nez de bébé. « Je n’ai pas vraiment envie de me lancer dans une vendetta. A l’hosto, j’ai pris conscience de tout ce que j’aurais pu perdre, de tout ceux que j’aurais abandonné si la blessure s’était décalée, rien que de quelques millimètres. Je veux pas prendre de risque inutilement, mais ouais, ça me fout la haine de me dire que ce genre d’individu court  encore les rues, et que la police ne pourra rien faire contre, faute de preuve ou de témoignage, que sais-je. J’ai fais mes dépositions, mais est ce qu’ils retrouveront les gars que j’ai décrit… » Je hausse les épaules, encore moins convaincu que  pour mes fils qui devraient être enlevés sous peu. « Mais bon, je me console en me disant que j’ai encore toutes mes capacités motrices, et que mon ami n’a rien. Et puis je crois que ça m’a aidé aussi à prendre une décision que j’aurais du prendre depuis un moment. » Une décision qui me libérerait d’un futur qui ne correspondait plus à mes aspirations.

@Haiwee Wind River || Ce n’est pas la première fois que je fais face à la l’injustice, et pourtant, cela laisse toujours le même goût amer sur les lèvres. Encore une fois, certains allaient passer entre les mailles du filet, ne s'inquiétaient pas de ce que la justice prévoyait normalement pour leurs gestes. Ceux-là même qui ne comprennent que le langage de la violence et contre lesquels on ne devrait pourtant pas s’en servir. Parce que vengeance n’est pas justice. Pourtant, il faut bien avouer qu’il y a dedans quelque chose de tentant dans cette idée, que la volonté d'outrepasser les lois est présente, et qu’il aurait suffit d’un peu moins de maturité pour y céder. Je l’ai déjà fait, et je serais capable de recommencer, je le sais bien. Ca pourrait prendre du temps, des mois peut-être, mais je sais que j’aurais pu la ressentir, cette sensation de satisfaction mêlée de rébellion, tel un héros des temps modernes, agissant là où la justice ferme les yeux. Le moi d’il y a quelques années l’aurait fait, sans hésiter, sans se soucier des conséquences, mais l’homme que j’étais désormais était plus sage, plus modéré, et effrayé de tout ce qu’il pouvait y avoir à perdre. Il suffirait que mes agresseurs soient encore plus hargneux ou irréfléchis que moi pour qu’ils se lancent après moi dans une vengeance également, qu’ils cherchent à s’en prendre à ce que j’ai de plus cher. Anaé ou Novel. Cette idée de les mettre en danger par souci d’égo me fait frissonner. J’ai beaucoup pensé à eux pendant que j’étais à l’hôpital, à ce qu’ils auraient pu éprouvé si je n’étais jamais sorti du bloc opératoire. Des pensées que je souhaite chasser, et dont j’ai pourtant du mal à me séparer. Bien sûr, l'univers serait toujours empli de danger, mais pour autant, il n’était peut-être pas utile que je le provoque par moi-même.

Calmement, je me confie à l’amérindienne sur tout cela, protégeant les oreilles d’Anaé des passages sensibles. Même si elle ne comprend sûrement pas un mot à la discussion, je n’ai pas envie qu’elle entende son père dire qu’il pourrait commettre un meurtre de sang froid, par vengeance. Je ne veux pas qu’elle sache quelle part d’ombre je tente d’enterrer depuis des années. Haiwee, je ne sais pas si elle pourrait comprendre, mais je sais qu’elle écoute, et pour le moment, je n’ai pas besoin de plus. Parce qu’il est difficile de comprendre, difficile d’accepter qu’il puisse être juste de prendre une vie, mais en quoi ce qu’il s’était passé l’était-il plus ? Ca ne l’était pas, et pourtant, j’allais prendre la décision la plus adulte qui soit et laisse la police et la justice faire leurs travail, que ça me plaise ou non.

Un baiser déposé sur le front d’Anaé, je la laisse enfin s’amuser librement avec la pate qu’Haiwee lui donne à mesure qu’elle façonne des disques réguliers, enfin prêts à être enfournés. ” Peu de gens le savent, mais en réalité, je suis garde du corps pour la famille royale danoise. Depuis plusieurs années, et j’exerce encore aujourd’hui. Mais… Je pense qu’il temps pour moi de démissionner. Je n’étais pas en mission quand c’est arrivé, mais si je l’avais été, j’aurais encore moins songé à me protéger. Je ne veux pas… “ Je marque une pose, réfléchit à tout cela en même temps que je parle. Je ne l’avais pas encore fait. Jusqu’à maintenant, j’avais tout gardé pour moi. ” Je ne veux pas que mon métier soit une source d’angoisse pour ma famille. Je ne veux pas qu’ils aient peur chaque fois qu’on m’enverra en mission. Je pense qu’il est temps pour moi, de dire adieu à cette partie de ma vie… “ Sans m’en rendre compte, je viens effleurer les plaques militaires que je porte autour de mon cou. Nombreux sont ceux qui ne sont jamais rentré de mission, dont les familles ont été appelé pour annoncer leur décès. Ce n’est pas la vie que je veux pour Novel et Anaé. Ce n’est plus la vie que je veux.