@Haiwee Wind River || Cela ne fait même pas vingt quatre heures que j’ai récupéré Anaé, mais je redécouvre combien c’est sport d’avoir un enfant. Novel ayant passé la soirée de la veille avec nous, j’avais pu reprendre la garde plus ou moins en douceur malgré mon état mais cela restait intense. Alors forcément depuis ce matin, ce n’est pas de tout repos, surtout qu’après trois semaines à ne m’avoir que très peu vu, bébé semblait être devenu un pot de colle. C’était déjà un bébé koala comme on la surnommait avec sa mère, mais là, c’était encore plus flagrant. Mais aussi plus compliqué à gérer. Si habituellement j’avais pris le coup de main pour faire plein de choses avec elle dans les pattes - ou du moins dans les bras - ma blessure rendait désormais cela plus difficile. Elle avait beau être un poids plume, porter quoique ce soit restait douloureux, et avoir quelque chose, ou quelqu’un, contre l’abdomen susceptible de mettre des coups, même involontairement, ça faisait mal. Et elle m’avait fait mal. Je m’étais retenu de crier pour ne pas lui faire lui faire peur, l’avais remise dans son parc le temps de m’en remettre et de m’assurer qu’aucun point n’avait cédé, mais j’avais vite eu l’impression d’être à bout de patience. Ce qui est sûrement le cas finalement, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Pas à elle, pas pour cela. Après tout, elle n’y était pour rien en ce qui concerne mon état, n’avait même pas conscience de ce que je traversais. Elle continuait de regarder le monde avec ses yeux d’enfants, pétillants. Et c’était bien ainsi. Savoir qu’elle ne se souviendrait pas de moi dans cet état me soulageait. Je voulais qu’elle préserve son innocence le plus longtemps possible, lui épargner la violence de ce monde.

Alors quand elle me met un énième lorsque je la sors de son lit, je serre les dents avant de la reposer sur le sol, sans jamais la quitter des yeux pour autant. Maintenant qu’elle savait marcher et crapahuter partout, il fallait rester aux aguets. Une petite demi-heure passe alors que nous jouons dans le salon avant que la sonnette retentisse. Je me relève lentement, me dirige vers l’interphone pour ouvrir sans trop attendre qu’Haiwee s’annonce. Sa venue était convenue, et en dehors des rendez-vous fixés, il était très rare qu’on sonne à ma porte. J’attends proche de celle-ci pour minimiser les efforts physiques et éviter des déplacements inutiles. Autrefois, j’aurais entrouvert la porte, mais désormais l’idée semblait trop dangereuse. D’autant plus qu’Anaé semble autant aux aguets que moi. Lorsque l’on sonne à nouveau à la porte, je ne mets donc que quelques petites secondes pour ouvrir, adressant à Haiwee un sourire franc malgré ma mine fatiguée. « Salut ! » Je me décale pour la laisser entrer, tandis qu’une autre semble chercher à sortir. « Hé ep ep ! Toi tu restes là s’il te plait. » J’attrape ma fille en dessous de ses bras en grimaçant, la gardant un peu à distance avant de la reposer du bon côté de la porte et refermer la porte. « Faut vraiment avoir des yeux partout avec celle-là ! J’espère que t’es en forme parce que tu vas voir que c’est du sport. »

@Haiwee Wind River || J’aurais jamais cru demander de l’aide un jour pour faire du babysitting - de ma propre fille en plus - et encore moins à Haiwee. Éventuellement, je me serais imaginé à le faire avec Zéphyr, ou Rainier, utilisant ce prétexte pour passer en réalité compagnie avec un ami, tout en laissant les enfants s’amuser, mais il faut croire qu’une autre avait grimper les échelons de ma vie. De filleule de confrérie à amie, elle en avait fait du chemin la petite Haiwee. Et comme il n’était pas encore question de l’avouer franchement, ma convalescence avait aussi fourni une bonne excuse. Après tout, j’avais bien compris que la jeune femme craquait pour les bébés. Alors que je lui ouvre la porte, je sens quelque chose se faufiler entre mes jambes. Une sensation que je connais bien désormais, puisque bébé n’arrêtait pas de s’y accrocher. Que ce soit pour se stabiliser, ou parce qu’elle avait décidé de jouer les koalas, c’était devenu pour elle le meilleur moyen d’attirer mon attention. Ca ou de pleurer, mais il semblerait qu’elle ne l’avait pas encore assimiler pour le moment. Mais en voyant que cette fois elle tente de poursuivre son chemin, je l’attrape pour l’obliger à reprendre son chemin vers le salon. Demi-tour ! Je me décale pour laisser entrer Haiwee avant de refermer derrière elle, y compris avec un verrou. Un réflexe que je n’avais pas avant qu’Anaé ne fasse partie de ma vie, mais la petite avait imposé une remise à niveau concernant certaines règles de sécurité.

Je la laisse vadrouiller dans l’appartement, tandis que je me stoppe à hauteur d’Haiwee qui semble découvrir les lieux. Ce qui est sûrement le cas. Je crois. « C’est la première fois que tu viens non ? Tu veux une rapide visite ? » Ca me fait bizarre de le proposer, peu habituer à recevoir. Enfin, si, mais les mêmes personnes depuis des années, qui a force, connaissaient les lieux. Un appartement devenu bien plus personnel maintenant que ma fille y vivait avec moi la moitié du temps. « J’ai connu des jours moins douloureux, mais il commence à y avoir du mieux. Par contre je suis explosé de fatigue. » Difficile encore de trouver le sommeil ou une position suffisamment agréable pour dormir sans être plié de douleur au bout de plusieurs minutes, de dormir une nuit complète sans faire de cauchemars, me réveiller en sueur.. « Encore heureux qu’Anaé fait ses nuits, jte laisse imaginer la tête que j’aurais sinon. » Quelque chose avec deux patch noirs autour des yeux, semblable au panda, c’est ainsi que je l’imaginais. Je regarde la jeune femme déposer un sachet sur la table basse, que je n’avais jusque là pas remarquer entre ses mains. « C’est vrai ? Tu penses que c’est jouable à son âge ? » Je ne m’étais pas encore laissé aller à ce genre de projet avec elle, si ce n’était pour la laisser jouer avec les restes d’appareil à gâteau quand je préparais quelque chose. Généralement, elle y trempait ses mains avant de les remettre à sa bouche ou partout ailleurs, salissant absolument tout, mais au moins, ça semblait l’amuser.« Je demande à voir alors. » Et nul doute que j’allais pouvoir y assister.

@Haiwee Wind River || Elle ne le sait certainement pas, mais elle est une privilégiée Haiwee dans mes amitiés. L’une des rares que je laisse entrer dans ma vie, à bien des niveaux. Sûrement parce qu’elle est désintéressée, sans être distante, comme aujourd’hui. Elle se fiche bien de tout savoir de moi, de ma vie, de l’endroit où je vis et se concentre sur l’essentiel, sur les choses sur lesquelles elle peut apporter un véritable soutien, ou un mot réconfortant. Je n’insiste donc pas sur la visite et écoute ses questions avant d’y apporter des réponses dans un ton mêlant la gravité de mon état à la légèreté du quotidien. Oui, j’avais encore très mal, en plus d’avoir eut - il faut bien le reconnaître - très peur, mais malgré tout, le quotidien restait le même et ses aléas n’avaient aucunement pitié de moi, que je sois en forme ou non. Alors quand elle souligne qu’il s’agit pour certaines choses, que des joies de la parentalité, je ne peux qu’approuver ses dires. Parce que s’il y a bien quelqu’un dans cette pièce qui n’a pas conscience de mon état et qui continue de me maltraiter comme si rien n’était arrivé, c’était bien Anaé. « Ca résume très bien la situation. » Je laisse échapper un léger rictus avant de tenter de le contenir, main sur le pansement en raison de la douleur. C’était toujours pas le moment de rire visiblement. Heureusement pour moi, Haiwee allait pouvoir prendre le relais sur le reste.

Curieux de l'activité du jour prévu par l’amérindienne, j’hausse un sourcil à l’annonce de celle-ci. Un projet ambitieux à mon goût que de faire des sablés avec une enfant de 15 mois, mais après tout, pourquoi pas. « Hm. Ca me semble bien plus crédible dit comme ça ! Je suis sûr qu’elle va adorer. » En réalité, qu’elle s’amuse juste avec les ingrédients ou qu’elle mettre réellement un peu les mains à la pâte, ça ne me dérange pas tant qu’Anaé ne se retrouve pas en contact de quoi que ce soit de dangereux. « T’en fait pas pour ça. Entre bébé et mon état, j’suis au minimum dans le domaine de toute façon. » C’est pas par fainéantise, mais difficile dans les conditions actuelles de garder un appartement propre et rangé. Alors sans que ce soit complètement sale ou quoi, j’allais pas être à un peu de farine à droite ou à gauche. « Je pense que de toute façon, j’appellerais quelqu’un pour s’en charger cette semaine. » Au moins pour me soulager de ça pendant une semaine ou deux. « Par là » J’indique le chemin de la cuisine à Haiwee, en toute simplicité, m’apprêtant à la suivre après avoir poussé légèrement Anaé vers elle pour qu’elle la suive. Elle me regarde un instant, comme pour s’assurer qu’elle a bien le droit de suivre la jeune femme que je ne reste pas loin avant d’attraper ses doigts, démesurement grands à côté des siens. Je les accompagne jusqu’à la cuisine, regardant Anaé se dandiner doucement. Arrivée dans celle-ci, je prends place appuyé contre le plan de travail, laissant Haiwee gérer le reste. « T’as besoin de quelque chose ? »

@Haiwee Wind River || Il y a beaucoup de choses que j’ai négligées ces dernières semaines, complètement malgré moi. Il faut dire que je m’attendais pas à ce qu’il soit aussi dur de vivre seul dans mon état d’autant plus que je me souvenais pas avoir autant galéré quand le mec d’Eros m’avait brisé les côtes. Surement parce que la blessure ne présentait aucune trace en surface ce qui limitait aussi un bon nombre de désagréments. Il faut dire que là, il suffisait d’un rien pour que les points qui maintenaient la plaie fermée sautent, pour que la cicatrice s’infecte ou que le sang se remette à couler. Alors oui, j’étais bien plus prudent que lors de ma dernière blessure et mais aussi, bien plus épuisé. Parce qu’émotionnellement, les conséquences n’étaient pas non plus les mêmes. A l’époque, Anaé et Novel ne faisaient pas partie de ma vie, et je n’avais eu personne à devoir rassurer en long, en large et en travers, de même que je n’avais pas à veiller sur quelqu’un qui réclamait constamment mon attention. Finalement, lors de ma dernière convalescence, j’avais pu ne penser qu’à moi, ce qui était peut-être la raison pour laquelle elle me paraissait avoir été plus simple à gérer. Alors oui, actuellement, le ménage et le rangement étaient approximatifs et allaient le rester quelques jours de plus, le temps que je me décide à prendre une vraie décision sur le sujet. « Ca va aller, ne t’en fait pas. Au moins ça paiera quelqu’un. » Je n’ai pas envie de demander assistance à mes proches, ou d’accepter leurs propositions d’aide, même si elles étaient bienveillantes. De la même façon que si j’avais proposé à Haiwee de venir, ce n’était pas pour assurer mon rôle, mais parce que je savais, que blessé ou non, la compagnie de ma fille lui plaisait. Et inversement. Car Anaé semblait avoir été complètement apprivoisée par l'amérindienne.

Le chemin de la cuisine indiqué, je suis la demoiselle et bébé un peu plus lentement, amusé de voir Anaé se dandiner sur ses petites jambes. Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis ses premiers pas, mais j’étais toujours aussi fier de la voir marcher. Je prends appuie contre un plan de travail, à proximité d’Haiwee, la laissant gérer les choses à sa façon. « Ouais, bien sûr. T’as même l’autorisation de me demander dans quel placard fouiller pour pas t’amuser à tous les faire. » Je ris doucement ne m’attendant pas à ce qu’elle demande les choses ainsi, mais finalement, c’était bien caractéristique de la jeune femme. A la seconde question, je regarde tout autour de nous, fronçant légèrement le regard. Novel l’avait rangé hier mais… Ah si ! Glissée sous le bar du salon, au milieu des tabourets. « Bouge pas, j’arrive. » Une certaine appréhension me traverse en quittant la pièce, quittant ainsi Anaé des yeux. Je sais que je n’ai pas de raisons de m’inquiéter, que Haiwee était digne de confiance, mais c’était toujours une étape compliquée. Après tout, il n’avait pas fallu plus à mes parents pour me perdre. J’essaie de chasser ces pensées alors que j’arrive dans le salon, attrapant la chaise pour la ramener dans la cuisine. A mon retour, rien ne semblait avoir bougé, si ce n’était les ingrédients qu’Haiwee avait commencé à disposer sur le plan de travail.« Et voilà, pour une leçon de cuisine en toute sécurité. » Que j’annonce en posant la chaise près de Haiwee, lui laissant la possibilité d’y installer elle même Anaé.

@Haiwee Wind River || Ca me fait bizarre de voir quelqu’un dans cette cuisine qui n’est ni Novel, ni Céleste, ou moi. Ce n’était pas dans mes habitudes de recevoir de façon régulière, si ce n’était quelques exceptions, mais surtout, c’était encore moins habituel de voir quelqu’un se comporter chez moi comme si c’était chez lui. Bien sûr, en ce qui concernait Novel, pour moi il était aussi chez lui en raison de la nature de notre relation, quand à Céleste, elle avait aussi une position particulière en étant la mère d’Anaé, et il y arrivait parfois de fouiller dans le frigo et les placards pour trouver de quoi nourrir la petite quand on passait un peu de temps tous les trois. Mais Haiwee, elle est une exception sur bien des plans, pour une raison qui m’échappe. Peut-être était-ce dû à sa douceur, à sa bienveillance. Cette force paisible qui émanait d’elle au quotidien. Je la laisse donc prendre ses aises, la guide pour lui permettre de trouver avec plus de facilité tout ce dont elle a besoin pour mener à bien son activité. A commencer par la chaise haute de bébé, restée dans le salon après que Novel l'ai rangée la veille. Il faut dire que n’ayant pas la possibilité de faire grand chose d'autre que de veiller sur Anaé, je ne m’en étais pas vraiment servi aujourd’hui.

Je dépose la chaise à côté de Haiwee et la laisse y installer Anaé. Déjà parce que me baisser pour l’attraper provoquait une douleur loin d’être négligeable, mais en plus parce qu’une fois dans mes bras, je n’étais pas à l'abri qu’elle me mette un petit coup de pied dans l’abdomen. Maintenant qu’elle savait marcher, ce n’était pas rare qu’elle s’essaye à de nouvelles choses d’un point de vue de sa motricité. Et si possible, je préférais autant éviter.

Un peu en retrait, aidant tout de même Haiwee de temps à autre, je regarde Anaé s’amuser avec tout ce qui lui tombe sous les mains. Farine, beurre, sucre, elle patouille avec tout en ne pouvant s’empêcher de goûter les ingrédients. Il n’en fallait visiblement pas plus pour l’amuser. Les pupilles se posent sur Haiwee lorsqu’elle me questionne sur mon état. Une légère grimace se dessine sur mon visage en paraphrasant les instructions du médecin qui étaient loin de me satisfaire. « Trois mois de convalescence minimum. Je dois me ménager, interdiction de faire du sport. Mais ça pourrait se rallonger un peu si je ne cicatrise pas bien. Pour l’instant ça semble aller, mais je dois surtout faire attention à ce que ça ne s’infecte pas. Dans une semaines, je dois retourner voir le médecin pour savoir si on peut enlever les fils. Mais j’y crois moyen… » En raison de la profondeur de la blessure et de la douleur qu’elle continuait à m’infliger. « Ouais. J’ai porté plainte, et d’autres aussi, car la bagarre s’est généralisée. J’ai même pu donner certaines descriptions, mais je ne sais pas vraiment qui m’a… » Je regarde Anaé et m’approche d’elle pour poser mes mains sur ses oreilles. « … Poignardé. C’était tellement le bordel. Je me souviens de quelques mecs que j’ai repoussé et qui m’ont frappé, mais j’ai aucun souvenir d’avoir vu quelqu’un avec un couteau ou une autre arme blanche. Donc je ne pourrais pas affirmer qui m’a vraiment fait ça. » En tout cas, pas avec certitude.