tu fais les cents pas dans l'appartement. le votre. celui que t'as regagné depuis peu de temps pour retrouver ta meilleure amie, ta colocataire depuis toujours. vous vous êtes peu croisées ces derniers temps. la symbiose qui avait toujours régné entre vous s'était effrité avec le temps. pourtant tu voulais à tout prix réparer vos erreurs et ne pas la perdre. ce soir, elle était plus que fragile et t'en avais conscience. t'avais annulé ta soirée pour être là pour elle, avec elle. tu l'attends de pieds ferme, prête à enfouir son tube de kétamine au fond de tes affaires pour contrôler un maximum ses prises. quand elle rentre, tu tends directement ta main vers elle. — donne les moi que tu lances en regardant ses pupilles dilatées.

t'écoutes à peine la voisine parler de son chat roux qui a disparu il y a une heure. ton cerveau est incapable d'enregistrer la moindre information ou de se concentrer sur des paroles qui s'enchaînent bien trop vite. tu planes et l'effet s'intensifie minute par minute. t'as été inconsciente de prendre ça avant ton trajet entre le musée et ici, mais t'as garé ta Bentley dans le parking sans entrave. tu montes jusqu'à l'appartement où Ana t'attend et t'es accueilli par une main qui se tend pour réclamer ton précieux. tu soupires bruyamment, lèves les yeux au ciel et sors le sachet de poudre de ta poche et tu le donnes à ta meilleure amie. le garde pas sur toi, faudrait pas que tu te fasses choper avec. les paroles sont lentes, t'as les lèvres qui refusent de coopérer aussi vite que tu le voudrais.

tu soupires encore plus fort qu'olympia en guise de réponse à sa réaction. ta main se referme autour du sachet de poudre et ton poing se serre autour. t'as un poids qui s'enlève immédiatement, soulagée de savoir qu'elle est là et que t'as récupéré la drogue. mais pas rassurée de ton état. — t'es complètement stone dis-tu sur un ton légèrement désespéré et inquiet à la fois. — t'as conduit pour rentrer? les sourcils froncés, t'es prête à hurler sur elle, à l'attraper et la secouer. mais tu le feras pas. c'est pas ce dont elle a besoin.

tu regrettes déjà de lui avoir donné le sachet de ce qui t'aide à tenir dernièrement. tu sais qu'elle ne te le rendra pas de si tôt et qu'elle refusera de t'en donner aussi souvent que t'en voudras. t'es persuadée que t'es pas accro, mais tu ne dois pas en être loin. nooon, juste un peu. pourtant t'as du mal à parler et tes gestes sont lent. t'as envie de t'allonger et de profiter du mode économie d'énergie de ton cerveau. ouais j'ai conduit, mais ça commençait à peine à faire effet. tu te décales pour aller te lasser tomber dans le canapé.

ta mâchoire se serre. tu te retiens te pas la gifler pour la réveiller. retrouver la pia d'avant, celle qui file droit et qui t'fais toujours des leçons de morale parce que normalement, c'est toi qui fait de la merde. tu secoues la tête, accablée par son état qu'elle minimise et tu la suis du regard lorsqu'elle va s'affaler dans le canapé. t'es désemparée. ce qu'elle te renvoie est sûrement la personne que t'étais y'a quelque temps: addict à une substance qui te bouffe de l'intérieur. sans dire un mot, tu vas t'installer à côté d'elle dans le canapé. ta tête se pose sur son épaule. — tu penses vraiment que ça t'aide? dis-tu d'une voix douce. t'as pas envie de faire la guerre ce soir, loin de là. tu veux comprendre, être là pour elle, l'aider.

tu renvoies certainement une image pitoyable. elle est loin la Pia droite qui s'était fait la promesse qu'elle ne touchera jamais à cette merde. princesse parfaite a disparu des radars pour laisser place à une catastrophe ambulante. affalée dans le canapé, tes yeux fixe le vide devant toi, même quand Ana vient s'installer à côté et pose sa tête sur ton épaule. ta joue tombe délicatement sur son crâne. probablement pas. mais ça calme la douleur. t'en as pris une petite dose aujourd'hui, tu planes mais tu restes consciente de ce qui t'entoure. ce n'est pas le cas parfois. je ne supporte plus d'avoir mal. et de penser à trop de choses.

t'as le cœur brisé de voir une des personnes que t'aimes le plus tombe dans l'addiction. tu sais ce que c'est. cette sensation à la fois d'apaisement et de douleur. parce que quand les effets s'estompent tout est plus sombre, tout est plus morose. tu t'souviens parfaitement de tout ça, comme si c'était y'a une heure. y'a rien de pire pour que tu aies encore plus mal avec ça te voilà a tendre ton bras, le pochon de poudre entre les doigts, pour le regarder de loin. un jour, j'me sentais tellement mal que j'ai pris beaucoup trop de cachet. j'étais tellement défoncée que j'me suis retrouvée à ne plus savoir où j'étais et avec qui. j'sais pas comment je suis rentrée ici et j'sais pas trop ce qu'il m'est arrivée la journée, mais j'crois que j'ai eu de la chance. tu souffles longuement en repensant à ce que t'as ressenti ce jour là. et ça m'a pas empêché de recommencer. parce que la douleur était physique en premier et qu'ça me faisait du bien. tu viens ranger le sachet dans ta poche et tirer le plaid à côté de toi pour le mettre sur vous. et y'a eu toutes les fois où j'étais en manque. c'était horrible. j'veux pas que tu vives ça pia. alors on va trouver une solution pour que tu aies plus mal, pour que tu prennes plus ça, ok ?

je sais, j'en suis consciente. parce que la douleur finit toujours par revenir après quelques heures, encore pire qu'avant. les effets ne sont que temporaires alors t'es obligée d'en reprendre à chaque fois que tu te retrouves seule. t'écoutes le récit d'Ana, tu sais qu'elle est la mieux placée pour t'aider parce qu'elle était dans une situation similaire il n'y a pas longtemps. t'as l'impression que c'était hier que t'as appris qu'elle prenait de la codéine et que tu lui as fait la morale. comme quoi... jsuis désolée que t'as vécu ça. j'aurais dû être plus présente. sauf que t'étais déjà pas bien à ce moment là, que t'essayais d'en faire trop et que t'en faisais finalement pas assez, ou pas assez bien. je ne sais quoi faire pour ne plus avoir mal. pas quand t'es totalement dépendante de la personne qui te fait souffrir.

j'te raconte pas ça pour que tu t'excuses tu n'as pas envie qu'elle te sermonne non plus. j'veux juste que tu te fasses aider chuchotes-tu. les derniers mois ont été intenses et vous avez été incapables d'entendre la souffrance de l'une et l'autre. jusqu'à arriver à s'entre-tuer. mais maintenant, t'es un peu plus disponible, du moins tu essayes, et t'as envie d'absorber sa peine pour que plus jamais elle n'ait à vivre tout ça. je sais pas.. je sais pas comment on fait pour plus avoir mal. j'ai mal tout le temps. mais moins depuis que j'suis plus défoncée et en manque. t'es pas la mieux placée pour aider les gens, t'as toujours des conseils nuls et que t'appliques souvent pas toi même. peut être qu'il faut qu'on réapprenne tout à vivre ensemble. qu'elle vive sans la présence constante de valentin. que tu ne sois plus l'ombre de toi même. rien ni personne peut te détruire olympia wolford, t'entends? parce que je serais toujours là pour te relever, même si tu m'détestes, j'serais toujours là...

elle ne raconte pas ça pour que tu t'excuses, mas tu lu en dois des quand même. vous n'avez pas été d'excellentes amies ces derniers mois, vous n'avez pas été capable de comprendre la douleur de l'une et de l'autre, vous n'avez pas voulu vous laisser vous approcher l'une de l'autre. par qui ? parce que tu ne sais pas trop qui pourrait t'aider et régler tes problèmes. et puis tu n'es pas du genre à demander de l'aide de toute façon. tu vas quand même un peu mieux qu'avant ? que quand elle consommait, que quand elle s'est remise avec travis, qua quand elle a fait n'importe quoi pendant des semaines. peut-être. ou alors il faut qu'on change, qu'on grandisse. c'est peut-être ça devenir adulte. avoir mal constamment et devoir apprendre à vivre avec, évoluer pour atténuer la douleur et les angoisses. tu te mords l'intérieur de la joue en entendant ses mots. t'as toujours été confiante, t'étais persuadée que rien ne pourrait te détruire. sauf Valentin. la personne qui t'a hissé sur un piédestal pendant des années t'a finalement fait tomber de haut. merci ana... merci d'être là. je ne te détesterai jamais vraiment tu sais. même si tu montres le contraire parfois.