Évidemment que je captais l'invitation. J'étais là pour ça, et pour te voir, et pour passer du temps avec toi. C'était tout un ensemble de choses qui faisaient que mon esprit était rivé sur toi la plupart du temps. Je m'en fichais de Sage et des autres, tant que toi tu vas bien. Enfin je m'en fichais pas mais c'était toi qui m'importait le plus. Lèvres liées dans un baiser digne d'une histoire de princesse, je me délectais de ce moment, le cœur qui s'emballe sûrement un peu trop au contact avec ta peau. C'était là où je voulais être, à tes côtés. Être celui qui te faisait du bien dans ce monde de malheurs. Puis je me reculais, rouvrant les yeux, souriant alors quand je voyais ton visage. Je me remettais à ma place en quelques instants, récupérant alors ta main dans la mienne pour garder ce contact entre nous. « là oui, c'est inventé pour sûr » que j'dis de façon taquine, le regard tendre. Pour sûr, c'était cent pour-cent consentant. Puis tu déviais la conversation sur mon bras et je soupirais légèrement. « c'est... compliqué » Je regardais mon bras et surtout ma main. « j'sais pas comment j'vais faire » Mes études, mes passions. Mes boulots même.

— c'est quelque chose de faux qu'tu voulais lui fais-tu remarquer. t'incarnes la contradiction ana, parce qu'aussitôt qu'il se rassoit, tu te dis que t'aurais pas du lui tendre cette perche. que c'est pas le moment de se faire des bisous d'ados, des promesses à la volée. non, vous avez besoin de vous concentrer sur vos guérisons respectives. tu secoues la tête, chasses ces pensées. tu sais jamais ce que tu veux. le détester, l'aimer. le repousser, l'attirer. t'as toujours ce tiraillement incessant en toi. sa main vient retrouver la tienne et cette fois tu te laisses faire, apaisée par le contact physique qu'il t'accorde. tu le dévisage, captant l'émotion et le dépit dans ses mots. incapable de venir le rassurer. t'étais pas vraiment douée à ça. — ça ira mensonge. ça ira pas, ça à l'air grave et tu le comprend facilement dans son regard. tu te doutes qu'il souffre aussi. que t'as pas le monopole de la douleur, loin de là. la journée a été usante; crise d'angoisse sur crise d'angoisse. — on reprendra le cours de nos vies un jour. et ça sera qu'un mauvais souvenir tes blessures, ses blessures, les bruits, les cris, le sang et la panique. t'attends qu'il acquiesce, t'essayes de le rassurer, de te rassurer.

Tout ce que je voulais dans le fond, c'était d'avoir de l'importance pour toi. Et je m'en rendais compte, petit à petit. Que c'était le cas. Que j'avais réussi à me faire une place dans ta vie, dans ton quotidien. Ne serait-ce que par les messages incessants qu'on s'envoie, par ces quelques preuves par ci, par là. Nos mains liées dans une étreinte simple mais sincère, mon cœur s'apaisait. J'aimais ça, ce “nous“ qui pouvait se profiler. Le seul truc, c'est que je l'aimais autant qu'il pouvait me faire flipper. Pas prêt pour une relation, pas prêt pour envisager quoi que ce soit avec qui que ce soit. La contradiction à l'état pur. Mais je pouvais juste pas résister à ton regard, à ton sourire. A tes lèvres qui m'appelaient à chaque instant. Enfin, quand tu changeais de sujet, puisque l'invention de l'histoire était close, je perdais presque mon sourire. J'voulais pas parler de ce bras qui foutait en l'air tous mes plans. Qu'il soit professionnel, personnel, tout était foutu en l'air par ce bras brisé et affaibli, cette peau cicatrisée. « mh » Pas sûr que ce soit vrai, ce “ça ira”. J'étais pas pessimiste, mais l'optimisme était difficile en cet instant. « on verra bien » C'était pas vraiment le sujet préféré du moment. J'allais devoir répéter ça avec tous mes proches, avec tous les professionnels de santé qui vont s'occuper de moi... ça allait être compliqué les prochaines semaines. « j'voulais te répondre... au sms »

t'as pas fermé l'oeil de la nuit, t'es exténuée et pourtant ton corps est encore dans un état de tension impressionant. tu devrais piquer du nez en deux secondes. mais impossible. les crises d'angoisses, les quintes de toux, l'impression de suffoquer sans cesse. et puis hier soir, ils t'ont arrêtés le traitement anti-douleurs à la codéine. y'a rien qui est aligné pour que tu sois vraiment dans des conditions optimales. t'es obligée de souffrir, de te taire et de subir. t'as le souffle coupé, littéralement, quand t'entends les derniers mots de donovan. le regard qui fuit immédiatement le sien. t'as pas envie de reparler de ton dernier message. — y'a rien à dire.. tu retires la main de la sienne pour la mettre sur ta poitrine douloureuse et la frotter délicatement. — c'était l'euphorie de la situation. et là, y'a plus d'euphorie tu préfères mentir que d'assumer. le repousser que de l'accepter. le cercle restreint des gens en qui t'as confiance doit rester le plus petit possible et ne pas s'agrandir, de peur de devoir encore assumer des déceptions.

J'savais que je devais pas trop l'aborder, va savoir pourquoi. Mais je l'avais fait, parce qu'on parlait de nous, de notre relation, de notre attachement. J'avais pas eu le temps de beaucoup repenser à tout ça, entre mon arrivée à l'hôpital, la morphine énormément présente dans mon organisme. Tout ce que je voulais, c'était qu'on ait une base stable, qu'on affirme qu'on s'apprécie bien. Mais à peine j'avais mentionné ce message, ta posture avait changé. Main qui se retire et regard fuyant... Tout un tas de choses qui me serraient le cœur bien plus que je ne pouvais l'admettre. Ma réaction primaire serait de me braquer, de vouloir tout faire valser et de croire que tu ne m'appréciais pas du tout. Mais je sais que c'est faux, je sais que tu m'aimes bien. Je sais que toi et moi, on construit un truc qui nous dépasse de bien des niveaux. « arrête... s'il te plait. me repousse pas » soufflais-je, toujours dans la même position. Impossible pour moi de retrouver ta main qui était bien trop loin. « j'dis pas qu'on brûle les étapes.. mais j'veux te montrer que t'es la première à mes yeux. t'es celle que je veux, que je désire. j'veux pas laisser tomber ce qu'on est en train de construire, j'veux juste que tu admettes.. que tu admettes qu'il y a quelque chose » Parce que j'suis tombé sous ton charme, autant physiquement que mentalement. Je capte tes peurs et tes blessures, avec l'envie de te protéger de tout ce qui pourrait t'arriver.

t’aurais du t’y préparer. penser une réponse toute faites à lui sortir. tu regrettais de pas y avoir pensé, t’avais pas dormi de la nuit, t’aurais eu du temps pourtant. mais te voilà face aux vérités que tu veux pas admettre. le regard est dans le vide, tu mordilles l’intérieur de ta joue. les souvenirs chaotiques de tes relations tournent en boucle. tu sais que t’es pas la plus douée là dedans et tu veux ni recommencer ni lui infliger ça. tu respires du plus profondément que tu veux. toujours cette putain d’impression de manquer d’air qui te tient. — tu me demandes trop c’est trop difficile pour toi d’admettre ça. il te faut du temps, de l’espace, et que ça vienne naturellement. — ça t’apporterais quoi que je dise ça ? t’essayes de comprendre son point de vue. pas certains que tu le prenne tout de même en compte.

Parler de sentiments, de ressentis, c'était pas forcément le plus facile, je le conçois. Surtout quand on est du genre à pas vraiment apprécier les effluves sentimentales. Mais là, c'était sûrement nécessaire. Tu avais commencé à déballer des trucs, sans vraiment que je le comprenne. On s'était pris la tête pour une main sur un torse et après, j'ai eu droit à un message où tu me demandais de ne pas te laisser tomber. Un truc se passait et peut-être que le fait que tu l'admettes aidera à ne plus avoir ces phases de “je t'aime moi non plus”. « un certain réconfort... une assurance que j'te mets pas au dessus de tout le monde pour rien » Rien de pire que de se sentir berné. Que d'être relégué au second plan par la personne qu'on considérait comme au dessus des autres. « j'veux bien te prouver des choses ana... mais faut que tu me les prouves aussi, sinon ça sert à rien » J'suis là depuis des semaines, à être présent, à répondre présent. A jouer la carte du flirt et de la séduction. « j'veux pas être mis à la seconde place moi non plus » finissais-je par admettre.

au fond, tu sais qu'il a raison. t'as envie d'être la première à ses yeux. qu'il n'y ait aucune autre que toi qui puisse compter. la preuve même par ta réaction de samedi après midi. pitoyable et si parlant à la fois. mais le reconnaitre est une étape compliquée. certainement la plus dure. — je.. t'es pas entrain d'esquiver volontairement la conversation, mais tu ressens la même oppression que pendant l'effondrement. ta respiration devient limitée et ton coeur bat à une vitesse anormale. les machines qui t'entourent se mettent à sonner alors que tu te redresses difficilement pour essayer de contrôler la situation et retrouver ton souffle. tes mains se rétractent autour du drap, et y'a toujours ce sifflement d'asthmatique qui se laisse entendre. il n'y a qu'une ou deux minutes à peine qui s'écoulent avant qu'une horde d'infirmières ne débarquent. tu vois trouble et tu sais plus trop ce qu'il se passe. tu te sens partir, comme lors de tes nombreux malaises. t'es allongée rapidement, mise sous assistance respiratoire et donovan est immédiatement extrait de ta chambre. tout ça sans que tu ne sois plus consciente de rien.