D’un mouvement aussi habile que naturel, j’essore l’eau salée qui gorge mes cheveux, tortille quelques secondes mes boucles de feu. Ce n’est pas mon genre, c’est vrai, d’accepter de réaliser une excursion, de mettre pour quelques heures sur pause mon univers d’apparences et d’illusions. Clairement, je suis de celles qui amalgament le concept de Spring break à celui d’hôtel de luxe et tout ce qui va avec. Bien loin de la découverte, du crapahutage, d’une partie de pèche qui pourrait tourner au naufrage. Je me préfère installée sur le sable à laisser le soleil lécher les tâches de rousseurs qui commencent à apparaître sur mon corps après ces six jours de bronzette sans aucune prise de tête.

De toutes les manières, je me dois d’avouer, que j’ai pris la peine de faire retirer mon nom de la liste des adhérents, je laisse largement ma lace aux autres participants. Et si j’ai mes Gucci sur le nez, brumant les silhouettes des personnes qui sont en train de se rassembler autour d’une barque qui ne m’inspire aucune confiance, je les abaisse afin de vérifier lorsque je crois, au milieu de la bande d’idiots, le reconnaitre.

A dire vrai, je ne suis pas forcément surprise de l’apercevoir même si je ne peux affirmer que je le connais par cœur, je connais ses inclinaisons pour ce qui est en rapport avec les explorations. De ces activités qui me filent, de façon générale, le bourdon. Avec rapidité, je repasse sur les reliefs de ma peau la robe qu’au départ, je portais, couvre de mon maillot de bain, sa couleur rosée. En quelques pas, je me retrouve à sa hauteur, dans son dos, sans pour autant le toucher, c’est ma voix, qui lui signale ma présence, d’une langue qui fourche sans aucune véhémence, « Tu sais que le poisson, ça s’achète ? » Inutile d’aller chasser la petite bête.

Vraiment, parfois, je ne le comprends pas, je cherche réellement – enfin pas tant que ça – mais il faut que l’on m’explique quel est l’intérêt de passer une demi-journée à pécher. Où est le plaisir, sérieusement ? S’amuser à effectuer ce qui est pour les habitants du coin, un métier. C’est un concept qui n’a aucun sens dans ma tête. Surtout que comme je viens de lui souligner, les foutus poissons, ils s’achètent. Dans notre univers, chasser pour manger, ce n’est pas nécessaire. On fait partis de l’élite, il nous suffit d’aligner les billets. Inutile de se mouiller. Sheng… T’es en route pour la sénilité ? Parce que pour s’engager sur ce bateau, il faut que son esprit soit aliéné. Peut-être que mon offre de mariage, je me devrais de la retirer. « Je préfère les fruits de mer quand ils sont frais. » Un rictus de dégoût traverse mon visage à l’écoute de ce sous-entendu qui n’en est pas un. La subtilité, ce n’est pas une matière dans laquelle il sait exceller.

Sa phrase, je la balaie d’un mouvement de main, peu encline à critiquer la Haiwee, après il prend un malin plaisir à me souligner que je suis, par la sainte, obsédée. « Encore une robe que tu comptes abimer ? » L’interrogation me fait sourire tout comme le regard qu’il me concède, jaugée de haut en bas, « Ca dépend, » les prunelles plantées dans les siennes, finalement, brillantes d’une lueur qu’il ne peut qu’acoquiner avec la perversité, « tu comptes une nouvelle fois me la retirer ? » C’était peut-être un brin bordélique au niveau du relationnel lors du dernier Spring Break, mais je n’ai pas oublié, que sur la dernière plage qu’ensemble nous avons foulé, j’y ai abandonné une robe griffée de la main de Balmain, et que cette perte était de son fait, loin d’être du mien. « J'suis pas intéressée. » Ni par la pèche, ni par l'idée de perdre un vêtement qui m'a couté. D’ailleurs, ça me fait penser, qu'en ce qui concerne la première, il ne m’a toujours pas remboursé.

Ma langue se balade sur mes dents, je me joue de la situation, à l’affût de la moindre de ses réactions, tandis que j’insuffle à ce rappel des nuances de pernicieux. « C’est curieux. » Pas tant, ça ne l’est que si tu le veux. « J’ai des souvenirs bien différents, » Peu importe, tout ce qui compte, c’est ma version des faits. Ma manière de le raconter. Il sait bien que je m’y connais dans l’art de convaincre et persuader. De fait, pour appuyer mes propres pensées, je lui sers un sourire foutrement carnassier.

Les participants commencent à embarquer, et je reste sans mot dire, toujours à ses côtés, je suis même des plus tranquille quand il grimpe sur le bateau en premier et tente après avoir tendue son autorisation – auprès du gérant autochtone – de me décrédibiliser. C’est plus fort que lui, pas vrai ? « Attention elle mord. Et j’sais de quoi j’parle. » c’est dans la fraction de seconde que je précise, « Seulement sur demande. » ou par envie de renouveler les plaisirs que l’on pratique habituellement dans un lit.

J’ai une légère hésitation à l’idée de prendre place sur ce rafiot. Beaucoup plus à l’aise sur terre que sur l’eau. Mais parce qu’il se retourne vers moi et me propose ses doigts, reculer, je ne le peux pas. « Donne-moi ta main, » Mon regard jongle entre son regard, son sourire, et cette main qui patiente pour attraper la mienne. Sur le même ton et vicieuse, je réponds ; « Mais je n’attends que ça. » qu’il accepte ces fiançailles aux airs de contrat. Ma paume se joint à la sienne, avive le venin qui se distille dans mes veines. Et de la main libre qu’il me reste, avant de poser le pied sur le bateau, je fouille dans mon sac rapidement, et tire de mon porte-monnaie de voyage, un gros billet. « J’n’ai pas de titre de transport. » J’explique à la volée, quand je secoue face aux yeux du capitaine, les cent dollars récupérés. « Mais ça, c’est la même chose. » ça me donne tous les droits. J’escalade enfin, et le fait que je perds l’équilibre, juste un brin, je ne le surjoue même pas, tout comme celui de me retrouver collée contre toi.