Un bordel monstre dans la tête. Je connais la finalité, je sais où est notre chute, mais j'ai pris un parachute, je suis prête. J'ai fais un gâteau, je sais pas s'il est réussi, j'ai seulement suivi la recette. Je t'ai envoyé un message en te disant de venir sauf que j'ai pas prévu de cadeau. J'ai mis un peu de décoration, rien de fou mais ça fait un effort. Bon non anniversaire. Celui qu'on a loupé parce qu'on était pas dans une bonne phrase. Celui où t'était pas là, où t'a pas voulu ou alors je sais pas. Je sais plus. J'ai mis une petite robe parce que je me suis dis que ça allait te plaire et quand tu passes la porte, c'est quelques mots faciles que j'échange. J'voulais qu'on fête ton anniversaire, tu sais, celui qu'on a loupé. oublions les raisons, effaçons le passé.

Et la soirée se passe, on mange, on boit on rigole. Tout est parfait, Horace. Parfait comme on a toujours voulu que ça le soit. Parfait comme je l'ai toujours voulu, peut-être, je sais pas. C'est bizarre dernièrement, c'est différent, et voilà que dans un silence, mes yeux se perdent sur tes yeux et que j'inspire d'un breeeeeeeeeef euh j'vais faire la vaisselle, tu dors où ce soir ? je fais la conversation, je repousse le moment décisif.

J’sais plus quel jour on est, ni pourquoi j’me retrouve là. Ah, si, mon anniversaire qu’on a loupé. Là encore, j’ai plus toutes les infos. J’peux te souffler que depuis qu’on déconne, j’ai plus du tout le mode d’emploi de notre relation. Avant, c’était simple. Avant, j’pouvais nous décrire par les mots les plus légers du dico, et j’filtrais rien de ce qui passait la barrière de mes lèvres. T’étais celle qui pouvait tout entendre, tout comprendre. A deux doigts de te raconter mes histoires au Sidh. Puis, les vacances. Pour d’autres c’est une réussite. Pour nous, juste le départ d’un chemin où on trébuche tous les deux pas. Pourtant j’ai de l’équilibre tu sais, j’suis plutôt doué pour me contorsionner. Pour célébrer mes échecs, aussi. Puisque si je ne sais plus quel jour on est, je sais par contre que je pars bientôt. Je sais aussi que tu vas me manquer. Y a que toi pour rattraper mon jour. J’m’en fous que ça soit le mien, je le partagerai, j’en donnerai des bouts à tout le monde. J’m’oublie et toi tu te rappelles. “J’me rappelle pas avoir eu un autre gâteau d’anniversaire cette année.” Des bières, des cocktails, oui. Mais ça a pas le même goût réconfortant. “Il est trooop bon !” J’finis les dernières traces de sucre sur ma cuillère, je profite, je savoure. Un gosse avec un dessert. Rien n’aura le même goût -encore- là-bas. Un instant, peut-être deux. A se regarder avant que j’expire d’un sourire, reposant le métal sur l’assiette, et me levant d’un bond. “J’me débrouille.” Répondu, vite fait. On s’en fout, je me démerde, je trouve. Le Sidh en point d'accueil, au cas où. “Je lave, t’essuis ?” J’suis déjà dans la cuisine, j’fais comme si ca avait été chez moi, y a encore pas si longtemps. Retrouver les habitudes.

J’ai envie d'ignorer. Toi, nous, tout ce qui s'est passé. J'ai pas envie de regarder, tu sais ? J'ai pas envie de voir ce que j'ai loupé. Pourtant, dans tes yeux, tout la soirée, c'est ce que j'ai pu admiré. Moi, j'appelle ça des âmes qui se sont ratées, loupées. Toi, tu dois sans doute juste dire que je suis une amie. C'est pas si grave, tu sais, j'ai l'habitude de ramasser mes miettes de cœurs brisés. J'ai des morceaux de moi un peu partout dans Boston, un peu chez chacun des hommes que j'ai aimé, que j'ai abrité dans mon cocoon doré. J'aurais aimé les garder, mais chacun à sa manière me faisait comprendre que je n'étais pas assez. “J’me rappelle pas avoir eu un autre gâteau d’anniversaire cette année.” Je souris, j'ai réussi quelque chose, au moins. “Il est trooop bon !” Le sourire devient plus grand : Normal, c'est ma recette signature ! Celle que j'ai perfectionné avec les années, que je peux faire les yeux fermés. La recette qui fait plaisir à tous les grands enfants. “J’me débrouille.” Hausse les épaules ; "Tu peux dormir ici." je sais que t'ose pas demander, rarement frapper mais au fond tu le sais qu'ici, ce sera toujours un peu chez toi ? Je suis prête à refaire la chambre, s'il le fallait, même. “Je lave, t’essuis ?” fait une moue ; "C'pas ma partie préférée mais okay" je sais même pas à quoi ça sert, d'essuyer. "Attends tu fais quoi là ? Non non, tu laves que les trucs qui vont pas dans le lave vaisselle, le reste ça tourne là-dedans !" on a des ingénieurs qui ont bossé dur pour nous offrir ce confort de vie, autant leur faire honneur.

Si j’m’écoute vraiment, si je regarde sous l’arc-en-ciel, je verrais que j’ai toujours les gestes maîtrisés, que j’fais gaffe plus qu’avant. Que la pureté de notre duo, s’est perdu dans mes provocations et toi qui te défile. S’est égarée dans mes mots maladroits et les griffures provoquées. Moi j’voulais qu’aimer, soigner, cajoler. Je sais pas comment faire quand je dérape et que ça heurte ; j’ai mal dosé l’envoi. Alors, gamin honteux, recule, et soupèse chacune de ses syllabes. J’voulais pas. Toi, surtout toi. C’est soufflé, fané contre le verre que je finis : “Tu sais que je le ferai pas.” Parce que je m’y sentirais bien, je retrouverais, en allongeant le bras au réveil, cette table de nuit. Je retrouverais le parfum des draps, la douceur d’un lit, et ta compagnie au réveil. Je voudrais m’y habituer à nouveau. Et je ne pourrais pas. Le lendemain, j’étendrai mon bras et je toucherai quedal, mon téléphone se cassera la gueule, et avec un peu de chance mon corps avec, à l’étroit sur ce canapé. Puis toi, tu seras pas là. Je ne reviens jamais dans les lieux dont j’ai été exclu, surtout quand j’y étais merveilleusement bien. Me redonne pas un morceau de maison. “Ca m’aurait étonné que tu râles pas un peu.” Langue exhibée, tirée sur le côté, en ta direction. Et, stoppé dans l’élan. “Tu penses à la planète ?” J’sais pas pourquoi je parle de ça, ni sur quoi je me base. Sûrement pas sur mes connaissances. “On va sauver les espèces, tu m’files ça !” J’me marre, j’fous de la flotte sur le chemin de mes bras déjà trempés, et j’termine ma cata par une tentative de te piquer la pile composée des assiettes, des verres, des couverts. J’pense que tu résistes, tu dois penser que je tiens, et tout se fracasse entre nous. Vacarme et un peu de casse. C’est beau les images, quand même. Les orbes remontent vers les tiennes, et j’plaque mes doigts fins sur mes lèvres hilares. Comme si le gloussement était bien camouflé par quelques phalanges. “Merci pour les pandas.” T’y tenais pas, hein ? J’ai perdu assez de points pour une année.