Message encore figé sur la rétine, imprimé à l'encre indélébile. Des mots si simples, si efficaces que seul un idiot comme moi peut se faire embarquer par de tels sous-entendus. Rechercher ma présence après avoir signalé que plus de vingt-quatre heures se sont écoulés depuis notre dernier contact. L'impulsif solitaire que tu dépeints agit comme le plus romantique des amants à mon égard, me perturbant de jour en jour à m'en faire oublier les questions indispensables pour se maintenir à flot. N'ai-je juste pas envie de complètement profiter, quitte à m'en mordre les doigts si jamais je ne suis qu'un pion entre tes doigts ? Rien jusque là ne m'a signalé que tu étais de ce genre là. Nul doute que certaines choses m'ont déplu mais elles ont toujours été dites, nommées. Serais-tu de ceux qui ne mentent pas, raison pour laquelle ils dissimulent ? C'est ce que je préfère croire. Italien, c'est la gastronomie qui est ressorti de notre conversation. C'est toi qui a proposé de se voir ce soir. C'est toi qui a signalé le manque. C'est toi qui a tenu à ce que l'on dine ensemble. C'est toi qui a proposé que l'on se retrouve à l'extérieur pour éviter de finir par simplement coucher ensemble. Quelle étrange nouveauté me frappe en ce jour ? Je m'attendais à une simple visite conjugale et je me retrouve les papillons dans le ventre, le coeur en tambour animé par ton chef d'orchestre, à choisir comment être le plus attirant ce soir. Je ne suis pas à faire d'efforts incroyables et en me regardant dans la glace, je réalise que forcer le trait ne serait que futilité. Un pull blanc classe, les cheveux coiffés, un jean mi serré, une petite veste pour la route, et le tour est joué. Maggiano's Little Italy, un restaurant intimiste et agréable où il fait bon d'emmener quelqu'un qui compte plus qu'un appel pour une révérence sous les draps. J'arrive à l'entrée, le sourire timide, inclinant la tête en guise de bonjour au serveur avant qu'il ne m'amène à la table où tu m'attends. Un coup, puis deux. Le myocarde a rendu l'âme. Sorcellerie de tes yeux, de ta présence. Comment se fait-il que je souhaite déjà te sauter dessus sans considération du monde autour ? Tu te lèves, et en me souvenant de notre dernière retrouvaille publique, je dépose un baiser sur tes lèvres. Timide mais rapide, les mains l'une dans l'autre au niveau de mon anatomie comme si je cherchais à éviter toute effusion pouvant nous gêner - ou nous plonger dans une valse buccale des plus traumatisantes pour les clients autour. ❝ Bonsoir my tall evil ❞ te dis-je, yeux dans les yeux, regard tendre, aguerri, épris. Je m'assois sans attendre, déjà amusé par toute cette situation. Du café au lit au restaurant saveurs d'Italie. Il n'y a pas de doute, je suis en train de rêver.

Un simple baiser accompagné de ton rire, de ton sourire, de ton regard me suffit. Les mêmes mots, les mêmes gestes, les mêmes membres, ceci n'est qu'habitude mais tout prend de l'ampleur à mesure que le temps file. Pourquoi me sens-je si intimidé en cette soirée, à t'embrasser sans me soucier du reste, à te voir apprécier le geste, à m'appeler à m'en rappeler qu'en ange, je suis tien ? Revigoré de te revoir après une journée sans toi, je réalisais en repensant au message que cette notion temporelle avait semblé éternelle. Le lit avait été froid, tes bras manquant à l'appel, la peur d'être vraiment tomber sous ton charme, de l'enfer jusqu'au ciel. Pris de panique puis de surprise, relevant mon regard après m'être assis en sentant ton pied se coller et rapprocher ma jambe. J'en ricane de gêne, la mine plus que ravi de ce geste anodin pour d'autres mais pas pour nous deux. ❝ Moi aussi je suis heureux de te voir... ❞ réponds-je en m'avançant à mon tour, glissant ma jambe contre la tienne, mes yeux focalisés uniquement sur les tiens sans pouvoir me détacher de leur immense pouvoir. Es-tu plus beau que d'habitude ? Ou est-ce ton charme qui joue ? Peut-être est-ce lié à ce battant qui ne cesse de cogner contre ma cage thoracique, comme un prisonnier cherchant à s'évader de sa cellule tyrannique. Accroché à tes lèvres sur lesquelles je commence à loucher, je me sens pris d'un vertige à presque me sentir partir. Ai-je bien entendu ? Que se passe-t-il ? ❝ Euh oui, bien sur. ❞ Encore un gloussement vain, encore mes yeux qui t'évitent et te retournent comme ce putain de sourire niais que je ne peux contrôler. Tu vas me croire et penser si fébrile, si faible. Comment peux-tu avoir tant envie de moi ? ❝ Je suis surpris que tu veuilles bien m'emmener chez toi mais c'est avec un plaisir immense... ❞ Je profite de quelques secondes pour t'admirer, pour m'imprégner de la beauté de l'homme face à moi, avant de pencher mon torse, lancer mon bras pour venir chercher ta main de la mienne, la ramener plus près de moi pour la caresser dans la plus grande bonté. ❝ Moi aussi je te veux rien que pour moi... Ce soir... Et d'autres soirs aussi. ❞ Sans hésiter, je tire la langue, sentant progressivement ces contacts répétés ramener à la surface cette passion nous dévorant sans nous laisser un quelconque échappatoire. je ne peux résister, nous sommes venus diner. Je ne peux tout de même pas déjà avoir la lèvre tremblante de n'avoir entre elle et sa soeur le dragon avec lequel tu me malmènes. Alors je saisis le menu de mon autre main, le tends vers toi. ❝ Regarde ce qui te fait envie... Sur le menu, on commande, on dine, on parle et ensuite on passe la nuit ensemble, chez toi, que je découvre un peu où tu vis et on dort jusqu'à... Jusqu'à ce qu'un de nous deux doive se lever. Surement moi. Dire que c'est possiblement ma dernière année à l'université et j'hésite à prolonger ou non. ❞ La peur de ne pas être assez rodé, de ne pas être assez bon sur le marché, alors que deux années supplémentaires pourraient davantage me donner de crédit. Mais si j'arrêtais, du travail, j'en trouverai sans trop de soucis et mon indépendance, elle pourrait se développer en moins de temps qu'il n'en faille pour t'embrasser. ❝ Enfin bref, regarde et choisis. ❞ Mes noisettes scrutent ta silhouette, te détaille sans le dissimuler, remontant de bas en haut avant de trouver refuge sur ton visage si bien crayonné. ❝ Moi je sais déjà ce que je veux. ❞ Nul doute que mon ton est double. Je ne peux et ne veux cacher ce que mon sang désire, mêler dès que possible notre acide désoxyribonucléique. Mon estomac est prêt à être rassasié, le reste, quant à lui, ne cesse de se demander. Pourtant, tout ce que me donnes, tout ce que tu me dis ne fait que m'agripper, m'amenant à épouser ton prénom sur la surface de ma poitrine.

Un changement de décor et nous en perdons tous nos repères. La tension est plus que palpable, se muant certes mais demeurant présente. Impossible de se jeter l'un sur l'autre, de s'enlacer et s'embrasser sans en gêner les clients autour. Il n'y a aucun autre échappatoire que celui de simplement laisser la soirée suivre son cours et d'agir comme deux personnes normales à l'attirance mesurée. Mais au delà même d'une passion émanant du styx, il y a ces étoiles qui virevoltent quand on se regarde, cette profondeur lourde que je ressens à chaque fois que je croise ton regard. Pourquoi ma peau se met-elle à crépiter, à trembler, à frissonner à chaque coup d'oeil, à chaque geste posé ? Je n'ai pas envie d'y penser, bien que me laisser envahir de cette joie enfantine me fait me sentir aussi neuf et vivant qu'à mes débuts de vie. Nos jambes coupent tout contact et mon souffle reprend. Te rends-tu compte de l'effet que tu me fais ou es-tu simple démon dévoreur de fougue ? ❝ Tu préfères aller chez moi et quand on avait parlé de chez toi, tu semblais réfractaire donc oui, je suis surpris. ❞ Je me sens mieux, bien mieux, plus détendu, peut-être un peu farceur. Sourcils qui se lèvent frénétiquement comme pour te titiller. ❝ Agréablement surpris ❞ appuis-je avant de rire délicatement en m'adossant contre le dossier de ma chaise avant de te voir reluquer le menu. Ce manque d'attention me laisse soudainement perplexe et l'envie de jouer sans jouer se fait forte. Pourquoi lorsque l'un se calme, l'autre prend-t-il le relais ? Ne sommes-nous pas plus évolués que de simples bêtes ? Je saisis alors ta main, me penchant cette fois-ci, lisant dans tes astres la poésie rimant jusqu'à toi. ❝ Oui, d'autres soirs, qu'est-ce qu'il y a ? ❞ J'en ai presque l'air sincèrement surpris. ❝ On se voit plusieurs soirs par semaine déjà, donc je me dis que cela va continuer, chez toi ou chez moi... Enfin, ça me semble logique, non ? ❞ Ou interprète-je mal ? Ce n'est pas possible. J'en viens à parler de mes plans et te voir m'écouter avec la plus grande fermeté me réchauffe ce petit coeur maltraité par de si viles personnages passés. ❝ Le plus beau d'entre tous ❞ répète-je, riant en même temps dans une moquerie se voulant douce ensuite, ❝ j'aime prévoir mon futur, savoir où je vais aussi généralement. J'apprends à lâcher prise mais sur mon avenir professionnel, je préfère que ça reste tracé donc... À voir après mon diplôme de fin d'année, ce que la suite m'inspire. ❞ Pour une fois, je décide de limiter la pression que je me mets, cherchant patiemment à expérimenter le présent que l'avenir me réserve. Celui dans lequel j'évolue présentement me propose les plus belles aventures que je n'aurai jamais imaginé, grandes et enivrantes, avec la personne la plus inattendue au monde, toi. Tu te remets en quête d'un plat, concentré à nouveau à ne plus me regarder. J'accepte la sentence, impatient déjà de pouvoir admirer ton faciès, y déceler toutes les nuances qu'il peut offrir. Vient enfin ta sentence, celle où tu abdiques et où je ne sais pas réagir. Ta main agrippe la mienne, la tire vers toi au point que je doive me pencher de plus belle. J'en suis surpris, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte prête à lâcher une onomatopée. ❝ Euhm... ❞ Tu me prends de cours, tu me prends de putain de cours. Mes iris sont plantés dans les tiennes, mes membres gelés, ma carrure immobile. Je me retrouve à nouveau soumis à tes pulsions, ton autre main venant caresser mon menton, la jonction de mes lèvres à m'en donner mil et un frissons. ❝ Qu'est-ce... Je veux... Quand ? ❞ Dans une vague de force, je tente de reprendre la main, dans un sourire charmeur, je mordille ma lèvre, attrape ton pouce entre mes dents. Sans te quitter du regard, je le cède à ma bouche, le faisant glisser puis rouler sur ma langue sans qu'une seule de mes paupières ne se ferme, que tu demeures prisonnier de mon regard de braise. Plus les secondes passent, plus le geste semble interminable, et je finis par resserrer la pression dessus tout en le poussant en dehors de ma cavité. J'en souris, fier de te savoir aussi tendu qu'un mur est dur. ❝ Dans l'idéal, j'ai envie de toi... Mais je me contenterai en dessert. J'ai faim et si je ne mange pas ne serait-ce qu'un bout, je risque de ne pas avoir d'énergie pour... ❞ Impossible de rire, je me retiens avec force pour ne pas glousser, les yeux tombés à terre revenant aux tiens de mes pieds. ❝ ... Toi. ❞ Je me recule un peu, tirant sur ma propre main, sentant la pression redescendre doucement. ❝ Et toi, Coda, qu'est-ce que tu veux vraiment, my tall evil ? ❞ Est-ce seulement succomber à mes charmes, me faire tomber à terre pour me sustenter des tiens ? Ou la raison qui fait battre ton coeur est plus primordiale, plus immense que celle d'une luxure parée en écharpe autour de ton cou ? ❝ Si tu préfères quitter les lieux et me proposer un bout chez toi, je ne dirai pas non non plus. J'aime bien l'idée que l'on soit ici, dans ce restaurant, manger dehors comme tu proposais pour changer un peu... Et rien de mieux aussi pour faire monter le désir. ❞ Les termes sont dits, il n'y a plus à se cacher. Pour une fois, j'ai envie de jouer mes cartes sur la table sans avoir à dissimuler ma prochaine attaque. Ma paume caresse toujours la tienne, mes quintuple extrémités emmêlées cette fois-ci pour serrer ta main en un bouquet de doigts.

Ton interrogation me laisse perplexe. Ne t'es-tu pas rendu compte que tu ne désirais pas que je vienne chez toi lorsque tu es venu chez moi ? L'incompréhension de la scène me laisse à penser que ta mentalité a évolué sur le sujet. Et si tu es capable de pouvoir changer d'avis sur ceci, cela me laisse l'espoir que tu sois bien plus capable de te faire une place dans ma vie que ma conscience voulait me laisser penser. Conscience qui, elle, cherche tant bien que mal à me protéger d'une énième douleur, d'un énième échec. Qui sait si, cette fois-ci, je pourrais le supporter. L'alcool sera peut-être le seul ami dans lequel je saurais me noyer. ❝ Oui, enfin, tu ne te souviens pas, mais tu avais clairement stipulé que tu ne voulais pas que je vienne chez toi, mais ce n'est pas grave, je ne l'ai pas mal pris. Juste là, c'est l'occasion, ça me plaît. ❞ Je reste tout sourire, satisfait d'être invité par tes soins là où tu crèches, là où te reposes. Ton sanctuaire où peut-être de nombreuses sueurs ont coulé mais s'il y a bien une pensée que je souhaite éviter est celle des autres personnes qui t'ont, à nu, toucher. ❝ Ah oui, tout ça ? Et pour les chats ? Bravo, c'est joli. Je croyais que le seul minou que tu aimais caresser, c'était moi ?! ❞ Le ton farceur est des plus léger, nos répliques se cognant les unes contre les autres dans un dialogue des plus naturelles. Je me sens bien, à l'aise, peut-être serein à un niveau jamais atteint depuis bien des années. Certes, il demeure des zones d'ombres qui me tourmentent mais dans la maison que je suis, certaines pièces éteintes depuis des décennies ont retrouvé la lumière qu'elles ne connaissaient plus. Tu me donnais de l'inquiétude avant de la calmer, petit jeu sadique dans lequel tu semblais prendre un malin plaisir à me laisser tomber. J'en ravale mon sourire, presque gêné d'être ainsi séduit, d'être ainsi comblé. ❝ Non, il n'y a effectivement aucune raison que ça s'arrête, c'est... Vraiment agréable de passer du temps avec toi. ❞ Et c'est unique, fort, cela dépasse ce que j'avais imaginé en te rencontrant. Quelque chose en moi avait du le savoir sinon, pourquoi aurais-je accepté que tu te mêles à moi, en moi, sans avoir de quoi nous protéger ? Pas un seul instant, je me suis rebellé car au fond, tu m'avais donné les signes, tous les signes, m'indiquant qu'une histoire débutait. Le contact de ta main me réchauffe, la délicate attention de tes doigts me détend à m'en faire baisser les épaules. Toute tension s'efface et mes pupilles s'élargissent sous la raison de ce destin. ❝ D'accord donc ta soeur et moi étudions à la même université et vu que tu es là pour ta soeur... Je me dois de la remercier du coup ? ❞ Rictus qui en vient à montrer toutes mes dents, je me retrouve incapable de cacher cette forme de joie d'être là, avec toi, de simplement voir ce sourire sur ton visage illuminer tes traits comme il enflamme mon coeur. ❝ Alors, non, non, j'ai voulu faire plusieurs métiers ❞ ricane-je, ❝ mais... J'ai su que la robotique et l'informatique me plaisaient depuis le collège. J'étais très intellectuel, dans mon monde, j'ai découvert les jeux vidéos et quand j'ai découvert plus ou moins la robotique, l'assemblage etc, il s'est passé quelque chose, un truc... Indescriptible. Je n'ai pas lâché et je me suis dit "si tu aimes ce que tu fais, alors fais-en ton métier", et c'est un peu ce que j'essaie de faire dans ma vie. Si j'aime quelque chose, je ferai en sorte de me battre pour en faire un aspect de ma vie. Je suis déjà assailli de doutes pour m'empêcher de provoquer mon bonheur donc... J'en suis là, un Londonien à Boston qui étudie la robotique, est proche de sa fratrie et fréquente de grands blonds musclés. ❞ Rire en clou du spectacle verbale, mes mirettes se tournent vers le serveur qui s'avance vers nous. ❝ Dans deux petites minutes s'il-vous-plaît... Merci. ❞ En retournant sur toi, ton regard me brusque immédiatement. Tant de nuances de désir, tant de nuances de manque m'interpellent dedans comme si je provoquais une réaction d'intérêt ou de fascination, un puzzle que tu souhaitais résoudre par tous les moyens possibles. Nous nous en retrouvons pris dans une nouvelle spirale où nos corps s'appellent, le moindre contact de peau défait notre bouclier de fer. En un claquement de doigts, mon coeur s'estompe et une part vile de moi prend le contrôle de mon corps, de mon âme, cherchant à subjuguer ton esprit d'un aura des plus démoniaques. Ton doigt en fait les frais à te pousser à te pencher vers moi, le murmure au bord des lèvres pour me faire part des pires outrages lorgnant dans les recoins de ta boite crânienne. Mes joues s'en teinte d'un rose semi pâle, lèvre passant sur lunes pour les humidifier, la gorge déglutissant prête à répliquer. Dire ces mots même d'une faible voix me décroche quelques battements, presque honteux d'avoir laissé mon diable s'exprimer de la sorte mais impossible n'est rien quand on nous a jeté un sort. L'esprit me revient, nous revient, et enfin, nous nous détendons. Vient-il vraiment d'arriver ce qu'il vient de se passer ou n'est-ce qu'un mirage de nos concupiscences nous ayant éblouis ? ❝ Hm peut-être bien que je me lâche avec toi, mais ne fais pas genre que ça te déplais ou que ça te surprend. Tu vois bien comment je suis entre notre première rencontre et maintenant, c'est... Bien différent. ❞ J'en ricane avec toi, à nouveau timide, pinçant ma lèvre comme si le moindre de tes souffles sur ma peau pouvait me terrasser. ❝ J'ai toujours eu peur de l'aventure où tu te lances à corps perdu car c'est effrayant en réalité. Mais avec toi, j'ai envie. Je ne sais pas, je te fais confiance, je t'apprécie, je me sens compris et apprécié mais aussi soutenu donc je me dis juste "vas-y". J'en ai peut-être marre d'avoir peur et de laisser mon passé gagner, et je veux me concentrer sur... ❞ Les mirettes se perdent sur toi, nos doigts s'enlaçant bien plus forts comme s'ils étaient terrifiés à l'idée d'être séparées. Mon coeur cogne fort, si fort que je pourrais presque en avoir mal. Que me fais-tu, Coda ? ❝ ... Mon présent. ❞ Cette magie autour de nous me met des étoiles plein les yeux qui s'envolent un instant alors que le serveur, déjà revient avec son carnet. La mine gênée, je le regarde avec toute ma sympathie, exposant ce que je désire manger et récupérant pour toi aussi. Le serveur repart, emportant les menus, nous laissant tout le temps de garder contact sans être gênés. Les minutes passent où l'on se taquine, on se cherche, on s'embête. Je te parle un peu plus de mes frères, de celui qui est distant et sarcastique et dont on ignore presque tout de sa vie, de celui qui a un enfant et n'a qu'un an de plus que moi, étant en froid avec la mère de son enfant, de mon autre frère sportif et amusant, le coeur sur la main. J'en profite pour te parler des Rothschild, famille connue, dont la branche anglaise et ma famille avons été voisins. De cela, j'évoque même ma complicité avec certains de cette fratrie que je vois comme des cousins et des cousines. Mon myocarde veut que je te décrive toute mon expérience en leur présence mais la plus mémorable est aussi la plus triste. Celle où l'un des Rothschild est venu à ma rescousse. Si tu en connaissais la raison, mon petit doigt, enfermé dans ta main, me dit que tu serais pris de rage et te porterait volontaire pour une mission assassine. Mon regard n'a pas le temps de se teinter trop longtemps d'une quelconque absence que nos plats nous sont servis. Pourquoi suis-je déçu ? Il me semble que c'est évident. Je souris toujours, te regardant en tirant sur mon bras. ❝ Reprends ma main après, d'accord ? ❞ exige-je presque en défaisant nos doigts, me retenant de sourire comme pour te prouver que je ne plaisante nullement. L'assiette est brûlante, la pizza fume encore un peu mais l'appétit est bien trop grand. Cela ne prendra que dix minutes pour l'ingurgiter, j'en ai parfaitement conscience. ❝ Bon appétit du coup ❞ finis-je par déclarer fièrement, sourire aux lèvres avant de reprendre. ❝ Et toi alors, qu'est-ce que tu peux me dire comme faits amusants à savoir sur toi ? Tu n'es pas un vrai blond ? Tu as déjà frappé un garçon qui a malmené ta soeur ? Dis moi tout. ❞ Ma curiosité est grande, immense même mais te concernant, elle n'est jamais satisfaite. Si mes oreilles peuvent t'écouter des heures durant afin de m'abreuver de toutes les informations de ta vie, ma vue ne s'use pas de te détailler encore et toujours. Toi, Coda, beauté rayonnante, réfléchissant les raisons du soleil que je suis. Peut-être que de ce système, tu es la lune mais pourquoi me réchauffes-tu tel l'astre solaire que je suis ?

Électricité qui picote la première couche externe de ton coeur, pupilles qui se dilatent en s'écarquillant sur tes lèvres aux propos des plus délicats. ❝ Ton minou ? ❞ demande-je fièrement, l'air naïf mais presque excité. ❝ Le tien donc ? Okay, je vois, je note. ❞ J'ai l'air si amusé parce que je ne sais comment réagir à t'entendre dire "le mien". Cette simple appellation à l'appartenance me fait l'effet d'une petite bombe, secouant mon corps, faisant vibrer ma gorge, rougissant mes joues. J'aurais pu être plus fort, j'aurais du l'être mais face à toi, j'ai de moins en moins envie de mettre une façade tant tu complimentes et sembles apprécier l'être que je suis. Sans compromis, sans artifices, c'est moi et uniquement moi. Plus les échanges continuent, plus nous nous voyons et plus je me sens embarqué dans une idylle que je n'aurais jamais imaginé. ❝ J'ai terriblement envie de visiter ton chez toi et mettre de moi chez toi, dans ton lit... Enfin, mon parfum en quelque sorte, que tu me sentes et que tu m'imagines chez toi quand tu y es. ❞ De tout mon coeur, j'osais espérer ne pas à tomber sur une quelconque trace d'une conquête passée ou présente au risque de ruiner l'ambiance du moment mais impossible n'est rien quand il s'agit de sauter dans le vide avec un si bel étalon comme inconnu - ou presque inconnu, plutôt ami dorénavant. Un ami avec qui je désire partager tous, mes sourires comme mes larmes, mes bras comme mon bas, mon esprit comme mon coeur. Quelque chose nous rattache encore dans nos retranchements, et bien que je m'avance, bien que tu me rassures, rien n'est moins sur tant qu'un pas, ce pas, n'est pas franchi. Une part de moi réside sur ses gardes malgré les chaînes se libérant jour après jour afin que mon âme vienne enlacer la tienne jusqu'à ce qu'elle s'éteigne. ❝ Non, arrête ❞ rétorque-je, sentant la gêne monter, ❝ c'est moi qui suis chanceux d'être tombé sur quelqu'un comme toi, sur... Toi. ❞ Pourquoi me perds-je dans tes yeux ? Pourquoi y lis-je quelque chose qui me semble bien plus profond ? N'est-ce que fantaisie de mon esprit ? Je pourrais jurer voir tes astres, eux aussi sourire. ❝ C'est moi qui suis chanceux ❞ et je n'en démordrai pas. Il y a fort à parier que tu sois aussi têtu que moi sur le sujet mais je demeure intraitable. Combien de peines ont du m'inondé avant que je ne trouve un bateau prêt, à bon port, à me ramener, alors que je survivais sur une bouée, échouant contre vents et marées ? La tasse bu d'innombrables fois, le coeur tordu et serré, les cellules persuadées qu'en un rien de temps, elles allaient à jamais se désintégrer. Les tambours de chair n'ont eu de cesse de se morceler dans la famille. Mon frère, fut un temps, eut un enfant avec une démone s'étant envolé désormais, vague souvenir d'une mère que l'enfant ne reverra jamais. Mon autre s'est persuadé que l'amour n'était que sentiment inutile, privilégiant le matériel qui, lui, peut être remboursé ou échangé contre quelque chose de même valeur. Les autres ne sont pas en reste, encore moins mon jumeau. Eden, dynamique teigne, amoureux de la vie étant tombé sur sa perle arrachée si vite d'une mort tragique. En un soir, son monde s'est écroulé, maintenant veuf, jadis marié. Et moi, éternel romantique, condamné à des relations sans options où je ne suis que poupée de chiffon. Pourrais-je évoqué celui qui m'a cassé ? Pourrais-je même, un jour, ne serait-ce que t'en parler ? Douloureux souvenirs que ceux qui nous marquent, lacèrent un coeur qui jamais n'efface l'erreur. Souvenirs devenus poussière, chassée d'un revers alors que la discussion tourne aux faux remerciements. Je me mets à ricaner, acquiesçant sans rien dire. Je sais ce que tu veux, je ne le sais que trop bien. Tout ceci me rend taquin, peut-être même pervers. La simple chaleur de ton regard bravant ma peau, passant les mailles de mon tissu comme un ultralaser. Je sens ce que tes yeux me font, de véritables criminels, monstres qui me laissent m'emballer et aspirer à des fantasmes moins pieux. Tu le dis toi-même, tu en deviens impatient - et de te dévorer, je le deviens aussi. Personne sur cette terre peut se targuer de me réchauffer comme tu le fais, toi, bois divin donné à brûler, enflammant ma cheminée. Mais rien n'est comparable à la sensation ressenti quand nos corps se touchent et s'enlacent, qu'ils cherchent réconfort pour trouver sommeil. Tes bras m'emprisonnant comme pour me protéger, poils en duvet pour me réchauffer, souffle chaud dans ma nuque, lèvres qui, au réveil, dépose des baisers, torse en bouillotte contre mon dos. Il n'est plus question de douter, j'en deviens accro. ❝ Tu me donnes envie de me lâcher alors... ❞ Que rajouter quand l'évidence est même. Doigts qui se touchent, ne veulent plus se lâcher, l'attente nous comble mais le silence vient à danser. Un certain quelque chose vient à manquer et je me lance dans des mots, une vague à parler. Grossières lignes que je dessine de mes cordes vocales, étranger dessin que je peins et qui résume tout bien - ou de manière tronquée mais peu importe, qu'as-tu réellement besoin de savoir ? Le portrait de famille ou les cris de famine ? Je m'emporte et divague, peut-être, réalisant seulement le tout lorsque les plats arrivent. Je tente de me concentrer mais il m'est difficile de regarder les parts et te quitter des yeux. Comment cela se fait-il ? Nous sommes face à face, rien n'est plus simple et tranquille. D'un gloussement soudain, je marque ma réaction, haussant les épaules à ma sanction. ❝ Désolé alors.... VRAI blond. ❞ Sans aucun doute que ma curiosité est grande, bien grande, trop grande mais par chance, alors que tu te mets à dévorer ton plat comme un ours face à un pot de miel, j'entrevois enfin un début d'histoire que j'ignorais. Ta soeur, sans cesse, revient, centre de ton monde et de celui de la famille semble-t-il. ❝ Je vais finir par croire qu'il faut que je rencontre ta soeur de toute urgence. ❞ Si j'ai l'air amusé, le serais-je encore longtemps en apprenant de qui il s'agit ? Celle ayant eu la preuve que le parfait ange face à toi a aussi un fantôme qui lui colle à la peau ? Impossible de se concentrer quand des miettes volent de toute part de ta bouche. Mais je ne peux être dégoûté, être rebuté. Au contraire, je souris, amusé par ta façon d'être sans te soucier des autres même si l'envie de te charier est plus forte que je ne l'aurais imaginé. ❝ Okay, l'avion est un privilège, je conçois. ❞ Tout le monde ne le peut pas même si une bonne partie de mon entourage a même des jets privés. Je songe à ne rien dire, à calmer le jeu sur cette partie de ma vie de peur de creuser cet écart. Mes maux ne naitront pas d'une telle différence mais le risque vient des tiens. Ceci pourrait-il signer notre arrêt de mort ? ❝ Attends, dans les toilettes ? Quoi, quand comment, avec qui ? Attends, je dois savoir ! ❞ Je m'exclame, hausse la voix - moi si discret. Le rire me prend comme si tu venais de me conter une histoire des plus fantasques. Certes, cela ne me surprend pas en vue du personnage mais pour une première fois, je n'aurai jamais imaginé. ❝ Une de mes premières fois, j'ai- ❞ Le noir. Le blanc. Le flash. Mon visage doit se figer quelques secondes sans que je ne le veuille car je sens que je me suis tu. Quelle idée de vouloir revenir sur les premières fois, quel idiot. Maintenant, tu l'as en tête. Respire, Eben respire. Il n'est pas là. Il n'y a que Coda.. Je tente de reprendre un sourire comme ma respiration, serrant tes doigts plus que de raison. ❝ Désolé, j'ai... J'ai pensé à autre chose ❞ glousse-je en tentant d'évacuer le plus rapidement possible cette horrible souvenir sorti de l'entre-deux de la conscience. ❝ Euh... Je disais, oui, ma première fois, c'était chez elle et c'était parfait nul. Je me souviens surtout de la musique de fond qui avait tourné au métal... À mon plus grand malheur. Autant te dire que l'oiseau a perdu de son envol à ce moment là... ❞ Les ricanements pleuvent, entrainant les tiens par la même occasion, mon rythme cardiaque reprenant naturellement son créneau, ma main accroché à la tienne encore comme si ma vie en dépendait. ❝ Aussi... Si tu veux des faits embarrassants mais funs pour "relativiser"... ❞ De ma main libre, je porte une nouvelle part à ma bouche, croque dedans et sans réaliser, je n'attends pas de mâcher et avaler avant de reprendre mon fil. ❝ J'ai déjà couché avec un acteur de films x mais je l'ignorais, bien entendu... J'ai failli ruiné le paysage de la préparation du mariage de mon jumeau... J'étais présent lorsqu'un de mes frères est sorti de garde à vue, le plus sanguin, et la seule chose que mes parents ont trouvé à dire c'était "la colère se doit d'être exprimé par les mots, pas par les points"... ❞ À cette dernière anecdote, j'avale ma bouchée et me mets à rire, roulant les yeux avant de les concentrer sur le sol. ❝ Mes parents sont des intellectuels mais ils ont un vrai côté bobo perchés parfois... Surtout ma mère, mais ça, ça a l'air de venir de sa famille qui est particulièrement dysfonctionnelle. ❞ Bavard comme tu me connais, je ne perds pas une seconde pour échanger, questionner, rétorquer, te regarder et rire sans jamais m'arrêter. En un rien de temps, les minutes défilent jusqu'à ce que les plats soient terminés, le serveur passant déposant l'addition que je m'empresse de vouloir régler. ❝ Si tu oses payer quelque chose, je te brise un doigt ❞ te lance-je avec violence sans même que tu n'aies eu le temps de prononcer un mot. Carte bancaire passée, serveur s'empressant de filer, je me redresse, quittant ta main, pour remettre mes affaires, me dirigeant vers la sortie tout en m'assurant de bien sentir ta présence tout près derrière moi. ❝ C'était un très bon... Rendez-vous. ❞ Face à face, les mains dans les poches, sourire timide qui ne sait comment se tordre. ❝ Mmh on va... Chez toi pour le dessert du coup ? ❞ Impossible de détacher mes astres de toi, des tiens. Je m'y perds, sentant ma respiration se fanant alors que je m'avance vers toi, le coeur léger et pourtant lourd, si lourd, que je le sens peser. ❝ Je crois bien qu'il y a quelque chose que tu devais vérifier sur moi.. Non..? ❞ Phrase prononcée presque en murmure, si proche de ton visage, mes bras crispés tout comme mes épaules alors que je suis à deux doigts de t'embrasser. Emporte-moi sous cette lune, laisse briller mon soleil sur ta peau de vampire, toi, créature de la nuit, assoiffée de crépuscule, jaillissant à la lumière armé d'une épaisse fourrure noire eben.