En un claquement de doigts, mon quotidien s'est retrouvé chamboulé, mes doutes s'éparpillant comme des fourmis sortant en trombe de leur fourmilière après que quelqu'un ait donné un coup dedans. Paradoxe étrange quand la lune et le soleil se croisent, la vue se floue au moment de la fusion et tout semble une tournure cauchemardesque. Pourtant, il n'en est rien. Au contraire, la peur assaille car le ciel est calme, si calme, d'avoir enfin trouvé l'harmonie dont il rêvait tant. Comme si espérer était devenu vain, comme si à jamais ces deux astres frères avaient été condamnés à l'exil et à ne jamais se synchroniser et s'abreuver l'un de l'autre. Dans mon coeur de ciel, tu es l'étoile la plus brillante, celle qui m'apporte confiance et dessine ce sourire que je voudrais, parfois, effacer de mon faciès. Il est là, paint de tes deux astres qui me fixent alors que je me dresse devant toi dans cette immense parc où nous nous retrouvons. Cela me ramène à notre première rencontre d'il y a peu, là où nous avons échangé notre premier baiser, le précepteur, celui qui ouvra le bal à de nombreux autres sans jamais que cette flopée ne semble s'arrêter. Nulle plainte de ma part, néanmoins un simple constant. Mes mirettes brillent, animées par le soleil émanant de toi. Je me sens aussi timide que taquin. Paradoxe, encore une fois. ❝ Cette fois, j'ai prévu de quoi s'allonger, que l'on puisse vraiment échanger au calme, posé, sans risquer de me faire sauter dessus entre quatre murs par un monstre de sexe assoiffé ❞ commence-je par dire sérieusement avant de te lancer un pic en gloussant. Dans l'une de mes mains, je tiens ce large panier contenant une semi-épaisse couverture d'extérieur, parfaite pour nous protéger de la saleté du sol. Les arbres nous surplombent dans le spot où je te fais signe de me suivre, en grande partie à l'abris des regards. J'ai envie d'être dehors mais je demeure fidèle à moi-même, amoureux du confort et de la protection loin d'autrui. Pas loin de toi, cependant, cela va de soit. Panier posé, tissu sorti, secoué, déposé, je m'installe dessus en fouinant dans ma fausse malle avant de me tourner vers toi, bière fraîche à la main, rictus en coin et air satisfait. ❝ Je me suis dit que ça allait t'aider à te mettre bien. Alors, j'ai vu juste ? ❞ Je n'allais tout de même pas tenter quelque chose de plus fort. Cela suffisait amplement et cela allait également me dissuader de trop loucher sur tes lèvres. Elles sont toujours aussi appétissantes, et je comprends bien que la réciproque est de même. Il nous faut utiliser nos bouches pour échanger, c'est aussi important à mes yeux, même si j'ai la sensation non désagréable que ce moment posé finira en session baisers. C'est ainsi, ma passion est tsunamique, mon coeur est cosmique.

Dans un élan de timidité, j'avais surement montré une énième fois ma faiblesse. Par chance, tu n'avais pas pipé, t'étant rapproché pour m'embrasser sans hésiter ne serait-ce qu'une seconde. Ce n'est pas le contact qui me fit perdre l'équilibre dans ma tête, ni même la surprise puisque je me doutais que cela pouvait arriver. C'est m'embrasser de la sorte, aussi naturellement, en publique, comme si nous n'étions pas que ce que nous sommes. L'idée me frôle, m'excite puis me terrifie soudainement. Je chasse toute pensée parasite comme pour éviter une mauvaise prédiction, me rassurant du mieux possible en restant focalisé sur le moment présent. C'est bien cela que tu m'aides à travailler, Coda, n'est-ce pas ? Tu me pousses à rire à ta réplique, m'amusant de cette fausse peine ressentie face à mon attaque. Il n'y a pas à dire, seul le rire et les yeux pétillants suffisaient à clore cette chamaillerie, annonciatrice d'une multitude future. Le plan est mis en place et je te regarde dubitatif en te voyant prendre place à même le sol. Les passages des gens aux chaussures sales, les potentiels restes de défécations animales ou encore les restes de différents aliments et liquides ne semblent pas t'inquiéter. Autant dire que je réalise en l'espace de quelques secondes faire une moue de dégoût que je range immédiatement avant de simplement me perdre à nouveau dans la beauté du plus beau paysage, toi. ❝ Ah oui donc nique ma couverture. Fais à ta guise. ❞ Je fais mine d'être vexé, roulant des yeux sans pouvoir retenir mon rictus avant de te tendre avec confiance la bière préparée. ❝ Je suis prévoyant donc non, pas de robot. Quelques trucs à manger au cas où, un jus pour moi, de l'eau et peut-être même quelques sucreries. Je ne sais pas ce qui te ferait plaisir alors, j'ai prévu un peu plus large. ❞ C'est tout de même anormal, et tu le soulignes dans toute ta taquinerie. Pourquoi mettre autant d'effort dans quelqu'un rencontré depuis si peu de temps ? Quelqu'un avec qui je tâtonne dans le temps malgré le plaisir que j'y prends. Tu aurais pu me déstabiliser mais là où je fuirai ton regard, je le décale juste sur le côté, pensif, calme, heureux même. ❝ Non, mais combien de personnes ont couché avec moi ces dernières années et avec qui j'échange autant et avec qui je passe des moments de qualité pareil... Oh attends... ❞ Sourcils froncés, visage qui s'oppose au tien alors que la tête pivote violemment. ❝ Il n'y a que toi. ❞ Enfin les traits se détendent et je m'éprends d'un rire en me rapprochant du bord de la couverture pour pouvoir sentir ta chaleur de plus près. ❝ Et toi, tu acceptes souvent les pique-niques de tes rencontres ? ❞ Pointe de défi dans la voix, les perles pendues aux tiennes avant que je ne reprenne aussitôt la parole après cette seconde de silence. ❝ C'est bien ce que je pensais, monsieur le démon qui embrasse en guise de bonjour. ❞ Pic des plus tendre, des plus innocent, alors que d'un sourire doux, je penche mon faciès assez proche du tien, nous deux nous tenants sur nos bras, chatouillant soudainement ton nez du mien. ❝ D'ailleurs, je ne te l'ai pas rendu... ❞ souffle-je, amusé, frottant mon nez contre toi, déposant mes lèvres sur les tiennes à m'en décrocher le coeur l'espace de quelques secondes. Pourquoi de si petites choses ont le don de me rendre aussi euphorique ? Et comment cela se fait-il que tu acceptes aussi facilement à jouer le jeu ? Peut-être n'y-a-t-il pas de jeu ? Peut-être vivons-nous simplement cette passion se teintant de romance. Je quitte tes lunes, sourire plaqué sur la gueule, et me jète sur le côté afin de m'allonger de tout mon long, crâne contre couverture contre sol. ❝ Dis, tu sais que je suis curieux, tu aimes ça mais on sait aussi qu'il y a des sujets sensibles qui peuvent brusquer et je veux surtout pas te mettre à mal ou quoi, donc tu es libre de passer mais... On pourrait parler de certaines choses ? ❞ Cou pivotant vers toi afin que mes rétines laissent ta silhouette s'incruster dessus. Douce mélodie dans ma voix comme pour t'enchanter à me faire confiance, sincérité dans les cordes vocales, quiétude et intérêt en fond. ❝ Tu m'as parlé de ta soeur, et tu as l'air d'être très famille mais je ne sais rien de celle-ci, ni des choses funs que vous avez pu vivre alors, qu'est-ce que tu peux me dire dessus ? ❞ D'un mouvement délicat, mon bras s'allonge vers toi, glissant en serpent jusqu'au dos de ta main libre sur laquelle mes doigts s'écrasent pour polir d'affection ta peau.

❝ CODA ❞ m'insurge-je soudainement en tentant de retenir un ricanement transformant le choc de mon expression en sourire disgracieux. ❝ Je sais comment te faire plaisir mais je parlais de ce qui te ferait plaisir en dehors de nous deux l'un contre l'autre, pervers. ❞ Nul n'est à l'abris de la moindre tension entre nous, le plus petite taquinerie pouvant nous amener à se jeter l'un sur l'autre, à se bécoter des heures durant alors que ta main glisserait là où ton corps veut prier en toute sécurité. Cette fausse surprise à ma réponse ne te sied pas non plus, mais ce contentement que je lis dans tes yeux a de quoi éclairer tous les papillons enfermés dans le noir de mon estomac. ❝ Oui, vraiment ❞ répète-je en roulant des yeux, tentant tant bien que mal de jouer la carte de la personne blasée alors que tu sais aussi bien que moi que l'affection est le centre de tout attachement pour moi. ❝ Donc laisse-moi profiter du démon à la gueule d'ange tranquillement, okay ? ❞ C'est un ordre et non une question. Pour une fois, j'ose, la mine entreprenante, domination de tes poings goutée sur ma peau, m'ayant contaminé plus que de raison. Rien de mieux que d'inverser la tendance, sachant pertinemment que le jeu est dangereux tant tu m'aimes à ta merci. Je risque de réveiller la bête mais qui sait, peut-être est-ce ainsi que je nous apprécie aussi. ❝ La première fois ? ❞ Ainsi, je me retrouve comme toi et ton "vraiment", la gueule ravie, le sourire niais au possible, l'envie de rougir se faisant ressentir. Pourquoi suis-je aussi faible en ta présence ? N'y-a-t-il pas moyen d'être fort en toute circonstance ? Ou pire, ne peux-tu pas me rejeter au lieu de constamment m'apprécier comme je suis et me faire tomber dans tes bras jusqu'à ne plus vouloir m'en relever et m'en extirper ? ❝ J'attends de pied ferme ce doigt d'honneur ❞ plaisante-je avant que nos peaux se touchent, que le contact se fasse, les bouches trouvant leur chemin l'une sur l'autre avant que je ne te quitte pour m'allonger et t'inviter à faire de même. Je me sens calme, reposé, pour la première fois depuis des années. Les ressentis sont différents avec toi, si atypiques que je ne sais plus si je dois céder au plaisir du présent ou à la panique du futur. Tentative de connexion verbale qui semble jeter un froid avant que tu ne te redresses pour pouffer un rire. Pourtant, ce froid ressenti en l'espace de quelques secondes me rappelait que je prenais un risque avec toi. Tout ceci en vaut la peine ? Ai-je envie de connaître ce Coda qui se cache, celui où les émotions semblent plus noires ? Il te faut du temps, c'est ce que je me répète, et cela ne vient surement pas de moi vu comment tu me traites. J'implore les cieux de bien vouloir m'accorder un répit, de faire de toi celui qui ne sera ni disgrâce, ni traitrise, que ce que nous vivons est réel et non une illusion, que je ne sois pas un masque pour dissimuler tes démons. Les billes dans les billes, le regard hameçonné, je dévore tes paroles, restant accroché. Le coeur est pris d'un vertige en entendant la nouvelle, les lunes picotant d'une envie de lâcher une larmichette. ❝ Coda... ❞ C'est une autre facette que j'aperçois, celle d'un homme triste, celle d'un homme au coeur morcelé. C'est une vulnérabilité que je connais, une que j'ai enfoui aussi, une que je n'arrive pas à sortir de mes putains de tripes. Et pourtant, je te vois là, fort d'être aussi faible, et j'en suis admiratif. L'envie de te prendre dans mes bras, de te serrer et te murmurer en boucle que la vie est belle et qu'elle n'est pas terminé, que s'il faut que j'arrache au soleil ses rayons un à un, à m'en brûler les doigts, pour toi, je le ferai. Pour tes yeux, pour ton coeur, pour réchauffer ton âme à jamais froissée, je frôlerai le destin funèbre des fantômes du passé. Ton bras glisse autour de moi, et je me redresse, me rapproche un peu plus. Je passe un de mes bras autour de toi à mon tour, me serrant à tes côtés en guise de bouclier. ❝ Je... Je ne peux pas imaginer ce que ça ferait. Et je ne sais pas pourquoi il est en prison, ce qu'il a fait, et tu n'as pas à me le dire si tu ne te sens pas prêt ou tout simplement si tu ne veux pas partager ça avec moi, là ou maintenant... Sache juste que je t'écouterai quoi qu'il arrive et que... ❞ Foutue émotion qui me prend, me saisit par la gorge comme ta main lors de notre dernière altercation sexuelle. Au lieu de suffoquer de plaisir, je suffoque d'empathie. ❝ Tu sais, j'ai un jumeau qui est retourné à Londres il y a presque un an jour pour jour après que son époux ait perdu la vie et ça a changé énormément de choses. Pendant... Pendant un temps, j'ai cru qu'il allait faire une connerie alors... ❞ Tête baissée, honteux de toute cette situation. ❝ ... Alors on l'a forcé à retourner à Londres chez les parents, quitte à ce qu'on soit séparé pour la première fois de la sorte... ❞ Même si la tête se redresse, je peine à retrouver tes astres de peur de ce que je pourrais y voir. Je me sens gêné de tout ceci mais s'il faut s'ouvrir pour te prouver que tu peux l'être avec moi, que ce soit maintenant ou un autre temps, alors laisse-moi faire un pas en avant. ❝ Maintenant, ça semble aller mieux mais l'idée même de le perdre m'a terrorisé pendant de longs mois. Et en plus, en tant qu'éternel romantique, voir le bonheur de Eden arraché en un soir, ça m'a... Enfin, je me suis demandé si chasser l'amour en valait la peine et ça m'a juste renfermé. Je pensais juste pas pouvoir conjuguer tout, m'ouvrir à quelqu'un sans penser à ce qui est arrivé à mon frère. ❞ Instant de silence qui se brise en un rire complètement étouffé, ma personne trouvant le courage d'à nouveau te regarder. ❝ Désolé, j'ai dérivé totalement, je... Enfin, ça me semblait important que tu saches que malgré les apparences, je peux comprendre plus de choses qu'on peut le penser... ❞ Lèvres que je ravale, regard confrontant le tien dans la compassion la plus imposante au monde. De mon bras qui te lâche, j'avance me deux mains de chaque côté de ton cou, les posant à sa base sans serrer mais en caressant du bout de mes doigts. ❝ Tu sais quand tu m'as dit que tu avais presque tué un homme et incendié sa voiture ? J'ai vu que tu n'étais pas à l'aise avec ça, et je suis tellement content que tu me l'aies dit car... Regarde, j'ai couché avec toi sans même sourciller après car... ❞ Nos soufflent s'échangent, mon nez pris raisonne quand je parle, mes yeux humides ne fuitent plus. J'essaie de me contenir. ❝ ... Car tu me plais. Car être en ta présence me plaît, et je sais, je vois bien que tu n'es pas un monstre qui cherche à faire du mal aux gens, que tu as surement eu tes raisons. Et j'aimerais les connaître, j'aimerais que tu puisses m'en dire plus MAIS je sais que je ne veux pas te mettre à mal... Sache juste une chose, c'est que quoi que tu me dises, je serai toujours là, près de toi, d'accord..? ❞ Mon regard se perd dans le tien, aspiré par tes astres. ❝ Je n'ai aucune envie de me défaire de toi, et ce n'est pas parce que tu as fauté que je vais te diaboliser. C'est toi qui m'importes, là, maintenant, pas ce que tu as pu faire... Ma curiosité est grande, je sais ❞ arrive-je à ricaner l'espace de deux secondes avant de me ressaisir d'une douceur plus prononcée, ❝ mais elle n'est pas une arme pour te juger, elle fait juste partie de moi. Le Coda que je connais est l'une des plus belles personnes que j'ai rencontré, avec son goût pour l'impulsivité et l'illégalité, et ça me va. J'ai vu et connu pire. ❞ J'ai l'air soudainement amusé, un peu libéré d'avoir pu m'exprimer de la sorte, espérant ne pas avoir merdé en m'étant emporté de la sorte. Dans l'immédiat, il me faut tes lèvres d'urgence. La faiblesse dans mon corps m'élance à l'impulsion, fonçant ma bouche sur la tienne, m'immobilisant pour en retenir toute la chaleur, pour en partager toute ma vigueur, avant de relâcher, posant mon front contre le tien. ❝ C'est... Tout ce que j'avais à dire. ❞ Pour l'instant, tout du moins. Qui sait ce qu'il adviendra quand tu apprendras les méfaits que l'on m'a fait subir. Cette pensée n'arrive pas encore à se frayer jusqu'au chemin de ma conscience mais la puissance du trauma n'a d'égal que celle de l'inconscient.

Tu as ce don unique de me faire perdre toute notion du temps, toute notion du monde. Impossible de déterminer ce qui fait que tu as débloqué les verrous sur cette massive porte qui bloquait tout passage entre mon coeur et mon âme. L'amour ne manquait pas, bien au contraire, mais la communication entre mes différentes entités n'avait de cesse d'être malmenée. Il n'aura fallu que quelques semaines, des paroles sincères et douces, et un geste enflammé pour que mon corps entier se dévoue au tien pour régaler les plus abjectes dessins que ton diable cérébral ne cesse de dessiner à chaque seconde où, dans ton champ de vision, je suis ciblé. Tu trouves toujours les mots, ces foutus mots, qui me donnent envie de rougir. Admire comme je baisse la tête comme pour te cacher mon visage alors que ce sourire béas trompe toutes mes tentatives de paraître résistant à tes charmes. ❝ Okay, je te suivrai les yeux fermés, main dans la main, juste nous deux alors... ❞ Visage redressé, paires d'astres qui entrent en collision. ❝ ... My tall evil. ❞ Pourquoi ma bouche ne s'est-elle pas écrasée sur la tienne pour me faire taire ? Pourquoi a-t-il fallu que je vienne fouiner, par affection, auprès de ton âme endolorie, y trouver quelques informations pour me rapprocher spirituellement de toi ? Je reste là, interdit, te dévorant des yeux d'intérêt et de compassion, pris dans une brise émotionnelle émanant de toi. C'est là que je te découvre une nouvelle fois. Coda à l'iris tremblante, à la peine aux couleurs vives qui peignent les propos émanant de ta gorge. C'est comme si je te comprenais davantage, que je rentrais par une porte que je n'aurai pas imaginé voir ouverte de sitôt. Cela me fait peur et je suis terrifié à l'idée de te blesser, de te braquer, de te faire fuir. Suis-je méritant de toucher pareille plaie ? ❝ C'est... Compréhensible. Pour ceux qu'on aime, on est prêt à tout, parfois on continue de les aimer malgré les horreurs qu'ils peuvent avoir commis... L'amour, même fraternel, n'est en rien logique et basé sur la raison mais... Je suis quand même peiné pour toi. Enfin, même si j'ignore ce qu'il retourne exactement, et même criminel, il peut ne pas avoir humainement fauté. Enfin, c'est un sujet complexe, je m'en voudrais de dire une bêtise. ❞ Et pourtant, l'émotion ressenti me cogne comme un violent poing lancé dans les tripes, me retournant les organes à m'en secouer le myocarde. Il y a des fissures. Sur ma carapace, il y a des fissures, et des images en sortent. Le faciès de mon frère jumeau lorsqu'il pleurait à en mourir à l'annonce du décès de son mari. La première fois qu'un homme a porté la main sur moi et que j'ai accepté par aveuglement. Et la nuit. Cette nuit. Celle où le jeune adulte que j'étais s'est recroquevillé. Celle à cause de qui j'ai commencé une thérapie. Foutue nuit qui m'accompagne chaque jour, foutue nuit que j'oublie quand je suis avec toi. Oui, toi, ô mon grand Coda. Comment une personne aussi terrestre, aussi charismatique qu'intimidante, a réussi à illuminer mon être, chassant ainsi les ombres qui me torturaient sans que je ne puisse rien faire ? ❝ Hmh, oui, j'ai un frère jumeau. Je ne parle plus de lui depuis qu'il est parti car... Car j'en avais marre de voir les gens sans cesse le voir en me voyant, à me demander sans cesse comment il allait et... C'était juste dur pour lui, il a fallu que je me maintienne à flot et j'ai du épongé la pitié et la peine des autres alors que j'engloutissais la mienne alors... J'étais juste en colère. ❞ Les yeux bernés de côté, impossible de te regarder alors que les mots s'effondrent sur le sol comme s'il n'y avait plus rien pour les retenir. L'âme s'exprime dans toute sa splendeur, dans toute son horreur, mais dans tout son honneur. Elle ne ment pas, confesse ce que les maux signifient et les miens ne sont que frustration de peine et enfouis plaisirs. Je réalise ce que je dis quand ta main prend la mienne, l'approche de ton torse à en ramener mon regard vers toi, sur ce geste. Ce dernier remonte jusqu'aux tiens et je me sens honteux, mais bien, de sentir ta chaleur, ton affection, comme si je ne méritais pas d'être ma propre prison. ❝ Coda- ❞ Je me coupe, incapable de me détourner de la vulnérabilité qui émane de toi. Qui es-tu, Coda ? Pourquoi m'emportes-tu comme cela ? Je t'écoute, déstabilisé à en ressentir un vertige, emmené jusqu'à ton épicentre là où le calme règne - coeur de la tornade. ❝ Je... Je ne sais pas quoi dire ❞ ricane-je de nervosité sans savoir où reposer mon regard. ❝ Il aimerait que je continue à vivre sans peur mais il n'est pas l'élément déclencheur de mes peurs. Et tu verrais Eden, il est vraiment différent. Il est confiant, il aime la fête, sortir, il a rencontré son mari lors d'une soirée alors qu'il lui a vomi dessus. ❞ Bêtement, je me mets à rire en repensant à cette époque où sa vie était pleine de couleurs, pleine d'espoirs et de miracles que l'on ne soupçonnait pas. Délicatement, je dépose mon autre main sur ton bras, le saisissant pour te rappeler que ma présence est signe de confiance. ❝ Si ça se trouve, nos frères s'entendraient à merveille. ❞ De dire pareille semi sottise, j'en ai un début de rictus qui ne sait où trouver sa place. La mienne est devenue évidente, à tes côtés, là où rien ne m'effraie à part d'en être séparé. Car le monde tourne différemment quand tu es là, les couleurs semblent plus vives, plus brillantes, les odeurs n'ont de cesse de me charmer là où tout me paraissait fade. Et malgré la rigidité te gagnant à mesure que je m'ouvre, je n'ai nullement envie de me cacher. C'est ainsi que je me livre, me mettant à nu au point de sentir ce froid gagner mes extrémités. À défaut de trembler, pieds et mains deviennent glacés. De mes gestes, de mes mains contre toi, je te somme de me croire, de m'accorder cette confiance que tu as commencé à m'offrir. Comprends ce que je porte pour toi, ce que tu m'inspires chaque jour. Tu es une bouffée d'oxygène, un comble gustatif s'opposant à un régime, Tu as ces mots qui me peinent et me font mal. C'est ainsi, à s'ouvrir, on mise la partie la plus sensible de son être. Peut-être que je comprends mal, que tu ne sous-entends pas que je suis plus engagé que toi. Cela serait-il surprenant, moi, Eben, l'éternel romantique rejouant la même scène avec des acteurs différents. Pourtant, là, ce n'est pas totalement pareil, et tu n'es pas eux. Tu es loin d'être eux. Je ne peux pas croire le contraire, et tant que mon coeur ne sera pas en miettes, je ne pourrais le croire. Alors j'en viens à t'embrasser, pour t'épauler, comme pour me rassurer, me sentant à nouveau requinqué à mesure que la pression que tu exerces communique toute l'attache que tu me portes. Tes doigts sur mon cou se referment et me font frémir, l'envie d'être ta poupée me titille. Ma langue se fraie un chemin jusqu'à ton palais, trouvant refuge près de sa soeur qu'elle enlace avec ardeur. Je ne peux dire si la passion se met à bouillir, mais une chose est certaine, j'en perds tous mes fils. Marionnette libre, non plus contrôlé par ses pairs, propre de ses propres choix, son propre chemin et sur ta bouche, j'ai choisi le mien. Je te lâche par nécessité, tant ma peau se met à brûler, mais tu reviens à la charge, sans doute pour m'achever afin d'enfin me libérer. ❝ Coda ❞ gémis-je quand nos lunes se quittent, besoin que tu éloignes ce piège au risque de perdre tout. Tu reprends la parole à ma grande surprise alors que je reprends mon souffle de ce baiser porté par la flamme divine. Et les yeux explosent à vouloir pleurer. Est-ce réel ce qu'il se passe ? Tout ce que tu dis a un sens mais sur le moment, il m'échappe. Je dois avoir l'air misérable, pathétique, d'en être ému de la sorte ; mes mains accrochées à ta jambe, membre le plus proche. Je n'ai pas le temps de tout procéder que tu te redresses et m'invites à faire de même. Tout en me relevant, je me dois de répondre. ❝ Attends, je... Avant toute chose, je ressens la même chose. J'ai envie de toi constamment, et pas seulement pour qu'on couche ensemble. Quand tu n'es pas là, je ressens ton absence, et c'est aussi étrange que désagréable et juste savoir que tu traverses le même sentiment, ça me touche comme tu ne peux pas savoir...Alors abuse de mon temps comme tu veux et... ❞ Sans vraiment savoir, je m'éprends d'un gloussement en te regardant, les doigts formant un barrage tombant sur ton torse. ❝ Et je veux découvrir tout et n'importe quoi avec toi. Là, j'ai aucune idée, vraiment, je suis perdu, j'ai la tête, pfiou, tu vois ? Donc... Juste emmène-moi où il faut, je ne te quitte pas. ❞ L'alcool de passion dans le sang court-circuite ma réflexion, me poussant à remonter mes mains pour les accrocher à ton col, lèvres suspendues aux tiennes, se rapprochant dangereusement d'elle, se plaquant sans supplication, violence dans l'instant, fougue d'un monstre.

Cette façon de vouloir me faire avouer les soupirs de mon coeur est d'un sadisme auquel je peine à résister. Des billes aussi animées que les tiennes devraient être illégales, pétrifiant mon âme en Méduse à l'anaconda pendu au pantalon au lieu de bouquets serpents en chevelure. ❝ Tu mets le bordel dans mon esprit... ❞ lâche-je en réponse à ton ordre. Moi, chiot soumis à ce geste aussi, cette main rigide déposée en soutien de cou et menton, provoquant frisson, déconcentration. Mais ce que tu cherches à me faire avouer n'est-il pas que le reflet de ce que tu cherches à me dire ? Ne suis-je pas la source de tes intérieurs cataclysmes ? Tu maintiens ce cap, reprenant tout le contrôle, me faisant doucement rougir sans que je ne puisse m'extirper. Tes mots me flagellent et m'humilient d'une affection que je ne peux nier. Il serait inutile de me débattre tant je suis hypnotisé. ❝ Tu es vraiment... ❞ Le ton se veut menaçant mais retombe comme mes iris sur ta main, pour négliger tout contact direct avec ce regard de démon. ❝ ... Sadique. ❞ Dans un soupir, je m'avoue vaincu l'espace d'un instant avant de chercher réconfort auprès de toi. Je me sens brûler de te sentir si chaud, si confortable, apparaissant devant moi comme le plus agréable des matelas. Je voudrais dormir dessus, y poser ma peau nu, rouler dans les tous les sens à en perdre mon sommeil, ma nuit, encore et encore. Puis le contact se rompt et tu t'actives rapidement, me faisant réaliser toute cette bulle dans laquelle, sans cesse, nous nous enfermons. Ne serait-ce qu'un rêve, une illusion ? Je commence à douter de la réalité. Rien de tout ceci n'est mauvais, tout ici est bon. Baiser furtif que tu voles à mes lunes, les radiant de leur abstinence depuis quelques minutes. Jardin d'Eden. Eden, comme mon frère. Quelle étrange façon de décrire les choses. Je ramasse le panier, de la main opposé à toi, t'accompagnant sans broncher, sans pouvoir dire un mot. La verdure doucement s'estompe, laisse place au béton, les couleurs chaleureuses se fondent et deviennent peinture craquelée de plafond. Il ne suffit qu'un quart de temps pour nous y retrouver, être englobé par ce lieu désert d'espoir - ou presque. Dépaysant serait le juste qualificatif mais te voir aussi à l'aise me conforte dans mon aise. Naiveté oblige ou simple confort, mon épaule te cogne, te cherche et contre toi, je cherche réconfort. La peau de nos bras se touchent, s'amusent, se trouvent, ma main libre dans la tienne s'effondre, se fond à m'en décrocher un sourire quand nos regards se retrouvent. ❝ C'est... Donc ça que tu voulais me montrer, d'accord, je présume que tout ceci à un sens donc est-ce que tu peux m'éclairer ? ❞ La tension monte à mesure que je nous sens isolé, que ta pulsion me fait doucement vriller au point que le simple contact de nos doigts m'empêche de convenablement respirer. Je ne saurais dire pourquoi je m'arrête et te fixer après avoir posé aussi banale question, mais l'envie est trop forte pour passer à côté de mes propres pulsions. Alors j'impose sur tes doigts une pression des miens, te tire un peu et t'oppose à la silhouette de l'ange que tu détiens. ❝ My tall evil, tu m'as demandé si tu mettais mon corps en émoi... C'est le cas. ❞