Il y a un soupir de lassitude qui traverse mes lèvres, tandis que de mes doigts, je tresse les boucles de mes cheveux sur le côté, perchée sur mes talons, je rumine intérieurement la situation… Je suis présente, comme tout le reste des étudiants, à cette assemblée générale, afin d’écouter, ce que la doyenne a décidé aujourd’hui d’inventer. Je n’ai pas questionné, je ne me suis pas renseignée, je n’ai donc aucune idée de ce qu’il va se passer. Et cela ne me dérange pas vraiment, bien que cela signifie que je me risque à perdre le contrôle ou l’équilibre que j’ai imposé à mon quotidien étudiant. De toutes les façons, depuis ce début du mois de janvier, cette nouvelle année, j’ai été prise dans une tornade s’appelant WW. Alors même si j’ai entendu quelques rumeurs, qui pour être une créatrice de mode ne m’ont pas mise de bonne humeur… Je me dois d’avouer que j’ai d’avance, l’esprit ailleurs.

Oui, je suis déjà prête à m’énerver sur cette perte de temps précieux que cette attente peut engendrer, je sursaute presque lorsque j’entends une voix que connais bien, à mon oreille, résonner. « Tu peux mettre tes Louboutin sur eBay » un sourire vient derechef se visser sur mon visage, devenant instinctivement carnassier. « Sheng, Sheng, Sheng… » répéter trois fois, de ce ton mielleux qu’il, je le sais, ne supporte pas, « Ne me dis pas que tu es aussi naïf que ça ? » A croire que je vais me plier aux exigences jusqu’au bout des doigts. « Plutôt crever. » Drama queen comme jamais.

J’en bats des cils plusieurs fois, amusée par le fait qu’il puisse songer que je vais réellement respecter ce potentiel uniforme dans son intégralité. Puis reprendre, encline à la velléité, « Ca ne fait même pas cinq minutes que je suis arrivée, » mes doigts se font intrépides, amicaux, pour souligner, faussement tactile son épaule, « t’arrives plus à te tenir loin de moi ? » je mords le sourire qui étreint mon expression. « Ton obsession. » Supposant pour le faire chier, être l’objet de tous ses désirs et de son affection.

La réaction ne se fait pas attendre quant au fait que je préfèrerai crever. Et ma grimace de dégoût, elle est tout aussi instinctive que ses paroles, pas vrai ? « Arrêtes tu vas me faire bander » moqueur qui oublie que pour ce faire, ne lui en déplaise, je suis plutôt douée. J’imagine qu’il est inutile de le lui rappeler et préfère me faire railleuse pour l’accuser d’être par ma personne, obsédé. Après tout, soyons honnête, il ne serait pas le premier, mais dans mon inégalable bonté, je veux bien comprendre parce que je suis parfaite. « Tu parles de ton ex là. » Tique sur le mot ex, écœurée. « D’ailleurs, il parait qu'il est de retour. » De l’entièreté de sa silhouette, de mes prunelles, je dessine les contours, feignant de ne pas comprendre de qui il est en train de parler. L’unique homme auquel il a pu sentimentalement m’associer. « Il te suit comme un chien on dirait. » c’est vers le ciel, finalement, que mes pupilles vont tourner.

Je reste sans mot dire, prenant l’agitation comme raison de l’éparpillement de mes pensées. « Maintenant qu’on y est, autant s'installer… » Tous les deux à côté ? J’aime à songer que cela va faire jaser. Wendy Witter accompagné de l’un de ses divertissements, un fait assumé. Et parce qu’il m’invite à ouvrir la marche, je le fais, avance de quelques pas dans l’allée jusqu’à un niveau qui me paraît approprié. Je m’installe en premier, et le regarde, dictatrice qui patiente et ordonne à la fois. Allez, Sheng, assieds-toi. Ce n’est que lorsqu’il est posé, que je me remets à parler. « T’es plus au courant que moi, » pour en revenir au sujet de l’ex qui ne l’est pas. Je prononce une vérité, je n’ai aucune idée de ce qu’il devient, parce que je suis comme ça, lorsque je décide de rayer quelqu’un de ma vie, je ne m’attarde plus sur son chemin. J’oublie son parcours, étant bien trop loin d’être celles qui pleurent pour un chagrin d’amour. Rien que l’idée, ça me file de l’urticaire, je le promets, « à croire que c’est toi qu’il culbutait. » J’en craque un sourire mauvais avant de parapher, « Ou peut-être que t’en rêvais. » un fantasme inavoué, même si l’image me fait un brin frissonner. Il y a des armes qu’il ne faut pas utiliser. Des couteaux mal aiguisés.

J’en ai sur le visage toujours vissé mon sourire vicieux, car il est vrai que malgré tout je l’aime bien, ce petit jeu. Celui auquel je gagne à chaque fois. Et quand il est mal à l’aise, j’adore, n’est-ce pas ? Rien qu’à l’idée qu’il puisse, dans son esprit, l’image, la visualiser, j’estime que c’est un début de victoire. Une bataille avant la guerre. Retourner contre lui, mes enfers. « Oh oui certainement. » qu’il commente ironiquement, « Mais de nous deux, y’a que toi que ça fait rêver. » je n’irai pas jusque-là, disons que ça me fait doucement rire de l’imaginer avec toi. Et que je ne suis pas du genre à me montrer pudique en termes de sexualité. Chacun s’épanouit comme il en a envie, pas vrai ? Il suffit de l’assumer, le sexe n’est pas aussi tabou qu’il n’y paraît. Sheng, il faut savoir ouvrir les mentalités.

Néanmoins, je ne renchéris pas, parce que je n’ai pas une folle envie de parler de Roman, de l’an dernier, de cette période où j’ai eu la sensation, pour la première fois de ma vie, de ne rien contrôler, d’être trahie par mon propre corps après vingt deux années à l’utiliser. « Mais à t’entendre, y’a eu plus d’une fois. » Bordel, mais il n’en démord pas. J’en roule des yeux en soupirant, dénonçant mon agacement. « Culbutée… » Son propre écho le fait rire, et j’en hausse les épaules, le regard fixe vers l’estrade comme si j’étais vraiment attentive aux règles que l’on va nous annoncer. « Alors, une fois par semaine ? Plus ? » Sérieusement, il est vraiment en train de m’interroger à ce sujet ? Ce n’est pas comme si cette relation était encore d’actualité. Je me dois de l’avouer, je ne le vois pas son intérêt.

Sans prendre la peine de l’observer, je murmure sans pour autant dissimuler ma véhémence, « Tu crois que je tenais un calendrier ? » Que je suis du genre fleur bleue à comptabiliser ? A faire des jolies croix sur le papier une fois l'acte terminé ? Rien qu'à y songer, je réprime une nausée. Tu t’es trompé d’interlocutrice car je suis loin d’être une groupie des hommes qui peuvent partager mon lit. Et conclure d’un « T’es malsain. » à poser tes questions, l’air de rien. Humidifiant mes lèvres de ma langue, mouvement légèrement reptilien. « Ou t’es envieux. » insatisfait au pieu. « Je sais,, après y avoir gouté, deux fois, c’est peu. » Suggérant qu’il désirerait que nos divertissement charnels soient plus nombreux.

D’entres tous les défauts que je peux lui trouver, Sheng possède celui de vouloir à tout prix ressasser cette foutue histoire passée, sur laquelle j’ai tiré – depuis un long moment maintenant – un trait. Ce n’est pas comme si je mettais un point d’honneur à vouloir m’en rappeler. Moi, je suis plutôt du style à facilement éradiquer. A mon sens, dans mon quotidien, aucune personne n’est indispensable, tout le monde est foutrement remplaçable. Et le garçon dont il est question ne déroge pas à cette règle, dans mon esprit, il n’existe plus. « Donc plus que deux. » Donc on compte réellement les points. « Plaisant à c’point ou t’avais rien d’autre à t’foutre sous la dent avant que je n’arrive ? » Dans dix secondes, il va me questionner sur la longueur de son engin.

Un rictus dégouté traverse mon expression, recouvrant son profil de ma vision, lui qui semble malgré tout absorbé par ce qui est en train d’être annoncé pour le futur de cette si belle institution. « Tu peux parler. » La réplique n’est pas très bonne, mais entre les cougars et les pucelles… Il n’est pas en droit de redire quoi que ce soit au sujet de ma vie sexuelle. « Mais voyons, je ne faisais que patienter de voir mon plus grand souhait se réaliser, » comme si de lui, j’étais folle, qu’il représente tout ce que je peux désirer, « que tu daignes enfin me regarder. » digne d’une femme qui se languit de se voir enfin offrir les attentions lubriques de son favoris, « Uniforme, jupette…. C’est officiel. » Cette fois, j’exulte un soupir, à la lisière de se transformer en un nerveux rire. Mes doigts s’accrochent à son épaule, si bien que je me penche afin de me positionner à l’orée de son oreille et murmurer, encline à la perversité, « Ca va être compliqué de feindre que tu n’as plus envie de me baiser. » avec un tel accoutrement. Les jeux de rôles, dans le privé, c’est si facilement alléchant.