Alors qu’elle était revenue de cours il y a peu de temps, Mevolie c’était installé sur son canapé, une tasse de café brûlant et une sucrerie à ses côtés. Elle avait discuté un petit peu avec les membres de son gang, pour prendre un peu des nouvelles de chacun même si au fond, elle s’en foutait pas mal de savoir si ça allait pour eux ou non. On peut dire qu’elle était proche d’eux, qu’ils étaient un peu comme deuxième famille, ou troisième même au vu des circonstances, mais elle adorait sa solitude. C’était elle, la gosse marginale qui passait son temps enfermée dans sa chambre ou alors, qui trainait dans les rues jusque tard la nuit pour éviter de croiser qui que ce soit de ses proches et n’avoir à jouer les faux-culs. Mais après une courte discussion avec l’un d’entre eux, un sujet était revenu sur la table et cette fois-ci, il répondait à toutes ses questions. Il faut l’avouer, Mev n’est pas super proche de son fiancé, pour elle, c’est un ami et rien de plus mais, elle détestait qu’on puisse lui mentir en face, surtout quand sa vie en dépendait.

Le téléphone qui s’écrase donc contre le sofa, elle se lève d’un bond pour enfiler ses chaussons. Il faut dire qu’elle n’allait pas bien loin puisqu’Emir, habitait la porte à côté. Les clés de son appartement dans la poche de son pantalon, elle claque la porte de chez elle pour finir par venir tambouriner contre celle du garçon. Qu’il soit seul ou non, peu importe, il y avait de quoi discuter quand sa vie avait été mise en danger pour des broutilles. Enfin des broutilles… — Aslan ! Ouvres la porte de suite ou sinon je t’envoie moi-même à Narnia par la peau du cul ! qu’elle laisse résonner dans le couloir avant de voir une autre porte s’ouvrir. Une des voisines un peu trop commère sur les bords qui ne pouvait pas s’empêcher de se mêler de la vie des autres. Un regard noir et un claquement de langue, la femme finit par se recroqueviller chez elle. Mevolie avait pas une bonne réputation avec les gens et au vu de comment elle frappait la porte du garçon, il valait clairement mieux ne pas se préoccuper d’elle. Finalement, Emir ouvre la porte et la petite le toise de la tête aux pieds. — T’étais en train de chier ou de te branler que t’es aussi long à ouvrir ? en soit, ca ne la regarde en rien mais bon, elle aurait préféré éviter le regard accusateur de vieille folle. Elle finit par pousser le garçon à l’intérieur avant d’y pénétrer aussi et fermer la porte d’un coup de pied violent. — Mais t’es vraiment con parfois, ma parole. Pourquoi t’es allé régler des histoires tout seul toi ?? Tu cherches la mort où ça se passe comment ? qu’elle dit en lui mettant une légère claque sur les tempes. Après tout, elle pouvait lui en parler délicatement mais c’était Emir quoi. — Vraiment tu me fatigues putain !

Productivité oblige pour un train de vie rythmé, c’est entre deux notes pour son cours qu’il envoie pourtant des messages, quelque peu distrait par l’écran. Il peine à sortir de l’eau ces derniers temps, noyé de toutes parts par les événements. Il ne le réalise pas encore, mais rares sont les moments où il se repose réellement et loin est l’envie de le faire, beaucoup trop acharné comme personne. Un soupir s’échappe de ses lèvres, il pourrait bien s’en aller en ville, juste pour se promener… ou prendre l’air avec son chien, mais ce dernier est chez sa mère, non, il devrait continuer à réviser. Cependant, à peine se penche-t-il pour reprendre l’écriture de son dossier que pendant un instant, il croit entendre quelque chose. Il fronce brièvement les sourcils, redresse la tête, comme s’il se focalisait sur la source du son, mais… rien. Puis, cette fois, il la perçoit. La voix de Mevolie. Il se relève, perplexe, se demandant bien pourquoi elle débarque chez lui et surtout dans un tel fracas. La porte ouverte, il faut quelques secondes pour assimiler ce qu’il se passe : la colère peint ses traits et elle crie. Ce n’est pas dans ses habitudes d’être aussi énervée, il a dû se passer quelque chose… ou alors il a merdé. Surpris, il écarquille les yeux, commence à répondre : « J’étudiais, qu’est-ce que t’as- » il ne termine pas sa phrase qu’elle le repousse, le voilà à reculer un peu, désormais il est agacé et il ne peut s’empêcher de la fusiller du regard tandis qu’elle ferme derrière eux avec violence. Il balaie sa main d’un geste bref quand elle le tape, ne déclarant rien au départ, puis il réalise enfin pourquoi elle est aussi furieuse. Le règlement de comptes. D’un coup d’œil vers l’entrée, il pense à la voisine commère de l’autre côté et alors, il empoigne son bras avec brusquerie, avec eux, il n’existe pas vraiment de tendresse malgré leur amitié. Il l’emmène dans le salon et sévère, il parle : « Je te signale que l’autre connasse peut nous écouter putain ! Tu m’engueules d’être imprudent mais toi t’es pas discrète, Mev, » et finalement, il se décide à réagir sur la raison de sa venue, toujours aussi sévère, parce que c’est ainsi qu’il est, bien trop obstiné pour se laisser faire. « Je suis vivant, non ? Je m’en suis sorti avec une égratinure, pourquoi tu en fais tout un plat ? Ils nous devaient du fric, ça a dégénéré parce qu’ils voulaient me niquer et je me suis défendu, c’est aussi simple que ça. Pas la peine de venir ici en alertant tout le bâtiment. » Sale caractère face à la colère de Mevolie, il aurait pu s’expliquer, mais… non, Emir est trop têtu.

Elle savait parfaitement que les voisins entendraient leurs chamailleries mais tant pis, personne ne comprendrait de quoi ils parlaient réellement. Après tout, ce n’était pas la première fois que leurs voix se ferraient entendre dans l’immeuble. Et puis sérieux, qui en avait quelque chose à foutre d’une petite querelle entre potes ? Vraiment c’était pas la fin du monde… un soupir, et voilà qu’elle roule des yeux, exaspérée par les remarques du garçon. Elle n’aimait clairement pas quand il prenait ses airs supérieurs avec elle juste pour faire le mec. Mevolie hausse les épaules, nonchalante, avant de se retourner vers son fiancé. — et alors ? Tu crois vraiment que parce que ca piaille chez toi elle va se douter de quoi que ce soit ? J’te rappelle que les murs sont isolés. Arrêtes te faire ta fillette un peu. qu’elle finit d’un ton assez sec, le toisant de la tête aux pieds pour lui faire comprendre de se taire. Pas qu’elle veuille avoir le dernier mot mais clairement, elle avait pas envie de débattre des heures sur des conneries. Un râle sort de sa bouche, elle finit par s’affaler sans autorisation sur le divan d’Emir, faisant un peu comme chez elle puisqu’effectivement, pour ne pas éveiller les soupçons de leur familles respectives, ils faisaient par moment semblant de vivre ensembles. Le bras sur le dossier, elle finit par poser les pieds sur la table basse. — même, t’es inconscient et t’aurais clairement put te faire buter. Moi j’dis quoi au daron après, que son fils rentrera jamais parce qu’il a préféré faire le con en ville plutôt que d’informer ses potes. y’avait des jour comme c a où elle avait envie de lui mettre des claques mais après tout, elle venait dejà de le faire et c’était sans regret. C’est bête à dire mais ils étaient bornés tout les deux et forcément, la discussion allait pas bien loin. Finalement, elle se redresse puis attrape les fiches sous son nez pour regarder ce qu’il était écrit dessus. Ca pouvait être son journal intime, elle s’en foutait, tant que c’était à sa portée.

Mevolie, il l’apprécie réellement. C’est vrai, après tout, c’est son amie d’enfance, il cherche toujours à la protéger d’une certaine manière, même si c’est elle qui l’a incité à rejoindre le gang. Peut-être est-ce un sentiment fraternel, d’être derrière elle à la couvrir. Cependant, il y a des moments où il s’imagine l’étrangler. Comme maintenant. Véritable peste lorsqu’elle s’y met, sale caractère quand la mauvaise humeur s’installe, il y a des instants où ils se disputent sans se soucier de leur franchise blessante. Au terme fillette, il ricane faiblement, amer. « Je t’emmerde, » qu’il marmonne, la regardant alors s’affaler bien trop confortablement dans son canapé. Il s’approche, ne peut s’empêcher de donner un petit coup de main sur ses pieds, espérant les faire retirer de là, âme perfectionniste jusqu’au bout. D’un geste sec, il saisit les dossiers scolaires, ce ne sont que des clients imaginaires pour les procès qu’ils font à l’école. Il les range de côté, écoutant distraitement ce qu’elle dit, avant de se retourner vers elle d’un air agacé. « Parce qu’évidemment, tu penses à ça en premier, à ce que tu devrais dire au daron. Putain, t’es pas possible. Je t’ai dit, j’ai géré. Toi t’es souvent occupée, Narcisse il a pas que ça à foutre et Ramona elle accepte de m’aider une fois sur deux. Puis Haryong il a ses gosses, j’ai pas envie de le mettre bêtement en danger alors que sa femme sait même pas qu’il a repris ces activités. Je me devais de faire ça seul, tu piges ? Et je recommencerai s’il le faut, » parce que oui, malgré tout, il en fait qu’à sa tête Emir. Rien qu’à s’imaginer Lara découvrir ce que son mari fait, ce qu’eux font… il n’a pas le cœur à s’expliquer, à lui dire ce qu’ils font. Non, impossible.