Le 13 Décembre 1988 - 20h59

Jack était tranquillement recroquevillé sur lui-même. C'était sa position favorite. Il ne s'était jamais senti aussi détendu, heureux de vivre. Tout son corps était au repos, léger, presque aérien. Il se sentait flotter, plus tranquille qu'il ne l'avait jamais été. Jack était calme, rare instant de la vie où il l'était, sans savoir ce qui lui arriverait par la suite.
La nuit même,il fut réveillé pas des douleurs épouvantables. Il était pris dans un étau, broyé par les mâchoires féroces. Son corps le faisait affreusement souffrir. Quel était ce mal qui lui fondait dessus ? Et pourquoi ? Qu'avait-il donc fait de mal ? « C'est la fin », se dit-il.
Il s'abandonna à la souffrance en fermant les yeux, incapable de résister ce flot qui le submergeait.. Il n'avait plus la force de bouger. Un carcan l'emprisonnait de la tête aux pieds, ses petits poings faibles tentèrent en vain de bouger un doigt. Il se sentait emporté vers un territoire inconnu qui l'effrayait déjà. Il crut entendre une musique abyssale. Sa résistance se faisait faible, il se sentit attirer vers le bas. Un sentiment de solitude l'envahit. Il était seul dans son épreuve. Personne ne pouvait l'aider. Il devrait franchir le passage en solitaire. Pas moyen de faire autrement. « C'est la fin », se répéta-t-il.
La douleur finit par être si forte qu'il faillit perdre la raison et soudain ce fut comme un déchirement en lui. Et puis,une lumière intense l'aveugla. Ses poumons s'embrasèrent. Il poussa un cri. En le tenant dans ses bras , la sage-femme s'exclama, d'une voix grinçante mais heureuse : « C'est un garçon ! »
Poussant des cris sans qu'aucune larme ne lui coule, déjà un véritable petit homme, Jack était né.

Le 18 Octobre 1995 - 14 h 28.

Jack, petit garçon de sept ans, sagement assit aux cotés de sa mère, observait la salle de consultation avec intérêt. Jamais il n'avait vu une pièce si intrigante encore. Pour un enfant ordinaire, l'endroit aurait été des plus ennuyant et notoire, et la fatigue dû à l'ennuie se serait accumulée bien vite, pas pour Jack. Un rien suffisait à attirer la curiosité du petit Blackstone. Il se mit à fixer l'étrange pendule dans le coin de la pièce, dont le tic tac bruyant fut jugé agaçant par madame Blackstone. Jack lui, statua l'horloge comme vieille vu la difficulté qu'avait la trotteuse à faire son tour. Comme toujours, il ne fit aucun commentaire, passant à un autre objet. Il remarqua la table en bronze plus loin, qu'il trouva délabrée et laide par rapport à celle qui se trouvait au manoir Blackstone. Il souhaita poursuivre sa course, mais l'on lui en empêcha. « Nous avons été voir un ophtalmo, monsieur Smith. Mais il nous a directement renvoyé à vous. Selon lui, cela n'a rien à voir avec ses yeux. » Le psychiatre prit son menton entre ses doigts, songeur. Jack le considéra jusqu’à ce qu'il réponde. « Jack est un cas extrêmement intéressant, madame Blackstone. Je suis ravi de le prendre sous ma charge mais vous savez, je ne comprend pas tout à fait ce que vous attendez de moi. Votre fils n'est pas malade, c'est un véritable don qu'il possède. ». La mère de Jack paraissait hésitante. Elle ne croyait à vrai dire pas tellement à la psychiatrie, ni à tout ce qui concernait l'esprit. Elle n'avait jamais eu besoin de recouvrir à ses méthodes, mais son enfant l'inquiétait. Chérissant son petit Jack comme la prunelle de ses yeux et ayant tenté toutes les méthodes possibles, elle avait finalement accepté d'aller consulter un psy. Elle jeta un oeil à Jack, qui s'était remis à contempler de ses grands yeux noisettes la pièce, et poussa un soupir. « Mon fils n'est pas normal docteur, et cela depuis tout petit. Je sais que c'est mon premier enfant et que les mères ont tendance à s'inquiéter pour peu de choses, mais je ne suis pas la seule à le penser. Je veux simplement dire... Il ne parle que très peu, seulement quand cela est nécessaire, il juge le sport stupide, lis depuis ses trois ans.... On m'a déjà expliqué que mon enfant est surdoué docteur, je le sais et j'en suis très fière. Mais... Il est constamment en train de regarder partout, il remarque tout, vois tout. C'est effrayant parfois. Rien ne lui échappe jamais... Pour huit ans, il n'est pas normal. » Le médecin replaça ses lunettes sur son nez, hochant la tête. Il posa les yeux sur l’intéresse, qui du haut de ses huit ans en faisant déjà presque quinze par sa sagesse et son intelligence. Le psy se demanda comment il allait bien pouvoir expliquer clairement ce phénomène rare à la mère.. « Je comprend votre inquiétude, et je pense que c'est une bonne chose que vous soyez venue me voir. Votre fils est comme... Un adulte emprisonné dans un corps d'enfant. Il est ce qu'on appelle plus communément : surdoué. Il y a plusieurs cas d'intelligence vous savez, et parfois cela peut créer des comportements étranges. Jack est intelligent, plus intelligent que la moyenne, et il le deviendra de plus en plus au fil du temps. Son cerveau s'est développé plus rapidement qu'il le devrait, c'est tout. En ce qui concerne ses yeux, c'est tout simplement une sorte de don. Jack est un très grand observateur. Il peut voir des choses que vous et moi ne remarquons pas toujours. C'est une faculté bien à lui, qui ne lui causera que du bien pour plus tard. Vous ne devez pas vous inquiétez, tout ira bien. Très bien même. Mais si vous voulez mon avis, achetez lui un animal ou quelque chose à qui il puisse se confier. La vie d'un surdoué est extrêmement difficile, l'enfant se retrouve parfois très seul.... Ce sera tout madame Blackstone, merci d'être venue. » Sur ceux, il serra la main de son interlocutrice, puis celle de son fils auquel il croisa son regard noisette, avec une certaine curiosité impressionnante.

Le 30 Janvier 1996 - 16 h 32.

Récitant une comptine entraînante tout en sautant à la corde, Lily, fillette de dix bougies, profitait d'une après midi avec ses amies. Alors que ses pieds quittèrent le sol pour la énième fois, ses yeux se posèrent sur l'imposant manoir Blackstone, à l'autre bout de la rue, plus isolé des autres maison, entouré d'un immense jardin luxuriant. La famille en question devait bien disposé d'une dizaine d'autres demeures, mais elle avait décidée d'habiter à l'intérieur de celle ci pour ce week end. Curieuse qu'était la petite, elle fit une pause dans son jeu et fixa l'immense demeure. Elle aperçu alors une ombre sur la terrasse du troisième étage et d'elle même, Lily s'approcha pour y voir plus clair. Au fur et à mesure qu'elle avançait, l'ombre devint silhouette et elle reconnut Jack Blackstone, le fils unique de Edwin et Juliette Blackstone. La petite sourit, apercevant un cocker au poils blanc et noir suivant son maître. Elle mit sa main en visière, voyant que Jack s'asseyait à sa terrasse, livre d'astronomie dans les mains. Il se mit d'ailleurs à le lire. . « Hey ! Hey Jack ! Jaaack ! » Appela-t-elle. Il ne releva même pas les yeux de son livre, comme si il avait déjà connaissance de la présence de la petite fille depuis longtemps, pas étonnant de la part de celui qu'on surnommais l'Oeil de Lynx. Il ne lui répondit pas non plus, mais là encore, personne n'en fut surpris. « Jack ! Tu veux venir jouer avec nous ? » Comme il ne répondait, ni ne bougeait toujours pas, elle se mit à crier plus fort, le pensant dur de l'oreille. Mais cela ne fit qu'énerver le garçon qui d'un claquement sec, referma son livre et enfin croisa le regard de Lily. Celle ci recula, comme si il venait déjà de parler seulement avec le regard. « Pouvez vous me laisser s'il vous plais ? J'aimerai terminer ma leçon sans être déranger et vos cris m'insupportent. De plus, je ne joue pas avec les enfants pauvres, je regrette. » Il fit un mouvement de tête, laissant la petite bouche bée et apeurée puis se remis à lire, comme si de rien était.

Le 2 Juillet 2010 - 10 h 22

« T'es prêt ? » Un simple hochement de tête signifiait oui de la part de Jack, et son ami le savait. Il ne perdit donc pas de temps et lui enleva le bandeau qu'il avait autour des yeux. Jack retrouva alors enfin la vue. Il fit quelque chose qui ressemblait à un sourire et parcouru la pièce dans laquelle il se trouvait avec le regard. James, l'ami en question, croisa les bras, curieux de voir ce que le don du fils Blackstone allait bien pouvoir dessellé dans cet endroit. Pour les sciences, il excellait, serait-ce la même chose en observation ? James n'en doutait pas une seule seconde. « Alors ? » L'autre ne répondit pas tout de suite, ses pupilles chevauchaient avec une facilité déconcertante. Ses lèvres bougèrent quelques peu avant d'enfin s'ouvrir pour parler. « Déjà du premier coup d'oeil j'en déduis que nous sommes dans une pièce ancienne qui n'a pas été rénovée depuis longtemps, mais ça tout le monde peux le voir. Le bois qui fait le plancher est originaire du Brésil, il vient sans doute de l'une de ses forêts aux pluies acides vu qu'il n'a pas l'air très résistant et plutôt difficile à entretenir. Je remarque aussi que ce fameux plancher a été posé dans le sens inverse des constructions habituelles, ce n'est donc pas un professionnel qu'il l'a posé. Ensuite, je vois deux toiles d'araignées dans le coin au fond, vu leur structure je dirai qu'elles sont les toiles de Psilochorus simoni, des arachnées connues pour leur attirance aux greniers. Après, si je plisse les yeux à gauche je peux voir des tâches sombres, minuscules mais bien présente de vin séché, sans doute renversé par mégarde. Et puis enfin, pour finir, en vu de la clé rouillée que tu tiens comme un trésor dans tes doigts, je peux conclure que nous nous trouvons dans un lieu qui t'es cher. Je vois une tonne d'autres choses mais il ne m'en faut pas plus. Je dirai donc : le grenier de la maison de ton arrière grand père paternel et qu'il entreposait ici ses bouteilles de vin. Peut être par manque de place à la cave ? » James ouvrit grand la bouche, choqué comme jamais. Jack avait d'avantage vu en cinq minutes, sans bouger que lui en six ans. Sa mâchoire trembla mais il réussit à aligner une phrase. « C...C'est... Exact.... B...Bravo. » Le Blackstone fit un nouveau geste de la tête, comme si il eut fait cela tous les jours, enfonça une main dans la poche de son costume, et siffla son chien, avant de quitter la pièce, alors que James, comme si il eut vu un fantôme, restait planté là.