Retourner au LUX fait pour l’instant plus de mal que de bien. Je retrouve mes anciennes habitudes, les employés, les potes, sans pouvoir profiter pleinement du monde de la nuit comme j’ai pu le faire dans le passé. Plus de drogue et de ce fait peu d’alcool, car je ne me fais aucune confiance pour refuser quoi que ce soit une fois sur ma lancée. Pour la première fois depuis l’ouverture de l’établissement, j’ai réellement l’impression d’y bosser plus que d’y faire la fête et je ne suis pas certain d’apprécier ce revirement. Ça me donne peut-être une meilleure image auprès des employés mais je mets ma main à couper qu’ils m’appréciaient tout autant lorsque j’étais là pour faire la fête et offrir les tournées. Je n’ai jamais été le patron chiant, parce que je paye des managers pour ces tâches. D’un autre côté, c’est pas mal d’être un peu plus impliqué. Perdus dans mes réflexions sur les futures soirées à thème, je me frotte les yeux et envoie un message à Eddie de me faire parvenir un redbull au bureau, que Suzy m'amène en quelques secondes à peine. J’aurais pu me bouger, mais pas là. A peine quelques minutes plus tard, on frappe à nouveau à la porte et c’est Jelena, une future employée, qui entre dans la pièce. Je la détaille, un sourire aux lèvres, et lui fait signe de me rejoindre. « Il me semblait bien t’avoir vue un peu plus tôt. » Dis-je en lui désignant du menton les caméras de surveillances du bar sur plusieurs écrans, à ma gauche. Je ne passe pas la soirée à les observer mais j’avoue me perdre sur les écrans pendant cinq minutes par moment, plus si je repère quelque chose ou quelqu’un qui m'intéresse. « Hm t’as bu ? Je ne voudrais pas qu’on me dise que je t’ai fait signer le document alors que t’étais bourrée. » Je souris et me redresse sans attendre sa réponse pour fouiller sur le bureau et mettre la main sur les papiers. Les fesses contre le bureau, je garde les documents à la main en attendant que j’ai confirmation de sa lucidité.

« T’as raison, profite avant de devoir le faire en étant de l’autre côté du bar. » Dis-je avec un sourire amusé. Il n’est pas impossible de passer une bonne soirée en travaillant, loin de là même, mais ce n’est tout de même pas aussi sympa qu’en étant client. Du moins, j’imagine, car je me suis rarement retrouvé à travailler derrière le bar depuis l’ouverture du LUX et j’y ai chaque fois pris plaisir, comme si c’était un jeu pour moi d’être serveur pour quelques heures. Quand on l’est tous les soirs, c’est sans doute beaucoup moins drôle. J’arque un sourcil et la détaille lorsqu’elle m’assure qu’elle sait parfaitement ce qu’elle fait, afin de chercher la faille mais je n’en trouve pas. « J’te fais confiance. » Pas besoin d’un test, pour passer la moitié de mon temps en compagnie de personnes qui sont alcoolisées, je sais que je peux faire confiance à Jelena. Même si ce n’était pas le cas, je ne commencerais pas notre relation professionnelle en remettant sa parole en doute. Je m’accroche un peu plus aux papiers lorsque ses doigts se referment dessus, la mettant au défi de me les prendre des mains mais j’abandonne après une poignée de secondes et lâche les documents. Les fesses toujours sur le bureau, je me redresse pour lui laisser la place pour signer et je vais reprendre place dans le canapé. « Prends le temps de tout lire mais il n’y a pas de piège. » Rien dont ils n’ont pas déjà discuté au préalable. « Toute l’équipe est assez flexible et arrangeante, tant que ça reste équitable. » A condition qu’un employé ne se retrouve pas à faire les fermetures chaque weekend, il ne devrait pas y avoir de souci pour changer ses shifts de temps en temps.

Je souris à sa question, avant de lever les épaules. « C’est dans le contrat et techniquement, ça ne devrait pas arriver. Mais tant que t’es maître de tes moyens et que tu sais parfaitement ce que tu fais, je m’en fous si tu te fais un shot avec un client. » J'estime que les employés bossent comme des malades, à des horaires peu agréables, et qu’ils ont aussi le droit aux avantages qui vont avec le métier. Tant qu’ils ne sont pas défoncés ou saouls derrière le bar, à ne plus savoir servir - ou compter l’argent qu’on leur remet -, peu m’importe. Et puis ça plaît aux clients, de parvenir à convaincre un employé de boire un verre. Diables. « Si on t’en offre dix sur la soirée, je te conseille d’en garder quelques-uns pour la fin de ton service. » J’ajoute, lâche son contrat et vais m’assoir dans le canapé, relevant les yeux vers Jelena lorsqu’elle m’informe qu’elle compte bien tout lire. « J’ai toute la nuit devant moi. » Ou pas loin, en tout cas. « Tu veux boire un truc ? » Je demande pendant qu’elle est toujours plongée dans sa lecture et renvoie un nouveau message à Suzy, avec notre commande. Ils arrivent pile à temps pour sa signature, je lui tends son verre et trinque avec elle. « C’est officiel, bienvenue dans l’équipe Jelena. » Elle a déjà gagné un point, à m’appeler boss. Avec sérieux ou sur le ton de l’humour, le titre me fait toujours autant plaisir. « Vous ne serez pas toujours ensemble avec Harlow. » Dis-je, curieux de savoir le lien qui les uni.

« Tant que tu les testes sans les dépasser. » Dis-je en haussant les épaules, indifférent. Je ne veux pas avoir à la ramasser derrière le bar parce qu’elle a passé la soirée à boire, mais je serais plutôt mal placé pour juger alors que les employés m’ont mis dans un taxi ou allongé sur le canapé ici présent plus d’une fois. La bonne époque est révolue, maintenant que la drogue a, tristement, quitté ma vie. « On verra, y’en a des très convaincants. » Et en souriant, je m’auto-désigne car une fois que je me mets à boire, il n’est pas rare que j’offre une tournée générale pour tout le personnel. C’est beaucoup plus rare maintenant et je suis certain qu’ils préféraient, pour la plupart, Raph-le-client plutôt que Raph-le-patron mais ainsi va la vie. Il faut grandir, même si ce mot me noue les entrailles. Le contrat signé, le verre à la main, on trinque et je me renseigne ensuite “discrètement” sur la relation qui l’unit vraiment à ma pote. Sourcil arqué lorsque Jelena affirme ne pas être là pour lui, j’en retiens un sourire. « Pour rien, je veux juste que tu saches que vous ne travaillerez pas toujours ensembles. » Parce que faire le planning est déjà une horreur, on ne regarde pas au copinage dans l’équipe. « Et puis je suis curieux. » J’admets, avec un sourire amusé. Elle dit qu’elle n’est pas là pour Harlow mais j’ai du mal à y croire, vous l’avez un peu regardé ?! Si le gars n’était pas hétéro, j’aurais tenté il y a bien longtemps de finir dans ses draps!

« C’est bon à savoir. » Dis-je avec un sourire amusé. Je ne sais pas si elle parle toujours des limites ou de flirter avec les clients mais l’un comme l’autre ne l’empêchera pas de faire son job correctement. On ne va pas se mentir, draguer les clients fait un peu partie du jeu et permet de vendre, le tout et d’avoir des limites et je n’ai aucun doute sur les capacités de la brune à les dresser. « C’est pas mal comme technique. Je note d’éloigner la bouteille de bière lorsque je t’offre un verre. » Parce qu’avec moi, je ne souhaite pas qu’elle fasse semblant. Le Raph qui se moque de saouler ses employés et finir par terre a de toute façon tirer sa révérence, à présent je dois me contenter d’un verre par-ci par-là, Jelena ne devrait donc avoir aucun mal à suivre mon rythme. « Tes joues disent le contraire. » Dis-je lorsqu’elle affirme avec conviction qu’il n’y a rien entre elle et Harlow. « Mais j’vais faire comme si je n’avais rien vu. » Parce que malgré ma curiosité mal placée, leur histoire ne me regarde pas, le but n’est pas de la mettre mal à l’aise. « A ta place, je ne me contenterais pas de son amitié. » Le mot final, que je ne peux m’empêcher de glisser avec un large sourire. Si j’avais eu la moindre chance, lorsque j’étais célibataire, je n’aurais pas hésité une seule seconde à me perdre dans ses bras. « Ça te dit d’aller danser, pour ta dernière soirée en tant que cliente ? » On peut passer la soirée dans ce bureau à papoter mais j’ai surtout envie d’aller me défouler avec les membres du staff qui ont déjà fini leur service et ont rejoint l’autre côté du bar.