Avril 2017 - Puisque mon monde a décidé de s’écrouler, j’ai décidé de céder. Soir après soir, les tissus se délassent pour dévoiler un épiderme que je cachais au monde. Aux yeux anonymes, désormais, je dévoile mon corps, nuit après nuit, les yeux cachés sous un masque, l’ébène dissimulé sous le technicolor des perruques. Iris que les lèvres masculines murmurent, soir après soir. Sans doute que je viens hanter leurs nuits, emplir de fantaisies et de vices, leurs draps trop vides, trompés d’ennui par une femme lasse et plus aussi réjouie. Ainsi j’incarne le mythe, et je poursuis chaque jour la supercherie. Si bien que je ne sais plus où se trouve la tromperie. De Deirdre ou bien d’Iris. Soir après soir. Nuit après nuit. Je me surprends à aimer camper cette peau là, à goûter de cette liberté, de cette absence de limites. Si bien que lorsque mes compagnes de travail me proposent de sortir prolonger la nuit, je n’ai plus grand-chose à avancer pour refuser cette idée. On débarque ainsi quatre ou cinq dans une boîte de nuit bondée. On ne tardera pas à attirer les regards puisque la danse est notre métier, et je m’en accommode quelque part. J’incarne une Iris un peu hybride, aux allures de Deirdre, l’ébène dévoilé, les absinthes offertes aux démons de soirées. Ne sachant plus très bien si nous sommes proies ou bien chasseresses, c’est la musique qui rythme mes veines, qui poussent mes phalanges vers le ciel obscurci, les hanches qui balancent aux mélodies soufflées, les phalanges masculines qui tentent de nous toucher, nos gorges qui résonnent de rires déployés. Quelques minutes passent ainsi, puis la soif vient me gagner. Alors je rejoins le bar, encore un peu essoufflée. Mais heureuse finalement, d’incarner celle que j’avais secrètement envie d’être, toutes ces années.