Pour la plupart des gens, je passe pour ce mec dingue, sympa mais un peu trop fou. Ce clown déjanté, la plupart oublient que j’ai moi aussi le statut d’étudiant à Harvard, que je suis plutôt brillant et pas loin du major de promo, que je pourrais tout à fait l’être si seulement je me foulais un peu plus. Mais disons que je suis pas vantard sur ce point, je préfère profiter, laisser les gens penser que je suis juste un peu idiot. Avec Safiyah c’est différent, on partage une passion commune à savoir la littérature et il m’en faut pas plus pour m’enflammer, c’est un sujet qui me passionne et sur lequel je pourrais sérieusement bavarder pendant des heures. « Comme je te rejoins, on a jamais assez de temps et il y a encore tellement d’univers et de styles à explorer. » C’est un monde sans fin dans lequel on pourrait s’enfermer sans peine mais la vie nous attendait aussi au dehors. « Les enfants sont parfois cons. » Je me suis souvent moqué de moi-même mais pas vraiment des autres, pour une raison que j’ignore j’ai toujours été craint et admiré, on s’est jamais attaqué à moi, ce qui fait que je sais pas ce que ça peut faire. « Je suis sûre que tu étais archi mignonne toute potelée là. » Je souris comme un con parce que moi je trouve ça généreux et mignon ouais, d’ailleurs il m’est déjà arrivé de sortir avec des filles réputées « grosses », je m’arrête pas vraiment à ce genre de choses, ce qui est important c’est ce qui dégage de la personne dans sa globalité, mais je peux comprendre qu’elle en ait souffert. « C’est un monde dans lequel on peut se réfugier la lecture, moi ça m’a beaucoup canalisé. » Permis de faire un peu moins de conneries tout de même et surtout d’avoir un métier, un statut dans cette société bien trop petite pour ma personne. Elle m’explique qu’elle a perdu trente kilos et ça a du être un sacré combat, je suis admiratif oui. « Moi aussi le sport c’est mon secret pour pouvoir bouffer autant, je cours tous les matins et je me suis mis récemment à la boxe. On pourra faire du jogging ensemble si tu veux. » y’a pas à dire cette fille je la kiffe et j’ai carrément envie qu’elle devienne ma pote.

Safiyah aurait adoré avoir plus de temps pour lire. Des journées de quarante-huit heures lui suffirait amplement. La jeune femme n'était pas obligée de faire des études. Elle pourrait bien se contenter d'avoir un mari déjà, choisi par son père, et de faire office d'épouse, d'enfanter et de passer ses journées à lire et lire et lire. Mais honnêtement, ce n'était pas le genre de vie à laquelle elle aspirait. D'un léger sourire rêveur, Safiyah se contenta de hocher son visage avant de soupirer doucement. La jeune femme parlait de quelque chose qui l'avait terriblement touché dans sa jeunesse. C'était la raison pour laquelle aujourd'hui elle se battait contre ça, contre le harcèlement sous toutes ses formes. Elle se mordit doucement la lèvre. « Je sais bien mais bon... C'était comme ça. Je sais que beaucoup d'adolescents se suicident à cause de moqueries. J'ai à cœur de me battre contre ça désormais. » Elle leva les yeux vers Maverick avant de rougir légèrement, riant un peu mal à l'aise. Mignonne ? Non. Personne n'avait pensé ça, alors pourquoi lui ? Elle glissa une main dans ses cheveux. « Je ne sais pas... On peut pas dire que j'étais potelée non plus tu sais... » Elle pinça les lèvres en souriant doucement. Tout ça la mettait mal à l'aise. Elle ne pouvait pas dire qu'elle avait confiance en ce que disait Maverick mais aurait-il vraiment posé son regard sur elle plutôt que sur une autre. Au final, ce qui l'avait protégé, c'était ses frères et sœurs. Au final, elle n'avait même pas eu de bal de fin d'année. Elle ne connaîtrait jamais ça. Mais au fond, ce n'était même pas grave pour elle. Un léger sourire étira de nouveau ses lèvres et elle glissa sa main vers celle de Maverick, y glissant ses doigts. « Moi ça me va de faire du sport avec un mec comme toi. J'aurais aimé te rencontrer plus tôt. T'es cool. » Elle le gratifia d'un sourire avant de retirer sa main, terminant son thé et son muffin.

J’étais du genre particulièrement con mais je n’avais jamais compris ce besoin qu’avaient certains de faire du mal aux autres. On a déjà assez à faire avec soi-même alors pourquoi s’en prendre aux autres en plus ? Ma phrase était sortie toute seule et cela ne changerai rien. Des gamins continueraient à s’en prendre à d’autres, et je ne pouvais pas réellement savoir ce que ça faisait puisque j’étais toujours resté en dehors de ça. Toi Safiyah, c’est une autre histoire, tu récolté ton lot de moqueries et tu en as souffert. J’en prends conscience dans ton regard, dans ton attitude et ça m’énerve qu’on ait pu te faire du mal, parce que t’es une fille chouette et agréable. « C’est une noble cause et c’est super si tu pourras aider certains à se sentir mieux, je crois que t’es un bon exemple qu’on peut dépasser ça. » Regarde la jeune femme que tu es devenue, brillante étudiante à Harvard, rien qui ne t’empêche d’atteindre tes buts désormais. Et moi, je suis persuadé que tu étais mignonne en étant potelée, finalement la silhouette, elle a pas tant d’importance à mes yeux. « Je suis certain que tu étais mignonne. » Je t’offre un sourire léger, avant de croquer dans ma pâtisserie et de siroter mon café. Tu viens poser ta main sur la mienne, entrelaçant nos doigts, sur lesquels je viens exercer une légère pression comme pour confirmer tes propos. « Je te retourne le compliment même si tu risques de moins m’aimer après une séance de sport, je peux être intransigeant. » Je deviens une vraie bête adepte de l’extrême lorsqu’il s’agit de faire du sport. Car après tout, comme dans tous les domaines que j’explorer, je me lance entièrement sans vraiment adopter les nuances.

Maverick semblait bien plus sympa que tous les garçons qu'elle avait croisé. Enfin, elle n'avait pas le même physique qu'avant et même s'il disait qu'elle avait sûrement été mignonne, elle doutait vraiment qu'il s'intéresse à elle. Elle pinça doucement les lèvres et haussa les épaules. « Je ne sais pas, je l'espère quand même un peu. » Son compte n'avait rien d'une utopie de toute manière. Elle prenait beaucoup d'insultes parce que peu de personnes reconnaissaient la véracité de ses propos. Malgré les photos qui démontraient bien qu'elle était passée par là, la jeune femme avait eu le droit à un flot d'insultes. Et parfois, on la trouvait trop maigre. On l'avait aussi accusé d'avoir fait de la chirurgie. La jeune femme avait bien compris que, de toute manière, quoi qu'elle fasse ou dise, sur Internet tout attiserait les flammes. Safiyah sourit doucement, sentant le feu à ses joues. « Arrête. T'en sais rien. » Il fallait vite changer de sujet parce que Safiyah sentait bien qu'elle allait finir par fondre de gêne s'il continuait. La jeune femme secoua doucement son visage en riant. « Mais non, ne t'en fais pas. Je suis sûre qu'on va bien s'amuser ! » Après tout, pourquoi pas. S'amuser en faisant du sport, c'était quelque chose de merveilleux. Safiyah observa l'heure à sa montre et se recula d'un coup. « Ohlala ! Mais je vais être en retard, ça fait déjà si longtemps qu'on est là ?! » La jeune femme attrapa ses affaires et se leva, venant déposer un baiser sur la joue de Maverick avant de prendre sa main. Elle y nota son numéro et pinça les lèvres. « Désolée, je dois vraiment me sauver. J'ai été contente de faire ta connaissance. » Elle le gratifia d'un sourire et s'éloigna vers la porte. « Et on se revoit hein ? » Un dernier sourire et elle fila rapidement pour ne pas arriver en retard.

Tu avais su faire de ton complexe une force, de tes failles désormais comblées, tu aidais les autres, et je trouvais ça carrément cool. Je veux dire, t’étais une fille mignonne, intelligente et épanouie ici, prestigieuse étudiante à Harvard, ça avait de quoi redonner de l’espoir aux plus pessimistes. Et qui plus est, tu restais modeste. « C’est certain que ça les aide. » Je te souris parce que je me veux encourageant, je veux pas que tu doutes du fait que tu puisses faire de sacrées choses. « Tu vas être obligé de me montrer des photos. » Je me marre doucement et peut-être que tu voudras pas partager ça, on a tous certaines années qu’on a pas particulièrement envie d’exposer. « Mais tu sais, la beauté ça se rattache pas qu’à un corps. » Pour certains ouais carrément, mais moi je restais persuadé que ce qu’on était à l’intérieur ça transparaissait à l’extérieur pour qui voulait regarder. Je veux dire je reste moi-même une énigme pour la science. Je suis pas particulièrement beau, j’ai même une tronche complètement bizarre et pourtant j’ai toujours plu aux femmes. Alors, la beauté, c’était pas qu’un corps ou des traits parfaits. Tu regardes ta montre et ouais ça fait un moment qu’on bavarde, moi je me contrefous de l’heure qu’il est, c’est un peu mon problème, enfin plutôt ceux des personnes qui m’attendent. Tu te précipites, me fait un bisou sur la joue et je souris comme l’idiot que je suis. « Carrément ! » Je te regarde t’éloigner en te faisant un petit geste avant de terminer ma bouffe, faut pas déconner c’est sacré. Et je suis certain qu’on partagera d’autres moments.