La valise qui traîne derrière lui et le teint un peu plus hâlé, Caleb se dirige vers le portique qui le mène vers la sortie de l’aéroport. Et même s’il a demandé à Alexis de venir le chercher, il n’a aucune idée si elle a accepté ou non. Il l’espérait autant qu’il le redoutait. Mais si elle était là, devant lui, ça voudrait dire que ce qu’ils avaient vécu ne signifiait pas rien. La langue derrière les dents dans un sourire un peu niais, il avait aussi les cheveux qui recommençait à pousser lentement depuis Noël où Alexis s’était improvisé coiffeuse. Il glissait ses doigts dans de petites boucles apparentes et il avançait dans les divers couloirs pour rejoindre l’entrée principal. Une fois fait, il voyait tous ses collègues étudiants se diriger vers de la famille, des amis, ou des amants, et Caleb, lui, il fouillait de son regard le monde alentour pour repérer sa tête brune au regard de braise.

La proposition en suspens, et Lex qui élude l'évidence. Ouais, j'suppose que c'est logique de se retrouver là, à l'attendre, parmi la foule de badeaux. Les amoureux éplorés, les familles impatientes, les gosses qui trépignent. L'enflammée dans un coin, quelques mètres derrière. C'est pas sa place, c'est la place de l'autre. Ses pas feraient mieux de reculer, de s'enfoncer dans l'ombre. Mais, quand Caleb s'approche, elle est toujours là. Elle a oublié de s'approcher de trop, de sautiller, de brandir une pancarte. J'crois même qu'elle a oublié de sourire, sur l'instant, trop préoccupée par le truc au creux de son ventre, qui lui gueulait de se barrer. Le monstre parle fort, puisqu'il ne se fait pas entendre. Puisqu'elle choisi d'écouter les autres organes, d'oublier le naturel. De ne pas effacer le bonheur sous le soleil, de se faufiler parmi les pressés, pour attraper le poignet masculin, y appliquer une pression et se hisser jusqu'à sa joue sur laquelle elle plaquait un baiser. « J'ai oublié la pancarte dans la voiture. » Mensonge, de ses lèvres malicieuses. Là, le sourire revient, et ses doigts se perdent dans les cheveux qui repoussent, pour pousser légèrement la tête du revenu. Le romantisme d'une brute. « T'as eu peur que je vienne pas ? » J'te regarde, le soleil a continué de dorer ta peau, les rayons se sont fait une place dans les reflets de tes boucles. Bref, le mec est sublime, et l'éternité s'était glissée, fourbe, dans seulement quelques jours qui les avaient séparé.

Elle n’était pas là. Il n’apercevait ni sa présence ni son regard et peut-être que son visage faisait office de tombe quand il était triste de ne pas la voir dans son paysage. Il se résignait lentement à rentrer chez lui, retrouver une familiarité dévastatrice quand il l’aperçut, au milieu des badeaux, sa démarche langoureuse. Son soleil s’illuminait et il sentait chaque partie de son corps se réchauffer à l’arrivée d’Alexis. La beauté angélique aux courbes démoniaques. Elle le menottait entre ses doigts et il récupérait son baiser avec toute la tendresse du monde. Trop bon, c’était frais. Il avait le visage un peu rouge écarlate, trop de soleil face à la pâleur de sa peau actuelle qui avait toujours juré dans les draps d’Alexis. « Ouais… » Concrètement. Peut-être avait-il eu la crainte parce que le retour à la réalité les ramenaient dans une évidence qui les blessaient autant l’un que l’autre. Mais elle avait franchi le pas pour sortir de sa zone de confort, et voilà qu’elle l’attendait comme sa femme attend son homme et le sourire de Caleb ne pouvait pas s’étirer plus, quitte à se blesser les brûlures du faciès. « J’suis content que tu sois là. » Il passait un bras par-dessus son épaule en s’appuyant légèrement sur elle et ils se dirigèrent vers la sortie. « Dis, bébé… » Il avait une question à lui poser mais c’était un sujet tellement tabou que c’était complexe à aborder. « Roxanne veut sortir ce soir, et j’dois garder la petite. » Inspirer, expirer. Recommencer l’opération trois fois. « Tu veux bien la garder avec moi ? » La peur d’être seule avec. L’engagement peut-être un peu plus poussé avec Lex.

« J'étais pas sûre de venir. » Qu'elle livre les lèvres pincées, comme ça, sur un plateau détonant de vérité, de sincérité. Je sais que j'ai tendance à enrober les mots d'un certain mensonge, que c'est simple d'embellir les verbes pour qu'ils soient mieux assimilés. Mais, je ne veux pas que tu crois que c'est normal, de venir, de faire ça, de rentrer dans ce rôle qui ne m'est pas destiné. Je suis celle qui part, pas celle qui attends. Je suis même pas celle qui affiche ce sourire d'imbécile heureuse, radieuse de retrouver celui qui manquait à son quotidien. Pourtant, regarde comme je rentre dans le personnage, comme il me sied parfaitement. J'y crois, à cette connerie. Se cale un peu contre le côté masculin, quand le bras l'encadre. Il ne manque rien dans le tableau.« Mais j'ai pris la bonne décision, je crois. » Persuadée même, à ce moment là, avec la hâte de retrouver le souffle d'Il, d'avoir le récit des jours manqués, de percevoir l'impatience dans ses gestes. Ca se fait un film, dans l'esprit de l'éprise. Tableau parfait, j'vous l'avais dis. Jusqu'à ce qu'on vienne renverser un seau de peinture dessus. Tâche rouge, en plein milieu. Sourcils qui se froncent, pas qui ralentissent, sans que ça ne soit maîtrisé. « Je.. j'pensais qu'on aller passer la soirée ensemble. » Genre, à deux, et pas faire du babysitting. Pas croiser ton … j'dirai bien ex, mais je sais même pas comment l'appeler. « Je te ramène, et on se voit demain. » Accélère à nouveau le pas, ce qui la libère de l'emprise masculine. Le cerveau révise le programme. Retrouver la voiture, larguer le boxeur, et aller le maudire auprès de Deirdre. « Vous pourrez débriefer ensemble de.. trucs de parents, Roxanne voudra rester, quand elle te verra. » Qu'elle parle plus fort, puisque l'homme est derrière, qu'elle marche trop vite, qu'elle ouvre l'Audi qui les attendait. Balance ses prunelles vers Edelstein. « J'te dépose, tu peux la prévenir. » Répète la pensée, histoire de l'encrer.  

L’impression que l’oxygène entre enfin dans ses poumons quand il la voit, il suffoquait sans sa présence carnassière à ses côtés. Et voilà qu’il se plait à croire à un petit conte de fée, le sourire aux lèvres, les dents dehors pour justifier ce petit moment paradisiaque… qui s’étend pour se noircir un peu plus quand Lex se refroidit. Il n’en attendait pas moins d’elle, souhaitait peut-être jouer le rôle de la famille parfaite mais avec la femme qu’il vénérait à ses côtés. Mais Lex, c’est une tête dure, et elle se décroche de son corps pour glacer la tension qui est déjà bien corsé. « J’aurais voulu aussi… » Il pince ses lèvres, geste de malaise, encore plus quand elle s’éloigne de lui pour s’approcher de sa voiture. Elle insiste, pique un peu et Caleb, ça l’irrite parce qu’il ne voulait pas de ce genre de chose. Il savait que la réalité les rattraperaient à coup de pelles dans la gueule quand il remettrait le pied sur le sol américain. Et il n’aime pas ça. « Non, non, s’il te plait Lex. » La terreur qui s’empare un peu de lui. De perdre Lex, de ne pas savoir s’occuper de Jane. Il savait pas comment faire Caleb, il avait oublié, elle ne le connaissait plus, Jane. Elle avait oublié qui il était. Il serre les dents, ne veut pas paraître vulnérable mais putain, c’est sa déesse, son ancre amarré dans le port des délicatesses. Il voulait pas de filtre, c’était contre ce qu’il cherchait à construire dans son château aussi fragile que du sable. « Ca me… J’ai un peu peur de la gérer seul… » La honte qui traverse ses traits, incapable de s’occuper d’une môme qui n’est pas la sienne, en définitive. Il se dirige vers le siège passager après avoir enfoncé sa valise dans le coffre. Espérant que ses habits finissent un jour dans son armoire à elle. « T’es même pas obligé de croiser Roxanne. » Mais il aimerait que ça soit le cas, que Lex s’impose pour que ça se concrétise un peu plus. Il fermait la porte nerveusement, le regard par la fenêtre, hésitant à glisser ses doigts tuméfiés sur sa cuisse. « S’il te plait Lex. » Mâchoire qui se contracte, supplique faiblesse. Il a besoin d’Alexis.

Rajoute du noir à la palette de couleurs, en mets partout d'ailleurs, ternis toutes les nuances. Elle veut du noir sur les doigts, sur le corps, que ça représente ce qu'elle a sur le battant, ce qui coule à la place de son sang. Elle voulait juste une soirée, tu sais, elle voulait quelques heures auxquelles se raccrocher pour prolonger votre parenthèse enchantée, repousser l'évidence, se boucher les oreilles encore un peu. Mais toi, t'arraches tout, et tu lui gueules dans les tympans la réalité. Alors, elle fuit, elle accélère, elle veut retourner à son instabilité, te rendre à celle qui attends sur le pallier de la porte, une enfant dans les bras. La tienne, de gosse. N'entends pas, n'écoute pas, se laisse doucement envahir par une colère sourde, et s'installe au volant. Les doigts serrent le cuir, s'acharnent, la mâchoire fait de même. C'est tout le corps qui passe à la défensive. Voilà que je te tendais les doigts, et que tu m'as dévoré le bras, l'épaule, jusqu'au cœur que tu mâchouilles. Les quelques mots de l'homme se sont pourtant frayés un chemin, et elle les perçoit trop tard, quand le contact s'est fait, quand le paysage commence à défiler, que le silence écrase les poumons. Qu'elle va finir par suffoquer, qu'elle inspire fort. Que c'est la parole ou la mort. « Tu m'emmerdes Edelstein. » De provoquer ça, de me faire faire des trucs idiots, comme venir te chercher. Se mord l'intérieur de la joue ; abdique. « D'accord, pour ta fille, j'le fais pour Jane. » Comme accepter ce simulacre de retrouvailles. Et me dit pas que c'est pas ta fille, ce genre de conneries, parce que je roule déjà bien trop vite, pour provoquer encore davantage ma soif d'extrême. Ose un regard vers l'homme, rapide, et adoucie la voix. « Mais je veux pas voir Roxanne. » J'y arriverai pas, je me souviens trop de sa silhouette défaite près du cercueil. J'ai peur de voir une évidence entre vous, si je perçois vos regards. Je veux pas voir la manière dont tu la regardes.

Puis comme une pierre qui abandonne sa course au fond d’un lac, Caleb s’apaise et se rassure quand le fruit de ses nuits abdique et accepte de passer la soirée à ses côtés, à jouer aux bienheureux. Et il acceptera n’importe quelle condition pour qu’elle reste un peu plus près de lui. « Tu la verras pas, c’est promis. » Et il s’ose les doigts sur sa jambe, vers l’intérieur comme une caresse lancinante dans la douceur la plus naturelle. Il sourit un peu bêtement mais c’est l’effet de niaiserie qu’elle arrive à déclencher en lui. Malgré les combats et les coups de poing, Alexis est la seule personne à le toucher au point sensible pour lui chanter la berceuse qui calmerait sa bête qui gronde. Elle était son médicament, sa thérapie, peut-être même la drogue qui l’emmène dans le monde magique de la paix. Et elle roule, peut-être trop vite mais il a confiance alors il ferme sa gueule et il se tourne un peu vers elle pour la regarder. Il ne se gêne pas d’être dévisageant, il ne ferait pas semblant pour ancrer ses traits chaque seconde de temps. Elle finit par se garer tout en bas de l’immeuble, non loin des boîtes aux lettres, à l’abri du regard de l’entrée. « Attends-moi là. » Il se tente un baiser sur la mâchoire d’Alexis et il recule pour venir récupérer sa valise. Le voilà qu’il monte les marches pour arriver devant son appartement. Quand il entre, il voit une Roxanne bien trop belle pour ne sortir qu’entre amies, lui demande si elle va bien, si la petite aussi, se risque à des banalités mais elle grommelle et refuse de lui répondre. Lui jette un merci et Caleb, il n’a même pas le temps de lui offrir un geste d’affection qu’elle se rue dans la ville aux lumières lancinantes. Les épaules qui se relâchent, Caleb envoie un message à Alexis pour lui dire de monter et il s’approche alors de Jane, un peu gauche. « Coucou ma princesse. » Les yeux qui brillent, le lèvre qu’il se mord de peur de faire des erreurs. Mais Jane le regarde, se risque maladroitement à un Papa ! et c’est le cœur en miette de Caleb qui fond sur place quand elle se jette dans ses bras. Il niche dans son cou son nez pour respirer sa peau et il la repose sur le sol, jouant avec des constructions de bois. Le repas devait se préparer, la vaisselle était à faire, le linge à étendre, la chambre à ranger… Roxanne avait abandonné la vie pendant son départ au profit du laisser aller. Alors il se dirige vers l’évier et trempe ses mains dans l’eau bouillante.

Patienter, les doigts agrippés au volant, se laisser tenter à des envies d'évasions. Se faire rattraper par cette promesse tacite, par ce corps entier qui veut s'acharner, pour Il. Lui qui appuie, là sur ses épaules, il lui fait courber l'échine, se soumettre aux exigences les plus absurdes. Et, elle acquiesce, comme si ça ne lui tordait pas le ventre. Roxanne, Lex la voit partout. Sur la plage, dans les soupires des rêves du boxeur, dans cette ombre trop pâle s'évaporant dans la nuit, dans cette petite fille qui joue déjà quand l'intruse débarque. La dernière fois, elle venait pour provoquer tes sens, elle venait chercher une peau pleine de frisson, et elle se prenait ton autre vie en pleine gueule, faite de plusieurs couverts sur la table, de cris d'enfant. Maintenant, l'idiote s'y confronte volontairement. Se taillade la peau, pour un sourire sur tes lèvres. Oublier la peur qui gronde, qui prend toute la place dans sa gorge, pour un baiser. Qu'as-tu fais de Lex, Caleb ? Regarde, elle s'intègre dans les murs, elle fait passer ses doigts dans les cheveux de la précieuse avec une certaine tendresse. Elle aura de toi dans ses réactions, dans ses paroles, on oubliera le sang. Elle dira qu'elle a deux pères, y en a juste un qui dort un peu plus longtemps que l'autre. Et, Callaghan n'arrive pas à écrire son personnage, dans cette comédie dramatique. Disons que pour l'instant, elle est la fille aux cheveux longs, que Jane s'amuse à accrocher de ses doigts. Cette fille qui regarde le dos du patriarche, qui rattrape les erreurs de la mère, les oublis. Le deuil s'étale sur tous les murs, sur ces jouets qui traînent, sur la vaisselle, le linge. Callum, va falloir la laisser tranquille maintenant. Laissant Jane à son jeu, non sans y jeter un regard régulier, l'hésitante se poste aux côtés de l'homme. Cette scène est un sketch, rien ne va. Y a une gamine qui n'est à personne, et moi, j'sais pas ce que je fous là. Mais, j'ouvre tous les placards pour chercher des pâtes. Silence de mort, agrémenté du bruit de l'innocente. C'est lourd, sur le palpitant. Tu finis de laver une casserole, je pose mes doigts sur les tiens, pour te l'ôter. Pour asseoir ma présence, te toucher. Se hisse sur la pointe des pieds, et dépose un léger baiser sur la tempe masculine. Force le trait, écrit au gros feutre sur les mots suspendus en l'air, pour cacher ce que murmurent les murs. Je perfore la boue, pour répandre un peu de mon maigre soleil : « Faut absolument que je vous fasse goûter ma super recette de pâtes au beurre ! » Demande aux enfants de Jude, c'est la recette phare de tata Alexis, quand elle doit s'en occuper. Une totale maîtrise de l'eau qui bout, et des pâtes balancées au piff dans la casserole.

C’était comme une petite émission de télé, où la famille parfaite s’occupait de leur enfant parfait. Alexis donnait le change, même si la situation était bien plus complexe et tendue qu’elle n’y paraissait, elle arrivait à mettre ses peines et ses ressentiments de côté pour soutenir un faux-père incapable de se gérer tout seul. C’était une angoisse qui grondait dans son ventre et qui ne voulait pas s’évaporer, bordel de merde. Alors quand elle venait déposer un baiser sur sa tempe, le stress s’échappait tout doucement, à coup d’amour et de patience. Il riait légèrement quand elle proposait de jouer les grandes cuisinières et il levait les yeux au ciel en rangeant la dernière assiette sur l’égouttoir. « La sauciiiiisse. » entendaient-ils derrière eux. Jane réclamait à manger, mais quelque chose de précis. Sur ce, il regardait dans le frigidaire ou le congélateur s’il y en avait et… bingo ! Trop tôt pour faire un barbecue, il sortit la poêle pour la déposer sur la gazinière. « Jane, chérie, tu viens m’aider à récupérer le linge ? » Et dans le salon où les habits traînaient sur l’étendoir, il les enlevait pour les mettre dans la panière, la petite enfant qui faisait de même mais plus dans un foutoir ordonné qui faisait rire Caleb. Il jouait avec elle, il venait attraper la hanche d’Alexis pour déposer un baiser sur le sommet de sa tête, ils mangeaient quand Jane en foutait partout, il râlait un peu de devoir tout nettoyer et Alexis, elle putain, elle était parfaite parce qu’elle rattrapait toutes les petites erreurs qu’il commettait sans se rendre compte de son incapacité. Elle était son phare dans la nuit et putain, il était fou d’elle, c’était un fait. « Tu… il faut lui donner le bain. » Il allumait le robinet de la baignoire, l’eau chaude qui coulait fortement et Alexis dans l’encadrement de la porte. Il avait peur de toucher Jane, que ses gestes soit déplacés, mal interprété, il regardait un peu partout pour récupérer un habit pour la nuit, un peignoir, et Jane qui courait à en criant. « A la douuuuuche, à la douuuuuche. » Et elle levait ses bras pour qu’on la déshabille. Et Caleb était incapable de bouger.

Est-ce que tu le vois ? Que j'suffoque dans le paysage hostile, trop tranquille. Je préfère la terre, le sang, les gens qui courent, qui hurlent, je préfère le désastre. J'me retrouve dans un rêve étrange, où la petite fille est trop claire, où tout va trop bien. L'autre, sublime, s'est écartée du tableau, et nous on essaye juste de remettre les objets à leur place, comme c'était sur le modèle. J'suppose que je devrais profiter de cette pause qui dure, mais à chaque fenêtre que je croise, j'ai envie de retrouver le goudron. Alors, je me raccroche à toi, mes prunelles qui valsent, d'elle à il, et le cœur qui apaise l'esprit, qui l'inonde de pensées roses. On a jamais fait des menottes plus solides, que le rire d'une gamine trop heureuse de retrouver un espèce d'équilibre temporaire, inventé de toute pièce. Un père qui n'en est pas un, une inconnue, un appartement qui se transforme. L'inconnue, qui se perd un peu quand elle regarde l'homme, qui tabasse la peur qui naît, au fonds des entrailles. Je suis l’éphémère, celle de passage, celle qui prends un peu, ce qu'on lui donne le droit d'avoir, et qui sait qu'elle devra se gommer. Celle qui n'a pas de nom, celle qu'on ne présente pas, puisqu'on ne saurait comment l'appeler. Elle est juste cette fille qui pouffe un peu, quand le chaos règne sur la table, et qu'il faut remettre la moitié du contenu de l'assiette dans cette dernière, au moins trois fois de suite. Tout est beaucoup plus léger, quand on sait qu'on touche à l'impossible. Le désordre est magnifique, les cris sont une mélodie, quand t'y as pas le droit. On exécute le scénario de la famille parfaite, je répare, je meuble les errances, et on échoue dans cette pièce à la vapeur qui étouffe. Une, deux secondes. Le moment suspendu, elle les bras en l'air et Il qui ne réagit pas. La spectatrice tends la main à l'acteur, qui oublie son texte. A la troisième seconde, les doigts féminins attrapent le bas du minuscule haut, et dans un rieur : « Allez, à poil ! » entame la mise à l'eau. La suite des vêtements ont le même sort, et demoiselle soulève le petit être en la saisissant sous les bras, imposant un geste du personnage principal de la pièce. « Et les chaussettes, c'est papa ! » Jane agite les jambes dans tous les sens, rendant le combat intéressant. Du moins, pour la Lex qui se marre, oubliant déjà qu'elle arrivait à peine à respirer. L'innocente fini les fesses dans l'eau, débordant d'une naïveté enivrante. La métisse s'est échouée sur le sol, les bras appuyés contre la baignoire. J'sais pas comment on fait, pour évoluer à ce point, pour passer d'un éclat de rire pour une éclaboussure, à ce désir d'incendie. Grandir n'était peut-être pas une si bonne idée, finalement. Alors, j'essaye, plongeant mes doigts dans l'eau chaude dans laquelle Jane joue, pour venir jeter quelques gouttelettes sur le visage masculin. Ca fait rire la gamine, déjà. Les prunelles enrobent, soutiennent. C'est pas grave, de trébucher un peu, d'hésiter, d'être balbutiant dans ce rôle impossible.