J’adresse un sourire suite au compliment, même si au fond je disais ça pour déconner plus qu’autre chose. N’empêche que ça me touche. Quant aux études, il suffit que j’arrive à me concentrer dessus, mais globalement mes résultats ne sont pas en chute libre et si j’ai toujours plus de mal avec les mathématiques, j’essaie de me donner les moyens d’y arriver. Pour ça, peut-être que je devrais commencer par arrêter de m’envoler vers d’autres horizons tel un oiseau migrateur qui cherche à voir si l’air n’est pas plus respirable ailleurs. – Honnêtement, je ne sais même pas si ça le ferait rire, je pense qu’il se dirait qu’on se moque de lui. Mais promis, il n’est pas si terrible. T’es juste tombé sur le frère le plus surprotecteur que la terre n’ait jamais portée, désolée pour toi. Je hausse les épaules, accompagné d’un sourire. En vérité, je n’échangerai mon frère pour rien au monde. C’est le mien, il est à moi et je le garde tel qu’il est. Parfois il m’agace, mais heureusement on ne reste jamais longtemps fâchés. – et toi, avec tes frères et sœurs, vous êtes du genre très proches ou pas du tout ? Je ne sais même pas si on en a déjà parlé un jour. La suite est moins amusante à dire ou à entendre. Surtout à entendre en réalité. J’en apprends plus encore sur ses addictions par la même occasion – Au moins t’as l’honnêteté et même la fierté de crier haut et fort que tu vas voir ailleurs. Ca fait plaisir. Je soupire, et ricoche sur ses dires – Je m’en fous que tu sois attiré par les meufs et les mecs, Eymerich. Moi ce qui me dérange c’est que tu fasses ta vie comme si moi je n’existais pas, comme si je devais en avoir rien à foutre ou comme si c’était normal pour moi d’accepter que pendant que je passe mon temps à chercher des prétextes pour partir de Boston et éviter de prendre des solutions radicales qui éviteront, à l’avenir, de me faire souffrir ; toi tu t’éclates avec des hommes, des femmes sans même te demander une seule seconde ce que ça pouvait me faire à moi. Je le regarde s’éloigner avec une idée de ce qu’il va faire, mais ne dis rien, ni ne réagis. - Je peux t’aider. Je peux être là pour toi et t’aider à être plus fort, mais à partir du moment où toi t’en as rien à foutre de moi quand tu vas te taper le premier gars ou la première nana venue, je ne vois pas pourquoi je le ferais. Tu veux savoir ce que les gens pensent de moi ? que je suis la cruche de service qui voit rien, qui n’est au courant de rien alors que si je le sais, mais je suis tellement cruche qu’à chaque fois je reviens et je pardonne et à chaque fois je dois me ramasser toute seule à la petite cuillère parce que je suis encore plus débile de vouloir t’éviter les critiques et les regards des gens. Tu crois que je vais aller dire à mon frère que t’es drogué ET alcoolique ? Non. Parce que j’ai tellement d’estime pour toi que je n’ai pas envie qu’il te rabaisse en me donnant son avis. Alors ne sous-entends surtout pas que je suis celle qui te rabaisse parce que c’est faux, Eymerich. Réfléchis deux minutes et pose-toi les bonnes questions : qui de nous deux rabaisse l’autre ? Toi en ne pensant même pas une seule seconde à moi quand t’es bourré, ou moi qui passe ma vie à prendre ta défense ou à garder tout pour moi justement pour ne pas donner le crédit aux gens de te rabaisser ? je garde les yeux fixés sur lui alors qu’il tripote sa bouteille - Si t’es fort, c’est juste que tu dis pas tout. Tu dis pas pourquoi t’as commencé, tu dis pas pourquoi tu veux boire, tu dis pas pourquoi tu vas voir ailleurs, tu dis pas ce que tu veux oublier ; t’es une huitre fermée. Tu crois que ça va t’aider alors que non. T’es persuadé que personne ne remarque rien, que tout le monde s’en fout alors que c’est faux. Je peux t’aider, mais je peux pas le faire si toi tu m’aides pas. Alors qu’il lâche sa bouteille, je m’approche et lui attrape la main pour l’inviter à s’asseoir sur son canapé, loin de sa tentation. Je m’installe à califourchon sur ses genoux face à lui et l’embrasse avec beaucoup de tendresse. Mes lèvres glissent vers le creux de son cou en déposant des baisers en cours de route – pourquoi tu ne me parles pas ? demandais-je dans un murmure.