Pieds nus, j'avance sur la route, dans l'obscurité. Je marche le longue de Charles River et les quelques passants que je croise me regardent avec surprise. Je ne ressemble plus à la Marla d'il y a un an. Je suis toujours cette petite fille timide, mais quelque chose s'est brisé dans mon sourire. Quelque chose qu'il m'est incapable de réparer. Je savais que tout cela allait arriver tôt ou tard. Je ne l'avais même pas caché à vrai dire. Je me suis faite à l'idée. Pas mon entourage, parce que malgré mon indiscrétion, personne ne se doute une seule seconde que je suis en train de marcher aux abords de la mer, en train de prendre de la hauteur durant la soirée pour me jeter dans l'eau glaciale. Ce soir sera mon dernier soir, mon dernier souffle. Ce soir, je disparais comme je suis née, sans que personne ne sache qui je suis et d'où je viens. Ce soir, je vais m'effacer de la vie de tous, ne plus donner aucun signe. Ce soir, Marla Witherspoon ne sera plus qu'un souvenir.

J'escalade aisément la rambarde de sécurité du pont. Mes écouteurs jouent de la musique dans mes oreilles. Je n'entends rien de ce qui m'entoure. Ainsi, je ne pouvais pas entendre une quelconque supplication. Je suis dans ma bulle, déterminée, dans un état second qui me fait planer. C'est comme si j'étais sur un cocon puisque de toute façon, je me suis faite une raison. Je n'ai aucunement peur de ce qui va arriver. Je n'ai peur de rien, comme toujours. Je crois même que je n'ai jamais été aussi bien. Sous mes pieds, il y a le vide et puis, la mer. Les vagues d'hiver qui jettent contre les parois rocheuses. Ça ira vite, tout ira bien. Sans réfléchir une seconde de plus, je laisse le poids de mon corps pencher vers l'avant pour me laisser tomber.
Je ressens tout cette fois-ci. Les sensations de la chute libre. La peur. Le froid de l'eau glaciale. Mon corps qui part dans tous les sens et surtout, ma tête qui heurte la roche. Cette fois-ci, tout va bien. C'est calme. Tout va bien. Tout va bien.

C'est étrange comment une vie peut basculer si facilement. En un rien de temps. C'est étrange comme l'on peut s'enfermer dans la brume. Je venais de toucher le fond, d'arriver aux limites de ma mélancolie. Si ma timidité et mon sourire ont caché pendant bien longtemps mon côté fragile, je suis désolée de vous annoncer ce soir que je ne suis qu'une âme en peine qui passe son temps à chercher sa place. Je suis trop chétive pour ce qui m'entoure, trop fragile pour endurer ces moments difficile. J'ai encore besoin de grandir. De me forger. J'ai besoin de m'endurcir pour contrer ce qui m'arrive. J'ai besoin d'apprendre à me protéger pour ne plus retenir toutes les émotions que l'on m'envoie en pleine figure. Bien que j'indique le contraire, j'ai besoin que l'on m'aide et que l'on m'épaule pour continuer ma route. Seulement, je ne pouvais pas l'expliquer tout ça. Je n'y arrivais pas.


Mais on ne peut pas toujours décider de comment va se jouer notre vie.
Ça ne sera pas pour aujourd'hui Marla.

01 Janvier 2019. 22h18. Nouveau départ.