Ouais, tu as surement gagné notre petit jeu loin d'être intelligent une fois. Tu restes indétrônable dans ce domaine et je doute de parvenir à te battre un jour, tu tiens bien mieux l'alcool que moi. Mais je n'abandonnerais pas, je t'aurais un jour, je t'aurais... A mes oreilles parvient une info qui ne me plait guère, une info pour laquelle je te demande confirmation. J'apprends que tu as touché à cette merde et je me lève, titubant et manquant de me vautrer sur ta table basse avant de te dire le plus sérieusement du monde: "Ptain Elliot ! T'as pas vu The Night Before ou quoi ? C'est le genre de connerie qui gâche les fêtes de fin d'année ça !". Ouh là... Je crois que pour le plus sérieux du monde, on repassera Dylan. Qu'est ce qui te prends de lui balancer une référence de ton film de Noël préféré ? Tu pointes finalement ton doigt dans sa direction, ou plus ou moins, tu ne parvient même pas à l'immobiliser complètement ce qui n'arrange pas franchement ton air qui se veut sérieux, ça en devient même plutôt ridicule. "Je te préviens mon pote ! Si j'apprends que tu retouche à ça je t'en mets une !!!". Mais il ne vient pas de te dire qu'il était en cure ? Sur la voie de la désintoxication ? Ouais peut-être, j'ai pas franchement les idées claires avec tout cet alcool dans le sang. Mais tanpis, il avait qu'à me le dire plus tôt, je suis son meilleur pote après tout non ? Mes yeux se baisse sur le sol où j'aperçois un liquide se déverser, puis j'aperçois ma bière renverser au sol, surement dans mon excitation en me levant. Et merde ! Manquait plus que ça...

Ouais, franchement, j’donnerais tout pour une dose de morphine là, en ce moment même, maintenant. J’te donnerais probablement toi aussi. Quand je dis ‘tout’, c’est ‘tout’. Je blague pas. C’est peut-être comme ça qu’on sait qu’on est accro. On vendrait son âme pour une petite piqure. Mais une petite piqure qui fait teeeellement de bien… Tellement. Qui apaise, qui calme, qui panse les plaies, qui fait oublier, qui fait dormir. Qui fait mieux vivre. Ou du moins, mieux supporter la vie. Mais toi, t’as pas l’air d’être content, tu sautes sur tes pieds — presque sur ma table de salon d’ailleurs. "Fais gaffe, détends-toi, tu vas tomber. C’est quoi The Night Before?" J’connais pas ça moi, késako? Tu me pointes un index accusateur et j’arque un sourcil face à ça. "Quoi? Qu’est-ce que t’as?" On dirait que t’as vu un monstre. Sauf que… c’est moi que tu regardes. Hm. Ça veut dire que je suis un monstre? Ou que tu me vois comme un monstre? Je divague. Je suis même pas désolé. Quoi? "Quoi? Pourquoi tu veux m’en mettre une?" Je comprends pas ce qui se passe. J’ai loupé un épisode? "Attends, deux minutes, je dois passer un appel." Je lève un doigt en l’air, l’air de dire ‘bouge pas’. Je cherche mon téléphone à tatons, petit iPhone qui s’était perdu dans les plis du sofa. "Dis Siri?" Que j’appelle, l’intelligence artificielle d’Apple qui sait faire les choses à notre place. Génial, la technologie, j’adore. "Appelle ‘Dealeur’." Bah ouais, j’connais pas son prénom, ça se passe comme ça dans le métier. Et j’réfléchis pas, j’suis con mais oui, je l’ai vraiment juste appelé ‘dealeur’ dans mon téléphone. Et ça sonne, alors j’attends que ça décroche. Et… ouais, c’est comme si j’avais entendu tes mots sans écouter, ils me sont carrément passés au dessus. "Nettoie steup'." que je chuchote en désignant ta bière qui se renverse d'un signe de tête, l'air de rien.

C'est quand même un phénomène celui-là non ? Il faut qu'on soit bourré pour qu'il commence à m'avouer ses problèmes. On est censé être meilleurs potes non ? On doit se le dire quand quelque chose ne va pas dans nos vies respectives. Je n'aurais pas cette discussion avec toi ce soir, je n'ai pas les idées assez claires pour en parler, je vais me contenter de l'instant présent. Surtout que tu te fous de ma gueule, ou alors tu es trop pleins pour comprendre ce que je te dis. Et ça m'énerve, j'ai déjà du mal à tenir en équilibre sur mes deux pieds, je ne pensais pas que j'aurais besoin de te faire une leçon. La drogue, je connais, ça m'arrive même de taffer pour les petits dealers de mon quartiers merdiques qui sont maintenant devenus des potes, des mecs avec qui j'allais à école quand j'étais gosse. Mais jamais des merdes comme la morphine ! Tu comprends que dalle, tu te permets même de tenter d'appeler ce soi disant dealer tout en m'ordonnant de nettoyer par terre mes bêtises. "Tu te fous de ma gueule Elliot !", m'exclamais-je en attrapant ce téléphone dans tes mains avant de me diriger d'un pas peu assuré vers la fenêtre que j'ouvre et de laquelle je balance ton téléphone. "Taré !!!", peut on entendre venant d'en bas alors que je referme la fenêtre. Tu me fixes, et je n'ai pas grand chose à te dire. Les actes parlent d'eux-même non ? Si tu veux te droguer, fume un joint mais pas la piqûre espèce de malade ! "Je m'adosse à la fenêtre pour apaiser la sensation de tournoiement dans ma tête et je te demande: "C'est quoi ton délire ? Tu veux que je te retrouve un jour sur ton lit, étouffer dans ton vomi ? C'est ça ?". L'image m'horrifie, je ne préfère même pas penser à ça...

Du coup voilà, j’ai envie. Non, j’ai pas envie de cul. Ça fait un moment que j’ai pas envie de ça. J’ai envie de planer. Comme avant. Comme il y a quelques semaines. Quand j’me sentais libre de tout. Même de la vie. J’t’ai dit que j’ai déjà pensé plusieurs fois à sauter du haut d’un immeuble? Tu connais mon affection pour les hauteurs, j’aime me balader sur les toits la nuit et j’me disais que là, pouf, un pas de travers et tout ça serait fini. Non, j’t’ai pas dit ça hein? J’l’ai dit à personne. Et du coup, je comprends Hae-Seong maintenant, qui n’a rien dit à personne non plus à l’époque alors que je l’ai engueulé de ne pas m’en avoir parlé. Je comprends enfin. Mieux vaut tard que jamais. Mais tu vois, j’préfère planer que me suicider. C’est mieux non? J’suis sûr que tu serais d’accord avec moi. Allez, un peu de bonne volonté, chut, tais-toi, le temps que j’appelle mon dealeur. Mais non, toi, tu élèves la voix et putain, arrête, tu vas lui faire peur, il va croire que j’lui monte un plan foireux — tu les connais, ils sont paranos à tout bout de champ ces cons. Tu choppes mon iPhone et tu… le balances par la fenêtre. "T’es sérieux? C’est toi qui vas me repayer un téléphone peut-être? Tu peux même pas payer les cadeaux pour ta meuf!" Bon ok, c’était pas fairplay, mais tu m’as saoulé là. Cet iphone doit avoir à peine quatre mois, j’ai du en racheter un parce que j’avais paumé mon ancien. J’m’appelle pas Crésus non plus putain. Je me lève, titube vaguement pour contourner le canapé et te faire face — de loin quand même, on sait jamais, si j’ai des envies de meurtre qui me prennent, j’pourrais te faire basculer par dessus la rambarde du balcon. "Je gère, ça n’arrivera pas ! Je gérais, je veux dire. C’est du passé. Mais je contrôlais toujours les doses! Enfin pas toujours, y’a une fois où j’ai déconné, mais Agathe était là donc ça a été." Le jour où Wyatt est mort. Le jour de son mariage. Le jour où j’l’ai jamais revu. Ouais, ce jour là, j’avais vraiment déconné et si Agathe avait pas enfoncé la porte de chez moi, j’crois qu’on m’aurait retrouvé inerte dans mon canap’. Cause de la mort? Overdose. Facile. Mais c’est bon, j’étais clean maintenant. No stress.

Je ne peux peut-être pas t'aider en ce qui concerne tes soucis avec Agathe, mais crois-moi que tant que je serais là, même avec de l'alcool à la place du sang, je serais assez lucide pour t'empêcher de toucher à cette merde. Et s'il faut que je jette ton téléphone par la fenêtre pour t'empêcher de contacter ce dealer, je le fais sans la moindre hésitation. Ce qui me vaut une remarque désobligeante sur l'état de mes finances d'ailleurs, on est vraiment arrivé aussi bas ? Ma main se glisse dans la poche de mon futal et en sort une petite boite de grand bijoutier que j'envoie valser sur la table basse dans un geste d'énervement. "Tu peux reprendre ton argent si ça te fait chier Elliot, je me débrouillerais sans s'il le faut !", dis-je d'un ton calme alors que tu te lèves et titube vers moi. Ça n'a jamais était une question d'argent tous les deux, tu sais très bien que je t'aurais remboursé, même si ça prenait plusieurs années. Et finalement, je commence à me dire que je devrais boire plus souvent avec toi, parce que ce n'est que dans cet état que j'apprends des infos intéressantes, des infos que tu me cachais jusque-là... "Mais tu te rends compte de ce que tu baves mec ? T'as déjà faillis y passer et tu veux recommencer ?", m'exclamais-je alors que je sentais l’énervement monté en moi. Me décollant de cette fenêtre, je passe à côté de toi, non sans t'asséner un coup d'épaule au passage qui me fait perdre l'équilibre avant de décapsuler une nouvelle bière que j'attrape sur la table basse. "Compte pas sur moi pour t'encourager sur ce chemin là Elliot !", ajoutais-je avant de m'enfiler plusieurs gorgées à la suite...

Mon téléphone vole par la fenêtre et j’ouvre la bouche sous le choc de ton geste. Wooow, sérieux? En plus, mauvais joueur comme je suis, je fais le gros con et te tacle sur tes problèmes d’argent. J’le regretterai demain matin ouais, mais sur le moment, ça me paraissait mérité et intelligent qui plus est. Tu balances un écrin sur la table basse et je roule des yeux de façon assez exagérée. Drama queen power. "Pour que ta meuf te quitte et que tu me reproches dans dix ans que si t’es toujours pas marié et papa c’est de ma faute?" Ok, je tire trop le truc par les cheveux mais j’m’en fous. "Garde le j’en ai pas besoin moi, c’pas comme si j’avais donné 40 000 dollars à mon frère pour qu’il puisse finir son année à Harvard." Si, c’est le cas, et j’l’ai fait de bon coeur parce que tu sais très bien que j’compte pas crever avec ma thune alors si quelqu’un en a besoin, je donne. "J’ai pas failli y passer! J’aurais pu, mais c’est pas arrivé. C’pas comme si j’avais fait une overdose ou quoi que ce soit. Il s’est rien passé." Tu me contournes, coup d’épaule en prime et je soupire fortement avant de me tourner pour te faire face. "Je veux pas que tu m’encourages là-dessus. Je suis clean Dylan. Promis. C’est loin d’être facile mais je suis guérison, j’suis en période de sevrage et j’ai pas encore replongé pour l’instant." Donc crois-moi steuplait, et arrête de juger sans trop connaître la situation.

Si cela avait été un cadeau super fragile, j'aurais surement flingué ce dernier et je me serais retrouvé sans cadeau pour Sheryln à seulement quelques jours de Noël. Mais je n'y peux rien Elliot, tu sais très bien que je n'aime pas qu'on pointe le fait que je n'ai pas un sous en poche, surtout pas entre nous, parce que notre amitié n'est et n'a jamais était basé la-dessus. Je te demande pas la charité, c'est juste un service que tu me rends et que je te rendrais d'une façon ou d'une autre. Mais si ce service, c'est de t'aider à contacter ton dealer pour avoir ta dose, je ne te le rendrais pas celui-ci. Ce coup d'épaule, que je regrette déjà, me force le passage jusqu'à la table basse quand tu me précise que ce n'est pas allé aussi loin, ce qui a le mérite de me rassurer quelque peu, qui m'ôte cette image de toi la bave aux lèvres. Après plusieurs gorgées d'une nouvelle bière, j'attrape l'écrin sur la table basse et l'ouvre pour vérifier l'état des boucles d'oreilles à l'intérieur, toujours intact, je les remets dans la poche de mon jean tout en écoutant ce que tu me raconte. "Et qu'est ce que t'allais faire là Elliot ? Si j'étais pas là tu te faisais une dose ?", te demandais-je en reposant mon regard sur le tien qui me fixe comme pour me jurer que tu es clean en ce moment. Mais je te crois, pas besoin de grand chose, je te fais confiance. Je me rapproche et te demande de me jurer quelque chose: "Promets moi que tu m'appellera à chaque fois que t'as envie d'une dose ? Je t'apporterais des bières à la place, on se mettra mal et je jetterais ton nouveau téléphone par la fenêtre.". Un léger sourire revient sur mon visage, je crois que je ne peux pas être en colère contre toi très longtemps. En vérité, j'étais surtout inquiet...