camion ☾ i'm deathly scared of losing you
w/ camila wildingham  — Massachussetts General Hospital, Novembre 2018
Je l'avais répété plusieurs fois ce message vocal. Plusieurs fois sans que ça ne veuille rentrer dans mon esprit. Camila avait encore une fois fait une tentative de suicide. La troisième fois en l'espace de quelques mois. Et cette fois, elle était admise à l'hôpital donc c'est qu'elle s'est infligée des blessures physiques ? J'en savais rien, j'en savais foutrement rien. Et il fallait que je fasse quelque chose, mais quoi ? Est-ce que le bébé allait bien ? Est-ce qu'elle, elle allait bien ? Ils n'avaient pas de réponses et moi, j'étais comme un chien en cage. Je savais pertinemment que Louison allait avoir peur, je le savais pertinemment. Elle ne voulait pas que je revois mon ex et c'était normal. De base, il fallait que je garde cette distance qui me consumait. Mais là, j'étais obligé d'aller à l'hôpital. J'étais obligé. Alors une fois parti de l'appartement, j'envoyais un message à ma petite amie, la prévenant et lui rassurant de ne pas s'inquiéter. Transparence, c'était le maître mot à présent. J'allais rien lui cacher, ne pas lui mentir. Je sais qu'elle souffre de la situation et je tente au mieux de faire les choses bien, mais des fois c'est pas suffisant. Arrivant sur place, je demandais la chambre de Camila et j'essayais quand même de faire profil bas. Je n'étais pas invité à être parmi ses proches et je m'attendais même à voir une Cléo furieuse, un petit copain possessif et des bouledogues belges et italiens qui pètent plus haut que leur cul. Des pets qui puent autant que la pourriture qui les constitue. Mais par chance, personne n'était là. Sûrement qu'ils ont tous décidé d'aller prendre un café, j'en sais rien. Alors j'en profitais pour aller dans la chambre, vide de toute personne, sauf de mon ex-femme. Elle dormait, je crois. Je sais pas si elle m'a entendu entrer. Je me contentais juste de m'asseoir, les larmes aux yeux. J'ai aucune idée de quoi dire, quoi faire et ça me bouffe.

Un seul message. Un seul texto qui m’a glacé le sang lorsque mes yeux l’ont attentivement parcouru. Camila est à l’hôpital et mon petit-ami va lui rendre visite dans les plus brefs délais. Je n’ai aucun autre détail. Pourquoi elle a été hospitalisée ? Accident ? Overdose ? J’comprends pas. J’peignais tranquillement mes ongles de pieds au calme et le ciel me tombe subitement sur la tête. Cette fille semblait renaître de ses cendres la dernière fois que je l’ai vu et elle a subitement décidé de mettre fin à ses jours ? Y a un truc qui cloche là-dedans. Cette fois-ci, j’refuse d’être placée au second plan et d’attendre patiemment dans mon coin. Alors tant pis pour la pédicure, je range mes pieds dans mes mules et je fonce en direction de l’hospice. Mon coeur cogne fort contre ma poitrine. Ça pue la peur dans l’habitacle. J’ai peur des deux dans la même pièce et j’ai peur que le pire soit arrivé, qu’elle ait tué le gosse que Pluton désire de plus en plus. Ce trio est insupportable. Je suffoque. Mon bonheur n’aura duré que quelques jours avant qu’il ne soit balayé. Je rage aussi intérieurement, je lui en veux à cette fille. Elle m’interdit indirectement d’être heureuse. Elle casse tout. Mais je suis humaine. Elle a réussi à m’attendrir à Halloween et c’est de cette manière que je me retrouve à faire une halte pour lui prendre des .. Cupcakes. Le même modèle que son amie Cléolya lui avait ramené lorsque Pluton agonisait dans son pieu. J’agrémente ensuite ma commande d’un café et je termine enfin ma route sur le parking de l’hosto. Essoufflée, je finis par dégoter la chambre de la jeune femme et j’y entre tout doucement, retrouvant le Dunster près de son lit. « Toc toc, c’est la pause gourmandise » Je capte rapidement le regard de mon copain et je m’approche du lit en catimini. J'sais, je devrais pas m'incruster ici. Elle me hait. Je lui ai "volé" l'homme de sa vie. Don't worry, si la queen me jette son venin au visage, je m'éclipserais, loin, très loin. Je veux juste lui montrer qu'on peut éviter de s'étriper et que la paix est possible. Tout dépend d'elle.  « Désolée, ça compte pour moi tout ça. Si tu veux que je sorte, tu me le dis » chuchotais-je en déposant la commande sur le chevet. J’sais pas si la brune roupille ou si elle est dans un coma artificiel, j’en sais rien. Je sais pas ce qu’elle a. Ah si, de gros bandages sur les poignets, bingo. Suicide. Fais chier.

camion ☾ i'm deathly scared of losing you
w/ camila wildingham  — Massachussetts General Hospital, Novembre 2018
Bien sûr que j'ai peur. Peur qu'elle finisse par réellement mettre fin à ses jours. Qu'elle finisse par réussir à s'ôter la vie et qu'elle ne fasse plus partie de ce monde. Camila, c'était un diamant à l'état brut. Elle avait cette beauté et cette force. Mais la maladie la rattrapait malheureusement. Une maladie invisible, qui lui bouffait toutes ses pensées et qui la faisait sombrer vers la dépression et une envie de quitter ce monde. J'aurais cru que le bébé aurait pu aider, d'une quelconque manière. Faut croire que non. Je n'avais aucune idée de l'état du fœtus, aucune idée de l'état de Camila et en entrant dans la chambre, je découvrais les bandages aux poignets. Les deux. Putain, elle s'est ouvert les veines. C'était comme en mai. Quand elle se tailladait les cuisses. J'avais mal au cœur de la voir comme ça, de savoir que j'étais potentiellement une des raisons de son mal être, une des raisons qui font qu'elle ne va pas bien. Je m'installais à son chevet, je ne disais rien, de peur qu'elle dorme. Je ne voulais pas la réveiller, puisqu'au moins, endormie, elle était un peu plus paisible. Mais je finissais par entendre quelqu'un entrer et ce n'était pas un médecin, ni une infirmière. Encore moins un proche de Camila. « Qu'est-ce que- » Qu'est-ce qu'elle faisait là ?! Et les mains pleines en plus. Elle s'approchait de moi, découvrant alors les dégâts que l'esprit de la jeune femme pouvait avoir sur sa propre vie. « Je... je suis pas sûr que te voir à son réveil soit l'idéal... » Ni moi d'ailleurs, finissais-je par penser, attrapant cependant ma main dans la sienne. J'avais chuchoté, mais en tournant la tête vers Camila, je remarquais qu'elle tentait de se relever, les larmes coulant sur ses joues. Putain... « Hey... » C'est tout ce que je trouvais bon à dire pour le coup. « L'hôpital m'a prévenu tout à l'heure et... ils m'ont rien dit sur ton état... ni celui du bébé » Et j'avais peur, je redoutais le pire. Mais je ne cherchais pas à la brusquer. J'avais juste peur de sa réaction en voyant Louison dans la pièce, puisque de toute évidence, le moment était particulièrement mal choisi pour une discussion entre les deux.

Cette odeur, je préfère encore l’odeur de mon vernis. C’est quoi ? De l’eau de javel arôme citron ? Ou c’est l’odeur du désespoir ? Trop tard en tout cas. J’y suis. J’entre avec un léger sourire, tentant de rapporter un rayon de soleil dans cette pièce frigorifiée. Pluton est stupéfait et ouais, c’est l’effet que je fais. J’apparais là où on m’attend le moins, surprise ! « Je ne reste pas longtemps du tout, je lui apportais juste ce qu’elle aime. Je vous laisse ensuite faire vos affaires. » Ce qui me fend le coeur, bien entendu, mais je me bats plus contre l’inévitable. Et je vérifie aussi qu’elle n’est pas aux portes de la mort. Vilaine curiosité. Puis le brun attrape ma main et qu’est-ce que c’est libérateur. Le stress qui m’a accompagné jusqu’ici retombe. Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Pluton va devoir jouer au gardien pour éviter que ça recommence ? Je veux bien m’en occuper moi. Je suis sûre qu’elle s’arrêtera très vite de se taillader en m’ayant sur le dos. Pourquoi ? Parce qu’elle tombera amoureuse de moi, logique. Sa vie pourrait devenir un océan de bonheur dans lequel elle barboterait à sa guise. Et ouais, si elle ne cesse de vouloir se buter, c’est parce qu’elle me veut, je l’ai vu au cimetière. Wow, je me fais de ces films, probablement la nervosité. Et puis rapidement, du mouvement attire mes prunelles. Camila remue dans son lit, elle se redresse sur ses bras sanguinolents et je sursaute en voyant ses grimaces déformer sa frimousse. Je lâche alors la main du Dunster, je contourne le pieu et j’ajuste l’oreiller derrière sa tête pour la mettre à l’aise. Je ne la touche pas pour autant hein, je voudrais pas qu’elle hurle ou qu’elle m’attrape à s’en faire sauter les points. Je reste également silencieuse, j’attends que Pluton crache quelques mots débiles et je recule. Je m’éloigne de l’espace vital de la brune pour faire un tour dans la chambre. « Apparemment elle respire, c’est déjà un bon point pour toi, pas pour elle à mon avis. » adressais-je à mon petit-ami tout en faisant volte-face pour aller me planter au pied du lit. Bah ouais, je pense pas qu’elle voulait forcément se réveiller moi. Enfin j’espère. J’espère que ce n’est pas un subterfuge morbide pour attirer l’attention et que ça émane vraiment d’une profonde souffrance. D’un truc qu’on arrive pas à expliquer et qui nous ronge de l’intérieur. Un truc qu’on traîne et qui pèse une tonne. Un truc qu’on ne peut pas se débarrasser parce qu’on ne l’a pas identifié. Et merde, elle pleure. Je plonge alors ma paluche dans ma besace et j’y sors un mouchoir pour le lui apporter « Si tu peux t’alimenter, je t’ai apporté quelques trucs beaucoup plus comestibles que la bouffe d’ici. » Je dois peut-être lui tamponner le visage non ? Elle a plus de poignets fonctionnels la jolie Queen suicidaire .. Quel gâchis. C’était quoi ces dizaines de lignes sur Instagram où elle disait avoir retrouvé qui elle était, qu’elle n’avait besoin de personne etc ? Oui je stalke, et alors ? « T’en fais pas, t’es toujours aussi belle, même momifiée » J'veux pas que tu pleures moi, j'veux un sourire, s'il te plaît. Si moi je ne t'en veux pas, alors ne t'en veux pas non plus.

camion ☾ i'm deathly scared of losing you
w/ camila wildingham  — Massachussetts General Hospital, Novembre 2018
Je voulais pas venir à la base, je voulais... juste savoir pour le bébé, ce qu'il en retournait. Bien sûr, l'état de Camila était toujours important pour moi et j'avais cru que son mec s'occuperait d'elle, qu'il la surveillerait suffisamment pour éviter que ce genre de choses ne se reproduisent. C'était la troisième tentative... et un jour, elle y arrivera, je le sais. Et ça me faisait mal putain... j'avais tellement mal de voir qu'elle, elle allait aussi mal. Je gardais cependant la face, Louison était là. Pourquoi ? J'en sais rien, sûrement se rassurer... mais se rassurer de quoi ? Camila vient de tenter de se suicider et vu l'état actuel des choses, je suppose qu'elle a envie de recommencer jusqu'à ce qu'elle y arrive. Elle s'était redressée, à l'aide de ses bras et ses poignets se remettaient à saigner de ce qu'on voyait sur les bandages. Ok, le coeur se resserre et je me sens pas bien. Ce qu'elle se faisait aux cuisses, elle l'avait fait sur les poignets et ça allait rester visible, pour le restant de sa vie... aussi longue que courte pouvait-elle être. Le pire dans tout ça, c'est que je ne savais pas pourquoi elle s'acharnait là dessus. Est-ce la maladie ou réellement sa volonté ? Est-ce que c'est ma faute tout ça ? L'année dernière, elle ne vivait pas tout ça alors... est-ce que c'est tomber amoureuse de moi qui l'a rendue aussi dépressive ? Est-ce qu'il arrivera la même à Louison ? Des questions que je me posais, qui me tiraillaient l'esprit et dont je n'avais aucune réponse. Camila commence à s'affoler, attrapant la main de Louison pour lui demander de mourir, lui demander de la tuer. « Non, non... Non ! » L'entendre parler comme ça, c'était dur, c'était difficile et forcément, je pensais à Jupiter, je pensais à Cassie... Je pensais à tous ceux qui ne se pensaient pas suffisamment fort pour supporter cet existence. « Tu vas avoir un bébé Camila. Un petit garçon. Tu... Tu vas apporter la vie dans ce monde, et il est supposé t'aider à surmonter tout ça, il va t'aider à aimer la vie, à vouloir vivre. Il sera ta raison de vivre » Et j'étais prêt à renoncer à mes droits si ça voulait dire qu'elle soit en vie.

J’sais pas ce que cette maladie peut exactement lui faire, j’souffre pas de la même (paie ton trouble borderline), mais ce que je sais, c’est que nos cerveaux ont des déséquilibres et tant qu’on ne les soigne pas, ça s’aggrave. Alors ouais, cette grossesse freine le processus. La Camila est désorganisée à mort et elle se taille les veines dès qu’elle regarde vers le passé, le futur ou simplement le présent. Elle doit se sentir happer par un vide vertigineux, mais ce vide, c’est surtout chimique. Enfin, j’espère pour elle. Tout est surmontable dans la vie. Certes, je ne connais pas exactement toutes ses mésaventures, mais se donner la mort c’est terrifiant quand même. C’est excessif, comme cette putain de maladie. Cette affection fait faire des trucs ‘excessifs’. Et je peux pas la sauver la Queen, personne le peut, sauf un suivi très rigoureux qu’elle doit probablement rejeter. Alors quoi ? Je vais pas tenter de lui dire des mots positifs, je vois bien qu’elle va les esquiver ou tous les renvoyer à grand coup de batte. Donc ouais, je récupère mon mouchoir et je la laisse se noyer. Souffre. Refuse nous. Gueule. Tout ce que tu veux. « Si tu voulais vraiment être morte, t’aurais réussi Camila. D’ailleurs, au lieu de trancher à l’horizontale, essaie la verticale, c’est irrécupérable normalement » J’crois que je suis la seule à pouvoir me permettre un tel discours, le reste sont des proches aimants qui n’oseront jamais la secouer, mais moi, non, je suis neutre, ou presque. Puis elle s’agite, faisant crier une machine reliée à son index. Ses doigts s’enroulent à mon poignet et je plonge mon regard démuni dans le sien. Non, pas démuni, mon regard impitoyable et glacial. Pas de pitié. Elle en veut pas, elle veut qu'on la considère et qu'on la prenne au sérieux. « J’ai déjà rêvé de te tuer, mais ça le rendrait malheureux et c’est pas ce que je veux. Comme il dit, tu portes la vie. Tiens encore quelques mois et on en reparle ok ? Je me porterai volontaire si tu veux, étant donné que tout le monde est trop égoïste pour t’écouter. » Je compte surtout pour qu’un traitement soit mis en place dès que le gosse sera expulsé, parce que je ne voudrais pas que le Pluton vive dans l’angoisse permanente, ni cet enfant. Bordel, le pauvre quoi. Sa mère serait vraiment capable de se vider de son sang à côté de lui ? Really Cami ? Je détache ensuite sa main tout doucement sans rompre notre contact visuel « Je sais que j'ai contribué à ta chute, ne crois pas que ça ne me travaille pas. Je suis désolée, je n'ai pas non plus choisi tout ça. Pardon Cami, pardon. Je te jure. Je m’en vais, mais ne fais plus ça. La prochaine fois que t'es en galère, appelle moi et on va errer entre les tombes, tu me dois toujours un rendez-vous en plus. » Tout le monde souffre dans la vie. Tout le monde. Je me serais bien passé de cette situation, mais c'est mon coeur, mon coeur aime ce petit brun et je veux juste qu'il soit le plus heureux du monde. Je veux pas le lâcher. Et voilà, les larmes aux yeux, je recule de quelques pas, prenant la direction de la porte pour m'éviter de souffrir davantage en les voyant tous les deux aussi proches. J'refuse de vivre dans l'obscurité, près de la mort, je refuse.