La soirée d’Halloween organisée par je ne sais qui au cimetière avait été plutôt bonne. Y’avait eu du drama en début de soirée mais… comme tout le temps, comme à toutes les soirées quoi. J’avais pas vraiment été surpris. J’avais pu me maquiller assez pour passer anonyme auprès de Céleste, j’avais pu voir ma soeur et passer un bout de la soirée avec elle, j’avais pu finir derrière un buisson à montrer à Agathe à quel point elle était sexy dans son costume gore. Bref, bonne soirée de manière générale. Mais le lendemain avait été plus difficile. Gueule de bois, grasse matinée jusque 13 heures, j’avais du passer l’aprem à bosser sur un article pour mon cours de journalisme et nous voilà ce soir, assis au comptoir du Lord Hobo. Ouais parce que je devais retrouver Ernesto après son taf pour qu’on discute de la mise en place de Noël au sein de la Winthrop House. Halloween avait pas mal fonctionné, mais j’pense que les gens étaient plutôt intéressés par Noël en fin de compte, alors on avait pas mal de projets à organiser. Du coup, j’étais crevé, mais j’tenais mes devoirs, donc j’attendais la fin de sa soirée de patron un verre devant moi, notant des trucs dans mon carnet concernant les évènements à venir sans trop me préoccuper de ce qui se passait autour de moi pour tout dire.

Halloween 2018, catastrophe du siècle. Au moins j’ai vécu un bon quart d’épouvante, première fois que j’ressens un peu de terreur dans toute ma vie d’ailleurs. L’instant était abominable. J’me suis sentie invisible aux yeux de Pluton. Pourtant, le soir-même, on se douchait tous les deux, s’avouant de nouveau nos sentiments, comme si rien ne s’était passé près des tombes. J’sais plus où j’en suis dans cette vie. Est-ce qu’on est encore ‘ensemble’ ? C’est étrange. Trop étrange. Alors ce soir, j’ai prétexté une sortie entre filles au bar du coin, mais j’suis seule, pas d’amies en vue. J’ai suffisamment pleuré sur leurs épaules, j’peux plus leur causer de cet homme qui chamboule ma vie. Objectif ? Me bourrer la tronche et noyer mes pensées sous des litres de vodka. J’me pointe alors au Lord Hobo. J’écrase ma cigarette sous ma semelle et j’pénètre fièrement dans le bar. La soirée ne fait que commencer, l’endroit est plutôt calme. Trop calme. Alors sur mon passage, j’attrape une serviette et je gueule « Et on fait tourner les serviettes !!! » Je me rapproche du comptoir, chantonnant toujours cet air du célébrissime et ringardissime Patrick Sébastien « Comme des petites girouettes » Les trois paumés installés me dévisagent. J’éclate de rire bruyamment et j'grimpe sur un tabouret près d’un mec qui s’est cru à la bibliothèque « Ici on boit, on ne travaille pas cher ami » Tu me déprimes là. Je referme alors un de tes bouquins empiétant dans mon espace et je relève mes prunelles vers ton visage. Et merde, t’es Elliot Maxwell ! Le beau roi des Winthrop. « Yo, j’peux finir ton verre the red king ? »

hj: t'es perfect kiss kiss

Je grifonnais des trucs dans mon carnet, des mots, des idées, des budgets à prévoir, des concepts d’animations. Tous ces trucs auxquels je pensais tout le temps, en tant que bon président. Enfin, bon… j’sais pas si c’est ce qu’ils pensaient, mais disons, dévoué. Parce que ouais, j’étais dévoué à cette maison. On avait été les champions l’année dernière, et ils tenaient tous à ce qu’on le reste — moi aussi j’y tenais d’ailleurs, mais venant d’eux à moi, disons que ça foutait davantage la pression, de bien faire, de réussir, de les amener au sommet. Sauf que je me faisais accoster en me faisant clairement comprendre qu’ici n’était pas le lieu pour travailler mais pour boire. Et c’est quand je me tourne vers toi que j’hausse un sourcil. Louison Charmberlain. Tiens tiens. "Qu’est-ce que tu fais là toi? Tu traînes pas plutôt au Drink d’habitude?" Bah ouais, le QG de ton plan cul/amant/amoureux/ami whatever. Tu réclames de finir mon verre en m’appelant "red king" et ça me fait un peu rire. Même si j’avoue, j’aime bien ce surnom, ça gonfle un peu mon égo. "Fais toi plaisir, c’est de la vodka." Je te tends mon verre pour te l’offrir et j’en commande donc un autre, toujours de la vodka. Il m’en fallait bien plus pour être bourré donc bon. "Comment tu vas? La Mather se porte bien ou t’as besoin de conseils?" que je dis dans un petit sourire amusé. Bah quoi? C’est toi qui m’a appelé le king.

On se rencontre enfin, sans élément perturbateur autour de nous. Voyons voir ce que vaut le Maxwell. Plutôt mignon, mais déjà pris, too bad, t’façon je me voyais pas m’envoyer en l’air ce soir, j’peux pas, j’fais un blocage. J’suis pas en couple, mais intérieurement, c’est tout comme j’crois. « J’ai été viré, ou quelque chose du genre » Quand le gérant est ton meilleur ami, ex-petit-ami et qu’en plus de ça, il est aussi tordu que toi, bah quand ça chauffe par texto, j’me fais renvoyer. Oh, un verre, presque fini, mais il reste encore un peu de liquide dedans. « Han, mon sauveur, je te revaudrais ça » J’attrape le verre et j’enfile ce qui reste au fond de ma gorge. « J’ai envie dire que ça pourrait aller mieux. La Mather va bien, ma tête moins » Je saaais, l’alcool n’arrangera rien. En fait si, ça arrangera tout. Ça va faire taire l’espèce de brouhaha inaudible qui tourne dans ma cabeza. Ton nouveau verre fraîchement servi, je l’arrache du comptoir. Merde, le serveur l'a rempli à rabord. Une goutte tombe sur un de tes carnets « Ooops » Et j’avale le contenu, jetant ma tronche en arrière et plissant les yeux au moment où j’ingurgite la vodka. « Désolée, j’en ai besoin je te jure » Je paierais, promis. Tapant le cul du shot sur le bar, j’pose mes coudes sur ce dernier et j’encadre mon visage entre mes mains, un long soupir s’échappant entre mes lèvres. « Tu dois connaître toute ma vie non ? Les rumeurs vont vite à Harvard.. » J'suis sûre que le drama du cimetière a déjà été relayé d'ailleurs.

« Ah. » Sorry, j’savais pas qu’il t’avait viré. « C’était pas le plus intelligent à faire. En même temps, il est pas connu pour ses capacités cognitives... » que j’ajoute en haussant vaguement les épaules. J’avais jamais vu Gremlins prendre des décisions très censées. Je t’offre la fin de mon verre à ta demande et tu le termines rapidement pendant que j’en commande un nouveau, jouant le prétentieux vis à vis de la Winthrop qui écrase la Mather depuis la rentrée. Bah quoi? J’suis fier de ma maison, de mes frères, autant que ça se sache. Tu te plains de ta tête et je lève les yeux au ciel. J’ai envie de te dire que tu pourrais arrêter de boire pour arranger ça, mais je déteste ce genre de personnes quand elles me disent des choses semblables. « Un ibuprofen demain matin et tu seras comme neuve. » J’parle d’expérience. Mon nouveau verre arrive et il disparaît aussitôt, pris d’assaut par ta petite main qui renverse maladroitement quelques gouttes sur mon carnet. « J’te pardonne t’inquiète. » que je lâche dans un petit sourire. T’es visiblement pompette alors je t’en tiens pas rigueur. Tu avales entièrement son contenu d’une traite. « Fais toi plaisir écoute. J’suis un gentleman, je tiendrai tes cheveux quand t’iras vomir dans quelques heures. » J’te taquine même si c’est la vérité. J’suis le genre de mec à m’occuper des gens en détresse, donc si t’as besoin de moi j’serai là pour te ramener chez toi saine et sauve par exemple. Tu reposes le verre sur le comptoir dans un claquement sec et je pose les yeux sur toi. « Si je me recommande un verre, j’aurais le droit de le boire celui-là? » Tu soupires ensuite, t’installant à mes côtés. Je hausse à nouveau les épaules. « J’ai entendu des choses. Mais entre les rumeurs et la vérité, y’a tout un monde. » J’étais bien placé pour le savoir, moi qui étais aussi souvent le sujet préféré des commères. « Tu peux me raconter la vérité en revanche, si tu veux. »T’as l’air d’avoir besoin de parler et moi, j’suis d’humeur généreuse ce soir alors c’est cadeau, prends mon épaule pour pleurer.

Détrompe-toi, j’crois que Liam a bien fait de m’envoyer bouler et m’éloigner du Drink. C’est mieux, la preuve, j’suis encore à traîner avec Pluton, il n'aurait pas pu digérer ça. Tu me fais rire toi, "ses capacités cognitives". C’est vrai qu’il ne réfléchit pas comme tout le monde, pourtant il serait « surdoué » J’aimerais voir le compte-rendu du psy qui a effectué le test. J’comprends pas. Bref, j’préfère laisser Liam quelque temps, c’est bien trop tendu entre nous, il ne mérite pas d’être au milieu de mes histoires d’amour chaotiques. Et en parlant de ça, j’ai soif, très soif. C’est l’anarchie dans ma tête, d’où mon besoin de consommer n’importe quelles substances me permettant d’oublier. « Je doute qu'un Ibuprofène me rafistole. J'peux plus être comme neuve, c’est trop tard, j’suis flinguée » J’vais t’épargner la crise de larmes en continuant de voler tes consommations, ne m’en veux pas. Ne m’en veux pas non plus pour ma maladresse. J’suis déjà défoncée, j’ai commencé par un bon pétard tout à l’heure. « Quel bon Winthrop que tu es, ça te permettra plutôt de loucher sur mon cul quand j’aurais la tête dans la cuvette non ? » Je claque ma langue sur le palais, petit regard te détaillant sur le côté. J’avale ensuite ton nouveau verre et je le fracasse contre le bois du comptoir. C’est du venin de serpent ou quoi ? « Ouais, excuse moi, commande en double plutôt » Je m’installe ensuite sur le tabouret plus haut que moi et j’amorce la discussion autour de ma petite personne. J’le savais. Ça piaille partout ici, trop de petits oiseaux, je les dégommerais bien au fusil de chasse. « Accroche ta ceinture Red King. J'vais essayer d'être synthétique. C’est compliqué. J’suis amoureuse du vice-président Dunster qui lui même est amoureux d’une autre femme, Camila. Ils sont même mariés et elle porte son enfant depuis fin août » J’pouffe de rire, parce que c’est juste un désastre cette situation dans laquelle je me retrouve. J’arrive plus à en pleurer, c’est n’importe quoi. « Il jongle entre nous deux. Il nous "aime" toutes les deux. Mais avec qui il a choisi de se marier et de fonder une famille ? C’est pas moi, pourtant je continue de m’accrocher, je ne veux pas le perdre et hier, Camila était plus ou moins en train de couper les ponts avec lui. J'y crois pas, ou peu. Ils vont être liés par un gosse, c’est pas possible qu’ils ne se croisent plus hein. J'sais que je n'ai pas ma place là-dedans, je ne l’aurais certainement jamais, j’serais toujours au second plan ou viré. J’fais pas le poids j’ai l’impression, j’me sens inférieure à ‘sa femme’. J'en peux plus. Je.. Je veux juste me réveiller sans la boule au ventre tu vois » Et j’sais déjà ce que tu vas me répondre.. Pars meuf, pars.

« Est-ce qu’on est pas un peu tous flingués? » T’es pas la seule tu sais. À être égratignée. Abîmée. Brisée. T’es pas la seule à perdre espoir, à douter, à cogiter des nuits entières. Tu vois, avant j’étais ce gars naïf qui pensait que tout allait bien, partout, pour tout le monde. Je riais des petits malheurs qui me touchaient. Mais quand t’as traversé ce que j’ai traversé, au final, tu prends conscience. Du malheur. Du mauvais karma. J’ai connu la douleur, la souffrance, et je sais maintenant que tout le monde ne va pas bien, même si c’est l’apparence qu’il donne. Parce que les apparences, je les connais aussi. Et en fait, quand tu apprends à connaître un peu les gens qui t’entourent, tu te rends compte que t’es loin d’être la seule flinguée et que finalement, tout le monde l’est à sa manière. Et j’te blâme pas de noyer ça dans l’alcool. J’considère que c’est mieux que la drogue, dont j’essaie de me défaire. « Ton cul m’intéresse pas, j’en ai un qui m’attend à la maison bien au chaud. J’suis vexé que tu vois les Winthrops de cette façon. » Je vais pour prendre une gorgée de mon verre mais tu t’en accapares à nouveau en le vidant d’une traite. J’le vois que t’es pas heureuse. Ça suinte de partout, c’est comme un gros virus qui te lâche pas. Je te laisse vider ton sac, raconter ton histoire. On dirait moi quand j’étais avec Cléo. J’racontais ma sale histoire à tout le monde pour avoir un avis, des conseils. Et on dirait moi quand Cléo m’avait lâché pour Hadès. Misérable. Et franchement? On se connaît pas tellement, mais ça me fait chier de te voir te tourmenter comme ça. « Louison Chamberlain! Ça suffit oui ou merde? Tu t’entends parler? Moi j’avais entendu des trucs sur toi, genre t’étais une badass, un petit bout de femme indépendante qui savait ce qu’elle voulait, qui savait se battre. Et quand j’te rencontre enfin en tête à tête, j’me rends compte que t’es une guimauve? Et attention, j’suis pas en train de te dire que tu devrais te battre pour lui. J’ai entendu ces histoires depuis longtemps, et j’le connais pas mais on dirait qu’il sait vraiment pas ce qu’il veut. S’il vous aime vraiment toutes les deux, ils est dans la merde. Mais vous avez pas à subir ça, ni elle ni toi. Donc soit tu restes la bonne poire à attendre dans l’ombre qu’on arrête de te considérer comme un second choix, soit tu te réveilles et tu t’affirmes. Marre d’être traités comme le second choix tout le temps. Tu vaux mieux que ça. » Tout le monde vaut mieux que ça. Le second choix, c’est vraiment une situation malsaine et dure à encaisser. J’le sais, pour l’avoir vécu plusieurs fois d’affilé et toujours m’être fait avoir. J’te connais pas, mais je souhaiterais ça à personne.

« Ça dépend qui, certains s’en sortent très bien, ou alors ils se persuadent que tout va bien » Comme Liam d’ailleurs. Rien ne semblait l’arrêter. Pour quelqu’un qui m’aime, il a su rebondir en un rien de temps. L’auto-persuasion n’est pas donnée à tout le monde. Moi les cicatrices commencent sérieusement à se superposer, je me demande parfois qui je deviens, qui je suis, qui j’étais. « Roooh, mais nan ! C’est juste que mon ex m’a parlé de toi, il m’a dit que tu t’étais tapée une meuf fiancée ou un truc du genre » Ouais, c’est lui qui ose te critiquer alors qu’il a flirté avec moi en étant encore marié. L’hôpital qui se fout de la charité hein ? Donne moi à boire coco. J’dois faire taire mes pensées, elles sont trop bruyantes. Enfin, ok, si tu préfères les entendre, je suis pas contre. Ça fait trop longtemps que je garde tout ça enfermé, de peur de saouler mes proches avec le cas Pluton. Combien de fois ils m'ont prévenu que les bras de ce type sont maléfiques.. Trop de fois. Et what ? Après mon speech quasi larmoyant où je m’écroule sur le bar, tu me gueules dessus comme un capitaine le ferait sur sa nouvelle recrue. Je me redresse alors sur mon tabouret, les yeux écarquillés et les muscles tout contractés. Je déglutis péniblement, t’écoutant me conter les rumeurs qui circulent à mon sujet. Je passe de l’expression joie à l’expression tristesse en un temps record. Bordel, c’est un inconnu qui me secoue et il sait grave s’y prendre. « Je sais Elliot, je sais très bien. Je te jure que j’ai commencé à me relever, je te jure ! » Et damn, j’peux pas m’empêcher de perdre une larmichette, mais je l'essuie automatiquement à l’instant où elle s’écoule de mon oeil. Et puis je me penche ensuite vers toi et j’enroule mes bras à ta taille, posant ma bouille sur ton épaule. « J’suis abonnée aux histoires qui finissent mal, j’en ai ma claque » soupirais-je en humant ton parfum, première fois que je le sniffe d’ailleurs, ça sent bon, c’est différent de tous les mecs que j’ai pu croiser en tout cas. J’aurais dû bosser dans la parfumerie moi, j’ai un bon pif. « C’est une fragrance typiquement Winthrop que tu portes ? » Je pouffe de rire et supprime ensuite mon étreinte pour regagner correctement mon siège. « Et j’suis pas une guimauve wesh, j’suis une dure à cuire qui s’est égaré sur l’autoroute de l’amour, nuance. Tseuh » Je pique ensuite une olive dans une petite soucoupe et pis je te l’envoie sur la tempe en explosant de rire « Ça te tente de faire un événement entre nos maisons un de ces quatre ? Notre alliance avec les Lowell n’est pas .. comment dire .. fructueuse ? En définitive, je m’ennuie, j’ai besoin d’organiser un truc de malade et tu me sembles être le bon cheval sur lequel miser »

Ouais, c’est juste de la persuasion. Du déni, en fait. J’connais bien ça moi. J’suis le roi du déni. J’passe 90% de ma vie dans le déni, à me dire que ça va, que telle situation n’est pas si terrible. Genre, mon addiction à la morphine. Ma relation avec Cléolya. Mon amour pour Meghan cet été. J’ai passé des jours et des nuits entières à me convaincre du contraire de la réalité. J’suis très fort à ce jeu. Mais ça reste du bullshit. C’est pas la vérité. Je roule des yeux à ta remarque. "Ouais." J’ai ni la force, ni l’envie de revenir sur ça. De te dire qu’elle était plus fiancée techniquement, qu’elle avait rompu ses fiançailles, qu’elle était malheureuse, que j’ai résisté à ses avances pendant des semaines en lui disant que c’était pas bien. Non, tout ce qui compte dans l’histoire, c’est que j’ai franchi le pas, et le seul fautif, c’est toujours moi bien sûr. Whatever, j’ai l’habitude d’avoir une sale réputation. Ça change rien. Personne pense aux sentiments que j’avais, à l’espoir que j’avais de construire une relation avec elle. Personne pense de mon côté en fait, personne ne me laisse le bénéfice du doute. Je m’enfile le verre que je viens de recommander et en commande deux autres. T’as vu? J’pense à toi dans ma détresse. Dans ta détresse. Parce que ton discours, il me donne envie de tout casser. J’ai l’impression de me retrouver y’a quelques mois, raide dingue de Cléolya alors que ses yeux vacillaient constamment entre Hadès et moi. J’ai l’impression de me voir à ce même bar, face à Hae-Seong, à pleurer sur mon sort sans rien faire pour y changer quoi que ce soit parce que ‘je l’aime, même si ça me détruit’. Du coup j’te fais la morale. On se connait pas vraiment mais j’pouvais pas rester sans rien dire. Tu laisses échapper une larme, me jurant que tu commences à te relever. "Menteuse. S’il t’appelait là, t’oses me dire que tu filerais pas dans un taxi le rejoindre?" Tu peux pas mentir, pas à moi, qui me suis déjà trouvé à ta place. Et là, contre toute attente, tu te lèves et viens te jeter contre moi, entourant ma taille de tes petits bras. Et moi… je passe mes bras autour de toi pour te serrer contre mon torse. J’sens que t’en as besoin. Qu’on te serre assez fort pour espérer recoller les morceaux. "Ça nous fait un point commun au moins…" Moi, j’peux pas m’empêcher de flipper pour ma relation avec Agathe. C’est pas possible que tout aille aussi bien, j’attends le retournement de situation avec méfiance. Tu fais une remarque sur mon parfum et ça m’arrache un petit sourire attendri. "J’te donnerai pas mon secret." De toi-même, tu romps l’étreinte en allant te rasseoir sur ton siège. Je secoue la tête. "T’es une guimauve." Que je répète. "Tu vas finir dans le ravin à rouler trop vite sans regarder devant toi, sur ton autoroute de l’amour." Ça passe mieux quand j’utilise ta métaphore? Tu m’assènes d’une olive dans la tête et je fronce les sourcils, mécontent. "Ça me va. J’en parlerai avec Ernesto d’abord bien sûr, mais les soirées Mather sont toujours cool, ça ne peut que être mieux si les rouges s’incrustent." Que je réplique dans un petit sourire satisfait. "On en reparlera okay? On a pas mal de trucs de prévu pour l’instant, c’était ce que je regardais avant que tu ne ruines mon carnet de vodka…" Sans rancune, t’inquiète.

Les plus belles rencontres, ce sont toujours les plus inattendues. Je ne me doutais pas qu’en entrant dans ce bar, j’allais tomber sur le Red King. Je me doutais pas qu’il allait me remonter les bretelles, me remettre en place, dans les rails. On se connait pas, mais c’est tout comme. C’est comme si tu pouvais déjà lire en moi, c’est perturbant bordel. « Si, je l’avoue. Et alors ? C’est mal ? Je dois le quitter pour toujours ? » Dis moi ce que je dois faire, appelle le et dis lui que tu te portes garant de moi chai pas. Sérieux, je peux pas l’oublier, le poison est dans mes veines, je m’y suis habituée, mon organisme vit avec. C’est pas toujours facile, parfois les effets se font violemment ressentir, mais j’y survis. Bon, ce soir c’est un peu plus douloureux que d’habitude. Je suis si chamboulée, que j’enlace un quasi-inconnu. J’suis grave. Ouais, il semblerait qu’on ait effectivement plusieurs points communs, c’est étrange. Parfois on passe à côté de personnes qui pourraient avoir une place monstre dans notre vie. Vas-y, tu me clashes gratuitement. On a le droit de faiblir parfois, un peu d’indulgence please. « T’es méchant. J’suis sûr que tu es sur ce même autoroute avec moi, sauf que je t’ai doublé, t’es trop un peureux » Tiens, mange l’olive pour la peine. Petite vengeance pour cette métaphore archi vraie, donc archi blessante. « Ça marche, on se tient au courant alors. Nous c’est plutôt calme. Les Mather se sont assagis, ils ont trop vieillis ouais » Je pouffe de rire et m’envoie un énième verre, j’ai arrêté de compter. La Winthrop a le vent en poupe, j’suis un peu jalouse pour le coup. Mais d’un autre côté, je suis éblouie. « En tout cas, félicitations pour ton sacre et tout ce que tu fais pour ta maison, j’admire. Agathe en a de la chance. » J’claque ma langue sur mon palais et puis je saute de mon tabouret. J’suis nomade, fuck la sédentarité. « J’vais continuer la fête ailleurs moi, partant ou non ? » Wow, je tiens difficilement debout, j’ris pour rien et je me raccroche à ton pull. « Le bateau y bouge beaaaaucoooup non ? »