Meghan ne m'avait pas vraiment à la bonne. J'avais un peu fait mon fanfaron lors de notre première rencontre et depuis je sentais rouquinette sur ses gardes. Pourtant entre mon adhésion à la quincy, mon inscription aux tigers, et cette espèce de tendresse fraternelle que je m'étonnais moi même de développer à l'égard du petit Sully, je n'avais pas donné à la jeune femme de raisons de me haïr. Alors peut-être qu'avec le temps... Sauf qu'une belle soeur qui regardait son beau f' en chien de faïence, c'était un peu bizarre. Rien que pour mon alibi et la crédibilité de mon histoire, je me devais d'avoir la désormais madame Wright à la bonne. Et visiblement, c'est notre esprit revanchard qui nous rapprochait. Cible commune : Colombe Perol. Peu d'éléments sur cette cabot,  Meghan s'était contentée d'une description peu flatteuse de la demoiselle. Moi j'allais enquêter sur le terrain. Elle ne me connaissait pas. Mon absence sur les réseaux sociaux pouvait me servir. J'allais profiter de cela comme d'un avantage. Je l'avais repéré après les cours,  suivis de loin alors qu'elle se rendait en soirée. J'entrai à sa suite dans le bar qu'elle avait rejoint et je profitais qu'elle soit seule pour aller directement l'aborder, armé d'un sourire charmeur. "Bonsoir, je m'appelle Liam Gremlins, je peux t'offrir un verre ? "

Accompagnée de quelques unes de mes copines, je me rendais à la soirée qui était organisée dans un bar à Boston. La nuit démarrait petit à petit du moins, la soirée. Les invités avaient l'air plutôt cool et je ne pouvais m'empêcher de sourire à de charmants inconnus. Mon but ce soir, être un minimum sociable et ne pas laisser mon caractère de merde prendre le dessus. J'avais bien besoin d'une soirée comme celle-ci afin d'oublier mes petits problèmes personnels. Le retour de Raphaël, de Louve, les cours, les examens, le divorce des parents... Absolument tout. Je voulais tout oublier et profiter de ma jeunesse, être une jeune femme on ne peut plus normale.
Je bouge au comptoir afin de commander une bière lorsqu'un jeune homme vient m'accoster. Je souris en pivotant dans sa direction, sourcils légèrement froncés. Je le dévisage de la tête aux pieds parce que son nom me dit quelque chose. Liam... Le colocataire de ma meilleure amie s'appelle comme ça ou en tout cas, ça y ressemble. Liam G... Quelque chose. J'en suis quasiment certaine. Bref, je finis par secouer la tête et esquiver de nouveau un sourire en lui tendant la main. Sois polie et gentille Colombe! Colombe Perol. Que je me présente comme pour accepter son invitation. Après tout, c'est juste un verre.

Peut-être que j'aurais opté pour un autre patronyme mais c'est celui du boss qui m'était venu en preums en tête. Il fallait croire que je pensais trop à lui. Sauf que la demoiselle tiqua sur le nom,  elle me détailla en parlant d'une amie qui serait la colocataire de mon patron. Sauf que comme elle ne semblait pas sur d'elle, je ne me laissais pas abattre et je repris : "c'est vrai ? Le monde est petit ca alors." Ne perdant pas mon sourire j'enchaînais : "En tout cas c'est bien dommage que nous n'ayons pas encore eu l'occasion de nous connaître." Yeux baladeurs, dévorant la brune, je poursuivis : "Mais on va remédier à ça. " Ma main saisit doucement la sienne, la portant alors à mes lèvres pour un baise main, old school total mais qui faisait plus galant qu'une poignée de main lambda. "Ravi de te rencontrer Colombe. " Elle n'avait rien d'un petit oiseau sans défense. Je sentais que ma proie de la soirée allait être dure à atteindre. "Tu veux boire quoi dis moi ? "

Après tout, je n'ai jamais rencontré ce Liam. Et puis, y a un tas de gens dans le coin alors, autant vous dire que si deux personnes se nommaient de ma même façon, ça ne m'étonnerait pas plus que ça. Comme je l'ai dit, je suis là pour faire des rencontres telle une étudiante on ne peut plus normale alors, je ne vais pas commencer à chercher des noises au premier venu. Surtout qu'il souhaite m'offrir un verre. Ses yeux détaillent ma silhouette de haut en bas mais, je fais comme si je ne l'avais pas remarqué et à la place, je me présente. Il saisit ma main, dépose un baiser sur la paume et j'esquive un léger sourire. Enchantée de faire ta connaissance. Il me demande ce que je veux boire et je prends quelques secondes pour réfléchir. J'hésite. Qu'est-ce que tu aurais à me conseiller? Peut-être une bière pour commencer. J'hausse légèrement les épaules en m'accoudant contre le comptoir.

Mon regard était surement un peu trop inquisiteur, mais la brune ne s’en formalisa pas. Fallait croire qu’elle avait l’habitude d’être reluquée. Vu l’image qu’avait Meghan de Colombe, j’avais eu tendance à l’enlaidir dans mon esprit. Elle avait plutôt pas mal de charme, et une certaine assurance. Ca ne faisait d’elle qu’une ennemie plus redoutable. Baise main de circonstances qui lui soutira un sourire, et je lui demandais donc ce qu’elle désirait boire. Bière ? J’haussais les sourcils. « Je m’étais pas attendu à ce que tu sois une si petite joueuse… » lançai-je taquin. Allons, on savait tous que si je voulais obtenir du lourd, l’alcool m’aiderait. Au mieux, ça pouvait la pousser à avoir une attitude inadaptée, un comportement que je pourrais immortaliser en la filmant ou en la photographiant, soit l’alcool lui délierait la langue et j’allais pouvoir, j’espère, découvrir quelques unes de ses faiblesses. Donc joueur, défiant, je suggérais un autre style de commande : « Je nous commande des shooters chiche ? Ou tu préfères une tisane peut être ? »

Finalement, peut-être que cette soirée peut être meilleure qu’elle ne l’est déjà. Peut-être que ce type va pouvoir m’aider à passer le temps. Il a l’air sympa première vue et j’ai besoin de me comporter comme une jeune femme simple et sociable. J’hésite sur la commande, je propose une bière pour commencer doucement. Évidemment, il me regarde d’un air étonné et en conclue que je suis une petite joueuse. Je lève les yeux au ciel. C’est juste que je ne tiens pas vraiment l’alcool moi alors, autant faire attention à ce que je bois. A la place, il propose des shooters. Des shooters ou une tisane. Bon le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne prend pas de gants le type. Je fais semblant de réfléchir un instant. Je finis par appeler le barman moi-même. Tu peux nous mettre un mètre de... rhum génépi s’te plaît. J’en commandais souvent, quand j’étais encore en France. A l’époque où je tenais encore l’alcool ou plutôt, à l’époque où j’en avais rien à faire de tenir ou non l’alcool. Ça devrait lui convenir. C’est plus fort que la bière.

Regard de défi envers la brune, je m'étais volontairement fait provocateur dans ma question. C'était calculé. Je la voulais ivre et perdant le contrôle pour obtenir du compromettant, que ce soit dans ses mots ou dans ses actions. C'est finalement Colombe qui interpella le barman et passa commande. Mon sourire s'élargit en l'entendant. "J'aime mieux ça." Mon plan reposait un peu sur son alcoolémie donc le rhum était mon ami ce soir. Alors que l'employé derrière le comptoir préparait notre commande, je demandai à mon interlocutrice : "c'est quoi ton truc ? Ça vient d'où ? " Un peu méfiant d'un coup. Ça serait bête que ça soit elle qui me couche après quelques shooters... Peut-être qu'elle cachait bien son jeu. Le serveur posa le mètre devant nous et je réglai la note. Tournant ensuite de nouveau le visage vers la demoiselle,  avec un petit mouvement de menton dans sa direction, je repris : "Aux dames l'honneur. Je te laisse le privilège."

Il me prend pour une petite joueuse. Je n'ai pas envie de passer pour la petite princesse coincée que je ne suis pas. J'ai envie de faire de nouvelles rencontres et il parait que l'alcool aide pas mal. Soit, j'interpelle le barman pour pouvoir passer commande. Ça a l'air de plaire à Liam. Les verres arrivent assez rapidement et il regarde son shooter d'un air assez méfiant. Moi forcément, ça me fait rire. De France. T'inquiètes pas, c'est pas si dégueulasse que ça en a l'air. Je lui adresse un clin d'œil avant d'attraper un verre. Il paye la note et je ne dis rien. Je payerai surement la prochaine tournée. Bref, je lève mon verre avant de le boire cul sec. Evidemment, je ne peux m'empêcher de grimacer légèrement lorsque le liquide glisse le long de ma gorge. A ton tour.

Ca aurait pu être pire. La demoiselle aurait pu choisir la vodka, et là, j’aurais vomi avant la fin du mètre de shoot. C’était français, et mon expression amusa Colombe, qui m’assura que ce n’était pas si dégueu. « Les français sont les rois de la gastronomie normalement. » Peut être même que j’allais apprécier les saveurs de cette liqueur frenchie. Et puis le but était surtout et avant tout d’enivrer la belle. D’ailleurs, honneur aux dames, la miss fit son cul sec, en grimaçant. Rire moqueur de ma part. Ouais marrons nous, dans une minute je ferais surement la même tête. Je saisis un verre, me l’enquillai d’une traite et tâchai de rester stoïque en sentant mon œsophage me brûler sous le feu de l’alcool. « Pas si dégueu. Hum… » Grand sourire pour sauver les apparences. « Le premier qui finit le mètre à gagner ? » Gagner quoi ? Osef. Je voulais juste la pousser à enchainer les cul secs.

Il semble septique et je le rassure comme je peux. D'ailleurs, je prends même le premier cul sec pour lui montrer que non, c'est pas si dégueu. C'est même plutôt bon. Je lui explique que c'est français et sa remarque me fait sourire. Ouais, c'est ce qu'on dit. Je ne vais pas critiquer mes origines. Bon après, je ne suis pas la reine des fourneaux pour ma part. Je suis même plutôt mauvaise lorsqu'il s'agit de me nourrir par moi-même. Bref, je termine mon verre et il en fait de même. En grimaçant un peu moins. Sans doute parce qu'il s'est foutu de ma gueule quelques minutes auparavant. Il me propose un jeu et j'interroge du regard en haussant légèrement un sourcil. Ton but c'est d'apprendre à me connaître ou de devoir me ramener ivre morte chez moi ? Parce qu'à ce train là, je risque pas de te dire grand chose tu sais. Je l'informe juste. Et puis, ça me permet aussi de le faire réfléchir et de commencer à boire alors qu'il ne s'y attend pas. Je suis la reine de la manipulatrice et du détournement d'attention. Au cas où il ne l'aurait pas remarqué, c'est confirmé dès à présent.