De retour en ville après un été où j’avais carrément profité de cette liberté fragile qui ne durait qu’un temps, je revenais doucement à mes occupations. Les cours avaient repris, je retrouvais mon boulot le soir derrière le bar et j’avais à peine le temps pour m’occuper un peu de moi. Pourtant aujourd’hui il faisait si beau que je m’accordais une pause en sortant des cours.

J’étais passés dans ma chambre juste le temps de poser mes affaires et d’enfiler un short, un débardeur pour aller courir un peu et j’étais parti pour une petite heure. Je ne prenais plus le temps de courir autant qu’avant, du coup j’en profitais d’avantage à chaque fois que je prenais le temps de le faire.

En commençant par des foulées de petite amplitude j’échauffais mon corps avant de trouver un rythme plus soutenu que je tiendrais la prochaine demi-heure. Le soleil de l’après-midi avait terminé son ascension et redescendait doucement en laissant ses rayons caresser ma peau à chacun de mes pas.

J’éprouvais une sensation de plénitude, comme si rien autour de moi ne pouvait m’affecter, enfin c’est ce que je croyais jusqu’à ce que je vois ce cycliste totalement fou perdre le contrôle de son deux roue. Il arrivait à toute blinde en face de moi, et à cette distance je voyais bien qu’il fonçait droit sur cette fille qui ne verrait pas ce qui lui arrivait dans le dos.

- Attention !

Sans réfléchir plus longtemps j’accélérais le pas sur elle pour éviter à la jeune femme de finir paraplégique, il n’y avait pas besoin d’être anthropologue pour déterminer qu’à cette vitesse, un choc de cette ampleur risquerait de paralyser la joggeuse, sans parler des séquelles que s’infligerait le cycliste en passant par-dessus le vélo.

J’attrapais le bras de l’inconnue en face de moi pour la tirer contre moi. J’avais eu juste le temps de la happer contre moi que l’homme au vélo se retrouvait déjà sur nous. Le choc fut telle que je me retrouvais projetée en arrière, et c’est mes fesses dont je n’aurais jamais cru un jour apprécier le rembourrage qui amortissait la chute.

Le vélo était au sol, un peu plus loin, et j’apercevais son conducteur titubant, essayer de se relever et s’échapper sans demander son reste. Je soupirais, en temps normal j’aurais couru après lui pour qu’il assume son geste, mais pour l’heure je crois que j’avais plus important à m’occuper que cet ivrogne sans état d’âme.

- Hey, ça va aller ?

Tout c’était passé tellement vite, j’avais réagi instinctivement en essayant de protéger cette fille que je ne connaissais pas. Je pestais intérieurement contre celui qui avait fait ça, et pourtant je ne pouvais que m’attendrir sur le visage d’ange de celle qui s’évanouissait pratiquement dans mes bras.

Elle se plaignait de sa cheville, c’était la seule chose qu’elle était arrivée à me faire partager avant que ses paupières ne se ferme. J’essayais de l’allonger sur le sol dans une position aussi convenable que me le permettait notre environnement. Je regrettais de ne pas avoir une veste ou quoi que ce soit à lui glisser sous la tête, j’appuyais seulement celle-ci contre une racine de ce gros arbre, enfoui sous une végétation naissante.

- Ne t’inquiète pas, je vais rester avec toi !

Je caressais son visage en faisant passer une mèche de cheveux sur le côté en continuant de la dévisager. Elle était vraiment belle, et j’en oubliais presque cet évènement qui venait de se produire. Je lui retirais sa chaussure pour mettre sa cheville à nu, je ne pourrais certainement rien faire pour la soulager, mais je voulais m’assurer que ça n’était pas trop grave.

Je sortais le téléphone portable que je gardais dans la poche pour contacter le service d’urgence le plus proche. J’expliquais la situation en demandant qu’on nous envoie quelqu’un au parc. Je ne pourrais pas porter la belle inconnue toute seule, et je ne savais même pas si j’avais le droit de la déplacer.

- Dépêchez-vous, elle est inconsciente.

On me rassurait rapidement au téléphone avant que je ne raccroche. Je rangeais ce dernier pour m’agenouiller vers la jeune femme. Je restais à proximité, mon visage près du sien, j’espérais qu’elle rouvre bientôt les yeux, en réalité j’avais hâte d’en découvrir la couleur d’une façon plus détaillée.

- Les secours sont en route, on va s’occuper de toi.

A aucun instant je n’avais quitté la belle inconnue des yeux. J’étais resté près d’elle à lui parler doucement en lui disant que les secours arrivaient. J’aurais dû les laisser l’emmener, après tout quel droit j’avais de partir avec elle dans cette ambulance ? Pourtant quand on me demandait si j’étais de la famille j’acquiesçais de la tête pour grimper et la suivre jusqu’à l’hôpital.

Il fallait laisser de l’espace aux urgentistes, chacun essayait de positionner l’inconnue d’une façon à la soulager, moi j’étais spectatrice, à la fois bête et muette, incapable de répondre aux questions qu’ils me posaient. Son prénom, ses antécédents médicaux … qu’est ce que j’en savais moi ? Pourquoi j’avais dit que je faisais partie de la famille.

Tout se passait si vite, on l’emmenait sur un brancard dès que l’ambulance arrivait, on m’expliquait que ça n’était rien de grave, qu’elle reprendrait vite conscience, et que je devais m’occuper d’abord de ce qui était administratif. Je soupirais, en regardant ce petit sac que j’avais dans la main, je l’avais ramassé près d’elle, c’était certainement ses papiers.

C’est avec ça que je remplissais le dossier, ma belle inconnue s’appelait Leïla Caulfield, elle n’habitait pas loin. J’avais sa taille, son poids, ses mensurations, nan ça n’était pas écrit. Je rougissais en découvrant son intimité sur le coin austère d’un papier officiel. Pourquoi je pensais à ses mensurations ? Il fallait vraiment que je me ressaisisse.

A l’accueil je disais que j’étais son amie, pour ne pas qu’on me demande de chose trop embarrassante sur son passé. Quand j’avais répondu à ce que je pouvais, on me laissait retourner dans la chambre près d’elle. Il y avait une infirmière qui m’expliquait qu’elle devait simplement se reposer, et qu’elle sortirait rapidement après qu’on ait examiné sa cheville au réveil.

On lui avait retiré son leggins qui avait été un peu abimé par le choc, sa jambe nue était légèrement surélevée par un atèle pendu au lit sur lequel était posé un pantalon blanc d’hôpital. Je m’étais assise sur le lit, en me demandant la réaction que j’aurais si une inconnue se trouvait là à mon réveil.

Avec deux doigts je caressais doucement le dos de sa main, je dévisageais la belle endormie avec une certaine tendresse. J’aurais aimé qu’elle revienne à elle rapidement, j’avais envie de connaitre celle Leïla, et comprendre pourquoi j’étais comme magnétiser par sa présence tout entière même lorsqu’elle restait endormie.

C’est comme ça qu’avait lieu notre premier vrai contact, si on fait abstraction de mon intervention de tout à l’heure pour lui faire éviter le cycliste. Elle revenait à elle et mon sourire grandissait à mesure que ses yeux s’ouvraient. Quand je l’entendais me questionner sur mon identité, j’en avais presque oublié que je n’avais pas vraiment le droit d’être ici.

- Hey, tu reviens à toi … ça va ?

Est-ce qu’elle se souvenait de ce qui s’était passé ou pas ? Dans tous les cas la belle inconnue ne semblait pas hurler à la sécurité de l’hôpital pour qu’on me sorte de la chambre. Je ne bougeais même pas, et restais assise sur son lit, prêt d’elle, comme si c’était parfaitement normal que je m’y trouve.

- Je suis la fille qui t’a sauté dessus pendant ton jogging, et qui t’as suivi jusqu’ici.

Dit comme ça, ça faisait peut-être un peu psychopathe, et aux vues de la situation, peut être que j’en étais une finalement ? Je continuais pourtant de lui sourire, en attendant qu’elle arrive à reconnecter comme il faut chaque fil de ses souvenirs. Je posais ma main sur la sienne, pour lui faire comprendre que je l’avais veillée pendant qu’elle était inconsciente.

Il y aura surement des infirmières qui arriveront quand elles sauront que mademoiselle est réveillée, pourtant je voulais juste rester encore un peu avec elle pendant que nous étions seules. Est-ce qu’elle pouvait bouger sa jambe ? Dans un sens j’espérais qu’elle reste encore un peu convalescente pour avoir une raison de rester encore un peu à la regarder.

- Je m’appelle Vainilla , et si une infirmière te demande … on est sœur.

Après avoir essayé de veiller sur l’état de la jolie blonde rencontrée de façon si brutale au parc, j’avais attendu patiemment qu’elle revienne à elle. J’étais heureuse de pouvoir parler avec cette fille qui m’intriguait, et en même temps un peu anxieuse de voir sa réaction. Après tout, comme je le disais, je lui avais littéralement sauté dessus.

Elle m’expliquait qu’elle avait encore mal à la cheville pendant qu’on se présentait de façon plus formelle. Qu’est ce qu’elle se rappelait ? Dans le doute je lui avouais le subterfuge utilisé pour rester auprès d’elle. Je m’étais fait passer pour sa sœur, ce qui semblait la gêner quand elle me demandait de ne plus mentir aux infirmières.

- Une personne proche, ça me va ! Dans tous les sens du terme.

Je lui faisais remarqué la proximité qu’il y avait entre nous en me relevant de son matelas pour resté debout à côté d’elle. J’observais sa cheville en essayant de la caresser avec un doigt, tentant de voir si ça faisait mal où frissonner ma camarade.

- Ça fait mal quand je passe un doigt là ?

J’espérais que la douleur s’estomperait, mais d’un autre côté j’étais bien ici avec elle. Si ça allait mieux elle sortirait, et si elle sortait, je ne la reverrais peut-être plus ? Il n’y avait que nous dans la pièce pour l’instant, le personnel médical ayant abandonné la chambre depuis plusieurs dizaines de minutes après avoir examiné Leila.

- Ils ont dit qu’il fallait que tu te reposes un peu, mais que ça n’était rien de grave.

Un soupir s’échappait d’entre mes lèvres avant que je ne balaye l’horizon du regard. Il y avait une chaise dans un coin, et je l’approchais du lit pour venir la placer à côté de Leila. Je m’essayais sur la chaise, ma tête à peu près au niveau du corps surélevé de la blonde sur le lit médicalisé. J’avais des yeux bercé d’une tendresse que j’avais du mal à m’expliquer en la regardant.

- C’est moi qui t’ai retiré ton pantalon, j’espère que tu m’en veux pas. Je me suis fait du soucis tu sais. Tu es vraiment toute seule en ville ?