Il ne t’a pas fallu longtemps cette fois-ci pour prendre une décision. Moins d’une heure après ton échange de sms avec Sullivan, tu t’installes au volant de ta voiture, direction la Dunster House. Ça te troue le cul de le reconnaître mais il a entièrement raison. T’es juste un con. Un con à la fierté si énorme qu’il préfère se cacher derrière un prétexte bidon pour faire la gueule à une fille qui est juste amoureuse de lui. Tu te repasses encore dans ta tête son message clair comme de l’eau de roche « il faudrait être aveugle pour ne pas voir que je suis amoureuse de toi ». T’es pas aveugle non, tu fais juste l’autruche. T’es toujours pas à l’aise avec… ça. Tu doutes de l’être un jour en fait mais est-ce vraiment si important ? Ça ne t’empêche pas d’être avec elle. Le seul obstacle entre vous c’est ton ego meurtri par ses tentatives désespérées de t’arracher quelques mots gentils. T’étais tellement obnubilé par ton indépendance que tu ne te rendais pas compte du mal que tu étais en train de lui faire. Trop occupé par ta petite personne et tous tes autres problèmes pour réaliser qu’elle avait juste « besoin d'être rassurée ». Idiot. Abruti, pour reprendre ses termes. Et si tu ne l’avais pas tant été, tu ne serais pas là à toquer à sa porte en priant pour qu’elle soit dans sa chambre. Elle apparaît au bout de quelques secondes, les yeux rouges écarquillés de surprise. « T’as tort. Je tiens vraiment à toi. Et tu me manques. »

@Marla Witherspoon

Je regrettais tellement d'avoir bu la veille. Envoyer des sms à Philip avait été une stupide erreur, aggravant définitivement notre relation au point de l'arrêter complètement. L'alcool m'avait donné un mal de tête horrible et mes larmes qui ne voulaient plus s'arrêter de couler n'aidaient en rien mon rétablissement. Pourquoi j'étais aussi faible ? Aussi conne surtout. Je me détestais à cet instant, me demandant même si je ne devrais pas quitter la Dunster House pour ne pas avoir à croiser le Winthrop. C'était surement le moment pour moi de redevenir l’étudiante invisible que j'avais été jusqu'ici. So dramatique diront certains, mais je me demandais vraiment comment j'allais pouvoir oublier Philip. Mes sentiments à son égard étaient si forts, je ne voulais même pas m'imaginer avec quelqu'un d'autres dans les mois à venir. C'était impossible. Pour calmer mes crises de larmes, j'essayais de faire tout un tas de choses, comme ranger tout ce que j'avais autour de moi, commencer à lire mes livres de cours.. Mais, mes pensées étaient incapables de changer de cap. Dans un dernier soupir, je me laissais tomber sur mon lit, m'assoupissant en plein milieu de l'après-midi. Quarante minutes plus tard, j'étais totalement déboussolée, mais au moins, je ne pleurais plus. Je peinais à réaliser que tout était fini, que nous n'avions même plus ce flou pour nous rattacher. Je sentais comme un vide, un manque qui se traduisait par un ennui profond. Lui qui avait fait pétiller ma vie ces derniers mois venez de tout reprendre. Mes larmes menacent à nouveau, mais la présence de quelqu'un derrière ma porte me tire de mes pensées. Je me lève aussitôt pour ouvrir et... la surprise s'invite aussitôt sur mon visage. Mes yeux écarquillés, la bouche entrouverte, je regarde Philip sans rien comprendre. « T’as tort. Je tiens vraiment à toi. Et tu me manques. » Je ne comprenais pas se revirement de situation et il me fallait quelques secondes pour assimiler ses quelques mots. T’as tort. Je tiens vraiment à toi. Et tu me manques. Mes lèvres tremblantes sont incapables de répondre tant mes émotions sont trop fortes. Les larmes se mettent à couleur à nouveau, aussi vite que mon cœur est en train de me réveiller avec son battement affolant. Je ne perds pas plus de temps pour sauter à son cou, littéralement. Pendu à lui, je le serrais fort enfouissant mon visage contre lui, respirant son odeur à plein poumon. Je pleurais de joie, de fatigue et de je ne sais quoi. On avait une grande discussion qui nous attendait, mais là, je voulais juste le serrais fort et tourner encore et encore les mots qu'il venait de prononcer à l'instant. « Tu me manques aussi, ne me laisse pas tomber ».

Dans le fond, tous ces sms avec Marla et Sullivan n’avaient rien de révélateur. Tu connais depuis des mois les sentiments de la Dunster à ton égard, et si tu n’arrives toujours pas à les accepter, tu arrives désormais à vivre avec. Ils ont été une barrière majeure dans les débuts de votre relation mais cela fait un moment maintenant que tu as réussi à passer outre ton appréhension naturelle, depuis que tu lui as demandé cette seconde chance. Croire qu’elle avait changé, qu’elle t’avait oublié, c’était simplement plus facile que d’admettre que c’est toi qui l’oubliais. Rejeter la faute sur elle plutôt que de reconnaître tes propres erreurs, plutôt que de montrer des signes de faiblesse en lui donnant un peu de ce qu’elle attendait de toi. Ce que tu réalises, une nouvelle fois mais avec encore plus de puissance que précédemment, c’est que tu ne veux pas que vos chemins se séparent. Et tu arrives enfin à le lui dire en face, dans les yeux. Ces yeux gonflés et rougis par les larmes qu’elle a versées par ta faute, tu ne te fais aucune illusion dessus. T’as un sentiment de culpabilité qui t’assaille instantanément, d’autant plus fort que tu te rappelles de cette promesse que tu t’étais faite après le Spring Break de ne plus la blesser. Pendant que tu essayes de gérer cet état inconfortable, tu la vois lutter elle contre d’autres émotions encore plus violentes. En vain. Un torrent inonde son visage en quelques secondes et elle fonce sur toi sans crier gare. Elle ne t’a jamais serré aussi fort dans ses bras frêles, comme si elle avait peur que tu disparaisses d’un instant à l’autre comme par magie. Mais tu ne t’en plains pas au contraire, t’es profondément heureux de pouvoir la sentir contre toi, d’avoir ses cheveux de feu envahir ta vision, de respirer son parfum floral comme tu te nourris de l’oxygène. Chacun des tremblements de son corps est une décharge de plaisir directe dans ton esprit. « Tu me manques aussi, ne me laisse pas tomber »  arrive-t-elle à articuler entre deux sanglots. T’as un petit sourire triste qu’elle ne peut pas voir et tu déposes un baiser protecteur sur le sommet de son crâne avant de lui répondre. « Je ne te laisserai pas tomber. Je suis désolé. »  Vous restez un long moment ainsi, enlacés debout dans l’embrasure de la porte, tes mains caressant ses cheveux et son dos jusqu’à ce qu’elle se calme et que ses pleurs s’estompent. Elle finit par se détacher, te laissant une chemise trempée dont tu n’as que faire. « Viens »  lui dis-tu en attrapant sa main pour l’emmener jusqu’à son lit, refermant la porte derrière vous. Assis près d’elle, tu fais lentement glisser ton pouce sur son visage pour y essuyer les dernières traces de larme salée. Tu lui adresses un sourire tendre en réponse à sa gêne évidente et te penches doucement vers elle pour réunir vos lèvres trop longtemps séparées.

Je n'en croyais pas mes yeux. Ni mes oreilles. Peut-être que je ne m'étais pas réveillé de ma sieste et que c'était un rêve dont j'allais brutalement émerger. Philip venait de frapper à ma porte et ses paroles venaient de m’assommer complètement. Jamais Ô grand jamais, je n'aurais imaginé que de tels propos ne sortent de sa bouche si vite. Je pensais devoir attendre encore de long mois jusqu'à ce qu'on soit en train de rompre par sms. D'ailleurs... Comment se faisait-il qu'il était là ? Qu'était-il arrivé pour qu'il vienne jusqu'à ma porte ? Je n'avais pas les réponses, mais sur le coup, je m'en fichais. J'étais tellement heureuse de le voir, de savoir qu'il avait fait le déplacement et surtout, enfin, de savoir ce qu'il avait réellement sur le cœur. À cet instant précis, sans qu'il ait à en dire d'avantage, je comprenais que Philip était en train de se faire avoir à petit feu. Il était en train, doucement, très doucement, de s'attacher. N'est-ce pas ? Cela valait tous les silences du monde. Dans une pulsion des plus spontanée, je venais lui sauter au cou, le serrant très fort dans mes bras pour être certaine qu'il ne m'échappe plus. Mes larmes coulaient à flots, j'étais en train de laisser évacuer toute la pression de ces dernières heures et j'étais bien heureuse que ça se passe dans ses bras. Entre quelques sanglots, je trouvais la force de lui répondre bien qu'il me soit incapable de le regarder. Tout me paraissait irréel. Ses propos, sa présence, ses gestes. Son baiser sur ma tête ou encore, ses mains qui effectuaient des caresses réconfortantes. Qu'avait-il fait du Philip qui était en train de me "quitter" par sms ? « Je ne te laisserai pas tomber. Je suis désolé. » Depuis quand Philip disait ces mots ? Autant il avait réussi à se faire détester, autant, il était en train de me faire tomber encore plus amoureuse de lui. « Je le suis aussi.. » Parce que, moi aussi, j'avais agi avec stupidité. Je restais ainsi pendant des longues minutes, dans ses bras et mes maux s’apaisaient petit à petit. Je restais dans ses bras, même quand je reculais un petit peu pour croiser enfin son regard. J'étais gênée par mes émotions et par la situation. « Viens » Il refermait la porte pour qu'il n'y ait plus que nous et il m'attirait sur mon lit. Je ne savais pas comment on pouvait amener la discussion, pour le moment, même si elle était essentielle, je préférais profiter de l'instant. Ses pouces venaient essuyer mes joues qui elles-mêmes étaient en train de se colorer pour ce simple geste. Quelques secondes plus tard, le voilà qu'il brisait toute distance pour venir m'embrasser tendrement. En moi, c'était le feu d'artifice des sentiments. Je ne manquais pas de lui rendre son baiser, me redressant finalement pour venir m'asseoir à califourchon sur ses genoux et l'embrasser à nouveau. Mes bras entouraient ses épaules, à croire que je ne voulais plus le quitter ne serait-ce qu'une minute de plus. Mon front contre le sien, les yeux clos, je reprenais ma respiration. « Pourquoi faut-il toujours qu'on se fasse du mal ? » chuchotais-je en ayant mal juste en y pensant. Il n'y avait pas tellement de réponse à cette question. Ça venait simplement de nous et de nos personnalités trop différentes. « Je ne veux pas être sans toi. Je ne veux être avec personne d'autre que toi ».

À la voir ainsi pleurer devant toi, pour toi, à cause de toi, te fait durement réaliser que t’as agi comme un con avec elle. Un con qui a eu peur, une nouvelle fois, qu’elle n’attende de toi plus que ce que tu es prêt à lui donner. Un con qui a préféré fuir et s’enfermer dans sa tour d’ivoire new yorkaise plutôt que de lui accorder le minimum d’attention qu’elle méritait de ta part. Un con qui a vu son ego blessé lorsqu’il a réalisé qu’elle ne l’attendrait pas pour toujours. Et ça te fait vraiment mal de repenser à tout ça, de voir que le monde ne tourne pas comme tu voudrais qu’il tourne, et surtout, qu’il ne tourne pas autour de toi, même pour Marla. Tu lui présentes tes excuses, aussi sincères que pénibles à formuler. Tu n’es pas habitué à cet exercice désagréable, rares sont ceux qui le mérite à tes yeux mais elle en fait partie. « Je le suis aussi.. » Tu repenses aux mots de Sullivan, à sa maladresse dans sa tentative désespérée d’attirer ton attention. Tu ne pourrais plus te regarder dans un miroir si tu restais bloqué sur cette histoire étant donné toutes les erreurs que tu as commises avec elle par le passé. Finalement vous vous retrouvez, dans un contact infiniment intime et libérateur après ce que vous venez de vivre. Pas un instant elle ne laisse un espace s’insinuer entre vous, comme si elle voulait fusionner vos deux corps pour ne faire plus qu’un. Sentir son arôme s’infiltrer dans ton corps te procure un plaisir indicible. Ce n’est que pour reprendre son souffle qu’elle se recule à peine. « Pourquoi faut-il toujours qu'on se fasse du mal ? » Tu n’as pas de réponse à lui apporter. Tu sais juste que tu ne veux plus que cela arrive. « Je ne veux pas être sans toi. Je ne veux être avec personne d'autre que toi ». Là où quelques mois plus tôt ces phrases t’auraient fait bondir aussi sec hors de la pièce, les entendre en cet instant te rassurent plus qu’autre chose. Rien n’a changé et tu raccroches à cette vérité pour ressortir la tête hors de l’eau. Tu n’es pas prêt à lui dire la même chose, en vérité tu ne sais même pas si c’est que tu ressens toi aussi. La seule chose dont tu es sûr, c’est que tu avais besoin de ces mots-là et qu’elle te les a donnés. Pour le reste vous aurez le temps d’y penser plus tard. Tu lui réponds avec un simple sourire et des milliers d’autres baisers.

Je remarque à quel point l'effort de Philip est considérable. Venir jusqu'ici, ravaler sa fierté et me dire toutes ces choses, c'était vraiment au-delà de ce que j'avais pu imaginer. J'étais consciente que j'avais moi aussi très mal agis ces derniers temps, écoutant aveuglément les conseils qu'on avait pu me donner. Ça n'avait pas été très malin de ma part, mais cela avait aussi été un geste désespéré pour attirer son attention. Nous avions tous les deux nos torts et nos raisons. Ce que je retenais à cet instant, c'est qu'il était là. Malgré qu'il ait pu me faire comprendre à de nombreuses reprises que j'étais totalement libre de faire ce que je voulais, tout aussi libre que lui, que nous deux, c'était juste comme ça, un plaisir et un attachement. Aujourd'hui, j'entrevoyais une autre facette de sa personnalité, comme si pour la première fois, il baissait un peu la garde nous concernant. Alors, peut-être que dans le fond, mon acharnement et la façon dont je m'accrochais à notre relation n'était pas tant vouée à l'échec que ce que j'avais pu imaginer. Et maintenant qu'il entrait une énième fois dans ma vie, je m’agrippais à lui avec force, littéralement. Il était hors de question qu'il ne m'échappe. Si pour lui, les choses étaient encore bien nuancées, pour ma part, j'avais totalement perdu le contrôle de mes sentiments, faisant de moi une personne totalement accro et dépendante. Je pouvais évidemment me contenir et prendre sur moi pour ne pas le faire fuir, cacher un peu ce que je ressentais pour ne pas qu'il soit étouffé par tout ça. Aujourd'hui néanmoins, il était difficile de ne pas craquer face à la pression des dernières semaines qui retombaient. Je quittais ses lèvres pour lui dire ce que j'avais sur le cœur, sans aucun filtre. Il avait une place si importante, que je ne voulais être avec personne d'autre que lui. Évidemment, je n'avais aucune réponse à ça. Parce que Philip restait Philip. Nous étions à la limite de ce qu'il ressentait à mon égard et à l'évidence, il ne partageait surement pas ce que j'étais en train de lui dire. J'allais devoir me contenter de son sourire et des baisers qu'il était déjà en train de déposer sur mes lèvres. J'étais dans une merde pas possible, bien seule avec mes sentiments et quand il allait prendre la décision de me lâcher, ça allait être l'Enfer à vivre pour moi. Je lui rendais ses baisers avec intensité, pleinement consciente que nous nous retrouvions jusqu'à ce que ça n'aille plus à nouveau entre nous. Y avait-il un mode d'emploi pour ça ? Un manuel qui explique comment faire quand l'un est fou amoureux et que l'autre n'en a que faire des sentiments ? En tout cas, je donnerais tout pour que mon cerveau se mette en off quelques heures. Je rompais à nouveau le contact de nos lèvres, fermant les yeux quelques secondes alors que ma main tremblante se posait sur son torse. « Il va se passer quoi maintenant ? Est-ce que quelque chose a changé entre nous ? » Est-ce que lui, il avait évolué dans sa façon de voir les choses ?