Maverick aime vivre avec des œillères. D'autant plus lorsque cela concerne sa famille, son sang, son frère. Les années d'enfance agissent toujours sur lui avec une certaine douceur, une vague mélancolie aux souvenirs des affronts des jeunes années, aux rires innocents. Le temps les a séparé. De leur fraternité, il ne reste plus grand chose. Distance et amertume. Maverick feint l'indifférence, prétexte l'indépendance. De ce carcan chrétien et rigide, il s'est libéré avec égocentrisme sans se soucier de ceux qu'il laissait derrière son sillage. Maddie lui en a voulu naturellement, mais son caractère entier n'a pas laissé la colère sans mots. Mia est bien trop douce pour vouloir rompre avec son sang. Mais Micah s'est entouré de mystère et a balayé sa rancoeur sous un tapis de silence. Maverick en souffre naturellement mais il n'est pas de ceux à se noyer dans le tourment. Pourtant, lorsque son corps a volé en mille morceaux, lorsqu'il a senti sa carcasse ridiculement légère et chétive à heurter de la sorte le béton, sa première pensée a été pour son frères et ses sœurs. Peut-être le seul regret qu'il laisserait aux vivants. C'est dans le silence qu'il avait enduré l'après-coma, les opérations et le début de la réeducation. Pourquoi angoisser ceux auxquels on tenait ? Il allait s'en sortir. Après, il parlerait. A Maddie et Mia du moins. Micah lui avait bien fait comprendre qu'il était le cadet de ses soucis. Mais... les mots de cette infirmière lui ont fait pensé le contraire. Un jeune homme était venu prendre de ses nouvelles, la description physique et le tee-shirt d'un refuge n'ont fait que confirmer ses soupçons. Voyant là un pas vers lui, Maverick décide de ne pas rester ignorant et prend son courage à deux mains. Armé de ses béquilles, il arrive au refuge où plusieurs animaux manifeste leur présence. Un jeune homme est accroupi au milieu d'eux et Mav' n'a pas besoin de le contempler de face pour reconnaître son sang. Il a pris tout le bien de cette famille tandis que lui ne porte que les tares. C'est normal que Micah ne veuille plus le voir. Il attend simplement en silence que son frère lui prête attention. Peut-être aussi l'ignorera-t-il mais de sa simple présence il manifeste qu'il fait ce pas en avant peut-être trop tard mais tant désiré depuis sa fuite.

Il s'attendait à de la colère, à des cris et peut-être même à des insultes. Mais Maverick ne peut prédire le comportement de son frère. Ces deux là ont beau partager le même sang, leur caractère s'oppose aussi bien que leurs particularités physiques. A croire que la destinée les disposaient dès le départ en opposition. A bas le mythe des frères ennemis, cela ne ferait que nourrir les histoires invraisemblables répertoriées dans la bible paternelle. Les billes sombres scrutent avec un certain étonnement les claires. Maverick ne sait tout simplement pas comment réagir. La colère s'empare rarement de sa carcasse démesurée mais il sent son feu insidieux là quelque part entre deux battements. « Arrête de prétendre ne pas me connaître Micah. » La voix grave murmure les mots avec plus de dureté qu'il n'aurait voulu. Il attrape le bras fraternel, en coinçant la béquille de son autre main, comme pour l'empêcher de s'échapper. « Je sais que t'es venu prendre de mes nouvelles à l'hosto alors ne prétends pas que t'en as rien à foutre. J'en ai pas rien à foutre moi. » Ils étaient frères, ils allaient pas rester ainsi brouillés continuellement. Cette situation lui pesait et bon égoïste Mav' ne voyait là que des solutions et non des problèmes.

Si Maverick était le feu, Micah incarnait à perfection la glace. Le Lowell s'étonne souvent que la génétique puisse donner des dispositions si contradictoires au sang. Le feu ne tarde pas d'ailleurs à s'emparer de ses veines alors que son fraternel s'embarque dans une supplique dévastatrice. Alors, il en est ainsi. Il en a rien à foutre de lui. Il peut comprendre, c'est lui qui est parti. C'est lui qui a fait ce choix de laisser les plus jeunes derrière lui. Et oui, il est parti sans une once de remords dans sa cervelle de moineau. Parce que La Nouvelle Orléans étouffait sa grande carcasse. Il a besoin d'air Maverick, il a besoin d'espace. Et Micah quoi qu'il en dise a bien plus en commun avec lui qu'il croit. «  Ouais fallait bien un futur véto pour un animal comme moi. » Les lèvres se rehaussent dans une moue narquoise mais l'ébène des iris se fait plus assassin. C'est facile de piquer pour garder à distance Micah, mais si c'est de la haine que tu veux... « Et alors, c'est bon, t'es rassuré ? » Les épaules se haussent. « Je vois que tu te donnes le beau rôle, mais si t'étais un peu moins fier, t'aurais calculé que je leur en ai parlé que lorsque je me savais hors d'atteinte. Et les professionnels n'ont pas à te donner des infos confidentielles sur moi, tu le sais très bien, alors me joue pas le couplet du frère désintéressé. » Peut-être qu'il en avait pas conscience, peut être qu'il croyait sincèrement à ses conneries. La carapace s'était forgée au cours des années chez le cadet, mais Mav' s'y trompe pas, il sait qui se cache derrière, il sait que derrière la glace y'a bien un tumulte similaire au sien.

Ils ne se comprennent pas. Pourtant Maverick essaie. De toutes ses forces. Par habitude, il pourrait envoyer le tout valser, balancer la rengaine nonchalante habituelle mais Micah c'est quand même son frère alors il essaie de recoller les morceaux. Faut croire qu'il est pas très doué. « Je te le reproche pas. Au contraire. » dit-il en haussant les épaules. Non le fait qu'il prenne des nouvelles, ça lui donnait espoir. « Je croyais que tu te sentais un minimum concerné par ma situation, alors j'ai pensé que tu me pardonnais un peu quelque part, pour ça que je suis venu aujourd'hui mais je me suis trompé apparemment. » Le secret médical il en avait rien à carrer. Et non, il n'était pas tombé en moto pour l'amour du risque, c'était bien un accident. Bien qu'il soit particulièrement masochiste, il ne pousse pas le vice jusque là.

Maverick réfléchit pas. Maverick agit. Micah, c'est un peu l'inverse. Le Frère reste calme et posé tandis qu'il lui explique de toute sa froideur que plus jamais il ne le considérera comme sien. Pourtant il a fuit lui aussi non ? C'est clair, Mav' ne s'est pas retourné sur la fratrie quand sa carcasse a quitté la nouvelle Orléans. Comme à son habitude, il n'a pas prêté attention aux conséquences. Et il ne comprend toujours pas vraiment pourquoi son frère lui en veut à ce point. Il lui signifiait depuis des années qu'il n'avait plus autant besoin de lui, alors pourquoi ? « Non aucune. » Il hausse les épaules. Il est crétin. Il l'est pour de vrai. Ses mains se perdent machinalement sur le pelage d'un chien quémandeur. « Explique-moi. » J'ai tout mon temps puisque tu sembles en faveur de l'explication. Des années de retard ne peuvent se rattraper mais Mav' est vraiment curieux de savoir ce qu'il a fait de si mal.