Depuis que j’avais quitté mon Amérique latine pour rejoindre les états du nord, j’avais pu faire pas mal de rencontres intéressantes. Il y avait cette fille, Elisa qui était avec moi pour mes cours d’Anthropologie. Elle avait le même âge que moi et je crois qu’on avait plein de point en commun toutes les deux.

Elle aimait la photo, mais ça je crois que c’était une déformation professionnelle, tous les anthropologues ont l’habitude de se balader avec un appareil au cou, mais pour Elisa c’était encore pire que les autres. J’aimais bien la regarder faire, et l’écouter parler de sa passion pour les photos.

La photo ça devait être son truc à elle, peut être même autant que la danse est importante pour moi. C’était comme ça qu’étais venu cette idée qu’une fois après les cours il faudrait que je lui montre ce dont j’étais capable. Même si le concept restait sombre et nébuleux, étant donné que la danse n’est pas une donnée mathématique qu’on peut figer dans le temps, c’était tout le contraire, je voulais partager ça avec elle.

Je lui avais donné rendez vous dans ce parc au cœur de la ville pour qu’elle comprenne cette harmonie qui nous unis à la nature, une force spirituelle que la science n’acceptera jamais, et qui pourtant restait bien présente. J’enfilais une robe plus que légère pour l’occasion, si fine qu’elle en était presque transparente au soleil.

Avec un jeu de dessous de la même couleur j’arrivais à me fondre dans cette robe qui serait ma partenaire de danse pour la journée. Il faisait si chaud dehors, mais c’était le soleil qui rendrait chacune des photos de ma camarade plus réussie les unes que les autres. J’avais hâte en fait de commencer, et de voir ce que ça pouvait donner.

J’étais certainement arrivée la première, je ne trouvais pas trace de mon amie, j’en profitais pour poser mes affaires à l’ombre de ce gros arbre. J’y laissais mon sac à main et mes chaussures pour sautiller dans l’herbe chaude en laissant cette sensation de liberté me transporter comme si je pouvais m’envoler.

Depuis que j’étais partie de Paris pour vivre avec mon père aux Etats-Unis, ma vie avait entièrement changé. J’avais appris l’anglais avec les séries auparavant, mais ma belle mère m’avait aussi beaucoup appris une fois chez elle. Dans mon malheur, j’avais eu beaucoup de chance de pouvoir faire la connaissance d’une femme extraordinaire, qui me considérait beaucoup plus comme sa fille, que ma propre mère. J’avais vécu des moments difficiles à Paris mais je n’avais jamais montré quoique ce soit. J’avais toujours été la fille forte et j’avais toujours tout fait pour pouvoir arriver à mes fins et pouvoir toucher du bout des doigts quelques rêves que j’avais toujours pensé inaccessible à cause de ma mère et mon grand frère. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir être dans l’une des plus prestigieuses universités de l’Amérique du Nord et je ne donnerais ma place pour rien au monde. J’ai la chance de pouvoir rencontrer du beau monde et même si j’ai souvent le nez dans mes bouquins, je suis une jeune femme comblée. Du moins presque. Il me manque la seule personne qui fait battre mon cœur. Le seul homme que je n’ai jamais autant aimé. Le cœur en miette, j’ai préféré me replonger dans mes cours et dans la photo sans devoir passer par lui. Je voulais toujours en apprendre plus, toujours voir ce que nous réservait le monde et çà commençait d’ailleurs à devenir critique. J’avais pu voir pas mal de reportages et ce que je voyais me donnait tout de même froid dans le dos. Les choses étaient en train de dégénérer et la nature allait finir par reprendre ses droits. Ce qui était totalement normal d’ailleurs. En cours, je ne suis pas très bavarde, je suis très studieuse même si j’ai quelques capacités qui me sont vraiment utiles. J’ai fait la connaissance d’une jeune femme adorable. Vainilla. C’est une jeune femme qui fait de la danse et que j’aimerais beaucoup prendre en photo. Elle a beaucoup plus de grâce que moi et j’avais envie de la prendre en photo et de pouvoir coucher çà sur papier. Elle m’avait donné rendez-vous dans un parc au cœur de la ville et j’avais bien évidemment sauter sur l’occasion. Appareil photo dans le sac, comme à mon habitude, j’avais pris le chemin qui menait au parc. Je ne mis pas très longtemps à arriver et je la vis déjà en train de profiter de la nature. Elle semblait vraiment en communion avec celle-ci. Sortant alors mon appareil, j’en profitait pour prendre quelques clichés avant de la retrouver. Je souris et m’approche de la jeune femme Salut, je vois que tu es heureuse lui dis-je alors avec un large sourire ne t’arrête pas pour moi ajoute-je en lui faisant un petit clin d’œil.

Il fallait se satisfaire des petits plaisirs que nous offres la vie. L’été c’était si facile de profiter du soleil, du paysage, des fleurs. Il suffisait d’observer autour de nous, Les banquettes herbeuses et les treillages en châtaignier couverts de quelques grimpantes à fleurs laissait dans le paysage une marque à la fraicheur inégalée.

Les marguerites formaient un cercle autour des pivoines qui coloraient à merveille la découpe de ce jardin improvisé. J’adorais ce parfum, celui des glaïeuls qui s’harmonisait avec les rudbeckias qui ornait ce pavé de rose damant ainsi paysage de rêve au beau milieu de ce parc qui pourtant restait sans prétention.

Mon amie était arrivée, et je la voyais déjà son arme à la main, mais comment l’en blâmer, il n’y avait que de belles choses ici. Je lui souriais, et m’avançait vers elle en virevoltant dans les airs. J’arrivais sans mal à m’imaginer à la place de l’œil critique de la photographe, et j’affichais une moue pour pimenter le prochain cliché.

- Regarde, partout, c’est magnifique, comment ne pas être heureuse ?

En tournant sur moi-même j’affichais d’un geste de la main cet horizon qui me ravissait. Je venais ici faire des photos moi-même de temps en temps, mais aujourd’hui je n’avais pas pris mon appareil, je savais qu’on aurait des souvenir autrement. Quand j’étais juste devant Elisa, je posais une main sur chacune de ses épaules pour la faire bouger avec moi.

- Essaie d’être aussi légère que la brise du vent, envole-toi avec moi, tu verras c’est magique.

Je sautais en arrière, me rattrapant sur un pied sans quitter le regard de ma camarade pendant que j’ondulais au gré du vent comme un surfeur qui épouse sa vague.

Boston était une ville magnifique en été. Les gens sortaient, vivaient, ils profitaient du merveilleux temps que nous pouvions avoir avant de retrouver la grisaille et la neige de ces lieux. J’étais tombée sous le charme de la ville, depuis le premier jour où j’avais posé mes valises sur le campus. Cambridge était une petite ville tout aussi magnifique. Elle avait son charme et l’été, elle semblait tellement paisible malgré les touristes qui voulaient absolument voir le campus. La vie ne m’avait pas toujours fait de cadeau et pourtant, aujourd’hui, j’avais ce que je désirais le plus et j’étais vraiment plus proche de mon père. Toutes les mésaventures nous avaient rapprochés, nous soudant plus que jamais. Des fois, il m’arrive encore de me demander comment mon père a pu tomber amoureux de ma mère. Ils ont toujours été si différents tous les deux. Mais çà ne se calcule pas et ils ont eu leur part de bonheur, mais ce n’était pas assez. Une fois que je retrouve mon amie, je ne peux que sourire. Elle a toujours été dans son monde, elle a toujours eu ce sourire, cette joie de vivre, cette communion avec la nature. C’est pour ça qu’on ne peut qu’être amie avec elle c’est vrai, on ne peut ressentir le bonheur en étant ici et en voyant tout ça autour de nous La nature était magnifique mais on ne prenait pas assez soin de celle-ci malheureusement et elle allait finir par reprendre ses droits. ton bonheur est complètement communicatif et ce n’était certainement pas un reproche que je faisais à la jeune femme. Bien au contraire. Elle me fait alors bouger avec elle, après avoir mis ses deux mains sur mes épaules. Je souris. Je suis tout de même mieux à prendre des photos. oh tu sais, je suis extrêmement légère quand je prends des photos, pour le reste, je ne sais pas ! plaisante-je alors que la jeune femme s’était mise à sauter en arrière. Cette fille était un peu la Pocahontas des temps modernes. Je continue à prendre quelques clichés de la jeune femme. tu sais que y’a de belles choses dans ce que j’ai pris là. Tu vas adorer !

Quand Elisa avait proposé de se retrouver pour une séance photo, je savais déjà que l’idée était exquise. Je n’avais pas souvent l’occasion d’être au centre de l’objectif, d’habitude c’était moi qui avait tendance à appuyer sur le bouton du déclencheur, alors quand je voyais la française avec son appareil je ne pouvais qu’en profiter.

Elle semblait satisfaite, au moins autant que moi et si mon bonheur était aussi communicatif qu’elle pouvait le prétendre, son sourire n’en était pas moins responsable. En me laissant entrainer par les éléments qui nous entouraient, j’essayais de convaincre Elisa de faire un pas vers moi pour goûter à l’envers du décor.

- Tu rigoles ? Je suis sûre que t’es faites pour le reste aussi !

A voir la façon dont son visage s’illuminait en prenant ces clichés, j’étais persuadé que ma camarade aimerait danser, même de façon volage, sans rythme, sans réfléchir, juste en se laissant porter par la nature. Elle m’expliquait combien elle avait l’air d’avoir réussi ses photos, et je lui souriais en m’approchant d’elle.

- Je n’en doute pas une seconde, mais tu sais, ça ne fait que commencer.

Si elle était là pour ses clichés je lui en donnerais pour son argent. On me dit dans l’oreillette que je ne serais pas payée ? Tant pis, je lui en donnerais même pour l’argent que je n’aurais pas. Un sourire venait se tendre sur mes lèvres en pensant à ces bêtises qui étaient si bête que je ne pouvais même pas les sortir de mon esprit et qui ne feraient rire que moi.

Quand j’étais juste en face d’Elisa, je venais prendre son appareil photo de ses mains, pour le lui retirer et le laisser pendre à la lanière qui était autour de son cou. Je voulais qu’elle se concentre sur ce qui nous entourait, d’un œil autre qu’un écran digital. Je passais deux doigts de chaque côté de ses yeux, en essuyant de l’œil jusqu’à chaque joue comme si je venais la libérer d’une brume invisible.

- Laisse-toi faire, regarde autour de toi, et libère-toi de ton appareil, laisse ton corps t’échapper.

Je riais à moitié en m’imaginant dans la peau d’un professeur de Yoga, d’accord ça devait être carrément bizarre. Alors pour passer de la pratique à la théorie, je venais poser mes mains sur les hanches de ma camarade. Dans un élan d’adrénaline, j’essayais de la soulever, de mes deux mains, en espérant qu’elle m’aide un peu, il ne manquait plus grand-chose avant qu’elle ne décolle.  

- Tu es légère ! Tu peux t’envoler !