Je n'ai eu aucune nouvelles pendant près de deux semaines, encore. Cette fois c'est exactement ce que j'ai imaginé : tu hantes mes pensées... Pas beaucoup, juste un peu, à chaque jours. J'ai tendance à tourner la tête quand je vois un mec qui te ressemble, ou regarder les voitures qui passent en me demandant si la tienne en fait partie. Bref, il est 19h, je rentre du travail. J'ai les pieds en compotes, parce que j'ai marché de l'hôpital jusqu'à chez moi ce soir. Je monte les escaliers du bâtiment et me rend jusqu'à ma porte, pour y trouver un petit mot. C'est la première fois que je pense à toi aujourd'hui, ton timing est parfait - plus les jours passent, plus je t'oublie. Et toi, tu débarques juste avant que ça n'arrive. Sur la feuille se trouve une adresse, tout simplement et un "L" comme signature. J'entre finalement chez moi pour me doucher, me changer et appeler un taxi. Si je dois te voir avant de partir pour la France, il faut que ce soit ce soir. Parce que demain il faut que je me prépare à prendre l'avion.

Le chauffeur de taxi semblait connaître la rue où tu habites (squattes ?). Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais il est 20h20 maintenant et j'espère que t'es encore là. T'as pas mis d'heure sur la note, en tout cas. Une fois arrivée à destination, je débarque de l'auto après avoir payée. Wait... J'ai pas le numéro de ton appartement, j'ai pas eu plus d'informations tout court. J'sais même pas où tu es ! Putain, je me sens vraiment conne de rester planté là.

Pour le coup, je n'avais pas prévu de laisser passer encore deux semaines avant de te revoir. Trop de choses s'étaient passées entre temps, et surtout... surtout, mon emménagement chez Nausicaa. Je n'avais pas prévu ça, tout comme je n'avais pas prévu que des crevards trouveraient ça marrant d'éclater ma voiture pour me faire comprendre qu'ils ne me voulaient pas en ville. Les extrémistes, y en a partout, et ma maison ambulante était une cible facile, surtout quand j'étais pas là. J'étais donc allongé sur le capot de ma voiture cabossée et aux vitres pétées, profitant du soleil avec qu'il ne décline à l'horizon. Je t'avais laissé un mot. Après tout je t'avais promis que je te montrerais ma chambre quand j'en aurais une, et aujourd'hui c'était le cas. Pas du grand luxe, mais ça restait pour moi tellement plus grand que ma pauvre voiture. 572 - JJG de son doux prénom, avait les pneus crevés, mais pour autant, je n'avais pas l'intention de l'abandonner. J'entendis au niveau de la rue une portière claquer, et comme depuis 1h, je me redressai sur les coudes pour voir de qui il s'agissait. J'étais curieux. Curieux de savoir qui c'était, curieux de savoir si t'avais reçu mon mot, curieux de savoir si tu viendrais. Et la réponse était oui, je voyais ta chevelure blonde et tes yeux qui ne savaient pas où regarder parce que je ne t'avais pas laissé assez d'informations. Je t'observai un instant, avant de me redresser, toujours sur le capot. Je suppose que t'as bien reçu mon message alors... dis-je pour attirer ton attention vers le jardin. Tu peux entrer, c'est ouvert. Ouais, c'était une jolie maison dans laquelle je t'invitais... mais non, je ne vivais pas dedans, mais derrière, quoique je pouvais toujours y aller quand je le voulais. Je savais pas combien de temps je resterais ici... mais en attendant, c'était chez moi.

Mes yeux balayent la place. C'est une belle maison, mais quelque chose me dit que ce n'est pas ce que je recherche. Même moi, j'ai pas assez d'argent pour m'acheter une place pareille... Alors je doute fortement qu'en deux semaines, tu aies gagné à la loterie ou marié une femme qui a beaucoup d'argent. Ta voix s'élève dans l'air, je me tourne vers toi, vers où le son provient. J'ai bel et bien reçu ton message, ouais. Mais j'suis déçue, je pensais que le "L" c'était pour "Laitier". Plaisantais-je, en croisant mes bras. Il commence à faire plus frais dehors, j'aurais dû penser à porter une veste. Entrer... où ? Mon regard suit le tien et je regarde le jardin derrière la maison. Montre-moi le chemin, alors. Te demandai-je, en osant pas trop explorer le terrain que je ne connais pas... Est-ce que les gens savent au moins que tu squattes leur jardin ? D'ailleurs, je regarde la voiture sur laquelle tu es assise, pour prendre une note psychologique de sa couleur et du modèle... Tu sais, pour futur référence.

Tu étais venue. Tu aurais pu décider de simplement décrocher le mot, le jeter et passer à autre chose mais au final, quelque chose s'était créé à notre dernière rencontre. C'était quelque chose de fragile, qui pouvait se briser à tout instant, mais qui était là. Eh bien j'suis sûr qu'en fouillant un peu dans ce jardin on pourra trouver des vaches à traire si tu préfères, répondis-je avec un petit rire. Je te fis signe d'entrer dans ce fameux jardin pour me rejoindre de l'autre côté du portillon, passant près de ma voiture. Vu l'état de ma précédente maison, une amie m'a offert de me loger le temps que je répare ce joyeux bordel... Vraiment des cons ces gens qui avaient flingué ma caisse. Je te préviens ce n'est pas du grand luxe, mais bon, je t'avais dit que quand j'aurais une chambre je te la montrerais... et ça y ressemble plus qu'une banquette arrière. Je te jetai un coup d’œil alors qu'on s'enfonçait un peu dans le jardin, jusqu'à déceler un chalet au fond. Pas très grand mais coquet, et pour moi c'était bien plus que ce dont j'avais réellement besoin.

J'ai l'impression qu'à notre dernière journée ensemble, j'ai appris à te connaître. Je te connais déjà plus que certains de mes potes, donc bon... Je ne vois pas pourquoi j'devrais pas avoir envie de te revoir. J'suis contente d'ailleurs, de t'avoir retrouvé. J'me serais sentie vraiment bête d'être venue jusqu'ici pour au final retourner chez moi sans t'avoir vu. Traire des vaches ? Je te dévisage et me met à rire, avant de te suivre, peu importe où tu m'emmènes. C'est gentil. De la part de ton amie. Tu me préviens que ce n'est pas du grand luxe, mais qu'une promesse est une promesse. Le sourire aux lèvres, je scrute les lieux et en conclus que c'est pas mal. Franchement, tout ça pour lui et c'est gratuit... C'est toujours bien mieux que de vivre dans une bagnole, j'suppose. T'as des chiottes et l'électricité, là-dedans ? Demandai-je curieusement. C'est tout petit, mais ça ressemble à une maison. Merci d'ailleurs... pour l'invitation. Je ne vais pas te lancer de fleurs mais... j'apprécie que tu ne gardes pas tout le pouvoir rien que pour toi, en m'empêchant de savoir où te retrouver, quand j'ai envie de te voir.

Y avait pas plus naturel que de traire les vaches en matière de produit laitiers. En vrai ça devait être une expérience, traire une vache. Et un moment très bizarre, en tout cas la première fois. Ouais, cette meuf est cool. Elle me fait bosser dans son food truck de temps à autre. Ca cassait ma routine au moins. Tu me suivais à travers le jardin et ta réaction en voyant le petit chalet, pas dégueulasse mais pas très impressionnant non plus, me fit rire. Y a des chiottes turcs t'inquiète, répondis-je avec un regard en biais vers ta direction. Devant tes grands yeux, j'éclatai de rire et secouai la tête. C'est une blague, mes chiottes sont normaux t'inquiète pas. On continuai de s'approcher vers le chalet, qui avait été décoré par les soins de mes nouveaux colocataires avant mon arrivée. Une petite table et deux chaises servaient de pseudo-terrasse histoire de profiter du soleil de cet été. C'est normal. J'avais voulu t'inviter, j'avais voulu que tu viennes. C'était pas un jeu de pouvoir ce coup-ci. J'aimais ce jeu du chat et de la souris, du fuis-moi je te suis, mais trop tirer dessus pouvait être contre-productif. Cette fois, j'avais juste envie d'écouter mes envies : te voir. Et la suite, yolo. Entre, ajoutai-je en ouvrant la porte et en me décalant pour te laisser passer devant. Bienvenue dans mon humble demeure, milady.

Maintenant, tu bosses dans un food truck et tu as un toit sur la tête : petit, mais efficace. C'est franchement mieux que de dormir dans sa caisse, tu dois être content de voir un peu d'amélioration. En tout cas moi, j'peux pas m'empêcher de l'être pour toi. À ma question tu m'annonces qu'il y a des toilettes turcs et je fige. J'sais pas quoi dire, alors je reste immobile en attendant que tu reprennes la parole.... et heureusement, c'est pour me dire que tu plaisantais. God, j'ai eu peur. Ça ne s'appelle pas des toilettes turcs pour rien, aka je ne veux pas voir ça ici. On recommence à marcher vers le petit chalet et atteint très vite son entrée. J'te remercie de m'avoir invitée et puis tu m'invites à entrer. Tu m'ouvres la porte et je passe à travers elle, pour découvrir ce petit chalet chaleureux. Franchement, je m'attendais à un bordel comme dans une remise, mais non. Il y a peu d'espace mais ce qui est là est utile à ta survie. C'est... Je souris en cherchant mes mots puis me tourne vers toi. Mignon. C'est cas d'le dire : tout est petit. Mais je ne juge pas. Je pense que je pourrais moi-même rester ici, si je n'avais nulle part d'autre où aller. En fait, ça peut être sympa de vivre toute seule comme toi, plutôt que dans une grosse coloc' comme moi. Je ris. Du coup j'crois que j'ai déjà tout visité, n'est-ce pas ? Il n'y a qu'une pièce ici, tu peux te faire une sandwich en restant assis dans ton lit, la classe. Bon, peut-être bien la salle de bain quand même, parce que j'ai pas vu de toilettes encore. J'me demandais ... Demain j'dois aller à l'aéroport, ça te dérangerait de m'y conduire ? Je l'ai dis la dernière fois non ? J'ai pas de voiture mais un toit, on peut partager.

Je déconnais pour les chiottes turcs. A choisir, je pense que j'aurais préféré continuer à vivre dans ma voiture... Pas que je détestais ces toilettes, mais en fait, si. Totalement. Comme probablement beaucoup de monde en fait. Je te fis alors entrer dans le tout petit chalet, qui ressemblait davantage à une mini-maison qu'autre chose. C'était vraiment tout petit mais au moins ici, je pouvais me tenir debout, pas comme dans ma voiture. J'trouve aussi, j'm'y sens pas mal. T'avais l'air agréablement surprise en découvrant les lieux. C'était clairement pas du grand luxe, clairement pas du niveau de ton appartement... mais c'était cosy et il ne m'en fallait pas plus, surtout que j'étais seul. Enfin seul... si on ne comptait pas Lexi qui venait souvent se réfugier ici pour fuir les folles de la maison quelques mètres plus loin. Ce fut une visite courte et intense. Je crois que t'as effectivement tout vu. D'un geste, j'ouvris une porte sur la droite qui donnait sur la salle d'eau et les toilettes. Rien d'extravagant encore une fois, juste un coeur dessiné avec amour sur mon miroir. C'était un cadeau de bienvenue, je me suis pas encore résolu à l'enlever, expliquai-je avec un sourire puis je m'approchai du frigo pour nous sortir deux bières. J'avais beau avoir un logement et un taf, j'avais toujours pas de thunes, mais Lexi les avait oubliées, alors j'me permettais. Toute manière il approuverait, en voyant Andy ici. C'était clairement le genre de fille à qui les mecs voulaient payer des verres, en tout cas pour son physique avantageux. Pour moi, c'était évidemment plus que ça... une occasion de te faire rester un peu plus longtemps. Je pourrai pas... Je soupirai en te tendant la bière. J'ai retrouvé ma voiture éclatée y a quelques jours et je l'ai pas encore réparée, elle ne roule plus... J'allais pas pouvoir t'aider ce coup-ci et ça m'emmerdait bien pour le coup de pas tenir cette idée du partage voiture-toit qu'on avait évoqué à notre précédente rencontre. Tout ça parce que des connards avaient voulu me faire comprendre que j'étais pas le bienvenu en ville. Ça y est tu tu t'en vas alors... tu dois avoir hâte.

La visite a été courte mais intense, comme tu dis. Ton petit chalet n'a que deux pièces. Une qui regroupe tout, puis l'autre qui est les toilettes. Tu me montres d'ailleurs la deuxième pièce rapidement et je remarque vite-fait le cœur sur le miroir. Je ne réagis pas, mais tu ressens quand même le besoin de m'expliquer d'où il provient. Ah d'accord ! C'est vrai que c'est grâce à une amie que tu as pu venir vivre ici. Je me retourne et te regarde marcher vers le mini réfrigérateur pour en sortir deux bières froides. Merci. Je te souris en prenant la bouteille et fini par te poser ma question. Ta réponse me fait pincer les lèvres et me déçoit un peu, finalement. Oh... c'est pas grave. J'vais prendre un taxi alors. J'ouvre la bouteille avec ma bague, puis boit la première gorgée. Ouais, quand même. Ça va me faire bizarre d'être loin de tout le monde cette été, alors que je reviens à peine de deux ans d'absence. Au mois d'Avril, je suis revenue de ma mission de médecin sans frontière qui a duré environ deux ans... et bref, on dirait que j'ai perdu de l'intérêt auprès de quelques amis. C'est pas grave, je comprends. J'vais peut-être faire une visite à quelques amis au road trip finalement. Liam m'a demandé d'aller le voir et j'ai parlé à Serah de venir avec elle, avant de changer mes plans pour l'été. Bref, je bois encore, il fait chaud. Je me retourne à nouveau et marche vers le lit, pour m'y asseoir. C'est ton lit ? Je ris en rebondissant les fesses dessus. Dommage qu'il soit simple, tu ne pourras pas inviter de filles dedans.

Tu semblais déçue que je ne puisse pas t'emmener à l'aéroport, mais je l'étais aussi. Pour le coup j'appréciais ta proposition et être la dernière personne que tu verrais avant de partir en vacances... mais grâce à ces sales cons qui avaient massacré ma voiture, j'aurais pas cette chance. C'est que partie remise, dis-je en ouvrant ma bouteille avec mon briquet pour en boire une gorgée. J'comprends, mais au final pour le temps que tu vas passer au Summer Camp avant d'aller en France tu vas quand même voir des potes aussi. Ça te fera un break entre deux opérations sur le billard, dis-je avec un léger sourire, penchant la tête. Tout le monde était enchanté de partir en vacances, mais toi, ça t'ennuyait presque de quitter le travail. Tu adorais vraiment ce que tu faisais. Mais tu serais pas complètement seule et une fois partie tu en profiterais probablement pleinement. D'ailleurs Boston était plutôt vide en été, tout le monde se barrait vers la Floride quand c'était pas carrément à l'étranger. Ne restaient que ceux qui bossaient ou qui n'avaient pas de thune, comme moi. Tu te dirigeais vers mon lit alors que je m'asseyais sur un tabouret à proximité, arquant un sourcil avec un sourire amusé à ta remarque. Oh détrompe-toi, j'ai appris à optimiser l'espace à force de dormir dans une voiture, dans ce lit c'est un jeu d'enfant. Est-ce que j'avais déjà testé dans ce lit ? Allez savoir, c'est pas ce que j'avais dit... ou peut-être que si ? Comme la douche, tu pourrais être surprise.