Arrête d’image sur mon corps à moitié dans le vide. Changement de caméra pour un gros plan sur cette expression d’horreur sur mon visage. Nouvelle rotation pour apercevoir Ariana qui tente de me retenir. Vous vous demandez probablement ce qu’on fou là et surtout comment on est arrivé ici. Je peux très bien vous l’expliquer, mais il faut d’abord remonter légèrement en arrière.

Pourquoi tu l’as invité après ce que j’ai vécu à cause d’elle? Parce qu’elle avait besoin de soutient que tu m’as dit. Parce qu’elle avait des tendances suicidaires ou je-ne-sais-quoi du genre et que, bien sûr, tu ne pouvais pas laisser quelqu’un dans cet état –qui qu’il soit. C’est Theresa qu’il aurait dû t’appeler Edward et Lorie, pas Ariana. Tessy, c’aurait été sympa comme surnom. Bref, j’t’en veux Su, pas parce que tu aides les gens, mais plutôt parce que tu te fous parfois des conséquences et que même si ce geste ce voulait complètement désintéresser, il s’est avéré beaucoup plus égoïste que tu ne le crois. J’avais besoin de toi moi aussi. Et Louison dans cette histoire, ta meilleure amie, tu l’oublies? Bref…

Ce qui nous amène, un mois plus tard, à cette confrontation –la première depuis- concernant tes choix de vie et tout le tralala. Bien sûr, on ne peut pas se faire la gueule éternellement, mais apparemment, être enceinte nous donne à toutes les deux la tête encore plus dur qu’elle ne l’était déjà alors les réconciliations ne sont pas aussi simples qu’à l’habitude. On se cri dessus, on dit des trucs qu’on regrettera ensuite et je finis par sortir en trombe de mon appartement pour te fuir puisque c’est la seule option qu’il me reste. Tu me rattrapes dans l’ascenseur alors je me rabats vers l’escalier. Vous voyez où je veux en venir? Ouais, quand on s’engueule, on gesticule et on a tendance à ne pas trop regarder où on va. Alors mon pied a glissé et… PLAY. Un cri de surprise et de peur s’échappe de ma gorge alors que cet arrêt sur image reprend. J’ai l’impression de tomber au ralenti, mais croyez-moi, tout se passe très, très vite.

Il y a un mois environ, j'ai perdu le seul homme que j'ai aimé dans ma vie, le père de l'enfant que je porte. Suite à cette tragédie, j'ai dû regarder ma vie se détériorer sous mes yeux. J'ai perdu confiance en moi, en mes capacités d'élever un petit être humain, mais j'ai aussi ressenti le besoin de m'éloigner des autres. Arizona, Côme, Louison, toi, tous les Bushnell et même mes grands-parents... Je me suis renfermée. Tellement que l'idée de me prendre un appartement dès notre retour du Canada ne m'a pas traversé l'esprit. Faire semblant d'avoir une vie normale ne m'intéressait pas, alors j'ai décidée de vivre dans ma voiture, de squatter le lit des tindates qui voulaient bien de ma compagnie pour une nuit et me doucher chez mes grands-parents le jour, quand ils sont au travail. Je suppose que c'est ce qu'on appelle le rockbottom et pourtant tu vois, j'ai pas l'impression qu'on se soucie vraiment de moi. Le fait que je me sois vue dans le regard de Camila et que j'ai voulu aider une fille dans la même détresse que moi, par contre, ça c'était bien important.

C'est sure que quand on ne se mutile pas, qu'on garde nos démons bien cachées, qu'on décide de ne pas se plaindre, ça attire moins l'attention. Dans mon cas, le "pas de nouvelles, bonne nouvelles", ne s'applique pas. Mais pour la première fois depuis des semaines maintenant, je suis sortie de ma voiture et j'ai pris la décision de te confronter, après avoir confronté Louison par SMS il y a quelques jours environ. J'ai besoin que tu me vois, que tu entendes mes raisons et que tu comprennes. T'es ma cousine, ma meilleure amie depuis toujours. Tu vas bien voir que quelque chose cloche chez moi, non ?

On dirait pas. Ou alors, peut-être que tu t'en fous en fait. Je te suis alors que tu quittes ton appartement... T'as vraiment besoin de me fuir ? Vraiment ? J'insiste sur le "vraiment". Comment est-ce qu'on en est arrivée là, Liz ? Pourquoi est-ce que tout le monde est contre Camila, quand c'est vraiment Pluton qui ne sait pas tenir son chien en laisse. Pourquoi est-ce qu'il faut toujours que ce soit la faute de quelqu'un, en fait ? Est-ce qu'on ne peut pas juste blâmer la vie et passer à autre chose ? Liz ! T'entre dans l'ascenseur et je retiens les portes. T'en sors sans dire un mot et tu te diriges vers les escaliers que tu dévales, en faisant claquer tes chaussures furieusement.

Je l'ai vu venir. La chute, la fin, le drame. J'ai senti mon cœur remonter à ma gorge, la peur m'attraper par les épaules et je me suis penchée pour essayer de te retenir. Tu étais déjà de base, à deux marches de moins que moi... Je n'avais aucune chance de te rattraper. Je te regarde débouler rapidement les escaliers pendant que je tombe brusquement sur le cul. Je crains le pire... Tu ne bouges plus sur le palier, j'ai perdu ma voix. Je me relève doucement, la main sur mon ventre, puis descend te rejoindre. Liz ? T'appelai-je, au travers mes larmes salées. Je m'agenouille près de toi, prend rapidement tes signes vitaux avant de remarquer que tu baignes dans tes eaux. Sans perdre de temps, je prend mon téléphone de ma poche et compose le numéro d'urgence.

J’ai pas vraiment la chance de comprendre ce qui arrive. Je sais que je tombe, j’essaie de me retenir en vain. Mon bras se contorsionne dans un angle impossible, mais la douleur me semble lointaine. Le sol arrive beaucoup plus vite que prévu. Je sens ta présence derrière moi, j’entends ta voix, mais rapidement c’est le noir que je vois. La tête me tourne et j’ai du mal à reprendre mon souffle. Le choc est puissant, mais la peur l’est d’avantage. « Liz? » Tu prends mon pouls, je n’arrive toujours pas à bouger ou parler. J’entends ta voix comme dans de la ouate. Un appel passé aux urgences et je reviens lentement à moi. Je fronce les sourcils et essaie d’ouvrir les yeux, de faire du sens de la situation. J’ai mal, je suis mouillé aussi.. Mouillé? Mes yeux s’ouvrent d’un seul coup, regard fou porté partout et nulle part à la fois, s’arrêtant finalement sur ton visage inquiet. « Les bébés…? » Je tente de me relever, mais mon épaule me fait trop mal et je retombe sur le dos aussi vite. J’ai crevé mes os… à 31 semaines à peine. « Suzy… »

Ton corps baigne dans une marre, tu as visiblement perdu tes eaux. Les douleurs que tu dois ressentir, se mélangent aux premières contractions de l'accouchement que tu venais de provoquer en tombant des escaliers. Tellement de connes ont voulu que te faire tomber des escaliers pour que tu perdes les bébés, qui auraient cru que ça arriverait quand même ? Mais que les perdent, ça, c'est hors de question. Les bébés vont bien. Elles vont bien Liz. Ne bouge pas. Te demandai-je, en réussissant finalement à parler à l'une des opératrices. Lorsqu'elles confirment enfin l'envoie des secouristes, je range mon portable dans ma poche et appuie sur ton ventre à quelques endroits, pour vérifier que tout allait bien. Je ne suis pas gynécologue, encore moins obstétricienne... alors mes connaissances sur quoi faire dans un moment pareille, sont plutôt nulles. Tout ce que je sais par contre, c'est qu'après une chute pareille, elle ne doit pas se relever maintenant. Je m'approche alors finalement de ton visage pour te caresser les cheveux, en attendant que quelqu'un arrive.

Nous sommes maintenant à l'hôpital. Liz a été prise en charge par des médecins et moi, je me retrouve dans une salle avec un gynécologue que je ne connais pas, parce que Côme est parti au Summer Camp avec les autres. Timéo se porte bien, Madame Underwood. Je soupire de soulagement, puis lève les yeux au plafond. Et Liz ? Et ses bébés ? Je vais aller m'informer pour vous, ne vous inquiétez pas. L'homme retire la sonde et ses gants, avant d'essuyer le gel avec une serviette. Je me rhabille et m'assois. Qui est votre gynécologue habituel, madame ? Je n'ai toujours pas eu le temps de m'en trouver un autre, alors je répond : Dr. Dubois. Très bien, je vous reviens tout de suite.

Au retour du gynécologue, on m'a demandé de revenir dans 6 heures, pour rencontrer "Dr. Dubois" à son retour à Boston. En fait, on m'a pas donné le choix. En attendant, comme tu dois accoucher d'urgence et que Lenny n'est pas là, on m'a demandé si je voulais t'accompagner, pendant l'accouchement qui ne pouvait attendre. J'ai accepté, on m'a amené jusqu'à ta chambre et enfin, j'ai pu te revoir pour la première fois depuis deux heures... Ces deux heures m'ont parut tellement longues. Je m'approche de toi et sans me poser de questions, j'attrape ta main pour la serrer dans la mienne. Tiens bon Lizzie, tes deux petites cocottes seront bientôt parmi nous !

« Les bébés vont bien. Elles vont bien Liz. Ne bouge pas. » Je ne te contredis pas. Parce que même si j’ai peur, j’ai envie de te croire, je veux vraiment te croire. Il est tôt, trop tôt pour accoucher. Je sais que les jumelles ne sont pas à terme, mais tout en moi me cris que tout ira bien. Parce qu’il est hors de question que je les perde maintenant. Tu parles avec les secouristes et j’ai l’impression de revivre cet épisode à mon réveil de cette sieste où j’ai ouvert les yeux pour me voir baigner dans mon sang. Or là, ce n’est pas un simple petit problème, c’est grave… très grave.

Une fois à l’hôpital, ils nous séparent toi et moi pour d’abord s’assurer que les filles vont bien, mais aussi pour me soigner. Ma chute me laisse avec une épaule disloquée ce qui, en soi, est mieux qu’une cassure, mais qui fait tout de même terriblement mal. « Les bébés sont stables, mais nous allons devoir entamer l’accouchement d’urgence mademoiselle Underwood. Voulez-vous aviser le père? » Je regarde le médecin un long moment avant d’hocher vaguement la tête. Je ne sais même pas si Lenny est en ville. Si ça se trouve, il est au Summer Camp en Europe et ne pourra pas être ici à temps. « Oui, mais ne vous acharnez pas s’il ne répond pas. » conclus-je.

Quelques heures passent avant que tu puisses enfin venir me rejoindre. Un long soupir s’échappe de mes lèvres en te voyant et je serre ta main dans la mienne. « Merci d’être là… » Je te fixe un moment et mon regard descend finalement sur ton ventre. « Comment il va? » S’il faut que tu perdes un second enfant et par ma faute en plus, je n’crois pas que je me le pardonnerai.

Je te serre la main dans le silence, mais c'est toi qui le perce en me remerciant et en me demandant comment va Timeo. Il va bien, ne t'inquiète pas. C'est tout ce que j'ose te dire, car de toute façon, je n'en sais pas réellement plus. Ce que je sais, c'est que j'attend l'arrivée de Côme à l'hôpital pour qu'il puisse m'annoncer ce qu'il se passe réellement... Mais là, tout de suite, ma seule préoccupation c'est toi. Comme on dit : ça ne vaut pas la peine que je m'inquiète pour quelque chose que je ne sais pas, non ? Maintenant, concentre-toi sur tes deux princesses... Elles s’appellent comment ? Je ne me souviens pas que tu aies donnée des prénoms à tes filles, ou en tout cas, tu ne me les as pas dit. C'est aussi possible que ma tête soit tellement ailleurs que je n'ai pas pris de note dans ma mémoire...

« Il va bien, ne t'inquiète pas. » J’hoche lentement la tête en serrant un peu plus ta main dans la mienne. « Ok… et toi, ça va? » Parce que bon, j’ai pas trop vu, mais j’ai cru comprendre que tu t’étais légèrement pété l’cul toi aussi alors j’veux savoir si tu t’aies fait mal même si à prime abord, tout semble aller de ton côté.

« Maintenant, concentre-toi sur tes deux princesses... Elles s’appellent comment ? » Je cligne lentement des yeux, je n’avais même pas réalisé qu’avec tout ce qui est arrivé durant les derniers moi, je ne t’ai encore jamais dit les noms que nous avions choisi Lenny et moi. Enfin, ceux que Lenny a trouvé et que j’ai adoré. « Maddie et Laureline. » J’avale difficilement ma salive et pose la main sur mon ventre. « Elles vont devoir vivre dans un incubateur Su… mes bébés dans un incubateur comme des petits poussins.. » Mes yeux s’emplissent d’eau et je les ferme pour chasser les larmes, mais elles coulent seulement plus vite sur mes joues.

Si moi, ça va ? Je suis étonnée que tu me poses la question, considérant que tu m'as fuis tout à l'heure et qu'il n'y avait aucun moyen de communiquer avec toi. Cela dit, je préfère laisser couler, c'est pas le moment de repartir sur une embrouille. Ça va. Te dis-je simplement, avant de te demander de te concentrer sur l'accouchement. Je te demande les prénoms que tu as choisis pour les jumelles. Tu me réponds, puis les yeux pleins d'eau, t'ajoutes qu'elles vont devoir vivre dans un incubateur... Je déglutis, puis pose ma deuxième main sur la tienne. Hey... je sais que t'as peur, mais crois-moi... J'ai vu des bébés plus jeune, survivre à pire que Maddie et Laureline... Je te fais un petit sourire avant de déplacer ma main sur ton front, pour dégager une mèche de tes cheveux. Peu de temps après, l'obstétricienne est entrée dans la chambre, prête à commencer.

Je sais, c’est surprenant de ma part de prendre de tes nouvelles vu ce qui nous a mener ici au départ, mais je m’en fiche qu’on se fasse la gueule ou non, c’est plus d’actualité et ton bien être, ta santé et celle du bébé me tienne bien plus à cœur que n’importe quelle histoire stupide. « Ça va. » Je n’y crois pas trop vu ton expression, mais ne pousse pas d’avantage. D’autant plus que tu m’encourages rapidement à me concentrer sur moi et les bébés. « Hey... je sais que t'as peur, mais crois-moi... J'ai vu des bébés plus jeune, survivre à pire que Maddie et Laureline... » J’hoche lentement la tête. Je sais, moi aussi j’ai survolé ce sujet et il y a des histoires bien pire que la mienne. Mais ça ne m’empêche pas d’avoir peur.

Au final, l’obstétricienne arrive et prend le temps de me rassurer à son tour. Puis, le moment crucial arrive. « Vous êtes prête mademoiselle Underwood? » Je te jette un coup d’œil et hoche la tête avant de commencer à pousser…

hj; tu peux skipper l'accouchement c'tu veux

Le 7 Juillet 2018, Maddie et Laureline Malcom Underwood ont vu le jour. Les médecins ont emmenés les petites dans un incubateur et pour le moment, on a ordonné à la nouvelle maman de se reposer. Je me suis assise sur la chaise dans un coin et j'ai attendu... J'ai veillée sur toi en attendant de toute façon que Côme pointe le bout du nez. Il est arrivé des heures plus tard alors que tu étais endormi, alors je t'ai quittée le temps d'un consultation.

De retour dans la chambre, j'apporte de mauvaises nouvelles... J'n'ai pas le choix de te réveiller, pour que tu saches ce qu'il se passe et que tu ne te réveilles pas en t'inquiétant pour moi. Je m'approche du lit et secoue légèrement ton bras. Liz... Je me pince les lèvres, découvrant qu'elles goûtaient salées après avoir pleurée.