Je défais finalement notre étreinte — après un bon long moment à te garder dans mes bras en silence — pour pouvoir à nouveau ancrer mon regard dans le tien. "J’aimerais pouvoir te dire que non, ça ne change rien." J’aimerais vraiment. Mais je peux pas. "Mais la vérité c’est que, ça change beaucoup de choses. Peut-être pas de façon concrète, mais moi, dans ma tête…" Si, ça va se bousculer. En vain en plus. "J’veux pas que ça change quoi que ce soit pour toi en revanche. J’veux pas être le gars qui détruit ta vie." Qui détruit ton mariage, ta famille. Qui te détruit toi. Je ravale un peu ma salive, difficilement. Je suis perplexe, je suis sur le cul, je comprends toujours pas, j’ai toujours du mal à réaliser que les mots que tu m’as dit sont vrais. Un crush sur moi? Impossible. Ça me paraît vraiment difficile à croire. "J’ai pas envie que ça change nos habitudes." J’ai envie de pouvoir t’attraper la main sans que ça ne jette un malaise, que tu puisses me grimper dessus sur ton canapé sans que ça paraisse ambiguë, que je puisse replacer une mèche de tes cheveux et te caresser la joue sans penser à plus. J’ai pas envie que ça change ce qui nous constitue, ce qui fait qu’on est nous, qu’on a la relation qu’on a. Ça, j’veux pas. Et j’en ai terriblement peur.

j’suis celle qui nous a lancés sur ce terrain dangereux alors si je dois faire des concessions derrière, je le ferais. après tout, j’cherchais pas à ruiner ce qu’on partageait et je ne pouvais clairement pas faire une croix sur toi. alors si tu me demandais d’agir comme si on avait jamais parlé de tout ça, je le ferais. « j’ai instauré quel genre de doute dans ta tête ? » on a toujours été honnête l’un envers l’autre alors dis moi. dis moi ce que t’as sur le coeur et ce que je viens de remuer chez toi. au point où on en est, qu’est-ce que ça changera de plus ? « tu détruis rien du tout elliot, dit pas ça. » moi, les doutes que j’ai dans ma tête, ils sont pas à cause de toi. alors te positionnes pas comme celui qui est en train de foutre le bordel dans ma vie parce que ce n’est pas le cas. puis regarde, tu me l’as dit plus d’une fois que sully et moi, on était peut être trop différent. j’commence juste à me dire que ouais, c’est le cas. et j’suis encore dans l’étape de me poser un peu trop de question. « j’ai pas envie non plus » mais ose me regarder dans les yeux et me dire que quand tu me toucheras, tu ne repenseras pas inconsciemment à ce que je viens de lancer aujourd’hui. parce que j’crois qu’on sait tous les deux que ça restera dans un coin de nos têtes qu’on le veuille ou non. « j’vais faire comment cet été sans toi moi ? » que j’souffle. et j’ai peur que ces deux mois combinés à ce que j’ai pu dire change un peu trop de chose entre toi et moi

Quels genres de doutes t’as instauré ? Meghan… « J’crois que, inconsciemment, j’me suis forcé à ne jamais te regarder. Te regarder vraiment, j’veux dire. Parce que j’aimais notre relation, j’voulais juste pas perdre cette complicité qu’on pouvait avoir pour un truc qui marcherait sûrement pas à cause de moi… » A cause de mon côté trop frivole, totalement infidèle, qui prenait l’amour à la rigolade. « Mais maintenant que je l’ai fait, j’crois que… c’est quelque chose que j’peux plus défaire. Et j’vais pas pouvoir m’empêcher de me demander ce qui pourrait se passer si… » Je me coupe, j’ai pas besoin de finir, tu sais ce que je veux dire. Pas besoin de le dire à voix haute et rendre la chose encore plus vraie. « J’vais juste tourner avec des ‘et si ?’ permanents quoi. » Mais c’est pas si grave. Tant que pour toi ça change rien… Moi, j’ai connu pire. J’m’en remettrai. « Bien sûr que si, Meghan. Si les doutes de Sullivan sont fondés, tu le perdrais lui, tu ne te marierais pas, tu éclaterais la famille que tu viens de construire avec lui. » Tu perdrais tout, toi. J’veux pas être le gars responsable de tout ça. Puis de toute façon, ça sera sûrement pas le cas. T’es tombée pour Sullivan. J’suis son total opposé. Pas de risque pour que tu tombes pour moi. « Alors on change rien. » Je viens attraper tes mains des miennes, avec douceur, mais sans hésitation cette fois. On ne change rien à nos habitudes. Et si quelque chose doit changer entre nous… Eh bien, on laissera faire la chose. Je suppose. Mais ça se trouve, on oubliera cette conversation, ça sera comme si elle était jamais arrivée. Tu oublieras cette conversation, et moi, je pourrais faire ce que je fais de mieux quand j’en ai besoin : prétendre. « C’est pas parce que je traverse un océan que j’suis plus là. On s’appellera, on fera des Facetimes. Et si t’as besoin de moi, tu sais que tu peux me le dire et je sauterai direct dans un avion qui me ramènera à Boston. » You jump, I jump, right ?

et si on perdait contact ? si on cessait petit à petit de se parler ? et si quand tu rentrais après ce summer camp rien n’était plus pareil entre nous ? j’ai le droit de me poser ce genre de question. j’ai réellement le droit d’avoir des doutes parce que j’ai aucune idée de l’impact de mes mots sur la longue durée. là, t’as peut être pas encore assimilé totalement tout ce que j’ai pu insinuer mais si tu commences à retourner tout ça dans ta tête, j’ai un peur de ce que ça peut donner. « si on était donné une chance. » je terminais la phrase pour toi dans un soupir. ouais, pourquoi est-ce qu’on en était venu là ? c’était une bonne question. on y était juste et malheureusement, on ne pouvait pas l’effacer qu’on le veuille ou non. alors ouais, on ne pouvait rien faire d’autres qu’espérer que ça ne change rien. « je suis désolée de foutre un bordel comme ça » j’avais juste pas réfléchi. j’avais juste pas vu tout ce que ça pourrait faire derrière. « si tu le dis » j’ai pas envie de surenchérir encore sur le sujet de toute façon. parce que j’ai l’impression que chacun de mes mots, ils ne font rien d’autre qu’enfoncer un peu plus les choses. et j’gardais mes mains dans les tiennes te lâchant un petit sourire pour essayer d’apaiser un peu les choses. « ouais.. mais t’imagines ? deux mois sans toi.. c’est horrible. » j’ai pas l’habitude. et quelque part, je suis dégoutée de ne pas pouvoir participer moi aussi. de ne pas avoir le droit à ces deux mois tranquille. mais j’suppose que c’est les responsabilités quand on devient maman. j’passe plus en premier, maintenant c’est mes enfants.

"Pourquoi tu dis ça, Meghan?" Pourquoi t’insistes à dire des mots qui n’ont pas lieu d’être? Si on s’était donné une chance? Et alors? Ça change quoi de balancer des ‘si’ par-ci par-là? On se l’est pas donné, cette chance. C’est trop tard. Le dire à voix haute, ça rend la chose réelle, ça rend les regrets douloureusement réels eux aussi. Et toi, tu t’en fous. Toi, t’as ta vie bien rangée, t’es casée. Moi, à côté de toi, j’fais encore du sur place. Moi, j’ai encore tout à acquérir et à conquérir contrairement à toi. Et pourquoi tu soupires, comme si toi aussi t’avais des regrets? N’essaye pas de me faire croire que tu changerais quoi que ce soit au présent. T’es bien avec Sullivan, c’est le père de tes enfants, j’suis pas dans le décor moi, je l’ai jamais été. J’ai jamais su l’être. "Arrête, je t’ai déjà dit que t’avais jamais besoin de t’excuser de quoi que ce soit avec moi." Et j’espère que ça changera rien dans notre façon d’être. Ça risque de tout changer dans ma tête mais concrètement, entre nous, j’veux que rien ne change. Mais t’as pas l’air convaincue. "Meghan. Dis-moi que rien ne va changer." Que tu continueras de me toucher comme tu le faisais, de faire appel à moi dès que ça va pas, de me dire que tu m’aimes. "Promets-le moi." S’il te plait. Parce que sans toi, j’suis quoi moi? J’suis qu’une coquille vide et inutile. Et j’veux pas. On se quitte pas on a dit, tu te souviens? Mes doigts entre les tiens, tu me décroches un petit sourire tellement faux. "Arrête. Ne prétends pas. Pas avec moi…" Ne commence pas à me mentir, à jouer les faux-semblants. Pas à moi. On a jamais fait ça toi et moi. Je te tire un peu pour te faire faire un pas vers moi, pour te rapprocher. "Tu vas me manquer. Vraiment. Tu veux que j’écourte mon séjour?" Demande-le moi et je le ferai.

« je finis ta phrase, c’est tout » et c’était ça la conclusion de celle que tu avais laissé en suspens, non ? si on s’était donné une chance. chose qu’on a pas fait parce que pendant tout ce temps, je suis restée la seule fille que tu n’as jamais touché et maintenant, on se retrouvait à avoir une conversation qui risquait de bousculer un peu trop nos états d’esprits. maintenant, dans ma tête, il y avait des « et si » qui tournait en rond encore et encore parce que ouais, j’pouvais pas m’empêcher d’imaginer ce que ça aurait pu être si les choses avaient été différentes. et j’sais que c’est nocif en vrai. je sais qu’on devrait pas mais à chaque fois que je me dis ça, je ne peux pas m’empêcher de surenchérir, de poser encore des questions, de retourner le couteau dans la plaie comme si quelque part, j’avais besoin d’avoir toutes les réponses. « non, rien ne va changer » que je soufflais finalement sans pour autant en être sûre. ouais, qu’est-ce qu’on en savait dans le fond ? qu’est-ce qui nous disait que les choses n’allaient pas changer petit à petit et qu’on serait impuissant face à ça ? et j’te laisse faire, encore une fois. je te laisse me tirer vers toi. « j’voudrais pas ruiner ta relation avec vega » que je finis par souffler. parce que j’suis peut être libre de faire ce que je veux mais ce serait égoïste de ma part de te tirer sur ce chemin-là, pas vrai ? et si toi t’as envie que les choses marchent avec elle, je n’ai pas le droit de m’interposer de cette façon-là.

Tu finis ma phrase, ‘c’est tout’. Mouais. On sait très bien que ce n’est pas tout, et pourtant, on essaye de s’en persuader. C’est dingue comme l’être humain peut s’enfouir dans le déni. Mais peut-être que t’as raison, peut-être que c’est la solution. Prétendre que cette conversation n’est jamais arrivée. Continuer nos vies comme avant. Et quand j’te disais que rien ne changerait, je pense qu’on ne parle pas de la même chose. Moi, j’te disais que rien ne change dans nos gestes. Qui sait ? Ils resteraient peut-être platoniques, sans ambiguïté. Ou alors, on laisserait nos esprits divaguer. Et ça pourrait mener à… je sais pas, à quelque chose d’autre, quelque chose de plus. Mais j’voulais pas que nos gestes, notre comportement changent. Après, pour ce qui en est des intentions derrière ceux-ci… Well, ça, on verrait avec le temps si quelque chose change ou pas je suppose. Mais je ne relève pas. J’me garde bien de te dire tout ça. Ca risque de foutre encore plus de bordel et j’pense pas qu’on ait besoin de ça là, on a déjà bien creusé notre trou nous-même. Je te tire vers moi, parce que je te sens loin. J’ai l’impression que t’es à des milliers de kilomètres de moi alors que tu n’es qu’à deux pas. Je déteste ça. « Je sais et je comprends, tout comme moi envers toi et Sullivan. Mais… t’inquiète pas pour ça. » Ne te pose pas trop de questions. On laisse les choses venir et… advienne que pourra ? J’en sais rien. J’veux pas trop y réfléchir, ça risque de tout gâcher. Je glisse mes doigts sous ton menton pour le relever vers moi. « Regarde-moi Meghan… » Parce que j’ai l’impression que tu m’évites là, que tu cherches à t’éloigner, et ça me plait pas.

parce que je crois que dans tout ça, le plus important pour moi est que tu sois heureux. vraiment. et si la clé de ton bonheur c’est cette vega, alors non, je ne m’interposerais pas. peut être que c’est juste ça, on a raté notre moment. on a pas su aller vers l’autre quand il le fallait et maintenant, on est juste tous les deux ancrés dans nos vies et il n’y a plus de possibilité. « ouais.. » mais comment est-ce que tu veux que je ne m’inquiète pas ? j’veux dire, c’est pas anodin la conversation que l’on vient d’avoir. loin de là même. on a pas juste partagé quelques mots idiots sur la pluie et le beau temps. on est allés beaucoup plus loin que ça, sûrement trop même. alors probablement que je ne devrais pas m’inquiéter mais parfois, quand on franchit une ligne, il est un peu trop difficile de revenir en arrière. et j’ai pas d’autres choix que de lever le regard vers toi quand tu me le demandes même si ça reste compliqué. même si j’sais plus trop comment me positionner là de suite. « j’suis désolée.. j’aurais jamais du mettre tout ça sur le tapis. » tout ça pour quoi ? pour t’entendre dire que je pouvais potentiellement te plaire ? c’était stupide de ma part parce que ça ne nous avance à rien. j’ai juste ouvert une porte qu’on était supposés laisser fermer. et j’ai beau te dire que rien ne changera, j’en suis pas si certaine que ça. c’est peut être pas plus mal que tu t’en ailles pendant deux mois. sûrement que ça nous permettra de remettre nos idées en place et de ne plus jamais aborder ce genre de conversation là.

Ouais, on a loupé le coche. Et j’aurais envie qu’on le prenne, maintenant. Mais j’sais très bien au fond de moi qu’on a beau en parler, jamais on sautera le pas. Jamais je te ferais sauter le pas. J’me répète mais… t’as tout construit avec Sully et j’ai beau ne pas être d’accord parfois sur votre relation, sur la façon dont il te traite et te restreint, c’est pas censé être mes affaires et j’ai en aucun cas le droit de gâcher tout ça. Sauf que c’est dur, quand tu me regardes dans les yeux et que t’es si près de moi. C’est dur de résister. Mais tu t’excuses, encore, creusant un peu plus la distance émotionnelle qui a vu le jour entre nous aujourd’hui. "Mh…" J’sais pas trop quoi dire ou quoi faire en fait. "Pas grave, t’excuses pas." Et je lâche tes mains, recule d’un pas. C’est plus safe comme ça. "J’vais y aller moi. Sully devrait bientôt rentrer de l’entraînement si les horaires n’ont pas changé…" Je récupère ma veste et te lance un dernier regard. "Appelle-moi si t’as besoin, d’accord? J’suis là. J’serai toujours là." Et sur ces mots qui me donnent l’impression de te laisser là, je passe la porte d’entrée, la peur au ventre que tout change une fois qu’elle sera fermée derrière moi.