Si j’arrivais à me focaliser sur ce dont j’avais envie, et que j’oubliais facilement chaque instant de ma vie que je préférais taire, mon frère avait le don inversement proportionné à ne se souvenir que de ce qui le minait. Pendant des années j’ai essayé de le faire réagir en le poussant, trop fort peut être, aujourd’hui je me demandais à mon plus grand désarroi, qu’est-ce que ferait Bambi ?

Cette fille qu’il aime tant, une ancienne cabot, c’est un comble de se dire qu’on a tant en commun, et en même temps on était si différente. A défaut d’appuyer où ça fait mal, j’essayais pour la première fois de nos échanges frère sœur de montré à ce petit concentré de Schäfer qu’il n’ pas toujours été un looser.

D’une certaine façon c’était plus dure d’admettre que j’étais fière de lui que de lui faire remarquer ses faiblesses. Je me sentais vulnérable, et je n’aimais pas ça, pourtant en venant serrer Milow contre moi, c’était une façon agréable d’être vulnérable. Nous étions totalement sans défense, tout les deux, laissant tomber les armes le temps d’une heure, peut être plus, mais l’amnistie avait du bon.

Il ne fallait pas lui laisser le temps de réfléchir, parce que je le sais, mon idiot de frère n’était pas capable de positiver. Alors je le conduisais une nouvelle fois au bar, supervisant moi-même la commande pour le remettre en selle après la chute. J’espérais qu’il trouve en ce verre sans alcool un exutoire qui le ferait oublier le liquide plus fort qu’il avait ingurgité il y a peu.

- Tu vas vraiment laisser ce truc en toc définir l’artiste que tu es ?

Tant eut il été un artiste, je lui accordais le bénéfice du doute ce soir. Et puis qui j’étais pour juger un artiste ? ça me fait juste bizarre quand je parle de mon frère de le comparer à ces illuminés qui nous ont légué un patrimoine abstrait que seul eux arrivaient à comprendre. J’avais écouté son histoire, celle de son colocataire, mais je ne pouvais que restée atterrée devant la situation.

- Cet Awards, laisse-lui si ça lui fait plaisir.

Est-ce que c’est vraiment moi qui vais lui dire que les apparences ne comptent pas ? Je me suis battu toute ma scolarité pour qu’on me voit comme la parfaite petite Allemande. Pourtant j’aurai un diplôme de la meilleure élève je ne l’accrocherais pas dans ma chambre. Je prenais une gorgée de ce cocktail avant de reposer le verre d’une façon délicate à côté de moi. Avec deux doigts je pianotais sur le coin de la table, sans jamais lâcher le regard de Milow, allant jusqu’à recadrer son visage vers le mien avec ces mêmes doigts pour qu’il me regarde aussi.

- C’est pas un bibelot qui fait de toi un artiste meilleur que les autres. Et c’est pas une médaille de sobriété qui va t’empêcher de recommencer à faire n’importe quoi. Tu dois avoir confiance en toi Milow, peut importe ce que les autres diront, le plus important c’est comment TOI tu te vois.

Quand on revenait prêt du bar avec le seul Schäfer de la famille à avoir décroché son Awards ce soir, je lui expliquais qu’il fallait qu’on trinque à ça. Pour moi c’était une occasion de lui montrer que j’étais fière de son parcours, même si je ne le comprenais pas.

Rapidement il m’expliquait le déroulement de la cérémonie, et le jeu avec son colocataire. Est-ce que c’était un ami de Milow ? Il en parlait à la fois comme d’un ami, et comme du blaireau qui lui avait pris son prix. Moi j’essayais de le convaincre de l’absurdité de la situation, même si ça n’avait pas l’air de rester si facile pour mon cadet.

- Je veux juste dire que mon rouge à lèvre à du coûter plus chère que le prix qu’ils ont déboursé pour ton Awards. Mais détrompe-toi, j’ai bien l’intention de trinquer avec toi petit frère, je suis sérieuse, bravo pour ton Awards !

En me penchant contre lui, je faisais un truc qu’on ne faisait jamais mis à part pour se dire bonjour, et encore, je déposais un bisou sur sa joue d’une façon plus sincère que n’importe lequel de nos bonjours. Je lui souriais, en espérant qu’il comprenne mon point de vue, même si je ne m’étendrais pas dessus à sa demande.

Milow paraissait attaché à son objet en toc, et j’irai cause à ce Kwan si c’était nécessaire. C’est la croix des artistes, ils sont sensibles et sentimentaux, enfin c’est ce qu’on dit … mais je me rendais compte que mon frère était bien un artiste, aussi sensible que les autres. En faisant signe au mec derrière le bar pour qu’il s’approche, je me penchais pour lui demander un verre vide, même s’il ne comprenait pas, il s’exécutait.

- Mes exams ? Il n’y a pas grand-chose à en dire, ça s’est bien passé, comme toujours. C’est une formalité tu sais, mais c’est gentil de demander … et toi ? ça a marché on dirait ?

Je n’avais jamais considéré les cours comme autre chose qu’une façon obligatoire de grandir et de devenir celle qu’on attendait que je sois. Mais pour mon frère ça semblait être une toute autre histoire. Je récupérais le verre vide que j’avais commandé et je sortais mon rouge à lèvre hors de prix de mon sac pour écrire sur le verre ce petit mot pour mon frère.

« Awards du plus courageux,
Merci de supporter ta sœur
depuis tant d’année »

Je faisais ma petite inscription sur le verre en signant en bas, d’une certaine façon il avait mérité ça, même si je ne lui disais pas, j’étais contente d’avoir un petit frère pour passer mes nerfs quand j’en avais besoin. C’était un simple verre marqué au rouge à levre, ça ne valait rien, mais c’était ma dédicace pour ce petit con qu’était mon frère. Je lui poussais de façon désinvolte le long de la table du bar jusqu’à mon frère.

- Celui là tu le laissera pas à Kwan.

Cette soirée virait définitivement en quelque chose d’étrange, mais j’étais satisfaite finalement de passer un instant avec mon petit frère. Qu’est ce que ça va donner pour la suite, je ne savais encore pas le dire, mais je commençais à comprendre qu’avec Milow il valait mieux ne pas trop réfléchir et le laisser venir tout seul.

- J’ai une idée ! Le genre de truc coruscant dont seul ta sœur pourrait avoir la nitescence. Rien que d’y penser j’en ai l’eau à la bouche, je crois que je pourrais tuer pour ça !

En continuant de boire mon breuvage sans alcool, je commençais à me demander s’il n’y trainait pas un substitut qui me donnerait des idées aussi improbables. J’en prenais une grande gorgée avant de perdre mon regard sur mon frère qui se demandait surement déjà de quelle idée je pouvais parler. Le pire c’est que maintenant j’avais envie de ça.

- On va troquer ton Award, tu prends un air alliciant, genre sylphe tranquille et tu essayes de l’échanger contre un de ces pot de confiture hyalin à Berlin, tu sais la mûre que j’aime tant utiliser pour sucrer mon thé !

Je n’avais pas réussi à retrouver une pareille merveille depuis que j’étais parti de Berlin. Je sais que je ne trouverais surement pas ici, on était trop loin de note beau continent où la gastronomie régnait en maitre. Je faisais mes yeux presque suppliants, ces petits yeux que savent si bien faire les chats, même si je savais que pour le coup c’est à papa que je devrais m’adresser pour mon caprice.

Ça me manquait, et en même temps je ne regrettais pas de ne plus voir la tête des jumelles qui se croyaient tellement exceptionnelle à vendre la confiture de grand-mère, alors qu’elles ne faisaient rien d’autre que d’être au magasin. J’y repensais en souriant, à l’époque c’était tellement plus facile avec Milow, on allait à l’épicerie ensemble sans se poser tant de question qu’aujourd’hui.

- Ça fait des années que j’en ai pas mangé, tu te souviens ? Quand t’étais sage je te faisais même une tartine … tu crois que tu mériterais encore ? Peut être ce soir, parce que tu as bien voulu faire danser ta soeur

Pourquoi je pensais à ça ? C’était les émotions qui devait me faire ressasser le passé. Je soupirais en fermait les paupières juste quelques secondes en voyant mon frère avec 10 ans en moins. J’étais peut-être moins dure avec lui, est ce qu’il préférait la Minna d’avant ? Faisant tourner le liquide à la couleur amniotique dans mon verre, je ressassais le duodecies de cette épigramme qu’était notre vie d’antan avec mon cadet devenu abstème.

Milow avait fait plus de sacrifice que je l’aurais imaginé au nom de la doxa et d’une aversion de nos pairs pour un chaque esprit contadin qui pourrait les transcender d’idées jugées puritaines. J’en avais certainement fait autant que lui, mais en jugeant mon frère je n’étais pas mieux que ceux pour qui j’essayais d’être la fille parfaite de mon père. Je venais poser ma main sur celle du jeune Lowell en continuant d’essayer de le rassurer.

- Je sais que tu fais de ton mieux, tu es plus fort que tu le penses, et ceux qui ne sont pas content, tu les emmerdes d’accord ? Tu as le droit d’être différent, mais il faut le revendiquer !

Je venais de remettre son gobelet signé à mon frère, où je lui disais combien j’étais fière de lui, enfin à ma façon. Il fallait que je profite de cette soirée plus qu’étrange pour lui céder tout ce que j’avais sur le cœur. C’était l’occasion pour les Schäfer de retrouver une certaine cohésion familiale. Pour lui montrer, en criant après ce garçon qui n’arrêtait pas de me reluquer, moi ou Milow, j’espérais encore que c’était moi.

- Franchement, t'es mignon mais je préfère la Doyenne en slip

Je dégluti, fronçant pour de bon les sourcils jusqu’à ce qu’il tourne le regard en partant sur un fou rire avec ces potes. Ça n’était pas la soirée pour me chauffer, pas maintenant, pas comme ça. Ce soir dans ma robe de bal j’avais le droit de me montrer vulgaire, parce que même une fille à papa à ses limites qu’elle ne peut supporter.

- Mais tu l’as vu ce mec ? On ferait peut-être mieux de retrouver ta cavalière, j’ai peur que ma petite Light se laisse embarquer par des connards pareils, si je te l’avais confié, c’est que je savais que tu t’occuperais d’elle comme il faut.

En faisait un tour d’horizon, je retrouvais le loup dont on parlait, notre jolie Light en pleine discussion sur un sujet qui devait la dépasser certainement. Je faisais signe à mon frère de rester assis, moi j’allais m’occuper d’elle. Je m’avançais vers 3 garçons autour de Light en commençant par la tirer à moi, levant un doigt en l’air pour leur faire un Fuck à chacun, 3 en tout.

- Elle a déjà le meilleur cavalier qui soit, elle est avec mon frère, ok les Play boy, alors pas touche à ma copine. Light, viens, c’est pas des garçons pour toi.

Sans laisser le choix ni à la blonde ni aux autres, je remmenais Light vers Milow qui n’avait plus de cavalière depuis déjà trop longtemps. Pendant quelques minutes avant de revenir vers lui, j’essayais de faire comprendre à Light que je l’avais emmenée ici pour qu’elle s’occupe d’un garçon, et pas de tous ceux de la salle.

Ça risquait d’être plus compliqué que prévu de surveiller Milow et sa cavalière, mais après tout ils sont grand non ? Je remmenais la belle dans sa jolie robe à son partenaire pour la soirée, en indiquant tacitement à ce dernier avec un sourire qu’il devait être patient avec elle. Je prends la main de Light pour la tendre jusqu’à celle de mon frère.

- Je te remmène ta cavalière. Light, c’est un garçon bien mon frère, alors ne le laisse plus tout seul, il mérite mieux.

Est-ce que je venais vraiment de dire ça ? Il fallait que je me sauve avant de ne plus pouvoir me reconnaitre. J’adorais l’idée d’une relation plus simple avec Milow, mais là ça devenait carrément flippant. Je regardais les deux, venant déposer une bise sur la joue de Light, puis celle de Milow, je sais qu’il passerait une soirée paisible en compagnie de ma copine.

- Tu es en de bonne main Milow, alors profite un peu, et toi aussi prends soin de ma copine. Bonne soirée si on ne se revoit pas !

De toute façon Light me ferait un topo en rentrant, du moins je l’espérais. Alors je décidais de rentrer à la maison, enfin, c’était jusqu’à ce que je croise le regard de cette jolie cabot qui me faisait de l’œil dans sa robe à couper le souffle. J’allais rejoindre mon amie Kaélia qui sembler s’ennuyer, mais ça, c’était avant que j’arrive !