Je venais de rentrer d’Islande et dans mon état, il était impossible de réviser et pourtant je devais. J’avais passé une semaine à procrastiner et les examens se rapprochaient dangereusement. Affalée sur mon bureau, je tourne ma tête vers une bouteille d’alcool. Ah oui, le cadeau d’Elliot. Je me relève et l’embarque dans mon sac. Finalement, j’avais envie de le voir. Il m’avait énormément manqué et j’avais tant de chose à lui raconter. Je lui écris quelques texts, il me dit de passer chez lui. Apparemment Vega lui avait confié quelque chose… Je mets ma veste et j’étais partie. J’arrive chez lui, un de ses coloc me laisse entrer. C’était étrange, il n’était pas à la maison ? Je l’attends dans sa chambre qui faisait trois fois la mienne, couchée sur son lit king size et je m’endors comme un bébé. Le jetlag m’avait emportée. Je me réveille, les paupières lourdes, je ne savais plus où j’étais… Je me redresse et je vois Elliot assis sur sa chaise de bureau en train de me regarder. Je passe ma main dans mes cheveux comme pour me recoiffer et je regarde la fenêtre. Il faisait… jour ? – Oh merde… sincèrement désolé ! Il est quelle heure ? Je lui demande, pas vraiment certaine s’il était 6h du matin ou peut-être 11h ? Il n’était probablement pas l’après-midi quand même…

T’étais enfin rentrée d’Islande et t’avais un petit cadeau pour moi. Sympa, même si tu savais que ta présence me suffisait. Alors je t’autorise à passer, étant seul pour la soirée de façon exceptionnelle. J’vais juste chercher de quoi manger en attendant que t’arrives. Mais quand j’reviens, t’es déjà là et tu t’es bien installée puisque tu dors carrément dans mon pieu. Ah. Fatiguée la miss? J’essaye de te réveiller doucement, mais ça ne fonctionne pas. Tant pis, j’insiste pas, c’est que tu dois être crevée. Alors je décide de fermer la porte et m’installer dans une chambre vide pour la nuit.

Quand je reviens le lendemain matin, tu dors encore. Ben dis donc. J’ouvre les rideaux pour laisser entrer la lumière du soleil et m’assois sur la chaise de bureau qui fait face au lit, comptant les secondes que tu prendrais pour te réveiller. Enfin. Tu te passes la main dans les cheveux, et tu t’excuses déjà alors je ris. "Good morning sunshine. Il va être 10h bientôt. Bien dormi? Il est toujours aussi confortable, mon lit?" Je me levais pour m’assoir sur le bord du lit. "Alors comme ça tu viens crécher chez moi sans même me le dire? Bravo. Heureusement que j’te fais confiance hein!" que je ris un peu en venant t’offrir un gros bisou sur la joue. "Alors l’Islande? C’était comment? Tu m’as manquée. J’t’ai manqué aussi au moins?" Je fais danser mes sourcils en riant quelque peu.

Ca faisait si longtemps que je n’avais pas autant bien dormi. Et puis, ça faisait une semaine que je dormais à l’arrière d’un camping car. Certes, j’étais en bonne compagnie mais le pseudo matelas qu’on avait n’était pas comparable au mien, ni à celui d’Elliot. – Morning angel. Je lui réponds avec un sourire avant de tendre mes bras pour m’étirer. – Le pied ! J’ai même plus envie de te le rendre. Je lui réponds en plaisantant à moitié. Je lui avais piqué son lit, sa chambre et peut-être même celui de sa copine ? Je savais qu’elle avait emménagé mais je n’avais aucune idée si elle avait sa propre chambre. En tout cas, je devais malheureusement lui rendre ce qu’il lui appartenait. Cette idée me brisait presque le cœur. – Bien sûr, je t’ai envoyé un hibou pour te prévenir. Tu l’as pas vu ? Je réponds à sa plaisanterie. Elliot finit par m’embrasser sur la joue et me demande s’il m’avait manqué. Je le regarde avec un air hésitant et je fais mine de réfléchir. Je lui souris et finalement je l’enlace dans mes bras, comme si c’était mon ourson en peluche.  – Bien évidemment que tu m’as manqué ! Je le relâche parce que j’allais finir par l’étouffer. – Oh mon dieu ! Ce voyage !! L’Islande c’est teeeellement magnifique. Tiens tu peux regarder. J’attrape mon téléphone et lui donne pour qu’il regarde les photos. Rien que d’y penser, j’avais les yeux pleins d’étoiles. Je me voyais déjà y retourner. – Tu devrais aller une fois ! Avec vega, un road trip entre amoureux. Je lui fais un clin d’œil. – Alors, qu’est-ce que j’ai loupé pendant mon absence ? Raconte-moi tout. J’étais bien réveillée, je frottais mes mains, toute excitée comme un enfant qui attendait que son père lui raconte une histoire.

Le pire, c’est que t’es à l’aise, que tu t’en amuses. T’imagines si Vega avait été là? Elle aurait dû. Elle vit ici maintenant. Avec moi. Enfin, plus peut-être pour longtemps, mais là n’était pas la question. T’aimerais bien débarquer dans ta chambre et voir une amie de ton mec qui dort paisiblement dans votre lit? Je soupire à la situation et secoue la tête, malgré tout un petit sourire aux lèvres, content de te voir. J’embrasse ta joue et tu viens m’enlacer pour un câlin de retrouvailles. "T’as fait quoi là-bas alors?" Et je roule des yeux. "J’te rappelle que la dernière fois que je suis parti en voyage avec une nana, elle m’a brisé le coeur." Autant dire que j’étais un peu hésitant maintenant. "Et ton prince charmant à toi, comment il va?" Ouais, j’étais toujours pas convaincu par ce type mais j’allais quand même pas me montrer totalement hostile… "T’as pas loupé grand chose, un type chelou qui a essayé de me voler mon identité ou qui du moins en savait beaucoup sur moi — peut-être un stalkeur? — et un truc avec Vega mais c’est pas important." En fait, si. C’était même la raison qui m’avait poussé à demander que tu viennes me voir. "Elle veut qu’on emménage ensemble." Oui, tu vas me dire qu’on a déjà emménagé ensemble ici même. Mais… "Vraiment ensemble, qu’à deux j’veux dire." Et pour le coup, j’sais vraiment pas quoi en penser.

Ce que j’avais fait là-bas ? Tant de choses et je ne savais pas même par où commencer. Je réfléchis un instant afin de trouver le meilleur moyen de résumer. – J’ai beaucoup conduit, beaucoup marché, beaucoup photographié, et j’ai beaucoup… Nope, on va éviter la fin. – Mais tu te rends compte ? Je me suis baignée au blue lagoon, j’ai vu des icebergs et des plages de sable noir. J’ai même pu expérimenter le soleil de minuit ! Franchement, l’Island top ! Je lui dis d’y aller un jour avec sa copine et il refuse indirectement me rappelant que sa dernière expérience avait été désastreuse. Je lève les yeux au ciel. Il fallait qu’il arrête de vivre dans le passé sinon il n’allait pas profiter pleinement du présent. Il me demande ensuite comment va mon prince charmant. – Prince charmant, prince charmant. C’est juste un pote avec qui je passe de bons moments en vacances. Mais il va bien, merci. Il n’y avait vraiment rien entre nous. A Boston, nous étions de simples amis, rien de plus et heureusement ! Sa petite sœur me détestait déjà assez. Il fallait que j’explique cette histoire à Elliot mais pour l’instant, je m’intéresse bien plus à ses histoires, particulièrement à Vega. Il me dit que ce n’était pas important et je ne le crois pas du tout. J’attends qu’il continue et je reste sans voix. – Et… tu lui as répondu quoi ? J’imagine qu’il n’avait rien répondu. C’était peut-être pour ça qu’il m’avait demandé de le voir. – Tu en as envie ? Je ne savais pas qu’ils étaient déjà arrivés là. Ca me surprenait à moitié, mais quand même.

Tu restes évasive sur la fin de la phrase et je roule des yeux. "Baisé. T’as beaucoup baisé." Eh ben. "Content pour toi, ça a vraiment du être un beau voyage." Je ne plaisante qu’à moitié, c’est bien trop amusant pour me passer de réflexion. "Je note sur ma liste de pays à visiter. On se fera un road trip, tu me feras visiter. Sans la partie baise hein, ça non merci." Petit clin d’oeil avant qu’on embraye direct sur le sujet Vega. Ah. Je t’explique rapidement, une phrase suffit de toute façon. Qu’est-ce que j’ai répondu? "Que j’allais y réfléchir." Et c’est avec toi que je compte y réfléchir. "La villa, c’est plus qu’une maison pour moi, c’est un symbole. Ma rébellion contre mes parents, une nouvelle vie après le crash, un nouveau pas dans mon amitié avec Nath parce qu’on l’a achetée ensemble… Je sais pas si j’ai envie de quitter tout ça. Mais je sais que j’ai pas envie de la quitter." La = Vega. Elle a pris trop de place, trop d’importance pour que je tire un trait sur elle, que je la laisse tirer un trait sur moi pour cette histoire. Elle le ferait pas, elle me dirait que c'est pas grave, que tout va bien, mais au fond d'elle, elle aurait toujours cette idée, cette envie derrière la tête et moi, j'aurais cette horrible impression de ne pas pouvoir/vouloir la combler comme elle le mérite. Alors j'fais quoi moi, hein?

J’éclate de rire lorsque Elliot finit ma phrase. J’étais sûr qu’il allait me reprendre et me faire ce genre de remarque. – Je plaisante ! Pas tant que ça et oui c’était un très beau voyage. Je le voyais déjà venir, il n’allait pas me croire. Mais sincèrement, c’était un magnifique voyage même si j’avais la chance d’être bien accompagnée. Il ajoute la destination sur sa liste et me propose d’y aller un jour. Je lui souris, le visage illuminé et plein d’excitation. Ca serait magique même si j’avais quand même du mal à voir petit prince Elliot faire du camping. Je ris à sa remarque sur le sex. En effet, non merci. – Ne t’inquiète pas, je ne touche pas les mineurs. Je lui réponds en plaisantant. Je voyais Elliot comme mon petit frère, impossible de le toucher. Nous arrivions sur LE sujet de la journée : sa copine. Je le vois déchiré et tourmenté. J’avais un pincement au cœur parce que je le comprenais. Depuis le temps, j’avais appris à le connaître. Je réfléchis pour trouver les bons mots et la meilleure solution. – A mon avis, si tu tiens vraiment à cette maison et si tu lui expliques tout ce que tu viens de me dire. Elle comprendra ta décision car elle t’aime. Elle ne te quittera pas. C’était impossible qu’ils se quittent pour cette raison. C’était débile et je ne leur permettrai pas. – Par contre, je pense que du changement ne te fera pas du mal. Dis-toi que si tu déménages avec Vega, c’est une page qui tourne, une nouvelle vie qui commence. C’est aussi un symbole que tu as grandi et que le passé n’est qu’un mauvais souvenir. Et puis, tu pourras toujours revenir ici pour voir tes colocs ! Et tu seras surpris de me trouver dans ta chambre car elle sera la mienne. Je poursuis avec une pointe d’humour. Je savais que je ne lui aidais pas vraiment à choisir. En tout cas, il allait prendre la décision tout seul. C’était sa décision, pas la mienne.

Les mineurs? "Tss. J’touche pas les grand-mères non plus donc t’inquiète." On s’entendait tellement bien que j’avais tendance à oublier notre différence d’âge. C’était sûrement pour ça d’ailleurs que je me tournais vers toi dès que j’avais un problème. T’étais plus âgée, plus matures, plus réfléchie? Moi, j’étais encore qu’un gamin qui essayait désespérément de devenir un adulte même si ça le faisait totalement flipper. D’ailleurs, je t’écoute parler et je roule finalement des yeux. "Ah ouais, ça me remplace déjà dans ma propre maison. Sympa." Je feins un grognement de mécontentement, pour le côté théâtral. Non mais sérieux, tu crois que tu m’aides là? "Choisis pour moi. C’est trop compliqué." dis-je en soupirant, me laissant tomber le dos sur le matelas, yeux fixés au plafond. "Je sais qu’elle me quittera pas si je refuse, elle veut carrément pas en parler depuis qu’elle sait que j’ai des doutes, c’est genre un sujet banni de nos discussions et elle prétend que c’est jamais arrivé." J’veux pas avoir des problèmes de communication avec elle comme j’en ai eu avec Cléo, j’veux pas que cette histoire se termine comme la précédente. J’veux pas qu’elle se termine tout court en fait. "Tu crois que j’suis prêt pour ça? Quitter mes potes pour emménager avec une fille?" Sérieux, bros before hoes quoi, moi j’avais vécu ces six dernières années avec le code Winthrop. Comment j’pouvais faire passer une fille avant mes potes, changer du tout au tout aussi rapidement?

– Hé bien, nous sommes bien d’accord. Je lui fais un clin d’œil bien qu’il m’ait traité de grand-mère. Ce n’était pas faux. J’avais déjà dépassé le quart de siècle et j’approchais dangereusement de la trentaine. Je n’étais toujours pas casé et posé alors qu’Elliot m’avait rattrapé. Quelle violence. J’ai l’impression de me prendre une claque. Je lui confie ensuite ma volonté de prendre sa chambre, une petite plaisanterie pour détendre un peu l’atmosphère, et il me regarde mécontent. En revanche, je lui souris très satisfaite. Oais, j’aimais bien le chercher un peu. M’enfin, petite plaisanterie à part, je regarde Elliot qui finit par tomber sur le lit. Il désespérait et il me désespérait. Comment voulait-il que je prenne la décision pour lui ? Ce n’était pas moi qui déménageait avec sa copine. C’était lui ! Bon sang, ce qu’il était terrible. – Franchement ? Je ne sais pas. Je sais, je ne l’aidais pas du tout. Comment est-ce que je pouvais savoir s’il était prêt ? Je n’avais pas un don pour regarder dans le cœur des gens. En revanche, j’allais l’aider. J’allais faire de mon mieux pour le guider dans sa décision. – Je ne sais pas si tu es prêt mais ce n’est pas la question. Il faut juste te demander si tu as envie de vivre avec elle, rien que vous deux. Ne pense pas à ta maison actuelle. Alors, est-ce que tu as envie ? Spontanément, sans prendre le temps de réfléchir, tu aurais fait quoi ? Dans la vie, il fallait savoir être spontanée et c'était une chose que je maîtrisais plutôt bien. Je ne prenais jamais le temps de réfléchir. Plus je réfléchissais, plus je me prenais la tête et je détestais ça. Il fallait savoir choisir, peu importe si on finit par regretter après. Quoiqu'il arrive, on pouvait toujours changer.

S’il te plait Thalía, aide-moi au lieu de me dire oui mais non, et peut-être que, mais si… Donne-moi une réponse. J’suis prêt pour m’installer avec Vega tu crois? Ou tu penses que c’est trop un truc d’adulte responsable pour moi, que j’vais pas être heureux comme ça, qu’il me faut mes potes pour vivre, comme à la Winthrop House? Et qui sait si je lui dis oui qu’elle va pas continuer sur cette lancée de vie responsable et adulte et me demander un gosse? Ça n’allait pas un peu trop vite, tout ça? Mais non, toi, tu vas pas m’aider davantage. Tu ne sais pas, t’es comme moi, t’en sais rien. Tu blablates un truc, me parles de spontanéité. Ma spontanéité que j’avais perdu y’a quelques mois. "Oui j’ai envie d’être avec elle, de la voir se balader en petite culotte dans la cuisine sans que Simen ou Nath puisse avoir le malheur de tomber sur elle." Pas que j’fais pas confiance à mes potes, loin de là, mais c’est pas forcément agréable de se dire que notre meuf peut être regardée par d’autres que soi. "Mais j’en sais rien. Et si je le fais et que j’me rends compte que ça me plait pas? Je peux pas la planter, lui dire "ah en fait non, abort mission, je retourne avec mes bros." Tu comprends?" Après… J’pouvais habiter avec Vega et garder ma chambre à la WH, comme je fais là. J’aurais un endroit où crécher si on s’engueule, si elle ne veut plus de moi. "J’ai peur." que je dis en soupirant, me décalant pour poser ma tête sur tes jambes et te regarder d’en bas. "J’ai peur de devenir ce gars qui devient adulte, qui fait que des choix réfléchi, qui s’installe avec sa copine en se disant que c’est la femme de sa vie, qui achète un chien, se marie, a des gosses. J’veux pas être ce genre de gars. Ennuyant." Banal. J’veux pas me plier et devenir ce que ma famille a toujours attendu de moi. Et t'es la mieux placée pour savoir ce qu'ils attendent. Et j’sais que je vois loin, beaucoup trop loin, mais j’y peux rien, mon cerveau est fait comme ça, il réfléchit trop.