Rendez-vous psychologique au Luna Café. Intéressant. Je comprends ce que tu fais, vouloir me sortir du contexte habituel. Mais je ne rechigne pas. C’est un peu bizarre parce que ton bureau, j’le vois comme une boite où sont rangés tous mes secrets, une pièce fermée à double tour dont rien ne peut s’échapper. Et ça me rassure. Cette confidentialité médecin-patient. Parce que j’sais que tout ce que je te dis, ça ne reste qu’entre nous. Tu n’irais pas mettre mes proches au courant, ceux que j’évite à tout prix d’inclure dans mes problèmes et mes maux. Et t’as pas le choix que de te taire parce que j’te poursuivrai en justice si c’était pas le cas. J’entre dans l’établissement, te cherche du regard et te trouve rapidement. Je viens m’installer sur le siège face à toi, te saluant d’un hochement de tête. La serveuse revient rapidement, faut dire que l’endroit est plutôt désert à l’heure qu’il est. « Milkshake vanille, merci. » Bah quoi? Le soleil repointait le bout de son nez, ça voulait dire que la saison des milkshakes était officiellement ouverte. Elle te servait ton verre d’eau et ma boisson avant de repartir derrière le comptoir. « Ça va? » que je disais, histoire de lancer les hostilités, lançant un regard autour de nous. C’était bizarre en fait, de se voir en dehors du lieu de travail. J’savais pas si j’étais totalement à l’aise avec ça.

HJ : Alors ce qu’il y a à savoir pour ce rp Vaut mieux dire que ça se passe durant ces derniers jours, il s’était remis avec Cléo mais l’a à nouveau quittée mercredi 18 avril (t’auras toute l’histoire en rp tqt ) Donc après ça je pense. Et faut juste qu’il le diagnostique comme étant dépressif, même s’il le sait déjà inconsciemment (mais avoir un bilan « officiel », tu vois). A voir à Jax s’il lui prescrit des trucs ou pas, vu qu’il est censé être en désintox et que pourtant il tient bien le coup (pas de drogue, pas de calmants, pas de somnifères, rien ) C’était les petites infos du jour

« Ça va. » Non, ça va pas. Mais c’est un ‘ça va’ conventionnel, vous savez, quand quelqu’un vous demande comment vous allez, faut toujours répondre que vous allez bien. Personne n’a envie d’entendre que ça va pas. J’attends en fait que la serveuse revienne et reparte pour de bon. Et je me méfie des gens ici. La plupart des clients sont à Harvard, et j’ai pas envie qu’ils entendent quelque chose et que ça parle dans les couloirs. Et je pense que tu remarques ma gêne, mon hésitation, parce que tu reprends la parole. Okay, je te crois, mais ça ne me met pas totalement en confiance non plus. Alors j’inspire, je prends une gorgée de mon milkshake à la paille. Et instinctivement, je m’approche un peu, comme un gosse qui dirait un secret. « Ça va pas en fait… Mais je consomme plus. Plus rien du tout. » Plus de coke, plus de MDMA, plus de somnifères, plus d’anxiolytiques. « Enfin, à part l’alcool. » Mais faut bien me laisser quelque chose non? « J’ai même pas fumé un seul joint. » Et ouais, mine de rien, j’suis fier de tenir. Parce que dernièrement, c’est dur. C’est très dur, et j’tiens tout seul malgré moi. Bon, je tiens la désintox. Mais intérieurement, y’a plus rien qui tient. Tout est en train de se casser la gueule, et j’sais pas quoi faire pour rattraper le tout. Mais hey, au moins je suis clean, non?

« J’ai pas fait de carnet… Désolé. J’ai oublié, c’est le genre de truc que je mettrai jamais à jour de toute façon. Mais en gros… J’en ai eu envie pendant le Spring Break pour tout ce qui est drogues, et pour les somnifères j’ai eu cinq-six nuits difficiles…. Sinon ça allait. » Le truc c’est que, même si mon corps réclame, je sais que j’suis bien mieux sans toutes ces merdes. Et dès que j’ai envie, je repense à l’accident qu’on a eu avec Dina et ça me gèle instantanément sur place. Ce qu’il se passe? J’hausse les épaules. « J’en sais trop rien en fait… J’me sens… Vide? » Je laisse planer ça un petit moment, ne sachant pas trop comment commencer. Entre temps, je commande des frites au cheddar et au bacon que la serveuse me ramène presque instantanément avant de repartir. « En fait, j’arrive plus à parler. À mes proches. Ça reste coincé dans ma gorge et… j’arrive pas. Je sais pas quoi dire, par où commencer, alors que je sais que je devrais me confier, parce que c’est en train de me rendre dingue. » J’suis une personne qui a toujours tout extériorisé, et le fait de tout garder à l’intérieur, c’est compliqué à gérer pour moi. « J’ai l’impression de ne pas avoir ma place ici. À Harvard, à Boston, aux USA, nulle part en fait. Je sais pas pourquoi je suis là, j’ai aucun but, aucun objectif, et j’me dis que… si j’étais pas là ça serait pareil. Et je m’étais remis avec mon ex, sauf qu’on s’est à nouveau séparés il y a quelques jours. J’pensais que je serais à nouveau heureux avec elle, ne pas être avec elle me rendait malheureux alors dans la logique être avec elle me rendrait heureux. Mais non, c’était pas le cas, ça a pas marché comme ça. Et j’sais pas, j’suis… ni triste, ni heureux. Ouais, vide en fait. »

Ouais, le carnet, très peu pour moi. J’étais trop tête en l’air, trop spontané pour ça. Mais j’me souvenais aisément de mes moments d’envie. Parce que j’avais passé de sales quarts d’heure à me forcer à ne pas retomber dans les travers de la drogue pour juste avoir une bonne nuit de sommeil ou un peu moins stresser. J’avais compris que c’était juste un cercle vicieux et qu’il fallait totalement l’anéantir si on voulait qu’il disparaisse, on ne pouvait pas faire de concessions, c’était tout ou rien. Alors j’avais choisi rien. Et j’te sors ma crise existentielle qui se trame dans ma tête, t’essayes de me rassurer comme tu peux mais ça sert à rien, c’est comme si j’entendais rien. Du moins, j’entends, mais y’a rien qui percute. « Bah pourquoi moi et pas un autre ? » Un autre que moi aurait sûrement eu une vie plus productive, aurait sûrement été quelqu’un de meilleur. Et tu continues ton discours. Faut que je parle. Ouais, plus facile à dire qu’à faire tu crois pas ? Sauf que le truc de la dépression là… J’aimerais bien dire que ça me fait un choc. D’un côté, c’est le cas. Mais de l’autre, ça ne me surprend pas vraiment. C’est même un soulagement en fait. C’est une raison rationnelle qui me pousse à être aussi triste et vide. Un déséquilibre chimique dans mon cerveau. C’est ça la dépression, hein ? Donc ça peut se régler. Ça se guérit. Je vais pouvoir simplement guérir de tout ça et redevenir comme avant. « Comment je fais pour guérir ? » Ouais, parce que dans ma tête, c’était aussi simple que ça. T’es malade, y’a un traitement, tu guéris. Fin de l’histoire. Sauf que, la chose à laquelle je ne pensais pas là tout de suite, c’était que j’avais arrêté les drogues et les médocs. C’était pas pour me lancer sur des anti-dépresseurs alors que ça faisait 3 mois presque que j’étais clean. « Et comment je suis censé faire pour me confier ? Quand j’essaye, c’est les mots qui restent coincés dans ma gorge, c’est physique, je me bloque. Et à qui ? Je veux pas inquiéter mes proches. Je sais que s’ils savaient ils s'inquiéteraient… Mon meilleur ami a fait une tentative de suicide mais ça reste entre nous il ne veut pas que quiconque le sache. J’peux pas aller lui parler de mes petits problèmes qui sont insignifiants par rapport aux siens. » J’peux juste pas, c’est pas correct de ma part. Faut qu’il prenne soin de lui avant de prendre soin de moi.

Pourquoi moi et pas un autre, pourquoi un autre et pas moi… Ouais, c’est un peu le même principe que "avec des ‘si’ on referait le monde". C’est pas possible, c’est pas comme ça que ça fonctionne. Et c’est pas comme ça qu’on avance. Et mine de rien, j’veux avancer moi. J’en ai peut-être pas l’air, mais c’est le cas. Et j’pense sincèrement que quand j’serais remis de ça, la vie me laissera tranquille pendant un petit moment. Le crash d’hélico, la perte de mémoire, mon mariage arrangé, les drogues, l’accident de voiture avec Dina, la prison, la rupture avec Cléo, les coups de couteau. Ça faisait beaucoup en fait, en peu de temps. Et j’voulais croire que la dépression, c’était la dernière étape, l’épreuve ultime avant que le karma me foute la paix et que j’puisse vraiment être heureux, ou du moins avoir les moyens à disposition pour tenter de l’être. Et quand tu me dis que j’vais devoir avaler de nouvelles pilules, je tressaille. Si tu juges que c’est le mieux malgré mon passé d’addict qui n’est d’ailleurs pas très lointain. Je grince des dents, mais j’accepterais si c’est ce qu’il me faut. "Comment tu peux savoir que j’serais pas accro?" J’veux dire… Vu mon historique de dépendance, c’est fort probable que j’le sois. Et j’ai pas envie que ça arrive. Comment on va empêcher ça? Et quand tu parles d’Hae-Seong, j’hoche doucement la tête. "J’ai essayé de le faire parler et il n’a pas vraiment voulu aborder le sujet… Il dit qu’il a honte et qu’il préfère oublier." Ce que je comprends, mais avec moi, il devrait pas. "J’essayerai mais j’te promets rien." Et ça serait sûrement pas tout de suite. Y’aura un bon moment, je crois. J’le sentirais. Mais là, c’était trop tôt. "J’suis désolé, tu sais?" je souffle après avoir bu quelques gorgées de mon milkshake. "D’être un patient aussi compliqué et relou. T’es qu’un étudiant qui voulait une étude de cas vivante et tu te retrouves avec… moi." Ouais, vraiment navré. T’auras pu avoir bien plus facile à traiter.