Vous vous souvenez de la petite brune parfaite qui était dans votre classe en primaire? Elle portait des robes roses, avait les meilleures notes de la classe, faisait de la danse classique et était appréciée par à peu près tout le monde. C'était la préférée de la maitresse, toutes les filles voulaient être ses copines et tous les garçons en étaient secrètement amoureux. Non, ça ne vous dit rien? Peut-être que la vôtre était blonde et qu'elle faisait du violon. Quoi qu'il en soit, dans son microcosme, cette fille, c'était Dahlia. Elle avait l'excellence pour seul mot d'ordre. Fille unique, elle voulait rendre fiers ses parents, mais la petite fleur n'a jamais eu la reconnaissance qu'elle méritait. Père aux abonnés absents, trop occupé au boulot ou à s'envoyer en l'air avec sa secrétaire. Mère également peu présente. Il faut dire qu'entre les brunchs avec ses copines, ses longues après-midis shopping, son association et ses séances de massages avec des jeunes hommes de la moitié de son âge, elle n'avait pas une minute pour sa fille. Tout ce qui importait, c'était que Dahlia avait de bonnes notes et que personne ne s'en plaignait. L'apparence était là, le reste n'avait pas de valeur.

La famille Graham n'a jamais été soudée. En même temps, Mélanie et John Graham avaient une vision du bonheur conjugal pour le moins tordue. Ce n'était pas un couple. L’ont-ils jamais été cela dit ? C’était une PME ou une SARL, selon les jours. John a besoin de Mélanie pour colorier ses dîners d’affaires, et Mélanie a besoin d'un mari pour être madame. Monsieur se fait pardonner ses sorties tardives ou autres infidélités avec de très beaux cadeaux. Avant même de faire une connerie, il achète un bijou à sa femme. Une sorte de cape d’immunité. Une conscience prévisionnelle. Ce n’est pas avec un modèle pareil que Dahlia risque d'être heureuse, ni de construire quelque chose avec un mec. C'est pour cela que sa vie sentimentale a toujours été désastreuse.

Un visage de poupée, une silhouette de mannequin. La petite fleur a grandit et comme prévu, tous les regards sont restés braqués sur elle. Dahlia a toujours été le genre de fille à se faire remarquer, à briller en société, pour son physique avantageux, mais pas seulement. Dahlia, c'est avant tout une fille passionnée, une fille rayonnante et intelligente. Quand elle aime, elle ne compte pas, et ce depuis toujours. La New-Yorkaise peut peut-être avoir l'air hautaine, mais elle a un grand coeur et est extrêmement sensible. Peut-être un peu trop. C'est pour ça qu'elle s'est créée une sorte de carapace.
Dahlia, c'est une flamme à l'intérieur. Trop vive, trop brulante, trop lumineuse, trop intense. Et tout a exploser lorsqu'elle a intégré l'université. Elle n'avait plus à faire semblant à côté de ses parents. Alors elle a commencer à passé beaucoup plus de temps à faire la fête que chez elle. Elle est même fait une année sabbatique pour faire le tour du monde en deuxième année - qu'elle rattrape en ce moment.

Ce n’est pas tant qu'elle adore sortir. Son problème c'est qu'elle ne sait plus rentrer. Alors, dès que la nuit tombe, pour éviter d’être seule face à sa télé, son écran d’ordi, celui de son iPhone ou ses questions métaphysiques, elle sort suffisamment selon les patrons de boîtes toujours ravis de l'accueillir, sa carte bleue et toi. Trop selon ses amis les plus sérieux. Et de manière absolument indécente selon sa foi envers qui elle épanche sa culpabilité à coups de jus dégueu et de cures détox. Elle ne s’amuse pas forcément, c’est juste qu'elle ne sais pas t’endormir. Et ce n’est pas nouveau. Elle a toujours fait beaucoup de cauchemars. Ce qu'elle n’a pas trouvé dans les bras de sa mère, elle fait semblant de le chercher chez des garçons mal rasés. C’est à se demander ce qu’on cherche. Si dormir c’est mourir un peu, il semblerait que Dahlia a d’ores et déjà gagné ton ticket pour l’éternité. Ses nuits ne sont pas forcément plus belles que ses jours. Elle tente juste d’épurer ses angoisses et tes doutes. De la catharsis bas de gamme entre volutes de fumée, poudre magique et vodka diluée. Elle connait la désolation sordide des boîtes de nuit, elle la portes dans son sourire figé. Et pourtant, ne sachant où aller, elle y va. Pas en quête de sens. Juste pour la forme. Quant au fond, à quoi bon ? La musique est de toute façon trop forte pour s’entendre, peu importe ce qu’on a à dire.