Une vague de chaleur complètement hors des normes saisonnières faisait présentement des miracles sur la fonte des neiges à Boston et, franchement, avait aussi le don de me redonner le sourire. Je n’avais rien contre l’hiver à proprement parler, mais je préférais largement la chaleur de l’été ainsi que toutes les possibilités qui venaient avec. Du coup, là, j’en profitais pendant que ça durait encore en allant faire un jogging à travers la ville et ce, en pleine nuit –horaires de travail obligent. Enfin, tard ou très tôt, c’est selon votre point de vue puisqu’il doit être près de quatre heures. Mes écouteurs sur les horaires et mon t-shirt trempé de sueur, je profite de la légère brise sur mon visage sans me soucier plus que nécessaire du chemin emprunté où de l’endroit où mes pieds me mèneront. C’est ça la liberté d’être un adulte j’imagine. À près de 30 ans, on pourrait croire que j’ai autre chose à faire que de courir à 4h du matin, mais non. Je jogge toujours à une vitesse constante, passant une main dans mes cheveux quand je remarque mon lacet défait. Je m’arrête abruptement sans vraiment réalisé que je suis pile au coin d’un immeuble et comprend trop tard que je ne suis pas le seul oiseau de nuit dehors à cette heure lorsque tu me percutes de plein fouet et m’envoie directement sur le cul. Je souffle d’un coup et cligne des yeux à quelques reprises, légèrement désorienté.

Ce n’est pas tous les jours que je suis levé à cette heure si matinale. D’habitude, je commence mon footing vers cinq heures, juste avant de me rendre au boulot ou encore d’aller à l’université. Allez savoir la raison pour laquelle je suis en train d’arpenter les rues de Boston à quatre heures du matin. Sans doute que je voulais être certain de profiter de la tranquillité des rues avant que le soleil ne se lève. Pouvoir être seul, avoir la tranquillité d’esprit et me laisser bercer par les paroles ou bien les mélodies qui résonnent dans mes oreilles. Écouteurs, bien coincés dans mes oreilles, je cours depuis déjà une bonne demi-heure sans savoir où je m’en vais réellement. Courir ainsi a toujours eu le don de bien me réveiller et profiter de ces rues désertes, c’est parfait. Sauf, que je ne m’attendais pas, qu’en tournant un coin de rue, faire un face-à-face avec une personne, qui tomba sur le derrière. « Oh mon Dieu ! Je suis désolé. Laissez-moi vous aider à vous relever ! » Je te tends la main, au même moment où je me rends compte qu’il s’agit de toi. Une fois, debout, je lève un peu la tête pour te regarder plus aisément et te souris. « Quelles sont les chances que je tombe sur toi la seule journée où je décide d’aller courir plus tôt. » Ça mon Sevan, ça s’appelle le Destin. Je rigole tout doucement à ma connerie. « Je ne t’ai pas fait mal, j’espère. » Demande finalement légèrement mal à l’aise.

« Oh mon Dieu ! Je suis désolé. Laissez-moi vous aider à vous relever ! » C’est ta voix que je reconnais en premier, encore légèrement surpris plus que sonner par ma chute depuis ma position accroupie. J’esquisse un sourire et éclate finalement de rire en acceptant la main que tu me tends en me vouvoyant. « Pas la peine de me parler si formellement ‘Van, j’suis pas encore un papy. » Je passe rapidement les mains sur mes vêtements pour les replacer et en enlever les saletés sans grand succès et t’offre mon éternel sourire Colgate en retirant mes écouteurs. « Quelles sont les chances que je tombe sur toi la seule journée où je décide d’aller courir plus tôt. » J’hausse les épaules en passant une main dans mes cheveux et en la laissant glisser sur ma nuque. « Le destin j’imagine! » Tu ris un peu et je te le rends bien, ce son contagieux à mes oreilles depuis que je te connais. « Je ne t’ai pas fait mal, j’espère. » Je secoue lentement la tête. « Pas du tout. Mais si tu veux vérifier que j’ai aucun bleu, fait toi plaisir… » Je te regarde d’un air entendu en tentant de garder mon sérieux, mais rigole malgré moi pour ne pas trop alourdir l’ambiance.

Je te regarde, essayant de voir si j’ai pu te faire mal d’une quelconque façon et je suis heureux de voir que tu n’as rien. Je souffle un bon coup, soulagé, mais ce moment de sérénité ne dure pas longtemps puisque ta phrase me fait presque glacer le sang. « Non... C’est bon, je te crois ! » J’esquisse un sourire, alors que de ton côté, tu commences à rigoler doucement. C’est ma façon de réagir qui te faire rire de la sorte ou bien la connerie que tu as pu dire ? Peu importe, tout ce que je sais, c’est que tu plaisantais. Comme si un hétéro pur et dur se laisserait toucher par un autre mec. Surtout un mec qui aime les hommes… T’es supposé le savoir ça, pourtant. « Mais si tu insistes... » Et ce rictus s’élargit pour laisser place à un sourire. Autant ne pas jouer le coincé, ce n’est pas comme si tu étais un inconnu pour moi. « Mais attention ! On sait jamais ce qui peu arriver. » J’attrape finalement ma bouteille d’eau et en prends une gorgée, essuyant par la même occasion mon front rempli de sueur.

« Non... C’est bon, je te crois ! » Tu sembles surpris, j’irais même jusqu’à dire que tu sembles carrément prit au dépourvu. Moi, ça ne me fait que sourire d’avantage parce que j’aime bien ces petits malaises qui ne font de mal à personne. Puis, il y a tout de même une part de vérité dans ma suggestion. « Mais si tu insistes... » J’hausse un sourcil, cette fois c’est moi qui suis surprit, mais dans le bon sens. Ton léger rictus devient un sourire franc que je te rends toujours, à croire que je ne peux pas faire autrement que de sourire face à toi. « Eh bah… » Je n’insiste pas puisque je ne forcerais jamais qui que ce soit à faire quelque chose qu’il ou elle ne veut pas… Mais je mentirais si je disais que ça ne me plairait pas. « Mais attention ! On sait jamais ce qui peut arriver. » Je ris à nouveau en secouant la tête. « T’es plein de surprise toi! » J’hoche la tête, plus pour moi que pour toi, mon esprit déjà loin. « Tu veux qu’on coure ensemble un peu? Tu peux passer chez moi si t’as rien de prévu.. »

J’aime ça te voir sourire, pas nécessairement toi, mais j’aime voir les gens sourire. Ça me met de bonne humeur et me rend à l’aise, instantanément. De toute façon, cela a toujours été le cas avec toi, tu as toujours été en mesure de me rendre la vie plus facile. Lorsque mon frère m’ignorait, toi, tu étais là et je t’en remercierai jamais assez pour ça. « Plein de surprise ? Pourquoi tu dis ça ? » Suis-je un peu naïf ? Peut-être, mais je ne comprends pas ce que tu veux dire par là et lorsque tu me proposes de t’accompagner dans ta course ou même d’aller chez toi, je me racle la gorge, avant de regarder l’oeil sur ma montre. Seulement un peu dépassé quatre heures, ça va. « Pourquoi pas ? » Dis-je, haussant les épaules. « Je commence les cours qu’à dix heures aujourd’hui et j’ai pratiquement terminé mon footing. » Pourquoi est-ce que je raterais une occasion d’être en ta présence ? Certes, c’est légèrement bizarre, puisque nous n’avons jamais vraiment été seuls sans la présence de mon frère, sauf que bon, je te connais bien, après tout. La seule chose qui pourrait me faire reculer est ce que mon frère pourrait en penser. Je ne voudrais pas qu’il s’imagine des trucs, non plus. Ce n’est pas parce qu’il a bien pris le fait que je sois bisexuel qu’il aimerait qu’il se passe quelque chose entre son meilleur ami et son frangin… En fait, je ne sais pas du tout comment il réagirait à ça.  « As-tu encore Arthur ? » Je l'adore ton chien, à chaque fois qu'il me voit, il est fou de joie.

« Plein de surprise ? Pourquoi tu dis ça ? » Je me mordille la lèvre inférieure. « Parce que tu me surprends, c’est tout. » Agréablement cela dit. Je te souris d’un air mystérieux et propose finalement qu’on termine notre footing ensemble et qu’ensuite tu viennes faire un tour chez moi. « Pourquoi pas ? » Tu hausses les épaules l’air nonchalant et moi je souris, satisfait. « Je commence les cours qu’à dix heures aujourd’hui et j’ai pratiquement terminé mon footing. » Je regarde rapidement l’heure sur ma montre et reporte mon attention sur toi. « Eh bien moi, je sors du boulot alors après ça, j’irai paisiblement dormir pendant que toi tu seras en cours! » Je ris un peu et commence sans plus attendre à jogger en direction de mon appartement. « As-tu encore Arthur ? » Je tourne la tête vers toi, un large sourire sur les lèvres. Tu vois Sevan, c’est ce genre de commentaires qui font de toi un mec plein de surprise. « Ouais, sauf qu’il est probablement bien plus gros que la dernière fois que tu l’as vu. » C’est vrai, c’était encore un gros bébé quand tu l’as vu, non? Maintenant c’est encore un gros bébé, mais de taille adulte voilà tout. M’adaptant à ton rythme de course, je nous guide à travers les buildings à la fois nouveau et ancien de Boston, ce charme propre à la Nouvelle-Angleterre qui m’a toujours charmé et qui m’a donné envie de venir m’installer dans le coin dès mon plus jeune âge. « Alors… ça va les cours? T’aimes toujours c’que tu fais? »

Je t'envie tellement si tu savais... Pouvoir dormi bien confortablement installé sous ta couette pendant que je serai en train d'écouter parler un prof barbant. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour aller continuer ma nuit. J'adore ce que je fais, j'adore mon cursus-là n'est pas le problème, mais disons qu'il y a des jours où cela nous tente moins que d'autre. Et ma nuit a été très courte. Disons que je n'ai pas réellement envie ou bien l'énergie d'y participer. Pas aujourd'hui. Bizarre lorsqu'on sait que j'ai fait un footing de plus de 30 minutes, non ? Je te rejoins dans ton rire, m'interrogeant sur ton chien et le sourire que tu me lances par la suite, a le don de me faire avaler ma salive de travers. Reviens à toi Sevan, ce mec est hétéro, mais bordel qu'il a un sourire à faire revenir un mort à la vie. « Ah bon ? J'ai bien hâte de le voir. Je sais pas s'il va me reconnaître... » J'adore ce chien, presque autant que le maître, mais ça, c'est une toute autre histoire. On court doucement d'une façon soutenu pour ensuite augmenter un peu la cadence, on se met à arpenter les rues, alors que tu te renseignes à ton tour sur mon mode de vie. « J'adore mon cursus, la médecine du sport, c'est exaltant... Mais aujourd'hui, j'me foulerais bien une cheville juste pour ne pas y aller... » Je te regarde, le sourire en coin, une idée me traversant la tête. Tout en continuant la course, je finis par te demander : « Si j'te trouver une grosse roche, tu me la lances dessus ? J'pourrai rester à tes côtés, aujourd’hui ! » Ah la la, pourquoi j'ai dit ça ? C'est là qu'il va se dire une nouvelle fois que je suis plein de surprise, alors je renchéris... « Bah quoi ? Il me faut une raison pour dormir, non ? J'pas capable de mentir, je n'ai jamais été capable. » Et tu le sais très bien.

Tu me demandes si j’ai toujours mon chien et j’ai envie de te demander si tu as toujours ta tête. Bien sûr que j’ai toujours Arthur, la seule personne qui daigne rester dans ma vie –enfin, personne… vous avez compris- j’vais certainement pas l’en éjecter si facilement! C’est comme mon enfant ce chien. « Ah bon ? J'ai bien hâte de le voir. Je sais pas s'il va me reconnaître... » Je souris pour moi-même. « Bien sûr qu’il te reconnaitra! Il n’oublie jamais un visage, certainement pas le tient. » Est-ce que je parle vraiment de mon canidé ou bien de moi-même? C’est difficile à dire… Mais est-ce que ça a vraiment de l’importance au fond? Je te demande plutôt comment vont les cours, ta vie, si tu aimes toujours ce que tu fais. « J'adore mon cursus, la médecine du sport, c'est exaltant... Mais aujourd'hui, j'me foulerais bien une cheville juste pour ne pas y aller... » Je ris doucement en hochant la tête. J’admire les gens qui ont le courage d’aller à l’école, la patience aussi. « Personnellement, je n’aurais pas tenu un jour de plus en cours alors t’as toute mon admiration! » Je continus de courir en te jetant des petits coups d’œil de temps à autre. « Si j'te trouver une grosse roche, tu me la lances dessus ? J'pourrai rester à tes côtés, aujourd’hui ! » Je ralenti et te regarde bien en face cette fois, un sourcil arqué et un sourire perplexe sur les lèvres. « Bah quoi ? Il me faut une raison pour dormir, non ? J'pas capable de mentir, je n'ai jamais été capable. » Cette fois je ne me prive pas d’éclater de rire pour la je-ne-sais-combientième fois. « J’vais tout de même pas t’assommer pour te dispenser de cours Bhansali! T’as qu’à pas y aller, personne va t’appeler pour savoir pourquoi t’étais pas là, c’est pas le lycée. » Puis, si tu veux des raisons de rester au lit, je peux t’en donner qui ne feront pas mal… Ou alors seulement dans le bon sens. Je détourne rapidement le regard en réalisant que mon regard trainait un peu trop sur ton corps en sueur et me racle la gorge. « On est presque arrivée, on fait la course? » Je n’attends pas pour partir comme une flèche vers mon immeuble à quelques mètres devant nous.

Je fronce les sourcils, lorsque tu me dis que ton chien n’allait certainement pas oublier mon visage… Comment ça, surtout le mien ? Qu’est-ce que j’ai de si merveilleux pour qu’un chiot me reconnaisse après un peu plus de six ans d’absence ? Je n’en fais pas un cas, puisque de toute façon, ce n’est pas réellement important. Même que j’apprécie beaucoup que tu me dises ça, en réalité. Et heureusement que tu changes rapidement de sujet de conversation, cela me fit penser à autre chose. Certes, j’aurais préféré parler d’autre chose que mes cours, mais ça me plaît que tu t’intéresses à ma vie. Tu n’as toujours pas changé, t’es toujours là à prendre des nouvelles de moi, à t’intéresser à ce que je fais. C’est pour ça que j’étais amoureux de toi, adolescent. Me donnant une gifle mentale pour ne pas penser à ça, surtout pas ça même, je te demande finalement de me fouler la cheville avec une roche, ce qui semble hilarant pour toi. « Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ? » Je te regarde en souriant, alors que tu me dis simplement de ne pas y aller. Bon… J’avoue que ma tactique pour rester avec toi était nulle, mais tu m’as toujours intimidé, ce n’est pas de ma faute si j’en perds un peu mes moyens. Et sans que je n’ai le temps de dire quoi que ce soit, tu te mets à courir, voulant faire la course jusqu’à chez-toi. En fait, je te regarde et au lieu d’accélérer, je ralentis le pas. Je me contente que de secouer la tête, tout en rigolant. Je suis troublé, parce que j’ai bien vu le regard que tu as jeté sur mon corps et je ne sais pas du tout comment interpréter ça. C’est assez troublé que je te rejoins enfin au bas de ton immeuble. « T’es certain que tu veux que j’monte ? Surtout, si tu viens de terminer, tu voudrais pas à la place dormir ? Et moi prendre une bonne douche !» Je désigne mon corps. Qu’est-ce que je suis en train de faire là ? J’ai une de ces envies de rester en ta compagnie et je suis en train de m’organiser pour tout faire foirer. « Oublie… Si t’étais pas certain, tu m’aurais pas invité... » Et sans attendre, je te dépasse, ouvre la porte et monte les escaliers jusqu’à ta porte… Mon Dieu aidez moi…