La française souleva la manche de son pull et regarda l’heure à travers le cadran de sa montre. Il était tout juste 19h30. Pluton, celui qu’elle espérait être un jeune homme de vingt quatre ans et non un vieux pervers de cinquante piges ne devait pas tarder. Cela allait faire la seconde fois que Louison rencontrait une personne grâce à Tinder. Elle n’avait pas conclu avec le premier, et avec le second, elle ne s’était pas non plus imaginé arriver à un tel stade. Louison n’était pas une séductrice, et à l’heure actuelle, elle n’était pas prête de le devenir.  Faisant tournoyer les clés de sa caisse à son index, la blondinette n’voyait pas grand chose à travers le casque de football américain qu’elle avait emprunté à un de ses amis. Quand elle avait dit à Pluton qu’il ne la manquerait pas, c’était justement à cause de cet accoutrement typiquement américain. Si l’étudiant avait vraisemblablement raté six fois son permis, autant qu’elle se protège non ? La jeune femme avait alors enfilé cette armure imposante en souriant toutes les cinq minutes comme une demeurée, fière de sa blague à deux balles. Plantée devant la Mather House, Louison guettait les environs avec attention, excitée à l’idée de rencontrer une nouvelle personne et de s’enrichir à son contact. De plus, Pluton semblait lui aussi à un carrefour dans sa vie, alors autant se serrer les coudes à un instant aussi critique pour l’un comme pour l’autre. Louison observait les quelques étudiants qui entraient au compte goutte dans la maison, et d’autres qui passaient juste devant, accrochés à leur téléphone. Puis, après cinq petites minutes à grelotter, elle aperçut enfin le brun qui approchait en sa direction. Oui, cela devait être lui, il correspondait bien à la photo qu’elle avait entrevue sur Tinder. Quand il passa devant elle, sans s’arrêter, la française sursauta et sortit tout à coup de son état de statue « Han, tu ne m’as même pas reconnu ! J'suis sûre tu as fait exprès ! T’as vraiment la tête dans les étoiles Pluton ! » s'exclama-t-elle en posant ses mains sur ses hanches. Et si cette imbécile se trompait ? Et si ce jeune homme qu'elle venait d'aborder n'était en rien Pluton Westerberg ?

De base, je n'étais pas un mec qui va baiser toutes les meufs qu'il croise, au contraire. Les choses se font naturellement.. mais là, j'avais mal, beaucoup trop mal. Je voulais simplement que cette douleur cesse. Alors il me fallait une distraction et des plus imposantes. Quand j'ai matché avec cette fille, Louison, le courant était assez rapidement passé. Humour tout aussi décalé que le mien, sûrement des idées pleins la tête pour faire en sorte de passer une bonne soirée... ouais, ça promettait. Alors je l'avais invitée à lui montrer les étoiles, hors de la ville et voilà que je me rendais à la Mather House histoire de la récupérer, prendre sa voiture - à ses risques et périls - et voir ce que ça allait donner. Aucune attente n'était de mise pour le coup, c'était vraiment au feeling et on verrait comment se passent les choses. En attendant, je me les caillais sévère avec les températures négatives. Était-elle sûre de vouloir me laisser conduire alors qu'il y a énormément de neige autour de nous ? Et alors que j'avançais vers la maison des verts, j'étais interpelé par une folle avec un casque de football américain, que je n'avais pas vraiment remarqué au premier abord - pensant réellement que c'était un joueur qui n'allait pas tarder à aller s'entrainer... oui oui, même tardivement. Me retournant, choqué d'entendre mon prénom, je me rendais compte que c'était elle, Louison. « Mais... qu'est-ce que tu fais dans cet accoutrement ? Ne me dis pas que tu me poses un lapin pour aller jouer au football ?! » C'était fort probable.. ou peut-être pas. Et finalement, je captais la référence. « Ah... attends, c'est pour te protéger dans la voiture ? » Elle avait bien raison pour le coup, vu l'état des routes... et ma capacité à conduire une voiture.

Louison avait réussi son coup. Il ne l’avait pas reconnu et cela suffisait pour la faire jubiler. Bloquée dans son casque, elle éclata franchement de rire à la première question du jeune homme « J’ai un physique à aller sur un terrain de football ? Au premier choc, je m’envolerais dans le ciel comme la Team Rocket là. Alors non, je te pose pas de lapin, j'ai hâte de passer cette soirée avec toi » répliqua-t-elle avant qu’il ne capte enfin la raison de ce déguisement « Ouaaaais t’as trouvé ! » La française se rapprocha ensuite de lui et essaya de lui faire la bise avec son casque « Pas pratique d’être un Daft Punk putain » lança-t-elle en tirant sur son accessoire pour dévoiler sa crinière blonde complètement électrique. Heureusement, il faisait noir, elle avait le temps de mettre un coup de griffes dans ses cheveux pour arranger cette catastrophe « J’réessaie, on s’fait la bise ou on se sert la main ? » demanda-t-elle en riant toujours aussi fort, au risque de se faire remarquer, en fait c’était peut être voulu « J’fais beaucoup de bruit pour qu’on remarque que tu es à mes côtés… si jamais je venais à disparaître ce soir, y aura peut être des témoins t’vois » confia-t-elle avec humour. Elle espérait néanmoins que cela ne finirait pas pour elle de cette façon. Louison enroula ensuite son casque à sa main et profita de la lumière pâle offerte par un lampadaire pour mieux discerner le faciès du suédois. Pluton était plaisant à voir, un beau spécimen venu d’une contrée qui l’intriguait « Bon alors l’viking, on bouffe quoi ce soir ? » l'interrogea-t-elle en remuant sur place. Louison était particulièrement à l’aise avec Pluton. C'était inexplicable, le courant était déjà bien passé sur Tinder, ils étaient tous les deux délirants. Ah oui, la folie, ça c'était une gourmandise dont la Mather raffolait… Cependant, elle restait hyperactive et incapable de demeurer immobile.

Le truc que je n'avais pas prévu, c'était cette fichue St Valentin. Autant dire tout de suite, ça instaurait une espèce d'ambiance assez bizarre à ce rendez-vous... ou alors je me faisais des films. Je me foutais certainement la pression tout seul, sous prétexte que je n'étais pas avec Camila alors que merde, c'est elle qui m'a largué. Elle m'a largué sans pression et ça me foutait les nerfs de la voir se pavaner sur les infos aux bras de son nouveau fiancé. Alors ouais, je me concentrais sur cette Louison, visiblement ma Valentine de la soirée. « Il faut de tout pour faire une équipe, même un souffre-douleur » que je disais pour plaisanter sur son physique, qui était digne d'un athlétique. Mais de toute évidence, c'était pour se protéger de moi, ou de ma conduite, tout dépend de quel point de vue on se place. Se rapprochant de moi, le casque sur la tête, elle semblait être en galère et je me mettais à rire avant qu'elle ne finisse par le retirer entièrement. « On peut se faire la bise, j'ai pas la lèpre. Tu l'as pas toi j'espère ? » Non mais autant demander, si jamais je pouvais éviter une maladie de peau aussi dégueulasse que mortelle, c'était préférable. « T'en fais pas, je comprends. En tout cas, ça m'aide aussi dans le cas où tu serais une psychopathe avec le plan machiavélique de me couper en rondelles à l'extérieur de la ville. Je dis ça, je dis rien » Et puis, elle aurait aussi mon frère, ma soeur et tous mes proches au cul si jamais ça venait à arriver. Et ils étaient tous coriaces. « J'sais pas, tu veux manger un truc en particulier ? Un truc chaud de préférence, parce qu'on se les caille pas mal quand même » L'hiver rude ? Du tout. En tout cas, ça me faisait bien marrer de la voir bouger comme ça, alors je me retenais pas d'ajouter « J'risque de te prendre dans mes bras pour éviter que tu sois en mode vibreur toute la soirée, tu l'sais ça ? »

« La lèpre ? Aheum, non. Pas que je sache. » Louison qui avait ôté son casque embrassa alors les joues du brun et se recula promptement « Par contre j’ai plein d’herpès » plaisanta-t-elle en lui envoyant un clin d’oeil complice « C’est cadeau, me remercie pas » Louison expliqua ensuite au suédois la raison du volume sonore qu’elle utilisait et s’esclaffa face à la répartie de Pluton. Putain, ce mec lui faisait penser à elle, mais sûrement avec un machin de trop entre les jambes. « Merde, j’suis grillée. Je pourrais pas mener à bien mon projet ce soir. T’étais la proie parfaite…Comment je vais survivre sans pouvoir combler mes pulsions ? » répliqua-t-elle en mordillant sa lèvre inférieure, faussement perturbée. Louison proposa ensuite de bouger afin qu’ils se remplissent l’estomac pour la nuit d’observation qui les attendait. « Un truc chaud, genre un hot dog quoi ? Je veux du graaaaas ! J’ai pas envie de prendre une table et décortiquer un homard à la con » avoua-t-elle avec son franc-parler qui lui collait à la peau depuis la maternelle. Louison qui tremblotait et tanguait dans tous les sens jusque là s’arrêta net quand Pluton le lui fit remarquer. Ses joues s’empourprèrent également. Elle ne l’avait pas vu venir celle-la, il était doué le Westerberg. « Je pensais à me mettre sur mode silencieux, mais ça me ressemble tellement pas ! Pis, maintenant que je sais que je pourrais me retrouver dans tes bras, je vais continuer à vibrer pour que tu cèdes » La française remua ses sourcils d’une manière perverse et jeta les clés au brun « En voiture Simone ! Y a un food truck à quelques rues d’ici, on pourrait prendre à emporter et bouffer dans la forêt non ? Sur le toit de ma bagnole… Tu me feras la courte-échelle !» proposa-t-elle en emboitant le pas pour rejoindre le parking où était garée sa caisse. Son 4x4 Porsche dormait paisiblement sous un lampadaire. Elle le pointa du doigt pour le montrer à Pluton et sautilla jusqu’à la bagnole pour se réchauffer « J’sais même pas pourquoi je te file le volant, je suis dingue ! Six fois quoi, t’as foiré six fois ton permis ! » Louison attendit que le suédois déverrouille le véhicule pour s’y faufiler. Une fois enfermée dans l'habitacle, la Mather frotta ses mains entre elles et mit sa ceinture « Bon, ça va bien se passer, j’serais ton co-pilote ok ? » prononça-t-elle calmement en osant poser sa paluche sur la cuisse du jeune homme. Était-ce un geste innocent ? Peut être bien, peut être pas.  

Je me mettais à rire, va savoir pourquoi. La légèreté comme elle pouvait émettre du haut de son corps, c'était pile ce qu'il me fallait. Alors ouais, pas la lèpre mais de l'herpès, je n'étais pas contre. Et puis, surtout si c'était une contagion à base d'humour comme ça. « Comble d'autres pulsions ? » Une idée comme une autre. Sans vraiment savoir ce qu'elle avait dans la tête non plus. C'était étrange comme propos mais c'était pas grave, c'était agréable de parler sans penser à autre chose que se changer l'esprit. « Va pour du hot-dog mais vu la faim de loup que j'ai, je propose qu'on fasse un gros stock... genre dix hot dogs chacun, histoire de tenir tout le long de la soirée » Parce que j'étais pas forcément un gros mangeur mais ça m'arrivait d'avoir des phases comme ça où je mangeais tout ce qui me passait sous la main. Et bizarrement, ces phases coïncidaient avec mes peines de coeur. Bizarre non ? « Ah parce que maintenant ton but c'est de finir dans tes bras... faut savoir. Tu veux me tuer ou me pécho ? » que je finissais par demander, en toute subtilité. Oui non, il n'y en avait clairement aucune mais qu'importe, je n'avais rien à perdre de toute façon. Une fois les clés en main, je prenais place sur le siège conducteur, bien que je n'étais pas forcément à l'aise de conduire, surtout par un temps si enneigé. Mais elle l'avait cherchée et si elle voulait mourir ce soir, ainsi soit-il. Faudra juste que je fasse attention de ne pas me blesser dans la manoeuvre. « On peut faire ça. T'as prévu un plaid ou un truc pour tenir chaud ? Autre que mes bras, évidemment » Non mais parce que la nuit tombait et il faisait de plus en plus froid. « On ne se moque pas des pas doués, ok ? J'te permets pas » Et je tirais la langue en guise de belle réponse pas constructive du tout. « Par contre, ta main me dérange pas hein... mais elle va m'empêcher de me concentrer pour pas avoir d'accident. Mais en contre-partie, je peux toujours mettre la mienne sur tes boobs » Même si c'est pas du tout pratique pour conduire. Enfin, ça va que ça reste une voiture automatique. J'ai appris à conduire avec une manuelle, est-ce qu'elle se rendait compte d'à quel point c'était dur ? Contact lancé, on se mettait en route vers le food truck en question, non sans glisser sur une plaque de verglas. Mais on était arrivé à bonne destination et c'était sûrement un miracle.

 « Je n’ai que deux types de pulsions en moi, des pulsions de mort et de vie. Les pulsions de vie, ça se résume par d’la baise intense » répondit-elle avec assurance. Louison proposa par la suite d’aller se ravitailler en hot dog sur la route. Elle n’avait pas forcément faim, mais elle se forçait de plus en plus à retrouver l’appétit pour ne pas sombrer dans l’anorexie, une de ses failles « Dix ? Tu vois les choses en grand toi, on n'est pas constitué pour avaler tant de calories Pluton ! Regarde nous… » Puis, la blondinette extrêmement fragile au froid avait été prise en flagrant délit de grelottement et avait sous-entendu quelque chose qui l’intriguait elle même « Je préfère te pécho, je te le dis franchement. C’est moins compliqué que d'faire disparaître un corps » avoua-t-elle fièrement avant de le guider jusqu’à sa bagnole pour se mettre en route vers leur aventure. « J’ai tout prévu petit inquiet, même une pelle au cas ou je n’étais pas ta came et que tu me repousserais ! » blagua-t-elle avant de le charrier sur ses compétences de conducteur. « Okay okay, j’arrête de me moquer où on va mal finir » dit-elle en réprimant un rire nerveux. Louison avait simultanément posé sa main sur sa cuisse et ne s’était pas attendue à ce qu’il relève son geste semi-innocent « Euh, je te donnerais accès à mes seins un petit peu plus tard si tu veux bien, on va se concentrer sur la route et je vais reprendre ma main crapuleuse » dit-elle en mordillant sa lèvre, légèrement enivrée en songeant à un tel rapprochement entre eux. Pluton était plaisant à voir, à écouter, et en plus de cela, il avait l’air aussi paumé qu’elle. Tous les ingrédients étaient vraisemblablement réunis pour qu’ils disjonctent ensemble. La française tempéra néanmoins cette « pulsion » qui grimpait en elle et qui la guidait à lui sauter dessus. Elle le laissa par conséquent démarrer et se mangea très vite le front contre la fenêtre après un dérapage sur une plaque de verglas. Plus de peur que de mal. Pluton l’avait de toute façon prévenu, c’était un vrai danger ! Arrivée non loin du food-truck, la Mater détacha sa ceinture « Je vais nous chercher tout ça, laisse le moteur tourner, il fait trop froid ! » lança-t-elle en s’extirpant à l’extérieur pour aller chercher leur pile d’hot dog. Quelques minutes plus tard à poireauter devant le camion, Louison avait regagné l’habitacle de la voiture avec ses sachets qui sentaient drôlement bon le pain chaud « Il va me falloir plus que tes bras et ces saucisses pour me réchauffer » insinua-t-elle en sourcillant perversement « Allez, fonce ! Faut qu’on trouve un bon coin le plus rapidement possible avant que nos sandwichs refroidissent totalement ! Et au fait, t’as pas apporté un télescope ou un truc du genre ? On va se faire les étoiles à l’oeil nu ??? » l’interrogea-t-elle tandis que le brun reprenait la route pour probablement la conduire dans un bois terrifiant. « Tu m’as arnaqué j’suis sûre, tu voulais juste m’voir en vrai hein ! T'es déçu ? »

« Je veux bien être ta victime dans ce cas-là » ne cachant alors aucunement mes envies qui pouvaient être réciproques. Il fallait bien avouer que c'était une belle fille et que j'étais aucunement repoussé par son physique, au contraire. Même si elle mangeait dix, cent, mille hot dogs, elle resterait agréable à regarder. « Bien sûr que si, c'est une question de volonté. Chiche ? » Après tout, c'était le mot magique ça "chiche". C'était ce qui poussait les gens à aller au delà de leurs limites. C'était bien ce qui m'avait poussé dans les bras de mon ex. « Au moins, les choses sont claires entre nous. Tu veux me pécho... je veux te pécho » Et un sourire en coin, je me mettais à entrer dans l'habitacle, qui allait, je l'espère, nous emmener sains et saufs à destination. Mais avec sa main sur ma cuisse, c'était loin d'être bien parti puisque mon esprit divaguait sûrement un peu trop. « Ravi de le savoir » J'aurai droit à ses seins et c'était quelque chose qui me motivait, je l'avoue. Faut dire que depuis la rupture, je n'avais que très peu pratiqué ce que je faisais, sans abuser, tous les jours et à plusieurs reprises alors oui, un rapprochement entre elle et moi était désiré, dans cette situation. Et alors que je rêvassais à propos de tout ça, j'avais pas vu une plaque de verglas et forcément, un petit dérapage faisait qu'elle se cognait. « Désolé ! Merde.. t'as rien ? » Non mais parce que ça avait fait un bruit chelou alors j'espérais que notre rendez-vous ne finisse pas à l'hôpital malencontreusement. « Je bouge pas » que je disais alors qu'elle s'en allait pour chercher les hot dogs. Je pensais pas qu'elle m'écouterait vraiment, quand je la voyais revenir avec la grosse pile. Et je me mis à rire à ses paroles alors qu'elle se réinstallait. « My body is ready ! » Même si déjà, on devait se mettre à aller au spot que j'avais repéré des années auparavant et auquel j'adorais me rendre. Elle allait au moins connaître un de mes petits secrets. « Je te préviens, c'est qu'entre nous. C'est comme mon jardin secret. Pas besoin de télescope ou quoi, tu verras » Une fois de nouveau en route, je rigolais de nouveau à ses paroles. Elle était drôle, j'aimais ça. Nature, sans prise de tête, drôle. Elle avait clairement tout pour plaire. « Je suis percé à jour, tout ce que je veux, c'est t'attirer dans un coin et... argh non, trop glauque. Je vais vraiment te montrer les étoiles, désolé de te décevoir.. et je suis pas déçu de ce que je vois pour l'instant, au contraire » Un rapide coup d'oeil vers elle, sourire en coin avant de me concentrer de nouveau sur la route pour arriver en un morceau à destination. Un coin reculé, entouré d'arbres, mais qui était suffisamment découvert pour pas flipper. Et puis, loin de la ville pour ne pas avoir les bruits ou la lumière parasitaire. « Tu préfères regarder du toit de ta voiture ou qu'on reste là ? » Après tout, il faisait vraiment froid dehors et peut-être n'était-elle pas prête à assumer ces températures négatives.

Y avait-il du vrai dans ce que Pluton prétendait ? Elle l’intéressait vraiment ? Elle, la petite blonde qui parlait comme un camionneur ? Louison n’arrivait pas à y croire et chassa de ses pensées un hypothétique rapprochement entre eux. Prenant enfin la route, le brun démarra fort et dérapa sur une plaque de verglas. Résultat des courses, le véhicule venait de faire un ravissant tête-à-queue particulièrement inattendu. « Non ça va t’inquiiiiète j’espère que ça m’a permis de reconnecter le peu de neurones que j’ai ! » confia-t-elle en éclatant de rire, le front en compote. Passant ensuite à la case hot-dog, Louison en ramena un gros stock comme le lui avait indiqué Pluton quelques minutes plus tôt. Puis, les deux jeunes gens avaient pris la route pour rejoindre un spot secret déniché par le suédois. « Wouah, je suis trop honorée de découvrir ton jardin intime Pluton Westerberg » lança-t-elle en portant sa main sur son coeur. « Bonne réponse, t’allais perdre tes couilles sinon, alors c’est parti, enfonçons nous dans la forêt noire hm » Tout au long du trajet, Louison lorgna les sandwichs dans leur sachet et ne put s’empêcher d’en croquer un bout pendant que Pluton se concentrait sur la route. Ce type la faisait revivre sans qu’il ne s’en aperçoive, putain, elle avait faim, miracle quoi ! Puis, après plusieurs kilomètres de parcourus, ils étaient finalement arrivés dans une clairière paisible, loin du brouhaha de Boston. D'ailleurs, les oreilles de Louison sifflaient tout à coup, probablement par le contraste de volume sonore entre ici et la ville « On va rester là, pour l’instant, on verra par la suite… » La française déposa la bouffe sur le tableau de bord et se pencha en avant pour apercevoir le ciel étoilé. Son regard noisette se noyant dans la voûte scintillante au dessus d’eux, Louison sentit tout à coup son coeur se serrer dans sa poitrine. Ce spectacle de la nature la rendait si minuscule et lui renvoyait sa fragilité du moment en pleine gueule. Une larme roula soudainement le long de sa joue et s’échoua à la commissure de ses lèvres. Si la Mather avait beaucoup parlé, c’était surtout pour camoufler son profond mal être actuel. « C’est magnifique… totalement magnifique… » prononça-t-elle faiblement en essuyant ses larmes qui dévalaient lentement sur son visage pâle. « Ma vie est tellement naze ces temps-ci, mais quand je regarde ça, je me sens si… libre. Excuse moi de chialer et de ruiner l’ambiance. J’encaisse depuis un moment, ça sort tout seul… » Louison ouvrit par la suite la boite à gant et attrapa un mouchoir pour tapoter ses paupières inférieures. « Séquence émotion on dirait » dit-elle en pouffant de rire nerveusement.  

Tout ce qu'il fallait retenir, c'était que je n'étais pas doué pour la conduite de voiture, mais qu'on m'obligeait à prendre le volant. C'était aux risques et périls de la jeune femme et elle le savait pertinemment. Peut-être aurais-je du lui faire signer une décharge, histoire de ne pas avoir de problèmes par la suite. Non, je sentais qu'elle était honnête et puis une fille vraie, ça faisait du bien. Seulement, les quelques premières dizaines de mètres effectuées, et me voilà à glisser sur une plaque de verglas. Autant dire que je n'étais pas doué. « Je suis certain que tu as beaucoup plus de neurones que tu ne prétends » Mais soit. On s'arrêtait au food truck et je la laissais gérer la pile énorme de hot dogs qu'elle ramenait dans l'habitacle, nous enivrant de ce doux parfum de saucisse fumée. Le reste du trajet était assez calme puisque je devais me concentrer sur la route, histoire de ne pas avoir de nouveau un accident malencontreux qui pouvait s'avérer bien pire. Alors ouais, concentré, je ne faisais gaffe à pas grand chose, si ce n'est que j'apercevais du mouvement à côté de moi, sans trop savoir ce qu'elle faisait. Puis finalement, bien éloignés de la ville, on se retrouvait non loin d'une forêt, sur une petite colline nous laissant apercevoir au loin Boston et Cambridge, collées l'une à l'autre. Mais surtout, on avait la plus belle vue du ciel. J'acceptais sa proposition de rester au chaud pour l'instant, attrapant un hot dog de la pile qu'elle venait de poser sur le tableau de bord. Et alors que j'entamais mon festin, je me rendais compte qu'elle se mettait à pleurer. Haussant un sourcil, je ne comprenais pas trop ce revirement de situation mais il comprenait mieux quand elle s'expliquait. « T'en fais pas... t'es dans ta voiture, tu fais ce que tu veux, si ça te permet d'aller mieux. Aucun jugement » Et je reprenais la dégustation de mon hot dog alors qu'elle se remettait de ses émotions. Serviette en main, je m'essuyais les doigts une fois le premier encas terminé pour me tourner vers elle, glissant ma main à l'arrière de son crâne pour tenter de la réconforter par des gestes doux et rassurants. « On a tous ce moment de prise de conscience.. celui où on se dit qu'on est rien, on est un microscopique point de l'univers, une poussière dans cette grandeur qui nous entoure. Même là, rien que d'y penser, j'en ai le tournis. Alors t'en fais pas.. c'est normal, c'est... c'est souvent l'effet que font les étoiles » Je haussais les épaules avant de rire légèrement puis je laissais ma main descendre légèrement plus dans son dos, toujours avec des mouvements réconfortants.