Samedi 10février ;; milieu d’après-midi
Le Maître Chanteur, enfin les Maîtres Chanteurs avaient enfin été retrouvé. Jamais un instant je n’avais pu imaginer que c’était l’œuvre de certains étudiants d’une autre université. Comment pouvait-on agir de la sorte. Mais le principal, c’était que tout ça était derrière nous. J’essayais de me faire une raison, mais voilà, j’avais tout de même pris des cours de self-défense. Je ne pouvais pas le cacher, je continuais d’avoir peur tout de même. J’avais enfin remis les pieds dans ma colocation, j’avais retrouvé James et Bulle qui m’avaient manqué.
Mais voilà, je voulais faire des efforts, pour moi, mais aussi pour Brent. Pendant un long moment, il m’avait protégé et supportait mes angoisses. Il méritait mieux que cela, lui qui était plein de vie, de bonnes humeurs et de bonnes ondes.
Mes révisions étaient finies, et c’était dans les mêmes heures où Brent terminait le boulot au garage. Je voulais lui faire une surprise en allant le chercher, et même s’il faisait encore froid, bien couverte, je me voyais bien aller nous balader ou prendre un verre quelque part. C’était ça aussi la magie avec Brent, rien n’était prévu d’avance quand on se voyait. Au feeling et à l’instinct.

J’arrivais devant le garage. J’entendais les bruits de clés, ou de je ne savais quels outils. Je devais avouer que moi et la mécanique ça faisait dix. J’avais déjà appris des petits trucs sur le basket, chaque chose en son temps. Je jetais un coup, pas de petit copain à l’horizon. « Il y a quelqu’un ? » Question idiote, mais qui ne l’avait jamais posée. C’était à ce moment-là que j’entendais un bruit de capot qui claquait, un sourire aux lèvres en imaginant que c’était Brent. Sauf que c’était une grande brune qui se montrait. Une conversation par message, après des questions sur le formspring me revenait en tête. Brent travaillait avec son ex petite-amie. Le malaise me gagnait, et encore plus quand elle s’adressa à moi. « Je… Je cherche Brent... Il est là ? » Il m’avait dit qu’il travaillait rarement avec elle. J’allais tourner les talons pour repartir, et attendre plus loin. Sauf que j’avais aussi une grande curiosité, parfois mal placé. Dos à elle, je prenais une grande inspiration pour reprendre un peu plus confiance en moi. Je me retournais vers elle. « Tu es Malicia c’est ça ? » Je prenais le temps de la regarder. Non pas méchamment bien au contraire. Mais je réalisais assez vite que physiquement parlant, on n’avait rien en commun. J’étais blonde, elle était brune ; j’étais petite, elle était grande ; elle semblait pleine d’assurance, pas moi. Etait-ce cette différence qui plaisait tant à mon petit ami ? Il semblait bien avec moi tout comme je l’étais avec lui, mais je ne comprenais pas vraiment comme il avait pu craquer sur elle comme sur moi avec ces écarts.

Samedi 10février ;; milieu d’après-midi
Apparemment Brent n’était pas là non. Et merde… son match de basket, un concours pour des places ou un truc du genre, il m’en avait parlé en plus. Cela avait été mis à la dernière minute, et autant j’avais une bonne mémoire pour les cours, autant parfois elle me faisait défaut. Puis pour ma défense, ses entrainements pouvaient être assez décalés ou rajoutés par le coach. J’allais partir sans rien dire de plus, mais ma curiosité était trop grande, j’étais obligée de savoir s’il s’agissait bien d’elle, de son ex-copine dont j’avais appris l’existence via le formspring. Je lui avais posé la question, et elle répondait par l’affirmatif. Je sentais une boule se faire dans mon ventre. Dans le fond, j’aurais préféré avoir tort, je sentais une jalousie se faire au fond de moi. Une chose que je ne connaissais pas encore, une chose dont je ne savais pas dont j’étais capable.
Je l’observais, je ne la jugeais pas, juste de l’observation. Et je n’étais pas sûr de savoir quoi en penser. Je ne connaissais rien de leur histoire, Brent m’avait juste dit qu’il travaillait ensemble, et qu’il ne ressentait plus rien pour elle. Mais étrangement, je ne savais pas pourquoi, mais j’avais l’impression qu’elle pouvait encore représenter un danger pour moi, ou pour notre couple. Car oui, c’était de ça dont il s’agissait : de mon couple et de mon bonheur avec Brent. Elle me demandait alors pourquoi je lui avais posé la question. Je ne savais pas trop quoi répondre, mais je répondais tout de même sincèrement. « Pour mettre un visage sur ton prénom. » Car oui, avec Brent on avait parlé d’elle, même si cela n’avait pas duré longtemps. Mais il fallait bien se douter qu’à un moment où un autre, on finirait par se croiser elle et moi.
Normalement, ma curiosité aurait dû être satisfaite, je ne partais pas pour autant. Cette part de jalousie ne cessait pas. « Tu travailles ici pour être proche de lui ? » Un peu trop direct comme question, mais il me semblait que dans tous les cas, nous ne serions jamais amies elle et moi. J’avais peur de la réponse, j’étais cependant prête à tout pour me protéger, pour protéger Brent, pour nous protéger tout simplement.

Samedi 10février ;; milieu d’après-midi
Jusqu’à maintenant, je n’avais jamais été une jeune femme méchante ou violente. Bien au contraire, j’avais une tendance à être la douceur incarnée, et surtout très compréhensive. Mais j’admettais que la conversation tournait de façon à ce qu’elle révèle un nouveau trait de personnalité : la jalousie. Un peu trop idéaliste, je n’avais jamais imaginé être la meilleure amie de son ex, mais j’imaginais qu’il était possible peut être d’être au moins cordiale. Ce qui semblait ne pas du tout être le cas. Machinalement, je croisais les bras sous la poitrine, en position de défense. « Pourquoi je ferai ça ? » Je ne comprenais pas pourquoi elle m’agressait de cette façon, et j’alignais finalement mon ton de voix au sien. Et son sourire n’aidait en rien. Là oui, j’avais envie de lui mettre mes deux mains autour de son cou. Je devenais folle de penser un truc pareil. Je l’écoutais me dire que cela c’était fait par hasard. Je n’étais pas sûr d’y croire. Il existait assez de garage dans le coin pour qu’elle puisse en trouver un autre que cela. Je levais les yeux au ciel sans même me cacher, à ses explications.
Mais ses yeux que je levais au ciel, devenait des yeux ronds d’étonnement, et je devenais rouge de colère d’entendre un truc pareil. « Jamais ! » lâchais-je le plus sèchement du monde. Pour qui elle se prenait à me sortir un truc pareil. Même si on était qu’au début de notre histoire avec Brent, je ne l’imaginais pas repartir avec son ex un seul instant. L’avantage, c’était qu’elle semblait en être consciente puisqu’elle se considérait comme une erreur elle-même. « Je le sais, j’ai confiance en lui. » Car même si moi, je n’avais pas confiance en moi, j’avais une confiance aveugle en Brent. « Que vous bossiez ensemble, ou du moins, il m’a dit que vous vous croisiez à peine donc je m’en fou… » Même moi je me trouvais encore plus froide qu’un vrai cœur de glace en parlant. « … Mais ne tente pas de profiter de ce boulot pour te rapprocher de lui. » Je me montrais menaçante à son égard, même si j’étais incapable de faire le moindre mal. Mais je n’hésiterais pas à revenir un seul instant au garage pour venir lui faire face si elle tentait quoi que ce soit. J’aimais Brent, sincèrement, même si je n’avais pas encore le courage de le lui dire clairement, je ne souhaitais le partager pour rien au monde.

Samedi 10février ;; milieu d’après-midi
Une menace ? Peut-être oui, mais sortie de sa bouche, cela me faisait réaliser que j’agissais assez mal avec Malicia. Certes, elle ne serait pas une amie, c’était plus que mal partie, mais je n’avais pas non plus à agir comme ça contre elle. Mais en même temps, elle me poussait à l’être. J’avais énormément de mal à gérer toutes les émotions qui se passaient dans ma tête. Aussi bien la culpabilité de lui parler de cette façon que la jalousie qui en sortait de son comportement.
Dans le fond, je pensais que Malicia ne devait pas penser un seul instant que je me sentais bien plus menacer par elle, que moi je ne pouvais le faire. Ils avaient une longue histoire, et je savais très bien que si Malicia s’y prenait bien, peut-être que… Je secouais légèrement la tête à cette idée, Brent ne ferait pas ça, et je devais être sûr de lui, j’avais confiance en lui. Il ne fallait pas que cette conversation vienne entacher cela. « Tu ne peux pas juger deux mois d’histoire, tu ne sais pas comment ce qui s’est passé dernièrement. » Et avec les histoires du Maître Chanteur, il s’était bien plus passé en deux mois qu’en un an à Harvard, et du coup, dans notre couple aussi qui s’était soudé encore plus vite.
Je prenais un temps de pause, tout cela ne rimé à rien de se prendre la tête comme ça. Elle ne m’aimait pas, et je ne l’aimerais pas, cela était comme ça point. Je m’apprêtais à partir, mais avant je tenais à lui dire un dernier mot. « Je n’ai rien contre toi, je ne connais par votre histoire, et je ne m’y intéresserais pas. J’avoue que je n’apprécie pas l’idée que vous soyez amis avec Brent, mais c’est sa décision, je respecte. On ne s’aimera pas, ça c’est sûr. Et tant que tu ne t’en prendras pas à notre histoire, tout ira bien. » Concluais-je. Je ne reviendrais pas vers elle, du moins pas si j’y suis obligée. Je prenais enfin la direction de la sortie du garage. Quitte à ne pas avoir réussi ma surprise ici, j’espérais le croiser Brent à son entraînement de basket. Direction le gymnase.